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Séance en hémicycle du 20 janvier 2009 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Yves Cochet et plusieurs de ses collègues tendant à réduire l'empreinte écologique de la France (nos 1369, 1382).

La parole est à M. Yves Cochet, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Monsieur le ministre d'État, monsieur le président, chers collègues, vous vous souvenez sans doute qu'en 2007, après l'élection d'un nouveau président de la République, avait été lancée une grande consultation des forces vives de la nation – syndicats ouvriers et patronaux, associations, collectivités territoriales et État –, appelée le Grenelle de l'environnement.

S'ensuivirent des tables rondes qui donnèrent lieu, le 25 octobre 2007, à un compte rendu et à un discours du Président de la République qui, en substance, annonçait : toutes les décisions publiques feront l'objet d'arbitrages prenant en considération leur coût pour l'environnement. Bonnes paroles !

À cheval sur la fin de 2007 et sur 2008, une phase plus juridique devait aboutir à la loi « Grenelle 1 », examinée ici il y a de cela quelques mois et actuellement en navette au Sénat. Nous espérons bien la voir revenir devant nous d'ici peu, ainsi que la loi « Grenelle 2 ». Il serait en effet dommage que les circonstances plus difficiles que traverse la France ralentissent l'examen de ces deux textes dont nous attendons beaucoup, même si notre groupe s'est abstenu en première lecture. Continuer dans la voie de ces lois Grenelle est en effet une manière de rendre l'espoir à notre pays.

Puisque, selon le Président de la République, toutes les décisions publiques doivent prendre en compte leur coût pour l'environnement, nous avions, au moment de l'examen de la loi Grenelle, insisté sur la nécessité de disposer d'un instrument de mesure de ce coût. Quand on cherche à relancer l'économie, on se réfère au PIB, un instrument que nous critiquons car c'est non seulement un agrégat – comme d'ailleurs l'empreinte écologique dont je vais parler –, mais il mélange des biens et des maux. Tout ce qui crée de la valeur peut être mesuré par le PIB, ce qui donne l'impression que la croissance de ce dernier est un bien en soi. Or la croissance du PIB peut être source de maux économiques, sociaux et écologiques.

À la différence du PIB, l'empreinte écologique mesure la violence de l'impact de nos activités sur l'environnement. Réduire l'empreinte écologique de notre pays, c'est réduire cette violence. Car cet indicateur ne mesure que des maux : plus il baisse, mieux on se porte – les humains et leur santé, la France et la planète – !

Au moment de l'examen de la loi Grenelle, il n'était question que de développement durable. Par le biais d'amendements, nous avions donc proposé d'utiliser l'empreinte écologique pour mesurer si ce développement était bien durable. Nos propositions n'avaient pas été adoptées, mais tout le monde – vous-même, monsieur le ministre d'État, et M. le président de la commission ainsi que Mme Kosciusko-Morizet – reconnaissait l'intérêt de l'idée, tant en expliquant qu'il fallait continuer les recherches pour arriver à un consensus vers 2009 ou 2010. Diverses instances étatiques comme le Commissariat général au développement durable ou le Conseil économique et social et environnemental devaient être saisies pour faire l'état des recherches et voir s'il serait possible d'adopter cet instrument un jour ou l'autre.

Qu'est-ce que l'empreinte écologique ? Elle se mesure en hectares, ce qui « parle à la vue » pour le grand public. Il s'agit du nombre d'hectares disponibles pour une population donnée – celle de la France par exemple – afin de produire les ressources qui lui sont nécessaires et d'absorber ses rejets en respectant les capacités de recyclage de la planète. Or cette absorption n'est pas toujours possible, comme le montre la comparaison entre l'empreinte écologique et la biocapacité d'un territoire – Paris, la France ou la Terre. Je précise que la biocapacité est la capacité qu'à un territoire de fournir des ressources à une population et d'en absorber les rejets sans perturbations majeures pour les écosystèmes.

Depuis une quinzaine d'années, quelques recherches universitaires ont montré que l'écart ne cessait de grandir entre l'empreinte écologique et la biocapacité d'un territoire donné. L'empreinte tend à croître, tandis que la biocapacité est limitée, même si elle n'est pas forcément constante et peut varier en fonction des données climatiques – la surface des terres arables ou les rendements agricoles ne sont pas strictement identiques d'une année sur l'autre. D'ailleurs, l'une des vertus de l'empreinte écologique est de nous apprendre que le monde est fini, qu'on ne peut pas ad infinitum en extraire des ressources, notamment quand elles ne sont pas renouvelables, non plus que rejeter des quantités croissantes de déchets dans les mers, les terres ou l'atmosphère.

L'aréopage de savants regroupés dans le Global footprint network, le réseau des personnes qui étudient l'empreinte écologique de la planète et qui est – en plus petit – l'équivalent de ce qu'est le GIEC pour le climat, nous explique que, depuis vingt-cinq ans, l'empreinte écologique de l'humanité a dépassé la capacité d'absorption de la Terre. Nous vivons donc au-dessus de nos moyens. En septembre 2002, dans son discours de Johannesbourg qui s'adressait évidemment aussi à nos concitoyens – j'étais pour ma part dans la salle –, le président Chirac a ainsi expliqué que, si tous les humains devaient vivre comme les Français, il faudrait deux planètes supplémentaires, c'est-à-dire trois Terres. C'est évidemment impossible.

Il est donc nécessaire de réduire l'empreinte écologique de certains pays : ceux qui ont dépassé leur biocapacité, c'est-à-dire les pays de l'OCDE et notamment la France, qui vit largement au-dessus de ses moyens. L'empreinte écologique d'un Français moyen se situe en effet à 4,9 hectares par an et par habitant, contre 2,9 hectares pour le terrien moyen, pour une biocapacité de la planète estimée à 2,1 hectares. Les moyennes mondiale et française se trouvent ainsi respectivement à 30 % et 150 % au-dessus du niveau qu'il faudrait observer.

Baisser l'empreinte écologique de la France est un impératif écologique, mais aussi social et économique. Monsieur le ministre d'État, je pense que cet objectif se situe dans la droite ligne des Grenelle de l'environnement 1 et 2, car l'empreinte écologique est un indicateur chiffré qui permet des comparaisons entre territoires, populations ou pays, mais aussi entre secteurs d'activité : transport, élevage, habitat, urbanisme, énergie, etc.

Cet outil est donc extrêmement flexible – « fractal », dirais-je si j'étais pédant : il sait s'adapter à toutes les échelles, qu'elles soient territoriales ou sectorielles. Il possède aussi une vertu pédagogique : tout le monde sait ce que représente un hectare et visualise donc bien la différence entre le Français qui utilise cinq hectares pour vivre et le Burkinabé qui se limite à un demi-hectare. Notre impact sur l'environnement est dix fois plus violent que celui du Burkinabé moyen !

Certains pays comme la Hongrie, la Finlande et l'Australie, ou encore le Pays de Galles, ont déjà adopté l'empreinte écologique comme indicateur principal de leur politique globale écologique et environnementale. Nous proposons de l'appliquer dans le cadre du Grenelle de l'environnement et, plus généralement, comme le souhaitait le Président de la République lui-même, de l'appliquer à l'ensemble des activités ayant un impact sur l'environnement. Chaque loi serait ainsi complétée par une étude d'impact et se verrait assortie d'un indicateur fiable et quantifiable permettant des comparaisons à la fois dans l'espace – avec d'autres pays – et dans le temps. Nous pourrions alors savoir si notre pays va vers la réduction souhaitée de son empreinte écologique.

Pour toutes ces raisons, cette proposition de loi indique que la France devrait se munir de l'empreinte écologique comme outil principal d'évaluation environnementale de ses politiques publiques, et que les régions devraient commencer à mesurer cette empreinte avant 2012.

De la même manière qu'elle vise une diminution par quatre des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050, la France devrait se fixer comme objectif de diviser son empreinte écologique par deux, ce qui serait en outre faire preuve de solidarité à l'égard de nos frères et soeurs des pays du sud. Enfin, les derniers articles de ce texte proposent des mesures concrètes : les cantines et autres restaurants des collectivités publiques devraient par exemple utiliser davantage de produits biologiques, qui sont moins nocifs pour l'environnement que ceux de l'agriculture productiviste, et davantage de produits locaux et saisonniers.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Monsieur le rapporteur, il faut vous acheminer vers votre conclusion.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Cet outil quantifiable, qui permet de comparer, de nous montrer solidaires et de diminuer l'impact de nos activités sur l'environnement, est donc parfaitement adapté aux objectifs du Grenelle de l'environnement, aux lois Grenelle 1 et 2.

Chers collègues, messieurs les présidents, monsieur le ministre d'État, je souhaite par conséquent que notre assemblée puisse adopter cette proposition de loi sur la réduction de l'empreinte écologique de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, nous débattons d'un sujet qui ne suscite pas de divergences fondamentales entre nous.

Nous sommes absolument d'accord sur la nécessité d'avoir à la fois des indicateurs scientifiques pour mener à bien notre révolution écologique, et une perception visuelle de ces mutations afin que chacun d'entre nous puisse en constater concrètement les effets. Nous en avions d'ailleurs longuement débattu lors de l'examen du projet de loi de programme relatif à la mise en oeuvre du Grenelle et je vous avais alors indiqué qu'il convenait, d'une part, d'affiner la méthodologie proposée par un organisme bien connu mais n'ayant pas de caractère public, et, de l'autre, d'apprécier l'ensemble des éléments, l'empreinte écologique, au demeurant intéressante, n'étant que l'un d'entre eux.

Nous avons pris trois décisions. La première est la mise en place, unanimement saluée, d'une commission internationale, dite commission Stiglitz, chargée de réfléchir à l'ensemble des indicateurs permettant de mesurer le PIB ; nous espérons qu'elle rendra ses travaux d'ici à la fin du premier semestre de 2009. Par ailleurs, nous avons demandé au CGDD, le Commissariat général au développement durable, une analyse approfondie de notre stratégie en matière de développement durable, qu'il s'agisse des politiques publiques ou de son caractère plus ou moins normatif. L'idée est aussi d'étudier la façon dont certains pays étrangers ont déjà travaillé sur le sujet et les difficultés qu'ils ont pu rencontrer : nous ne partons pas d'une page blanche. Le CGDD devrait remettre son rapport au Gouvernement fin mars ou début avril. Bref, nous suivons de près la question de l'empreinte écologique, et approuvons l'idée de nous doter d'un outil de mesure complémentaire. Les émissions de gaz à effet de serre et, au sein de celles-ci, de la part de carbone, sont aujourd'hui calculées de façon précise ; il nous faut, dans le même esprit, approfondir la méthodologie relative à l'empreinte écologique. Enfin, le Premier ministre a saisi le CESE, le Conseil économique, social et environnemental, de la même mission que le CGDD, de sorte que nous disposerons d'une analyse technique et d'une autre plus globale.

Mon souhait est de revenir devant vous pour discuter sereinement du sujet, sur la base de ces différents travaux. Donnez-moi acte de ce que nous tenons nos engagements ! Dans ces conditions, il ne me semble pas raisonnable d'anticiper, avec le texte de ce matin, sur les nombreux débats que nous aurons cette année.

Quant au reste du texte, il s'agit, pour l'essentiel, de modifier certains objectifs chiffrés de la loi de programme ; mais le lieu et le moment ne me semblent guère opportuns pour discuter des modalités d'application du Grenelle. Pour ce qui concerne l'exemplarité de l'État, des dispositions opérationnelles ont été prises : je pense notamment au parc automobile.

Je considère la présente proposition de loi comme un appel, et vous retourne celui-ci, monsieur le rapporteur, au nom d'une mise en oeuvre optimale du développement durable dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Merci de me donner la parole dès à présent, monsieur le président : je dois en effet me rendre à la conférence des présidents et ne pourrai sans doute plus intervenir dans ce débat. M. le vice-président Poignant me remplacera sur les bancs de la commission.

Je veux préciser plusieurs points. En premier lieu, je partage pleinement l'analyse de M. le ministre d'État. Comme je l'ai dit en commission, monsieur le rapporteur, votre idée relative à l'empreinte écologique est bonne ; nous en sommes tous d'accord. Néanmoins, il y a une différence entre le principe et sa mise en oeuvre législative, laquelle suppose un dispositif normatif précis. Tel était le sens de mon intervention en commission. En outre, comme vient de le rappeler M. le ministre d'État, le Gouvernement a pris des initiatives afin de circonscrire au mieux la notion d'empreinte écologique et d'en préciser le détail normatif. La commission attend donc le résultat des travaux du Conseil économique, social et environnemental et du Commissariat général au développement durable.

Par ailleurs, la rédaction de cette proposition de loi n'a pas donné satisfaction à la commission. La première raison est que le titre II touche à des sujets qui ne concernent pas directement l'empreinte écologique. Une deuxième est que la définition posée à l'article 1er n'est pas satisfaisante : la relation entre, d'une part, un « environnement respectueux de la santé » et des paysages, et, de l'autre, l'empreinte écologique n'est pas précisée dans la suite du texte. Au surplus, comme vous l'ont dit MM. Poignant, Gest et Jacob, le deuxième alinéa du même article met en relation l'absorption des déchets et la surface biologiquement productive. Or ce n'est pas la superficie qui permet d'absorber les déchets. Bref, nous sommes d'accord sur le principe, mais, tel qu'il est rédigé, le texte ne peut nous convenir.

Enfin, nous sommes en total désaccord avec le troisième alinéa de l'article 1er, selon lequel « les modalités de calcul de l'empreinte écologique seront déterminées par décret ». Nous n'allons pas donner un tel blanc-seing au Gouvernement à l'heure où l'on révolutionne les droits du Parlement ! La commission tient à discuter du cahier des charges relatif à l'empreinte écologique, dont il reviendra au Gouvernement de donner, avec l'administration, une traduction technique.

Notre logique est donc très différente de la vôtre. Faire confiance au Gouvernement, c'est bien (M. le rapporteur sourit), mais la majorité souhaite que l'Assemblée ait la maîtrise des détails : je regrette que vous n'en soyez pas d'accord, même si – pardonnez-moi de vous taquiner sur ce point –, j'apprécie votre confiance à l'égard du Gouvernement. (Sourires.)

Comme il vous revenait de le dire à la tribune, monsieur le rapporteur, la commission, dans sa sagesse, invite l'Assemblée à voter contre le passage à la discussion des articles,…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

…et ce afin de laisser au Gouvernement le temps d'explorer cette excellente piste de l'empreinte écologique.

Une fois celle-ci définie, monsieur de Rugy, je souhaite que les conditions soient réunies pour un vote unanime des propositions que nous soumettra le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Dans la discussion générale, la parole est à M. François de Rugy.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, les Verts ont élaboré le présent texte dans la continuité du Grenelle de l'environnement. Comme je l'avais indiqué lors du vote du projet de loi de programme, celui-ci n'est qu'un point d'appui pour faire mieux. Je déplore d'ailleurs au passage que la procédure parlementaire soit si longue : le premier texte devait être suivi d'un second ; mais l'on peut être inquiet à ce sujet, alors que le Gouvernement, en d'autres domaines, fait souvent preuve de célérité, pour ne pas dire de précipitation. J'espère d'autre part, monsieur le ministre d'État, que votre collègue en charge du plan de relance vous a transmis notre souhait de voir ce plan inscrit dans la logique du Grenelle.

J'en reviens au texte de ce matin, qui, dans notre esprit, vise à donner un indicateur de l'efficacité des mesures préconisées par le Grenelle ; en l'occurrence, l'empreinte écologique nous paraît être à ce jour l'indicateur le plus complet. Nous estimons en effet que l'évaluation de nos politiques publiques est une condition nécessaire du changement – sur lequel nous sommes apparemment tous d'accord, même s'il nous arrive d'en douter –, comme elle l'est d'ailleurs pour les entreprises ou d'autres types d'action collective. Cette condition est nécessaire au-delà de la simple affirmation d'objectifs, laquelle était l'objet de la loi dite Grenelle 1, ou même de leur mise en oeuvre, qui sera l'objet du texte dit Grenelle 2.

Faute d'évaluation, les dispositions risquent d'être sans effet ; nous y insistons d'autant plus que la cohérence de l'action de l'État pose problème, ce qui peut aussi être vrai à l'échelle des collectivités. Aux intentions louables du Grenelle 1 succèdent ainsi, dans le plan de relance et dès avant, des mesures politiques lourdes de conséquences et qui le contredisent. Dans ce contexte, un bon indicateur de l'empreinte écologique serait le meilleur juge de la pertinence des mesures prises en matière de transports ou d'infrastructures, tous domaines dans lesquels l'État français a, hélas, souvent la main lourde.

Le droit de l'environnement est une discipline dorénavant reconnue et autonome, faisant l'objet de cours et de diplômes universitaires. Il est articulé autour de grands principes : celui de précaution ou celui du pollueur-payeur, par exemple. La matière est nouvelle ; il faut donc inventer, alimenter le mouvement. L'empreinte écologique y contribuerait. Il serait donc intéressant que la loi reconnaisse la valeur de cet indicateur, qui pourrait ainsi être producteur de droit.

D'autre part, l'empreinte écologique va plus loin que le simple bilan carbone, qui semble aujourd'hui l'alpha et l'oméga de vos politiques. Elle correspond à une approche globale de l'impact environnemental des activités humaines, sur l'eau, sur la biodiversité ou sur les sols.

Nous déclinons ce concept, qui peut paraître un peu théorique, dans un certain nombre de mesures concrètes, aux articles 3, 4 et 5. La liste n'en est cependant pas limitative et nous ne considérons pas que les enjeux de l'empreinte écologique se limitent à la restauration collective ou aux véhicules utilisés par les collectivités locales. Il ne s'agit que d'exemples.

Nous avons notamment souhaité que le concept se décline à l'échelle des régions. Certains, en commission, ont critiqué cette idée pour son prétendu manque de pertinence. Pourtant, la démarche rappelle celle des plans de déplacement urbain, instaurés par la loi sur l'air de 1996, ou celle des plans climat territoriaux inscrits dans le Grenelle de l'environnement, qui visent à décliner une politique et ses indicateurs de mesure à l'échelle d'un territoire et qui sont déjà mis en oeuvre par certaines collectivités, bien qu'ils n'aient, hélas, pas été rendus obligatoires. Cela paraît très important pour mobiliser les acteurs et pour mesurer et valoriser les changements réalisés.

Prenons l'exemple de l'agriculture. Je suis député de Loire-Atlantique, dans une région, la Bretagne, qui a été très affectée, ces dernières années, par des pollutions agricoles. Il ne s'agit pas de montrer du doigt les agriculteurs, mais, au contraire, dans un premier temps, d'utiliser l'indicateur de l'empreinte écologique comme un levier de mobilisation des acteurs politiques, économiques ou citoyens, puis comme un outil de valorisation des changements qu'ils auront décidés. Car nous croyons à la possibilité d'un changement rapide grâce à une mobilisation générale, et à ses effets bénéfiques, au-delà du simple intérêt économique, qui est d'ailleurs souvent bien réel.

Autre exemple concret : la restauration collective quelle qu'elle soit – cantines scolaires, hôpitaux ou, pourquoi pas, monsieur le ministre, ministères. Nous proposons que, d'ici à 2015 – car nous sommes bien conscients que cela ne peut se faire du jour au lendemain –, elle soit approvisionnée à 50 % en produits issus de l'agriculture biologique et à 50 % en produits locaux saisonniers. Certains, en commission, ont estimé que c'était impossible. Il serait inquiétant que l'une des principales puissances agricoles d'Europe soit incapable de relever ce défi en six ans, mais, hier encore, l'un des responsables de l'agriculture biologique dans ma région me confirmait que la filière se structure, qu'elle est en plein développement, et que les agriculteurs trouvent un intérêt économique immédiat dans la conversion de leurs cultures, sous forme d'un revenu plus important et plus stable que dans l'agriculture traditionnelle.

Cependant la démarche doit être globale et il n'est pas question de se focaliser sur le label « Agriculture biologique » : on connaît les effets pervers, en matière de bilan carbone, des importations de produits alimentaires de contrées lointaines. D'où notre demande d'un approvisionnement en produits locaux saisonniers. Que la chose soit impossible serait très inquiétant, mais nous sommes convaincus, au contraire, que nos agriculteurs sont prêts à relever le défi.

Dernier exemple : les véhicules achetés par les collectivités constituent des parcs très importants – des dizaines de milliers de véhicules pour l'État, des centaines de milliers pour les collectivités locales. Tous ces véhicules ont un impact direct en matière d'émissions de gaz à effet de serre. Nous avons proposé de fixer un seuil maximal de 120 grammes d'émission de CO2 par kilomètre pour tout véhicule acheté à partir de 2010. Cette mesure très pragmatique permettra un renouvellement progressif du parc et ne demande aucunement que, dès l'année prochaine, tous les véhicules ne respectant pas cette norme soient interdits de circulation. Il s'agit de contribuer concrètement à la lutte contre l'effet de serre et contre la pollution de l'air, et de démontrer que, en faisant de l'écologie, on fait aussi des économies. Nombre de nos concitoyens croient que l'écologie coûte plus cher : c'est une idée fausse. En l'occurrence, acheter de plus petits véhicules coûte moins cher.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter unanimement cette proposition de loi. À quoi bon remettre son adoption à plus tard ? À quoi sert, monsieur Ollier, de saluer les bonnes idées si c'est pour les rejeter ensuite ?

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Monsieur le président monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai examiné avec attention la proposition de loi de notre collègue Yves Cochet. Elle a fait l'objet d'une intéressante discussion en commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, mais j'ai été frappé, d'emblée, par le fait qu'elle se limite à reprendre des amendements que notre collègue avait déposés, en octobre dernier, lors de l'examen du projet de loi de programme relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, et que notre assemblée n'avait pas adoptés.

On peut estimer qu'il n'est pas très raisonnable de présenter, sous forme de proposition de loi, des amendements, rejetés par l'Assemblée nationale, à un projet de loi encore en cours de discussion puisque le Sénat doit en débattre à la fin du mois. Yves Cochet sait parfaitement qu'en adoptant sa proposition de loi, l'Assemblée ferait preuve d'une grande incohérence.

Sur le fond, chacun comprendra que le groupe UMP reprenne ici les arguments déjà avancés lors de la discussion du projet de loi. Vous savez bien, monsieur Cochet, pourquoi, en accord avec le Gouvernement, la majorité avait rejeté les amendements que vous reprenez aujourd'hui au titre II de votre proposition de loi. Notre assemblée – et pas seulement la commission – avait jugé irréaliste votre proposition de recourir dès 2015 à une proportion de 50 % de produits issus de l'agriculture biologique dans l'approvisionnement des services de restauration collective des collectivités territoriales. Le projet de loi de mise en oeuvre du Grenelle est déjà très ambitieux en la matière, puisqu'il prévoit le triplement de la surface agricole française consacrée à l'agriculture biologique, pour la porter à 6 % en 2013 – contre 2 % actuellement. Il tend également à porter à 20 % d'ici à 2012 la proportion de repas « bio » servis dans la restauration collective publique.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Il faut assurer des débouchés à l'agriculture biologique !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Vous savez bien, monsieur Cochet, que le rythme de conversion et de développement de la filière nécessitera un effort important pour atteindre ces premiers objectifs. Et vous n'ignorez pas que l'importation de produits « bio » irait à l'encontre de vos objectifs.

Quant au seuil d'émission de CO2 des véhicules acquis par l'État et les collectivités territoriales, il a fait, en décembre dernier, l'objet d'une circulaire qui, s'appuyant sur nos discussions, me paraît un compromis acceptable et, surtout, efficace.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Reste l'objectif essentiel de votre proposition de loi : l'introduction de la notion d'« empreinte écologique » comme outil d'évaluation. Cette notion a également fait l'objet de certains de vos amendements au texte sur le Grenelle – amendements qui ont été discutés avant d'être rejetés –, mais je m'attarderai un peu sur le sujet, car, même si elle a déjà été largement abordée, la question des outils d'évaluation et des indicateurs pertinents du développement durable est importante.

Quelques recherches m'ont convaincu qu'il était tout à fait prématuré de nous engager législativement sur l'évaluation, au moyen « d'un outil dénommé empreinte écologique », des « objectifs et résultats des politiques mises en oeuvre pour lutter contre le changement climatique et s'y adapter, préserver la biodiversité ainsi que les services qui y sont associés, contribuer à un environnement respectueux de la santé, préserver et mettre en valeur les paysages », pour reprendre les termes de votre proposition de loi.

C'est prématuré, en effet, car il faut se demander s'il ne faudrait pas plutôt plusieurs outils ou indicateurs de mesure : c'est bien la question de l'exhaustivité d'un seul outil qui se pose. En l'occurrence, l'empreinte écologique ne me paraît pas prendre en compte les considérations économiques et sociales.

Mais c'est aussi prématuré parce que la pertinence de cet indicateur fait actuellement l'objet d'études, dont il vaudrait mieux attendre les conclusions.

En juin 2007, le conseil scientifique de l'IFEN a consacré un séminaire à une réflexion globale sur les indicateurs. Un exposé sur l'empreinte écologique a été réalisé par l'Office fédéral de statistiques suisse qui en a fait un chiffrage pour la Suisse ; cet exposé assez équilibré soulignait les éléments positifs et intéressants de cet indicateur et mettait également ses limites en évidence. Une des conclusions du séminaire a été d'entreprendre à l'IFEN, aujourd'hui le SOES – service de l'observation et des statistiques du ministère de l'environnement –, une expertise de l'empreinte écologique appliquée au cas de la France, en raison de nombreuses interrogations soulevées par cet indicateur. Il faut noter, par exemple, que la spécificité française d'une production électrique très majoritairement d'origine nucléaire n'est pas prise en compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

L'objectif de cette expertise est d'apprécier la validité et la faisabilité d'une adoption de l'empreinte écologique, ce conformément à des critères internationaux tels que la pertinence, la robustesse, la transparence, la mesurabilité. Il s'agit aussi d'apprécier la possibilité de l'utiliser à côté d'autres indicateurs, comme le bilan carbone.

La direction générale de l'environnement de la Commission européenne propose en effet d'inclure l'empreinte dans un panier d'indicateurs. Elle relève que cette empreinte s'attache à mesurer un aspect spécifique du développement durable, à savoir la demande anthropique en ressources nécessaires à la production et à la consommation.

Enfin, il faut savoir que la méthodologie de calcul est pour l'instant propriété du GFN – Global Footprint Network – qui la commercialise et qu'un certain nombre d'éléments nécessaires à l'élaboration des calculs ne sont pas dans le domaine public. Cela justifie d'ailleurs ce que Patrick Ollier a dit à propos du décret que vous prévoyez, au-delà des considérations sur les rapports entre législatif et exécutif.

À ces questions s'ajoutent nos interrogations sur la possibilité d'une évaluation régionale, qui implique une connaissance des flux entrants et sortants, difficilement accessible.

Il faut par ailleurs noter qu'une saisine du Conseil économique, social et environnemental est actuellement en cours – M. le ministre l'a également rappelé. Attendons donc les résultats des diverses études avant de légiférer le cas échéant, et tenons-nous-en pour l'instant à l'article 42 du projet de loi relatif au Grenelle que nous avons adopté le 21 octobre 2008 : « L'État se fixe pour objectif de disposer en 2010 des indicateurs du développement durable à l'échelle nationale tels qu'ils figureront dans la stratégie nationale de développement durable et organisera à cet effet avant la fin de l'année 2009 une conférence nationale réunissant les cinq parties prenantes au Grenelle de l'environnement. Le suivi de ces indicateurs sera rendu public et présenté au Parlement chaque année à compter de 2011. »

Voilà pourquoi, mes chers collègues, le groupe UMP vous propose de suivre l'avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, et de ne pas passer à la discussion des articles. Je ne doute pas que notre collègue Yves Cochet le comprenne, d'autant que le président Patrick Ollier a proposé que notre commission travaille sur cette question de l'empreinte écologique, parallèlement au commissariat au développement durable, au Conseil économique, social et environnemental, et à la commission Stiglitz – qu'a également évoquée M. le ministre. Chacun a reconnu l'intérêt de l'idée mais chacun, aussi, voit bien la nécessité de mener une étude approfondie avant de la retenir !

Debut de section - PermalienPhoto de Geneviève Gaillard

Je me réjouis que l'empreinte écologique fasse l'objet d'une discussion dans cet hémicycle, tant ce sujet essentiel mérite que nous nous en emparions sans tarder.

Les activités humaines ont toujours eu un impact sur l'environnement, mais la conjugaison de la croissance démographique et du développement technologique a démultiplié cet impact au point que le prélèvement et la destruction des ressources naturelles de la biosphère dépasse le seuil en deçà duquel leur renouvellement n'est pas menacé.

Depuis la révolution industrielle, nous n'avons pas su anticiper pour adopter un modèle de développement qui évite le pillage des ressources, l'érosion de la biodiversité et la pollution des écosystèmes. L'urgence écologique – dont nous avons débattu à l'occasion du Grenelle – et le réchauffement climatique nous ont incités – un peu tard sans doute – à nous fixer des objectifs quantifiés, assortis d'échéances, conformément à un modèle de développement durable.

Outre la réactivité formidable qu'il implique, ce modèle pose le problème de la manière dont on va contrôler la réalisation de ces objectifs. Nous devons créer des outils d'évaluation continue qui nous éclairent sur les aménagements à apporter aux décisions et aux politiques publiques. C'est précisément le sens de la proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise : l'empreinte écologique peut constituer un tel outil.

L'empreinte écologique, c'est le calcul pour un individu, pour une population, pour un pays ou pour un continent, de la surface bioproductive nécessaire à la production et à la consommation d'un objet ou d'un service et à l'absorption des déchets produits. Cette notion, développée par l'association de protection de l'environnement WWF, renvoie directement à la notion de développement soutenable par la biosphère.

Au-delà des éléments de définition rappelés dans l'exposé des motifs de la présente proposition de loi, et du contexte dans lequel ce concept est apparu, dans le sillage du club de Rome et de la conférence de Rio de 1992, cet outil de quantification de la superficie virtuelle nécessaire à la production, à l'utilisation des ressources et à l'assimilation des déchets par une population définie disposant d'un niveau de vie donné, évoque d'autres approches plus anciennes telles que l'étude d'impact, le bilan carbone ou encore le profil environnemental – notions dont l'empreinte écologique souligne d'ailleurs les insuffisances. Plusieurs logiciels ont été développés pour affiner le calcul de cette empreinte, attribuant un rôle clef à des paramètres tels que l'alimentation, l'habitat et son entretien ou encore les transports.

Compte tenu de la superficie terrestre totale, six milliards d'êtres humains disposent chacun de 8,5 hectares, à partager avec la faune et la flore – qui ont comme nous des besoins incompressibles. Une fois soustraits les espaces peu productifs, qu'il s'agisse des glaciers, des déserts ou de la haute montagne, chacun ne dispose plus que de deux hectares utilisables. Décomptons encore les besoins essentiels des autres espèces et cette part descend à 1,5 hectare par individu. Hélas, aujourd'hui, un terrien a besoin de 2,5 hectares en moyenne. Il semble donc que l'empreinte écologique globale ait dépassé – et de loin – la biocapacité de la Terre, et ce depuis les années 1970 !

Aux déficits financiers et publics s'ajoute donc désormais une dette écologique. À cet égard, retenons l'idée de la valorisation des fonctions écologiques des écosystèmes et des espèces naturelles, qu'il convient de chiffrer et d'évaluer en vue de préserver la biodiversité et de faire cesser son érosion.

Toutefois, ces statistiques globales et moyennes masquent des inégalités criantes. Ainsi, en 2003, l'empreinte écologique était de 0,8 hectare par habitant au Kenya, 2,1 hectares au Brésil, 5,6 en France, 9,6 aux États-Unis et même 11,9 aux Émirats arabes unis. La moyenne de l'Union européenne atteignait 4,8 hectares, tandis qu'elle était de 0,8 hectare en Inde et de 1,6 hectare en Chine – encore que, dans ces deux derniers cas, elle ait dû beaucoup augmenter en six ans.

Que penser de ces statistiques ? Consolidées, elles révèlent que nous aurions besoin de trois planètes. Or, nous ne disposons pas d'une « planète de rechange », comme l'a découvert un peu tard Jacques Chirac effaré ! En effet, trois à huit planètes seraient nécessaires pour satisfaire sans péril les besoins d'une humanité dont l'empreinte écologique aurait le niveau de celle d'un Européen ou d'un Nord-américain. Faut-il pour autant se réjouir de ce qui pourrait apparaître comme le « bon score » de pays pauvres tels que l'Éthiopie ou la Somalie, dont les habitants ne consomment qu'une part minime des ressources mondiales, compte tenu de leur niveau de vie épouvantable et de leur très faible espérance de vie ?

C'est l'une des limites du concept d'empreinte écologique, qui pose sous un angle nouveau la question du progrès social, de l'accès aux technologies et de leur transfert, de la coopération internationale ou encore de la production et du partage des richesses. Que penser de l'empreinte écologique d'un pays industrialisé qui grève les ressources des pays du Sud et exporte ses pollutions ? Le calcul de son empreinte prend-il en compte l'impact des activités économiques et industrielles délocalisées, comme celui du PNB intègre la production nationale à l'étranger, tandis que le PIB ne tient pas compte de l'érosion de nos ressources et de la biodiversité ? L'empreinte écologique peut-elle constituer un outil de réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement fixés par les Nations Unies ? L'essor de la notion d'empreinte écologique risque-t-il de nous inciter à nous satisfaire d'une pauvreté dont l'impact est moindre, à nous laisser séduire par l'idéologie de la décroissance ? Voilà un débat passionnant !

Les théories de la décroissance, qu'il s'agisse de décroissance soutenable ou de décroissance équitable, sont toutes fondées sur un constat double. D'une part, la croissance économique issue de la révolution industrielle de la fin du XIXe siècle n'est pas durable, étant donné la raréfaction des ressources naturelles et les dégradations de l'environnement qu'elle engendre. D'autre part, les indicateurs économiques comme le PIB n'évaluent pas le coût environnemental de l'utilisation des ressources naturelles.

Dès lors, nos systèmes économiques et leurs indicateurs sont biaisés, puisqu'ils ne tiennent pas compte des coûts externes à des productions ou des activités données, faussant ainsi leur impact véritable sur les agrosystèmes et les écosystèmes, et sur la société en général. Dans ces conditions, la non-viabilité des systèmes de production et de consommation est masquée. Certes, on peut lever le voile sur le fait que produire un équivalent énergétique kilo-pommes de terre suppose d'en consommer deux. De là à prôner une société qui délaisse sa recherche scientifique et confine à l'anti-progrès technologique, il y a un pas que je ne franchirai pas.

L'empreinte écologique peut-elle se substituer aux indicateurs actuels défaillants, comme le PIB ? Je ne le crois pas. Néanmoins, cet outil doit servir à intégrer des paramètres environnementaux et sociaux dans le calcul de la croissance, via un coefficient pondérateur, afin d'en finir avec des indicateurs aveugles et ignorants de la réalité écologique – qui pourtant nous rattrape !

Patrick Jolivet, dans un article intéressant paru dans Les Échos, souligne bien les limites de cet outil, même si, pour ma part, je n'irai pas jusqu'à prétendre comme lui qu'il est incohérent, voire simpliste. Malgré les réserves légitimes qu'il peut susciter, il permet d'évaluer le niveau effectif de réalisation et d'exécution des objectifs de Kyoto, du Grenelle de l'environnement et de la Charte de l'environnement. Son caractère universel est responsabilisant, car il peut renseigner un individu, un foyer ou une collectivité autant qu'un pays ou un continent. À ce titre, il contribuera aux efforts encore à consentir pour atteindre des objectifs raisonnables en matière de protection de nos ressources naturelles.

C'est pourquoi, considérant que l'empreinte écologique n'est qu'un outil parmi d'autres pour apprécier les efforts à venir en matière de protection de la planète, le groupe socialiste votera ce texte et souhaite débattre de ses articles, dont la majeure partie reprend certains objectifs issus des discussions du Grenelle de l'environnement.

Chacun sait qu'aucun outil d'évaluation n'est parfait – le bilan carbone pas davantage que l'empreinte écologique ou le PIB. Néanmoins, monsieur le ministre, qui n'avance pas recule. Or, il y a urgence. J'ai pris acte de vos propos, et j'espère que nous pourrons rapidement examiner l'empreinte écologique comme un véritable outil – parmi d'autres – d'évaluation des politiques publiques. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jeanny Marc

Très sensible aux nouveaux enjeux environnementaux qui s'imposent à nos populations, je salue et j'approuve pleinement toute démarche qui vise à contribuer à la préservation de la planète.

Le renforcement des mesures d'évaluation préconisées dans la présente proposition de loi ne peut que profiter à cette nouvelle conception du vivre autrement, dans un pays développé où, en ces temps de crise, écologie et économie ne doivent pas s'opposer. La protection de l'environnement et la maîtrise du développement durable constituent deux des raisons de mon engagement d'élue responsable : je suis déterminée à contribuer à la transmission aux générations futures de l'héritage d'une planète bleue préservée.

L'outre-mer français s'étend sur onze millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive, abrite 10 % des récifs coralliens mondiaux, 20 % des atolls, et 7 millions d'hectares de forêts tropicales. Ainsi, ces outre-mers sont le vivier principal de la biodiversité française.

La création d'indicateurs performants, ambitieux et responsables qui permettront un meilleur développement durable pour la France et le monde doit retenir notre plus grande attention, dans l'intérêt de nos concitoyens. À cet égard, les mesures d'évaluation de la réduction de l'empreinte écologique sont tout à fait complémentaires de celles, prises dans le cadre du Grenelle de l'environnement, qui permettent de comptabiliser les émissions de gaz à effet de serre.

La présente proposition de loi semble offrir des dispositions plus accessibles au grand nombre, grâce à une approche plus pédagogique, plus proche du quotidien des Français. Peut-être est-il temps de progresser ensemble en faveur d'une cause qui nous unit : nous sommes tous responsables, chacun à notre niveau.

Dès lors, j'invite le Gouvernement à préférer la logique environnementale à la logique économique. En cette période de crise, nous devons privilégier le bon sens écologique pour garantir un avenir durable aux Français de demain.

Certes, nous pouvons aller plus loin encore et poursuivre notre objectif en suscitant l'émergence d'une nouvelle gouvernance – une gouvernance locale, avertie et consensuelle, fondée sur de nouvelles méthodes de vivre-ensemble où l'écologie prime. Nous avons rendez-vous avec l'histoire : dans le cadre de nos missions respectives, nous devons assurer l'avenir de nos concitoyens en leur garantissant la jouissance d'espaces préservés.

Je n'entrerai pas dans le détail à la fois technique et complexe des mesures préconisées dans le cadre du Grenelle ou dans cette proposition de loi. Les choix qui président à l'adoption d'une mesure plutôt que d'une autre devraient viser avant tout à favoriser un nouveau mode de vie et de comportement, fondé sur une conscience environnementale qu'illustrent des gestes simples visant à préserver la nature, mais aussi à susciter l'engagement citoyen à chaque étape.

La mise en oeuvre du Grenelle 2 est imminente. Nous devons travailler à ce que ces dispositifs bénéficient au mieux à tous les Français. Ne freinons pas le formidable élan de la mobilisation que permettra cette prise de conscience populaire, et tirons profit de tous les outils aptes à servir ce qui doit être notre seul objectif : préserver la planète. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Lassalle

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, je partage la préoccupation tendant à nous sensibiliser à l'empreinte écologique, donc à changer d'attitude par rapport à nous-mêmes, à ceux qui nous suivrons et, bien entendu, à la Terre qui nous réunit tous.

Le problème n'est pas nouveau. J'essaierai de m'exprimer sans agacer, car, nous sommes tellement proches sur de nombreux sujets qu'il serait dommage de ne pas nous comprendre. Ce qui me fait le plus peur dans cette démarche, c'est son caractère bureaucratique et très centralisé, qui est, à mon avis, fort loin de ce que devrait sous-tendre cette disposition : c'est-à-dire une appropriation par les territoires eux-mêmes à l'intérieur des pays et par les pays eux-mêmes au sein des continents et du monde. Malheureusement, nous en sommes très loin.

La prise de conscience a lieu, c'est indéniable. Je me trouvais, peu avant la Noël, à une réunion du Conseil de l'Europe. Une vive discussion s'est engagée entre le ministre géorgien et le ministre russe, qui ont failli en venir aux mains. En effet, le ministre géorgien reprochait au ministre russe non d'avoir envahi, l'été dernier, son pays, d'avoir tué des personnes et d'avoir saccagé des villes, mais d'avoir détruit un parc national. Aussitôt, le ministre russe s'est levé en disant qu'il ne pouvait pas supporter d'être aussi sévèrement critiqué devant une instance internationale. C'est dire l'esprit qui s'est emparé aujourd'hui de la réflexion dans le monde.

Je respecte les parcs nationaux. J'ai été président de l'un d'entre eux. Mais je tenais à vous dire à quel point, finalement, l'homme paraît étranger à cela.

Je vous connais maintenant, monsieur Cochet. J'admire franchement votre culture et votre capacité à faire passer les idées.

L'empreinte écologique, si elle est mise en oeuvre, doit concerner aussi les 60 % du territoire français qui n'abritent plus que dix millions d'habitants. Certes, parmi eux, il y a les agriculteurs. Je ne partage pas les pratiques des gros agriculteurs, car je crois – j'ai été formé à cette idée – en une agriculture familiale, qui a su nourrir notre pays. C'est dans ce sens qu'il y a un travail pédagogique et d'explication très important à accomplir. Mais, attention, les agriculteurs disparaissent à une vitesse vertigineuse. On ne compte plus, en France, que 250 000 exploitations, alors qu'on en dénombrait quatre millions en 1960 ! Si on faisait l'empreinte écologique de ces territoires sur lesquels ne vivent même pas dix millions d'habitants, mais qui représentent 60 % de notre pays, on se rendrait alors compte que deux planètes sont inutiles et que la France se contenterait de beaucoup moins. Il conviendrait donc d'intégrer, comme le disait d'une certaine manière et avec beaucoup de justesse le président Patrick Ollier tout à l'heure, l'ensemble des caractéristiques et des éléments qui doivent fonder cette proposition.

Il me reste quarante secondes pour dire que, pour mettre en oeuvre la directive Habitats, par exemple – qui concerne 15 % du territoire français, qui est donc une loi d'exception,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Lassalle

…et ne peut être assimilée au code de la route qui touche l'ensemble du territoire français –, la SAPANSO, une filiale de WWF refuse, je ne sais pas de quel droit, au sein de la Commission des sites, tous les permis de construire, faute pour les élus d'avoir mis en oeuvre les DOCOB.

Enfin, je ne m'empêcherai pas d'être quelque peu provocateur. Il faudra faire l'empreinte écologique sur la bande de Gaza et sur tous les territoires qui subissent une guerre. En effet, la guerre est due à la famine, à la surconcentration urbaine épouvantable qui a vidé les campagnes.

J'évoquerai, enfin, l'empreinte écologique de Nicolas Hulot, qui continue d'une manière éhontée à faire rêver entre Noël et le Jour de l'an à un monde magnifique, extraordinaire, alors que trois milliards d'êtres humains sur cette planète sont affamés. Vous n'y êtes pour rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Lassalle

Mais tout doit être dit dans la maison du peuple !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Je remercie tous mes collègues qui ont participé à cette discussion générale. Je remercierai également le ministre d'État, le président de la commission et M. Poignant, qui ont montré un intérêt pour le concept. Quelques difficultés résident davantage dans le calendrier ou dans la mise en oeuvre.

M. de Rugy a montré à juste titre que l'Assemblée nationale, comme vous le dites, vous-même, monsieur le président de la commission, doit jouer un rôle moteur et aller peut-être plus vite que le souhaite le Gouvernement. C'est ici que se fait la politique de la France. Cette proposition de loi n'est pas un rapport technique, mais une volonté politique. Nous proposons au Gouvernement, dans la lignée du Grenelle, de nous munir d'un outil dont tout le monde a reconnu que, même imparfait, il était tout de même meilleur que tous les autres actuellement réunis. M. de Rugy a insisté, ce dont je le remercie également, sur la possibilité d'évaluer nos actions.

Quand on parle de développement durable, on tient un raisonnement qualitatif qui associe l'économique, le social et l'environnemental. Tout cela reste toutefois un peu ineffable. On ne sait pas très bien où l'on va. L'avantage de se munir dès maintenant de cet outil, comme l'a souligné M. de Rugy, c'est de pouvoir faire des évaluations a priori. On aurait pu prévoir dans la loi une étude d'impact hypothétique et procéder ensuite à des évaluations a posteriori pour les réalisations touchant des secteurs comme l'habitat, l'urbanisme ou les transports.

Je remercie bien sûr M. Poignant, même si je ne suis pas d'accord avec lui. Il a souligné, s'agissant de la forme, que l'on avait repris, dans cette proposition de loi, des amendements que nous avions présentés dans le Grenelle. Nous avions, certes, alors proposé d'instituer l'empreinte ; le titre II de cette proposition de loi ne reprend toutefois aucun amendement.

Plus important, vous critiquez l'empreinte écologique elle-même. Vous êtes favorables au concept, dans une sorte de « ciel intellectuel » qui serait à 10 000 pieds au-dessus de la terre, mais, dans le concret, vous considérez que cette proposition est incomplète, que les savants ne sont pas d'accord et que ce n'est pas encore très public.

Je ne dis pas, monsieur le ministre d'État, que l'empreinte écologique est le logiciel libre de l'environnement. Ce n'est pas le linux de l'écologie, mais un panel de savants y participe tout de même ! J'espère que votre ministère pourra, grâce au commissariat général au développement durable, faire des propositions pour améliorer l'outil. Ce n'est donc pas ce que l'on appelle en informatique un « logiciel propriétaire ». C'est intermédiaire entre les deux et tout le monde peut y participer.

M. Poignant propose, comme M. le président de la commission, de ne pas passer à la discussion des articles. Cela signifie évidemment que, dans ce cas, la proposition ne sera pas adoptée. Je le regrette vraiment parce que cela montrerait, comme vous le souhaitez vous-même, monsieur le président qui avez parlé de révolution institutionnelle, s'agissant du changement constitutionnel que nous vivons actuellement, que nous sommes prêts aujourd'hui à cette révolution ! Faisons-la en votant ensemble cette proposition de loi !

Je remercie aussi Mme Gaillard, qui est favorable à notre proposition de loi et qui a bien expliqué que l'on mesurait ici un équilibre complexe entre une population, un niveau technologique, un mode de vie et un territoire sur lequel on trouve des êtres vivants autres que les êtres humains. Elle a également insisté sur la notion de dette écologique, phénomène très important, car il n'y a pas que la dette financière ou une dette, dont avait parlé Mme Taubira, quant à l'histoire de notre continent par rapport au continent africain ou sud-américain, par exemple. Autrement dit, nous vivons actuellement en France sur des hectares qui ne nous appartiennent pas ! On accapare ainsi des hectares, virtuels pour nous, mais qui ne le sont absolument pas pour les gens d'Afrique, d'Asie ou d'Amérique du Sud. On extrait ainsi de manière quelque peu prédatrice les hectares des autres pour vivre au-dessus de nos moyens ! En ce sens, la démonstration de Mme Gaillard a été parfaitement convaincante, même si elle a un peu critiqué ce que l'on appelle parfois maintenant la décroissance. Madame Gaillard, actuellement, nous sommes déjà en décroissance en termes de PIB.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Le PIB et la décroissance signifient récession. Je préfère, pour ma part, une décroissance choisie et anticipée à la décroissance subie que nous connaissons maintenant. On ne sait pas très bien, en dépit de la nomination d'un ministre chargé de la relance, ce qu'il adviendra.

Je remercie Mme Marc, dont la grande expérience lui a permis d'insister avec force sur les dégâts du productivisme en dehors de la métropole. Elle a ainsi précisé qu'il nous fallait inventer « un nouveau mode de vie et de comportement ». Je suis tout à fait d'accord avec elle.

Monsieur Lassalle, vous dites que cette proposition est trop technocratique. Pas du tout ! Nous essayons justement de procéder de manière très décentralisée. On peut même le faire à l'échelon d'un individu ! Connaissez-vous, monsieur Lassalle, votre propre empreinte écologique ? Vous pouvez la mesurer. Il existe des sites web pour cela !

Je veux remercier notre assemblée et j'espère que nous pourrons voter cette proposition de loi dans quelques instants.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Je suis dans l'obligation d'intervenir parce que le rapporteur n'a pas tout dit à l'Assemblée. Il s'agit ici de voter une proposition de loi, et non de nous engager dans une déclaration d'intention. Chaque fois que c'est possible, nous essayons de voter de bons textes de loi. S'agissant de votre proposition, nous sommes d'accord sur l'intention, mais pas sur le dispositif tel que vous le proposez, car nous avons considéré en commission qu'il était imprécis et insuffisant. Je reviens à mon précédent propos. Je vous demande de faire confiance au travail que le ministre d'État a confié à ses collaborateurs à travers le commissariat général, au travail que le Premier ministre a demandé au Conseil économique, social et environnemental et au travail de notre commission. En effet, M. Poignant vous l'a dit, nous avons décidé – et vous sembliez d'accord sur ce point – que la commission des affaires économiques, à travers sa sous-commission de l'environnement présidée par M. Alain Gest, travaillerait sur les mêmes pistes et concourrait à la bonne définition de ce concept de l'empreinte écologique. Attendons que ces travaux soient achevés. Quelques mois suffiront. Mais il est impossible pour nous aujourd'hui d'accepter de passer à la discussion d'un dispositif tel que vous l'avez proposé.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Certes, mais s'il avait été mieux rédigé et plus précis, ce à quoi vous auriez pu contribuer, monsieur de Rugy, nous aurions pu l'envisager avec plaisir ! Mais tel n'est pas le cas.

Vous avez oublié de mentionner, monsieur le rapporteur, et je comprends cet oubli – le président de commission que je suis se doit donc de vous le rappeler – que la commission a voté contre le passage à la discussion des articles, s'en remettant aux travaux qui seront engagés, retenant donc l'idée de l'empreinte écologique, refusant, en revanche, le dispositif proposé. Je souhaite, en conséquence, que la majorité ne se prononce pas, dans quelques instants, en faveur du passage à la discussion des articles.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire

Il paraît sincèrement assez difficile, après avoir pris l'engagement dans cette instance de charger le Conseil économique, social et environnemental et le commissariat général au développement durable de mener une réflexion méthodologique et technique sur ce sujet, de présenter cette proposition de loi et de balayer d'un revers de main de tels travaux sans en attendre le résultat dans quelques semaines. Ce n'est pas respecter les institutions. Ce n'est pas la bonne façon de procéder, d'autant plus que nous sommes d'accord sur le fond. Tels sont les quelques mots que je souhaitais ajouter.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La commission n'ayant pas présenté de conclusions, l'Assemblée, conformément à l'article 94, alinéa 3, du règlement, est appelée à statuer sur le passage à la discussion des articles du texte initial de la proposition de loi.

Conformément aux dispositions du même article du règlement, si l'Assemblée vote contre le passage à la discussion des articles, la proposition de loi ne sera pas adoptée.

Dans les explications de vote sur le passage à la discussion des articles, la parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Je voudrais convaincre mes collègues d'accepter de passer à la discussion des articles. Nous avons le temps et un certain nombre de collègues sont présents.

M. le président de la commission trouve le texte insatisfaisant. Je regrette qu'il n'ait pas étudié les articles et proposé des amendements pour l'améliorer ; nous étions prêts à le faire.

J'ai écouté avec intérêt M. le ministre nous expliquer qu'il n'y avait pas de divergence fondamentale, qu'un tel indicateur pouvait être ajouté aux autres et qu'il avait aussi un aspect positif, qui était la perception visuelle. Jeanny Marc a ajouté qu'il était pédagogique.

Il est très important d'avoir une perception visuelle car cela permet d'expliquer à nos concitoyens et à tous les habitants des pays riches combien notre mode de vie, de consommation, de production, est prédateur par rapport à l'ensemble de la planète et combien il est injuste par rapport aux habitants de pays très pauvres, qui ne peuvent absolument pas consommer de la même façon. Sinon, comme l'a souligné Mme Gaillard, ce ne sont pas trois à huit planètes qui seraient nécessaires, mais beaucoup plus, et la situation serait dramatique.

Ce qui m'étonne un peu, c'est que, pour l'environnement, il n'y a jamais urgence. Quand il s'agit du travail du dimanche, il faut tout arrêter et passer en force ! Or, et le Président Chirac avait dit que la planète brûlait, il y a urgence. Il ne s'agit pas de parler de décroissance pour la décroissance, mais, si nous consommons plus que ce que notre planète peut nous proposer, si nous produisons plus de déchets que ce que notre planète peut absorber, il faut réduire la consommation globale de manière à revenir à une situation où la vie sur la planète est possible. Si nous continuons ainsi, ce n'est pas la planète qui va disparaître, c'est la vie humaine. La planète continuera à exister, sous une forme ou sous une autre, la vie animale peut même éventuellement continuer, mais, pour la vie humaine, par contre, il risque d'y avoir des problèmes. Nous sommes donc un peu fatigués d'entendre à chaque fois qu'il faut attendre.

Nous avons bien sûr entendu tout ce que vous nous avez répondu, monsieur le ministre, mais rien ne nous garantit que, dans un an, il y aura quelque chose, et je vais prendre deux exemples précis.

M. le rapporteur nous a dit qu'on allait vers 6 % de bio en 2013, 20 % pour les cantines. Dans le 2e arrondissement de Paris, c'est un maire Vert qui a été élu en 2001 et on en est à 60 % de bio dans les cantines, ce qui prouve bien que c'est une question de volonté politique. C'est ce dont nous vous demandons de faire preuve en vous demandant de passer à la discussion des articles, il faut que l'Assemblée affirme qu'elle veut aller vers la réduction de notre empreinte écologique.

L'article 6 fixe comme objectif à l'État et aux collectivités territoriales de n'acquérir à partir de 2010 que des véhicules dont les émissions de dioxyde de carbone sont inférieures à 120 grammes par kilomètre lorsque ce sont des véhicules non utilitaires. La limite aujourd'hui, pour la prime à la casse, c'est 160 grammes par kilomètre, ce qui veut dire que ce ne sont pas des véhicules non polluants.

Notre pays manque donc vraiment de volonté politique. Ce que nous souhaitons, monsieur le ministre, c'est servir d'aiguillon, parce qu'il y a urgence et que c'est une nécessité vitale. Pour d'autres textes, comme le travail du dimanche, on nous impose l'urgence alors qu'il n'y a aucune nécessité vitale. Il n'y a qu'une seule lecture et on nous demande d'aller plus vite. Quand la planète est en danger, quand la vie sur terre est en danger, on nous demande d'attendre.

Passons donc, mes chers collègues, à la discussion des articles, ce qui nous permettra au moins d'approfondir le débat et de préparer la suite, plutôt que de tout arrêter pour reprendre le dossier on ne sait pas quand. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à M. Serge Poignant, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Je ne reviens pas sur le titre II, monsieur Cochet ; on en a suffisamment parlé.

Il y a deux choses qui, sur le plan du raisonnement intellectuel, me gênent.

D'abord, vous souhaitez remplacer le développement durable par l'empreinte écologique.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Vous avez dit à plusieurs reprises que le développement durable, c'était vague et qu'il faudrait plutôt parler d'empreinte écologique. C'est une première démarche qui interroge.

Vous prenez par ailleurs comme principe la décroissance. Nous, nous souhaitons une croissance durable, qui allie l'environnement, l'économie et le progrès social. Nous connaissons votre démarche, qui est cohérente d'ailleurs.

L'empreinte écologique peut être un indicateur, nous l'avons tous dit, mais il demande à être expertisé. Oui, madame Billard, il y a urgence à lutter contre le réchauffement climatique, mais, comme l'a souligné M. Ollier, y en a-t-il une à voter une loi relative à l'empreinte écologique alors qu'il y a encore des interrogations sur sa définition ? Mieux vaut attendre les expertises du commissariat général au développement durable, du Conseil économique, social et environnemental et de la commission Stiglitz. Ce ne sera pas dans trois ans, c'est en 2009. Je vous rappelle que, dans l'article 42 du Grenelle, l'État français se fixe comme objectif de disposer d'indicateurs de mesure de développement durable. De tels indicateurs sont indispensables, mais ils doivent être définis avec le plus de sécurité et de précision possible pour que l'on puisse ensuite prendre les bonnes décisions, au niveau national, bien sûr, mais aussi au niveau européen et mondial, vous le savez bien, monsieur Cochet.

C'est la raison pour laquelle le groupe UMP, tout en reconnaissant l'intérêt et la nécessité de poursuivre les études sur cette notion d'empreinte écologique, propose de ne pas passer à la discussion des articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à Mme Geneviève Gaillard, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Geneviève Gaillard

Je suis tout de même assez surprise par ce débat.

J'ai entendu M. le ministre, M. Ollier, M. Poignant. Tout le monde considère que c'est un concept extrêmement intéressant et qu'il faut aller plus loin. M. Ollier nous dit qu'il faut des indicateurs normés, mais, s'ils sont normés, ils sont figés on le voit bien pour le PIB. Il faut pouvoir les faire évoluer au fur et à mesure que nos modes de production et de consommation évoluent.

On pourrait donc commencer à étudier cette problématique écologique pour mesurer non pas le développement durable mais l'impact des activités humaines sur la planète. L'impact économique, on le connaît. Il faut trouver d'autres outils nous permettant de mesurer l'impact social.

Avec le bilan carbone et un certain nombre d'autres outils, l'empreinte écologique est de nature à nous permettre de faire certaines évaluations. Cherchons à savoir comment on peut évaluer l'impact social de nos modes de production et de consommation, car, à vous entendre, je pense que nous pourrons jamais avancer et qu'on va reculer.

Je prends acte de ce qu'a dit M. le ministre, mais, dans dix ou quinze ans, on en sera peut-être toujours au même point. Je crains surtout que, sur les bancs de la majorité, ce soit le concept de décroissance mal compris qui fasse peur et que personne n'ose le dire.

Le groupe socialiste votera pour le passage à la discussion des articles.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je mets aux voix le passage à la discussion des articles de la proposition de loi.

(L'Assemblée décide de ne pas passer à la discussion des articles.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

L'Assemblée ayant décidé de ne pas passer à la discussion des articles, la proposition de loi n'est pas adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion du projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix heures cinquante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma