Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 16 juin 2010 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, les fortes pluies qui ont touché, hier soir et cette nuit, le Var, ont entraîné la perte de plusieurs vies humaines.

Je suis sûr de me faire l'interprète de la représentation nationale unanime en adressant aux familles des victimes les condoléances de notre assemblée.

Je tiens à saluer également la diligence des secours et des agents des services publics qui font preuve, dans ces circonstances difficiles et douloureuses, d'un dévouement exemplaire. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation du groupe d'amitié Italie-France du parlement de la République italienne, conduite par son président, M. Gianni Farina. (Mmes et MM. les députés ainsi que les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement préalable au Conseil européen et le débat sur cette déclaration.

La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le Conseil européen qui se réunira demain à Bruxelles n'est pas un conseil de routine. J'ai d'ailleurs l'impression qu'il sera de plus en plus difficile d'employer ce mot.

L'Europe vient de traverser des semaines très difficiles. La crédibilité de plusieurs États membres a été mise en doute par les marchés financiers. La note de la Grèce a été dégradée. L'euro a été attaqué. Face au danger, envers et contre tout, l'Europe a retrouvé sa raison d'être : la solidarité entre ses membres et la volonté d'être plus forts ensemble.

Le 7 mai, les chefs d'État et de gouvernement de l'Eurogroupe, réunis en sommet, ont pris la décision historique et audacieuse de préserver la stabilité de la zone euro. L'Europe s'est rassemblée pour défendre sa monnaie et, avec celle-ci, sa prospérité, ses emplois, sa crédibilité, son indépendance et son avenir.

Depuis, les travaux se sont accélérés : trois réunions du conseil ECOFIN, les 9 mai, 18 mai et 8 juin ; deux réunions du groupe de travail sur la gouvernance économique, présidé par M. Van Rompuy, les 21 mai et 7 juin. Ces réunions ont notamment permis de mettre sur pied en un temps record le Fonds européen de stabilisation, c'est-à-dire les 750 milliards d'euros dont le principe avait été décidé le 7 mai.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

L'Europe, à nouveau, se met en marche. Nous avons pris les décisions d'urgence qui s'imposaient. Avec le Fonds européen de stabilisation auquel vous avez apporté votre soutien, nous disposons d'un mécanisme de réponse en cas de crise.

Nous devons aller plus loin. Quelques jours avant le sommet du G20 à Toronto, ce Conseil européen qui se réunit demain à Bruxelles marquera le retour de l'Europe. Il nous donne à la fois une chance et une responsabilité.

La responsabilité, c'est de regarder sans complaisance les problèmes qui nous attendent.

La chance, c'est de donner enfin à l'Europe ce qui lui manque et que la France appelle de ses voeux depuis dix ans : une véritable gouvernance économique européenne ; une stratégie efficace pour la croissance et pour l'emploi ; enfin, la capacité de peser dans les négociations sur la régulation des marchés financiers.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

La crise de la dette souveraine a rappelé deux évidences.

La première, c'est qu'on ne peut pas dénoncer les comportements financiers qui privilégient le court terme au détriment du long terme, et s'empêcher soi-même de penser à l'avenir. La dette non maîtrisée nous empêche de penser à l'avenir car elle interdit tout espoir croissance. Pour être sûrs de nos forces, nous devons d'abord être sûrs de nos finances publiques.

La seconde, c'est que le problème de la dette ne se pose pas seulement à l'échelle nationale ; il se pose à l'échelle de l'Europe. L'assainissement des finances publiques ne suppose pas seulement l'effort de chacun ; il suppose aussi la coordination de tous.

La France s'est engagée à ramener les déficits publics à 6 % du PIB en 2011, 4,6 % en 2012 et 3 % en 2013.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

C'est un effort considérable et nécessaire.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

La Commission européenne vient d'ailleurs de reconnaître la réalité des efforts français. Mais cet effort n'aurait pas de sens si nous ne travaillions pas en même temps à renforcer la coordination des politiques européennes. Cela ne veut pas dire que tous les États membres doivent faire la même chose. Ils doivent avancer à un rythme qui soit adapté à leur situation réelle. Le contraire serait inefficace et ne serait pas crédible.

La surveillance ne doit pas se limiter aux questions budgétaires. Elle doit prendre aussi en compte les divergences de compétitivité, les réformes structurelles et la stabilité financière.

Nous ne partageons la même monnaie qu'à seize. Les économies de ces seize pays sont, de ce fait, interdépendantes, mais il n'y a pas assez de coordination de nos politiques économiques et budgétaires, ce qui est absurde. Pire encore : à moyen terme, c'est suicidaire. La monnaie unique doit s'accompagner d'une coordination effective des politiques économiques. Les instruments existants – que ce soit le pacte de stabilité et de croissance ou la stratégie de Lisbonne – n'ont pas rendu possible jusqu'à maintenant une coordination efficace.

M. Van Rompuy présentera au Conseil européen de demain un rapport d'étape sur les travaux du groupe qu'il préside. Nous attendons que le Conseil européen fixe les premières orientations pour renforcer la gouvernance économique de la zone euro et de l'ensemble de l'Union. Que voulons-nous ?

D'abord, nous voulons que ce gouvernement économique s'exerce au niveau du Conseil européen, c'est-à-dire au niveau des chefs d'État et de gouvernement. L'Union européenne comprend vingt-sept États membres ; le gouvernement économique de l'Union européenne, ce sont les vingt-sept chefs d'État et de gouvernement.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Mais les responsables de l'Eurogroupe doivent pouvoir continuer de se réunir à seize quand c'est nécessaire et quand c'est plus pratique, comme ils l'ont déjà fait à quatre reprises. L'essentiel est là : la politique économique est une question politique. (Rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Elle doit donc être traitée au niveau politique. C'est précisément ce que le Président de la République et la Chancelière allemande ont affirmé ensemble lundi 14 juin.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Ensuite, nous souhaitons un renforcement de la discipline en matière de respect du pacte de stabilité et de croissance, qu'il s'agisse de son volet préventif ou de son volet correctif.

Cela implique de renforcer la surveillance des budgets nationaux, à l'occasion de débats sur les programmes de stabilité et de convergence, dans le respect – bien entendu – des obligations constitutionnelles de chaque État membre. Il ne s'agit pas de déposséder les parlements nationaux de leurs prérogatives budgétaires. (« Si ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Il appartient au Parlement, et au Parlement seulement, de donner son accord sur le budget national.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Mais il faut un mécanisme préventif et un échange d'informations au sein de l'Union européenne, pour assurer la coordination qui nous manque aujourd'hui. Ce mécanisme doit aussi permettre aux parlements de décider par eux-mêmes, en disposant d'informations plus fiables et plus complètes.

Concernant le volet correctif, la Chancelière Merkel et le Président Sarkozy l'ont redit avec force ce lundi : si cela est nécessaire, les sanctions devront aller jusqu'au retrait des droits de vote au Conseil en cas de manquements graves et répétés.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Sur tous ces points, nous attendons du Conseil européen qu'il définisse des orientations précises.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Mesdames et messieurs les députés, la crise dont nous devons sortir a plusieurs faces. L'endettement des États est l'une d'entre elles. C'est peut-être la plus immédiatement visible, mais ce n'est pas la seule. Notre stratégie de sortie de crise doit couvrir au moins deux autres fronts : la croissance et la réglementation des marchés financiers.

Depuis les années 70, l'Europe a été confrontée à trois chocs qui ont divisé à chaque fois son rythme de croissance par deux.

Le problème essentiel de l'économie européenne aujourd'hui, c'est la faiblesse de la croissance : elle est dix à douze fois plus faible qu'en Chine, sept fois plus faible qu'en Inde, trois ou quatre fois plus faible qu'aux États-Unis et qu'en Afrique.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Où est la stratégie européenne pour la croissance ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

L'Europe est-elle devenue le seul endroit au monde où l'on s'interdise de penser à l'avenir ? Les décisions du mois de mai prouvent abondamment le contraire. Mais il faut le reconnaître : la stratégie de Lisbonne a été un échec. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

La crise que nous traversons aujourd'hui marque aussi le contrecoup de cet échec. Il est temps d'en tirer les conséquences.

Nous avons besoin d'une nouvelle stratégie pour la croissance et pour l'emploi. Le Conseil européen doit l'adopter demain : il s'agit de la stratégie dite « Europe 2020 ». Le cadre général en a été fixé au mois de mars dernier. Cinq grandes priorités d'action ont été retenues : l'éducation, la recherche et développement, l'emploi, la lutte contre la pauvreté, et le changement climatique. (Sourires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Demain, le Conseil précisera ses objectifs, y compris les objectifs chiffrés en matière de lutte contre la pauvreté ou en matière d'éducation. Ces objectifs devront ensuite être déclinés au niveau des États.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

La France sera particulièrement vigilante sur ce point car la définition des objectifs chiffrés n'est pas une fin en soi. Ce qui compte, ce sont les moyens mis en oeuvre.

Nous avons obtenu que le pilotage soit assuré par le Conseil européen, c'est-à-dire par les chefs d'État et de gouvernement eux-mêmes : il est en effet nécessaire qu'ils s'approprient cette stratégie. Cela permettra une meilleure prise en compte de l'environnement macro-économique, et évitera qu'on ne retombe dans les travers bureaucratiques et gestionnaires de la stratégie de Lisbonne.

Nous souhaitons que toutes les politiques européennes contribuent à faire nôtre cette stratégie : pas seulement les politiques nationales, mais aussi les politiques communes, comme la politique agricole ou le marché intérieur.

Nous souhaitons que cette stratégie puisse s'appuyer sur des initiatives volontaristes dans le domaine de l'industrie et de l'innovation. Où est la stratégie européenne en matière de véhicules électriques ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Où est la stratégie européenne en matière de technologies de pointe ? (Mêmes mouvements.)

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Cela doit pourtant figurer au coeur de notre stratégie.

La prospérité européenne s'est construite sur l'ouverture des marchés. Cela reste vrai. La tentation du protectionnisme serait suicidaire. Mais l'ouverture des marchés doit être équitable. Quand certains grands partenaires de l'Union européenne introduisent des mesures de discrimination dans leurs marchés publics, quand ils refusent de prendre tout engagement sérieux en matière d'émissions de gaz à effets de serre, nous ne pouvons pas rester sans réagir. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

L'Europe a pris des engagements ambitieux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.) Il y a un risque de distorsion de concurrence avec les pays moins exigeants et moins scrupuleux. Au mois de mars dernier, le Président de la République avait appelé la Commission européenne à analyser les ripostes possibles.

C'est ce qu'elle a fait à la fin du mois de mai, en reconnaissant que la définition d'un mécanisme d'inclusion carbone, c'est-à-dire l'intégration des importateurs dans le système communautaire de quotas d'émission, constitue, comme nous le pensons, une des réponses qu'il convient d'explorer. Ce n'est pas seulement un instrument de protection contre les risques de fuite de carbone ; c'est aussi un outil pour inciter les pays tiers à réduire eux aussi leurs émissions. Pour tous nos partenaires, ce point doit être clair : l'absence d'engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effets de serre aura nécessairement un coût.

Retrouver des marges de manoeuvre pour la croissance nécessite aussi de regarder en face la réalité des défis de demain. Je pense ici en particulier à la réforme des retraites. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Le débat est aussi européen. L'ensemble de nos partenaires font le même constat, qu'ils soient dirigés par des gouvernements de droite ou de gauche. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

L'autre front sur lequel nous devons continuer d'agir, c'est la réglementation des marchés financiers.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

À force de se tourner vers les marchés financiers pour emprunter, les États ont fini par se rendre dépendants de leur logique.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Ils doivent maintenant prendre leurs responsabilités et apurer leurs comptes. Mais il faut que les marchés, eux aussi, soient réformés.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Le Président de la République et la Chancelière ont écrit le 9 juin dernier à propos des ventes à découvert. Ils ont redit le 14 juin que cette bataille se mène d'abord dans le cadre du G20. Le Conseil européen de demain arrêtera donc la position de l'Union pour le prochain sommet du G20 à Toronto.

Il est important que l'Union se présente unie et avec des propositions fortes, singulièrement sur la régulation financière et la question de la taxation du secteur financier.

Notre idée est simple : il appartient aux établissements bancaires de supporter le coût des activités qui font peser un risque sur le système financier. Nous nous battrons pour que des progrès soient enregistrés sur ce point à Toronto comme nous nous battrons pour que des progrès soient faits sur la taxation des transactions financières pour répondre, notamment, au financement du développement.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Nous attendons aussi que les engagements qui ont été pris au mois de septembre au sommet de Pittsburgh soient tenus. L'Union entend prendre toute sa part à ce processus. La Commission a présenté un certain nombre de propositions en ce sens, concernant notamment la création de fonds de résolution des défaillances bancaires ou la surveillance des agences de notation.

Mesdames et messieurs les députés, voici l'Europe que nous voulons après la crise : des finances publiques assainies…

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

…et un mécanisme de prévention et de résolution des crises que l'on peut activer en cas de tensions sur la zone euro ; une coordination efficace des politiques budgétaires et, plus largement, de nos politiques macro-économiques ; une vraie stratégie pour la croissance et pour l'emploi ; une vraie politique en matière de régulation des marchés financiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

L'UMP n'ovationne pas le ministre, c'est curieux.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

La crise financière a accéléré, en Europe, des évolutions que nous n'avons jamais cessé d'appeler de nos voeux.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Je ne parle pas seulement de la coordination des économies. Je parle aussi du pilotage politique de l'Union autour du Conseil européen.

Le Traité de Lisbonne a institutionnalisé le Conseil européen. C'était une innovation majeure. Aujourd'hui, cette innovation est pleinement mise en oeuvre, grâce au travail du président du Conseil, M. Van Rompuy, mais aussi grâce à la volonté politique des membres du Conseil, et au premier chef, du Président de la République et de la Chancelière allemande.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Au coeur de tous les efforts que je viens de citer, il y a en effet un moteur : le couple franco-allemand. Bien sûr, nos positions ne sont pas toujours identiques. Bien sûr, des compromis sont nécessaires. Mais l'Europe est grande par le compromis, elle avance par le compromis, elle avance par le couple franco-allemand. La rencontre entre la chancelière Merkel et le Président de la République, il y a deux jours, en est une preuve supplémentaire.

Il faut en finir avec les clichés !

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Il n'y a pas d'un côté une vision française et de l'autre une vision allemande, qui se feraient face et qui s'opposeraient. Il y a une vision européenne, respectueuse des intérêts français comme des intérêts allemands, et nous la défendons ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de François Vannson

Il y a une construction européenne pour la paix et le développement !

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Depuis l'origine, le couple franco-allemand repose sur quelque chose qu'il ne faut pas hésiter à nommer un peu de grandeur politique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Oui, il y a de la grandeur en politique européenne. Peut-être ceux qui ne savent pas le reconnaître sont ceux qui n'en sont pas capables. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs autres points seront bien sûr abordés lors du Conseil : la perspective d'une entrée dans l'Euro de l'Estonie au 1er janvier 2011…

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

…et l'octroi du statut de candidat à l'Islande ; la mise en oeuvre du pacte européen sur l'immigration et sur l'asile ; la position de l'Union en vue du sommet des Nations unies sur les objectifs du millénaire ; la mise en place à brève échéance de sanctions complémentaires sur l'Iran – permettez-moi cependant de ne pas les évoquer dans le détail.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

J'ai voulu me concentrer sur la réponse à la crise actuelle…

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

…parce que l'avenir de l'Europe est en jeu et parce que le Conseil européen sera, face à la crise, une étape majeure de la consolidation de l'unité européenne.

C'est à ce prix que nous maintiendrons la place de l'Europe dans le monde et que nous éviterons un double piège – que le monde change sans l'Europe, et que l'Europe change sans les Européens. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Pour le groupe SRC, la parole est à Mme Élisabeth Guigou.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, l'Union européenne connaît aujourd'hui une crise profonde, une crise à vrai dire sans précédent. Certes, il y eut d'autres crises : on se souvient du rejet de la Communauté européenne de défense et de la politique de la chaise vide du Général de Gaulle ; j'ai moi-même des souvenirs personnels des revendications du « I want my money back » de Mme Thatcher – cela ne nous rajeunit pas – ou de la crise de change des années 1992-1993.

Mais à chaque fois, une initiative franco-allemande permettait de s'en sortir, et de s'en sortir par le haut.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Jean Monnet pouvait dire, à juste titre, que « l'Europe sera la somme des solutions qu'elle aura su apporter à ses crises. »

Aujourd'hui, la situation est plus grave pour trois raisons au moins. D'abord, la crise revêt une dimension mondiale : la crise de l'euro et de l'Union européenne intéresse le monde entier, parce que l'euro représente le tiers des réserves mondiales des Banques centrales. Ensuite, nous assistons depuis plusieurs années à une perte de l'esprit européen : Jacques Delors note à juste titre dans une interview parue aujourd'hui dans Le Figaro que « les pompiers ont agi » – « avec retard » d'ailleurs, si l'on pense à la Grèce – mais « que l'on attend les architectes à l'échelle de l'Union européenne et au niveau du G20. »

Trois sommets du G20 se sont tenus, et nous en attendons un quatrième. Mais, malgré les proclamations d'intentions, rien ne s'est passé.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Encore fallait-il inventer le G20 !

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Nous attendons donc les architectes, et nous voulons que les actes suivent les paroles. Nous voulons une nouvelle architecture du modèle européen et mondial qui régule les marchés et maîtrise la sphère financière.

Enfin, il faut sortir de l'inquiétante et profonde dégradation de la relation franco-allemande que les sourires de façade n'arrivent même plus à masquer.

La crise actuelle – dont nous ne connaissons malheureusement pas encore tous les effets économiques et sociaux – laisse prévoir une situation d'une gravité exceptionnelle : 25 millions de chômeurs cette année, plus de 30 millions de travailleurs pauvres, une crise des valeurs et de l'éthique, un système financier menacé, une panne de croissance inquiétante. Malgré cela, le capitalisme de casino prospère et la spéculation continue sans que les gouvernements prennent des mesures significatives.

Alors que nous assistons à une addition de plans d'austérité, la récession menace et avec elle, encore plus de déficit et de dette.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Les marchés continuent à spéculer : on le voit avec la dégradation de la notation de la Grèce et de l'Espagne.

Malgré les intentions que vous affichez, il n'y a pas, monsieur le ministre, de stratégie européenne de retour à la croissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Le ministre n'arrivait même pas à mettre le ton pour lire son discours !

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Nous avons les mots – « Europe 2020 » –, mais où sont les actes ? On ne voit qu'une addition de coupes claires dans les budgets publics et les budgets sociaux, qui ne feront que déprimer plus encore la consommation et l'investissement, ce qui accentuera encore les déficits et la dette.

L'Union européenne, à la vérité, subit cette crise depuis trop longtemps, c'est un peu la crise de tous les problèmes que nous n'avons pas su régler, c'est la suite du traité de Maastricht qui n'a pas été assurée, c'est la transmission de l'esprit européen qui n'est pas pleinement assumée. Un sursaut s'impose. Cette crise, qui est déjà ancienne, nous impose d'agir et d'agir vite.

Il s'agit tout d'abord de remédier au déséquilibre originel de l'Union économique et monétaire. Avant même l'entrée en vigueur de l'euro, nous avions conscience des faiblesses des dispositions relatives au pôle économique de l'Union économique et monétaire. Il y a déjà treize ans, en 1997, Jacques Delors écrivait : « Les institutions européennes ne permettent pas, à l'heure actuelle, la mise en place d'une véritable coordination des politiques macro-économiques au niveau européen […] l'Europe a payé très cher ce manque de coopération […] la convergence monétaire a primé sur la convergence économique. » Cela lui a permis de dire que l'Union économique et monétaire était unijambiste et que seule la fonction monétaire était valide. Il poursuivait : « L'Europe ne s'est pas dotée des moyens d'une véritable politique coordonnée de soutien de la croissance. »

Les pistes qu'avait tracées Jacques Delors restent valables encore aujourd'hui, hélas ! Il avait préconisé un pacte de coordination, une relance européenne fondée sur l'emprunt. Cela n'a jamais été fait et aujourd'hui, on fait même le contraire. Après la France qui annonce seule et sans concertation un gel des dépenses publiques pendant trois ans, c'est l'Allemagne qui annonce seule et sans concertation un plan d'austérité de 80 milliards d'euros.

Le deuxième problème, c'est une relation franco-allemande très dégradée. La relation Chirac-Schröder avait connu de très mauvais débuts puis elle s'était stabilisée, mais sans jamais parvenir à produire une initiative franco-allemande d'envergure et qui soit acceptée par nos partenaires de l'Union européenne. La seule chose qu'ils ont produite ensemble, c'est la malheureuse lettre sur la guerre d'Irak. Sur le fond, il fallait refuser cette guerre, mais la lettre était tellement mal faite et tellement arrogante vis-à-vis de nos autres partenaires qu'elle n'a servi qu'à cristalliser la division de l'Europe. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Cela vous gêne mais c'est la vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Loin des couples historiques comme Adenauer-de Gaulle, Schmidt-Giscard ou Kohl-Mitterrand, le binôme Sarkozy-Merkel n'a fait ensuite que creuser le déséquilibre et l'incompréhension.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Depuis le début des années 2000, la France et l'Allemagne ont perdu leur rôle de moteur parce que ces deux pays ont cessé d'être exemplaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Parce qu'ils ont cherché à dominer les autres plutôt qu'à les entraîner,…

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

…parce qu'ils n'ont pas respecté les règles de l'Union européenne à partir de 2003, ces deux pays ont perdu tout prestige et toute autorité. De plus, depuis deux ans, c'est la compétition entre eux qui prévaut plutôt que la coopération.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Nous avons besoin de sortir de cet état parce que ce n'est pas en additionnant les plans d'austérité qu'on arrivera à retrouver les chemins d'une politique et d'une stratégie de croissance. Pour cela, il est vital de retrouver un climat de confiance mutuelle entre la France et l'Allemagne.

Le troisième problème, c'est l'absence de la Commission, qui continue à mouliner son idéologie libérale. Depuis 2004, la Commission européenne a théorisé sa propre impuissance, elle a renoncé à son pouvoir d'initiative.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Pourtant, la Commission a un rôle majeur à jouer car elle seule peut dégager l'intérêt général européen. Elle n'a pas à décider à la place des États membres mais si elle ne propose rien, alors nous n'avons qu'une addition désordonnée d'initiatives nationales qui aboutit à beaucoup d'agitation mais à aucun résultat.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La Commission n'a pas voulu proposer ce plan européen de relance. Il faut savoir que l'addition des plans de relance nationaux équivaut à 1,6 % du produit intérieur brut européen contre 5 % pour la Chine et 6,55 % pour les États-Unis.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Nous sommes dans un état d'impuissance qui n'a d'égal que l'absence de régulation financière puisque, malgré les bonnes intentions du pré-rapport Larosière, le compromis qui s'est dégagé est très insuffisant – et je ne parle pas de sa mise en oeuvre. Nous attendons toujours une directive sur les Hedge funds, une directive sur l'harmonisation de la fiscalité de l'épargne, et la mise en place des organismes de contrôle qui devraient exister au plan européen.

Face à cette situation, nous avons des propositions à formuler, mes chers collègues.

D'abord, pour retrouver le chemin de la croissance et de l'emploi. C'est essentiel.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Très bien !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ah !

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Nous voulons un véritable mécanisme européen pour la stabilité financière. Nous ne pourrons pas retrouver le chemin de la croissance si nous restons avec cette épée de Damoclès de la catastrophe financière.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Ce pourrait être une préfiguration du fonds monétaire européen destiné à marquer la solidarité entre États membres de la zone euro.

Mais la relance de l'économie et du marché de l'emploi nécessite une grande politique d'investissements dans des secteurs clefs comme l'énergie. Si nous avions, ce que nous préconisons depuis longtemps, une véritable communauté européenne de l'énergie qui coordonnerait les investissements à long terme dans les technologies nouvelles, la recherche, l'innovation, et qui serait financée par des fonds européens, c'est-à-dire à la fois des fonds budgétaires et des fonds d'emprunt, nous serions certainement à la hauteur du problème, au lieu d'avoir une mortelle concurrence fiscale et sociale entre États qui tire tout vers le bas et vers la récession. Nous voulons un pacte du progrès social qui accompagne le pacte de stabilité et de croissance qui a fait la preuve de son insuffisance, pour avoir une sortie de crise progressive.

Ensuite, nous proposons une vraie régulation pour lutter contre la spéculation. Il ne s'agit pas de se soumettre aux marchés ni de les ignorer mais de les encadrer. Les sociaux-démocrates européens souhaitent que soit instituée une taxe sur les transactions financières, pas ce que propose Mme Merkel qui donnerait un rendement ridicule mais une vraie taxe de 0,05 % du PIB, qui rapporterait plus de 200 milliards d'euros par an. Là, on pourrait commencer à parler de choses sérieuses. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Il faudrait également lutter contre l'évasion et la fraude fiscales et établir une Agence européenne de la dette qui émettrait des obligations européennes afin de financer ces grands projets européens dont nous avons besoin pour soutenir la croissance et l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Nous avons besoin d'une coordination économique et budgétaire plus intense dans la zone euro – nous sommes d'accord avec les propositions françaises.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Sans négliger l'Union européenne, il faudrait une coordination plus intense dans la zone euro. Sauf que, monsieur le ministre, ce qu'il ne fallait pas faire, c'était de proposer encore une démarche institutionnelle avec la création d'un secrétariat. À quoi sert un secrétariat si on n'y met aucun contenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Évidemment, nous nous sommes fait retoquer sur ce sujet. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Enfin, il nous faut absolument refuser le protectionnisme européen. Il existe un bon moyen de défendre le respect des normes écologiques et sociales dans les échanges internationaux en récusant la volonté de faire de l'Europe un ghetto de riches, c'est de travailler dès maintenant à une union euro-africaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Au lieu des 450 millions d'Européens, nombre qui n'est pas à l'échelle de la mondialisation, une coopération euro-africaine fondée sur l'élévation vers le haut de ces normes nous permettrait de jouer non sur 1 milliard d'habitants, qui est l'échelle minimum aujourd'hui, mais sur 2,5 milliards d'habitants. Nous pourrions ainsi commencer à aller chercher de la croissance en Afrique, parce qu'il y en a là-bas alors qu'il n'y en a plus chez nous, à jouer sur les complémentarités et à relever en commun les défis auxquels nous sommes confrontés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Nous payons les erreurs persistantes de choix des gouvernements conservateurs. Nous voulons en sortir et je vous le dis, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, pour que vous puissiez le répercuter auprès des autres membres du Gouvernement, écoutez bien ce que vont dire Martine Aubry et Sigmar Gabriel dans les jours prochains (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), parce que vous entendrez les voix d'une renaissance de la relation franco-allemande, et écoutez bien ce que vont décider les partis socialistes européens, parce qu'ils ont une véritable alternative à proposer, pour un vrai chemin vers la croissance et l'emploi…

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

…et pour mettre enfin les mots et les actes en cohérence, ce qui, reconnaissons-le, est ce qui manque le plus aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-François Copé, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire. (De nombreux députés du groupe SRC se lèvent et quittent l'hémicycle.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Les socialistes s'en vont. Cela ne les intéresse pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Vous l'avez rappelé, madame Guigou comme monsieur le ministre, c'est vrai que nous sommes en train de vivre une crise d'une ampleur inédite et les Français nous demandent, nous le constatons à travers les réunions publiques que nous tenons dans toute la France, qu'on leur dise la vérité. Dire la vérité, c'est aussi proposer de construire avec eux un chemin d'avenir.

Bien sûr, chacun a sa part de vérité dans ce domaine mais nous ne sommes pas là pour expliquer qu'il y a, d'un côté, ceux qui ont toujours raison et, de l'autre, ceux qui ont toujours tort, ou pour opposer sans cesse, comme on le fait si souvent à gauche, les riches contre les pauvres, les gentils contre les méchants. On voit bien que cela n'est plus du tout à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

La vérité veut que nous disions aux Français que nous sommes en train de changer d'époque.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Et ce changement d'époque nous commande de prendre un certain nombre de décisions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Quand on regarde l'état du monde aujourd'hui et les projections qui sont faites, quel est le panorama de l'avenir si nous ne faisons rien ? C'est un monde organisé, régi, décidé par le G2, les États-Unis et la Chine. Le véritable enjeu pour nous, à la veille de ce Conseil européen, c'est de voir comment l'Europe, ce continent si original, si particulier, peut demeurer à la table des grandes décisions du monde parce que l'expérience, la maturité qui est la sienne fait de l'Europe l'acteur majeur pour déterminer demain les grandes perspectives de notre planète. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

C'est ce défi-là qu'il nous faut relever et cela commence sans doute par un rendez-vous avec les Français sur une question de mental, comme on dit dans le monde du sport.

Il y a quelques semaines, j'ai lu un livre de Dominique Moïsi, dont je vous recommande bien volontiers la lecture, qui s'intitule La géopolitique de l'émotion. Ce livre propose une description très intéressante des rapports de forces diplomatiques sur la planète.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Il explique que la diplomatie peut être lue à travers trois émotions, l'humiliation, l'espérance et la peur, et il décrit la planète à travers ces trois émotions. Il juge que l'espérance est du côté de l'Asie, que l'humiliation est du côté du monde arabe et de l'Afrique et que la peur est du côté du monde occidental et singulièrement de l'Europe.

Cela vaut la peine de réfléchir, dans le discours public, à la manière de convaincre nos concitoyens en Europe et singulièrement en France, à la lumière de cet éclairage, de la nécessité qu'il y a à surmonter notre peur et à construire, de manière rationnelle et réaliste, un chemin d'avenir sur la base d'éléments objectifs qui doivent faire de l'Europe et de la France des acteurs majeurs pour construire le monde de demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Deux orientations majeures pourraient guider notre réflexion et notre action.

La première, vous l'avez dit, monsieur le ministre, et vous aussi, madame Guigou – il est des points sur lesquels je pense que nous pouvons nous retrouver –, c'est la question de la gouvernance économique européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

C'est une affaire extrêmement difficile. En effet, si nous avons beaucoup bataillé, sur tous les bancs d'ailleurs, pour que l'euro devienne réalité, nous avons peut-être commis l'erreur de nous reposer sur nos lauriers en pensant qu'une fois la monnaie unique créée, tout marcherait normalement et naturellement comme dans n'importe quelle autre région du monde où l'on fonctionne avec une même monnaie. La vérité, c'est qu'en ne mettant pas suffisamment l'accent sur la convergence des politiques économiques, en n'installant pas une véritable régulation politique européenne, nous avons manqué notre objectif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Cela fait huit ans que vous êtes au pouvoir !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

La crise financière si brutale que nous vivons est pleine d'enseignements. Elle est extrêmement douloureuse mais, en même temps, elle nous invite à saisir des opportunités. La gouvernance européenne économique en est une naturellement. Pierre Lequiller, Michel Herbillon et Jean-Pierre Gorges ont travaillé de manière très intéressante sur cette question et nous avons fait des propositions, au nom de notre groupe, au Président de la République sur cette question de gouvernance européenne.

Ils en ont donné connaissance et Pierre Lequiller a fait un travail passionnant au titre de la délégation. Il y a là, pour nous demain, des chantiers énormes. Je pense en particulier qu'il faut assumer des institutions plus fortes et accepter de sanctionner des pays qui ne se sont pas conduits correctement au regard de la discipline européenne.

De la même manière, il faut que les chefs d'État et de gouvernement, et non les seuls ministres des finances européens, soient en première ligne sur les questions de gouvernance économique européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Enfin, si l'on veut faire une gouvernance, alors il faut parler de convergence des politiques économiques, budgétaires et fiscales, sinon cela ne servira à rien. C'est de ces sujets que l'on doit parler.

Une deuxième priorité est, à mes yeux, vitale, c'est l'axe franco-allemand. Tout le monde le sait, et ne pas le dire est une erreur : l'Europe fonctionne quand l'axe franco-allemand est dynamique, lorsque l'on a bien en tête que le PIB cumulé de la France et de l'Allemagne c'est la moitié de la zone euro.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Et à ceux qui auraient tant de complexes vis-à-vis de l'Asie lointaine et si dynamique, rappelons que le PIB de l'Europe des vingt-sept est encore trois fois supérieur à celui de la Chine et que si nos taux de croissance sont inférieurs à ceux des Chinois, nous avons des acquis majeurs de croissance, de compétence, de création et d'innovation sur lesquels nous devons nous appuyer pour construire la croissance européenne de demain.

Sur ce point de l'axe franco-allemand, la vérité c'est que depuis une quinzaine d'années l'Allemagne se trouve confrontée à un véritable dilemme. Alors que le deutschmark était la dernière fierté qui lui restait après les souvenirs dramatiques de la Seconde Guerre mondiale, elle est entrée dans l'euro pour témoigner, d'une certaine manière, sa reconnaissance à l'ensemble des pays européens qui ont financé la réunification au prix de taux d'intérêts élevés. L'Allemagne avait en tête que, dans l'euro, elle participerait à la construction européenne. Il n'en reste pas moins que, dans le même temps, elle a fait des efforts majeurs de réduction des dépenses publiques, de réformes structurelles, de compétitivité de son économie, que certains autres pays, dont le nôtre, n'ont pas fait suffisamment.

Nous sommes maintenant face à une décision majeure : si nous voulons construire un axe franco-allemand qui redevienne le moteur de l'Europe, nous Français, sur le plan économique, devons donner des gages à nos partenaires allemands. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) C'est à nous de le faire. Voilà pourquoi j'assume et je revendique le mot de rigueur. Je considère en effet qu'il est de notre responsabilité de dire aux Français que, pour construire l'avenir de demain, il faut une politique budgétaire rigoureuse. Lors du débat budgétaire, nous ferons d'ailleurs, avec Gilles Carrez et Pierre Méhaignerie, des propositions très avant-gardistes en la matière. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Par ailleurs, nous, Français devons faire un travail de réflexion sur notre modèle économique. En effet, le nôtre est adossé sur la seule consommation, c'est-à-dire la dépense publique, alors que celui des Allemands est construit sur la recherche de nouveaux marchés par l'innovation, l'investissement et les exportations. Le modèle économique allemand est construit sur les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire avec, du point de vue culturel, un élément majeur : en Allemagne on sait que parler anglais est une priorité pour aller chercher les marchés. (M. Myard s'exclame.)

Nous ne devons pas craindre, en France, de faire de la restructuration de nos petites entreprises, pour qu'elles trouvent les moyens de grandir et de s'adosser sur les grandes, un élément de reconquête de la croissance économique par l'investissement, l'innovation et les exportations. Il ne faut pas craindre de ne pas faire reposer notre croissance seulement sur la consommation.

Enfin, troisième et dernier point, nous sommes attendus par toute l'Europe sur la question des réformes structurelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Il en est une que nous avons annoncée aujourd'hui et qui est, à l'évidence, un rendez-vous de courage et d'équité. C'est la réforme de notre système de retraites. Je sais qu'à gauche il en est beaucoup pour en dire du mal.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Je veux simplement ici rendre chacun attentif à ses responsabilités. Tous autant que nous sommes, une fois que le soir, en rentrant chez nous, nous enlevons nos casquettes de militants politiques et que nous nous regardons devant la glace,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

…nous n'avons qu'une seule question à nous poser, celle de savoir si ce que nous devons faire cela n'est pas d'abord pour l'avenir de nos enfants. La réforme des retraites, c'est pour préserver un modèle de solidarité nationale qui engage l'avenir de nos enfants. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Et au-delà des mouvements d'humeur que la gauche n'a pas manqué d'exprimer dès l'annonce de la réforme des retraites,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

…au-delà des manifestations, j'invite chacun à prendre ses responsabilités. Nous engageons maintenant la réforme des retraites dans l'esprit, aussi, de l'avenir et de la solidarité européenne. J'invite chaque responsable socialiste, communiste et vert à se demander si, lorsque viendra l'échéance présidentielle de 2012, ils pourront raisonnablement signer un retour à l'âge légal de la retraite à soixante ans, comme l'a dit Martine Aubry, alors même que c'est l'avenir de nos enfants qui est engagé et que les Français, même s'ils peuvent à juste titre être préoccupés par la situation et regretter de devoir en arriver là, savent bien qu'il n'est d'autre solution que la réforme des retraites que nous préconisons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Ce rendez-vous est un rendez-vous de courage ; il nous retrouve tous et il nous engage. C'est l'avenir de l'Europe qui est en cause, l'avenir de la France, et nous le savons tous, nous qui sommes des responsables politiques, c'est un rendez-vous de crédibilité à l'occasion duquel les Français nous regarderont très attentivement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Pour le groupe GDR, la parole est à M. François de Rugy.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Conseil de l'Union européenne qui va se réunir demain devrait normalement faire l'objet de toutes les attentions, tellement des décisions stratégiques sont à prendre. J'emploie malheureusement le conditionnel, car je me fais malheureusement peu d'illusions sur l'indifférence qui accompagne de plus en plus les réunions et les pseudo-décisions des institutions européennes.

Que ce soit en France, dans le reste de l'Europe ou plus généralement dans le monde, on peut se poser une question simple : où est l'Europe ? Où est passée l'Europe ? devrait-on dire. Alors que l'Union européenne constitue, et de loin, la première puissance économique mondiale, tout le monde ne peut que le constater, et nous les écologistes pro-européens de toujours, nous le regrettons profondément : la parole politique européenne ne cesse de s'affaiblir.

La crise globale ne peut être réduite à une simple crise financière. Notre système économique et social ira droit dans le mur si une réorientation majeure n'est pas décidée. Nous sommes en train de changer d'époque, disait à l'instant M. Copé, mais tirez-en les conclusions, mesdames, messieurs de la majorité, messieurs les ministres !

L'Europe, faute de comprendre les mutations d'aujourd'hui, et au lieu de faire de sa culture, de son histoire, de son modèle social, ses principaux atouts, s'enferme chaque jour un peu plus dans un conformisme économique qui a pourtant conduit à la crise.

Au printemps dernier, les gouvernements européens ont fait un choix stratégique : le choix de faire reposer l'Union essentiellement sur les États, plus exactement sur les chefs d'État et de gouvernement. Nicolas Sarkozy a revendiqué ce choix qui a conduit à désigner, pour représenter l'Europe, des personnages impuissants afin de ne pas faire d'ombre aux chefs d'État et de gouvernement. Ces personnages impuissants, ce sont M. Van Rompuy et Mme Ashton.

M. Copé – il est parti, malheureusement ! – a parlé tout à l'heure de ce qui, selon lui, se profile : un G2 Etats-Unis- Chine, mais c'est votre gouvernement, c'est le Président de la République que vous soutenez, mesdames, messieurs de la majorité, qui organisent consciencieusement depuis trois ans l'affaiblissement politique de l'Europe avec des décisions comme la nomination de M. Van Rompuy ou de Mme Ashton.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Ce qui devait arriver, arrive : la force supposée des États se heurte à la toute-puissance des marchés financiers et se délite au gré des dissensions internes et des replis nationaux.

Le dernier semestre a été à cet égard catastrophique : l'Allemagne a attendu le dernier moment, par pur électoralisme, pour accepter du bout des lèvres de venir au secours de la Grèce, à des conditions d'ailleurs inacceptables.

Symbole ultime de cette impuissance européenne : l'Union européenne va être présidée, à partir du 1er juillet prochain, par un pays, la Belgique, qui n'aura sans doute même pas de gouvernement !

Tout cela, cette impuissance organisée, ces égoïsmes nationaux auxquels la France n'échappe pas, cette soumission aux logiques froides des marchés – ceux-là mêmes que nous avons dû sauver il y a quelques mois en engageant nos finances publiques –, cette absence de vision commune, ce sont les citoyens européens et les entreprises de notre continent qui en paient le prix. Les incertitudes autour de l'euro fragilisent nos économies, et je parle bien des « incertitudes » car le fait que l'euro soit moins fort n'est pas une mauvaise chose, bien au contraire. Les politiques budgétaires désordonnées se traduisent par des plans de rigueur nationaux imposés dans la hâte et sans autre logique que comptable.

On nous dit, et vous avez tenté de nous le faire croire, monsieur le ministre, que les dirigeants français et allemands tentent de réanimer la flamme de l'axe franco-allemand. On pourrait d'ailleurs discuter de la stratégie du Président de la République qui, au début de son mandat, a ouvertement cherché à trouver un autre axe, notamment un axe franco-britannique.

On nous promet des positions communes fermes et audacieuses sur la scène internationale à l'occasion du prochain G20 – taxes sur les transactions financières, régulations bancaires renforcées. Si seulement c'était vrai, messieurs les ministres, vous auriez notre soutien ! Mais au-delà de ces promesses, qui viennent après tant d'autres déclarations non suivies d'effets, nos concitoyens attendent des actes. Et ces actes, c'est au conseil européen de les poser.

L'Union européenne doit tirer impérativement des conclusions fortes de la crise. Or que voyons-nous ? On nous propose une stratégie 2020 calquée, quasiment au mot près, sur la stratégie 2010. Comme si celle-ci n'avait pas montré son échec – M. le ministre lui-même l'a pourtant reconnu ! Comme s'il ne s'était rien passé ! Comme si la crise n'avait pas eu lieu ! De la crise financière, vous n'avez rien appris, ou si peu.

Où en sommes-nous de la limitation de la toute-puissance de la finance par l'instauration de règles et l'interdiction des pratiques qui nous ont conduits au bord du gouffre ?

La limitation des effets déstabilisateurs de la spéculation financière ne peut plus attendre. Vous pouvez prendre des mesures claires, à court terme, telles que l'interdiction des ventes à découvert ou du marché des fameuses swaps où s'opère la spéculation sur les titres de la dette souveraine.

Où en sommes-nous de la prise en compte des impératifs climatiques et de la raréfaction des ressources naturelles que nous ne pouvons plus continuer à consommer à ce rythme effréné, tant elles sont épuisables ? Cette question centrale, on l'a manifestement enterrée à Copenhague. Là aussi, monsieur le ministre, l'échec de Copenhague, c'est l'échec de votre stratégie des chefs d'État et de gouvernement plutôt que de la puissance européenne.

La seule perspective tracée par José-Manuel Barroso, c'est le retour hypothétique à une croissance miraculeuse dont on a pourtant appris et la versatilité, et les limites. Comment ne pas voir que cette recherche de la compétitivité à tout prix est de plus en plus désespérée face à la concurrence non régulée avec de nouvelles puissances économiques, commerciales et maintenant financières comme la Chine ? Je voudrais d'ailleurs répondre à Elisabeth Guigou sur le protectionnisme. Moi non plus je ne souhaite pas son retour, mais je ne voudrais pas que l'on agite le chiffon rouge du protectionnisme car, face aux délocalisations, si l'on ne traite pas la dérégulation du commerce mondial, nous resterons impuissants.

La commission dont vous avez soutenu la nomination se contente de nous vendre de vieilles recettes, sous couvert d'une stratégie qui n'a de nouvelle que le nom.

La stratégie 2020, cela devrait être de faire de notre économie la plus économe en ressources et la plus performante énergétiquement. Cela devrait être de lutter avec opiniâtreté contre la pauvreté, contre les inégalités, au lieu de quoi on impose dans la précipitation, parce qu'on n'a pas su réagir à temps, parce qu'on a eu, notamment en France, une politique budgétaire et fiscale totalement irresponsable, des coupes sombres dans les budgets de solidarité : votre réforme des retraites en est la sinistre déclinaison française. M. Copé s'en est félicité. Eh bien nous, nous la combattrons fermement !

La stratégie 2020, cela devrait être de remettre la justice sociale au centre des objectifs des politiques publiques, mais la seule question aujourd'hui en débat, nous dit-on, c'est de savoir si l'on va ôter le droit de vote au Conseil aux États jugés « budgétairement irresponsables », comme si, en la matière, la France que vous dirigez pouvait se permettre de donner des leçons au reste de l'Europe !

Nous ne prenons pas le chemin de la solidarité entre les vingt-sept pays de l'Union européenne. L'Union n'est même pas capable de réviser ses propres politiques alors que la crise agricole gronde depuis plus d'un an.

Il n'y aura pas de sortie de crise sans une nouvelle gouvernance économique européenne, nous semblons d'accord sur ce point. Pour notre part, nous la faisons reposer sur quatre piliers.

Le premier pilier, ce sont des dépenses publiques responsables. Cela implique de réformer en profondeur le pacte de stabilité et de croissance afin d'utiliser, au-delà des seuls indicateurs des déficits et de dette publique, une gamme plus large d'indicateurs de développement humain, économiques, sociaux et écologiques.

Le deuxième pilier, c'est une intégration renforcée dans des domaines où une action unifiée permettra de gagner en efficacité opérationnelle et en efficience budgétaire. Nous pensons notamment à la politique de défense européenne : quelle aberration de financer par les aides européennes les dépenses militaires inconsidérées de la Grèce ! Des possibilités existent aussi dans les dispositifs diplomatiques.

Le troisième pilier serait un effort de coordination fiscale. La souveraineté fiscale est un leurre si nous ne mettons pas en place les fondements minimaux d'une fiscalité juste, efficace et convergente entre les vingt-sept pays de l'Union européenne. Qu'il s'agisse de la taxation des profits des entreprises transnationales, ou encore de la lutte contre l'évasion fiscale et les paradis fiscaux, faisons ensemble ce que nous ne pouvons pas faire séparément.

Le quatrième pilier serait un véritable budget européen alimenté par des ressources fiscales propres et une capacité d'emprunt autonome de celle des États. Ce budget, l'Union le mettrait alors au service de sa stratégie, au coeur de laquelle nous mettons un vrai plan européen de reconversion écologique de l'économie. Et permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, que votre simple évocation de la voiture électrique ne nous paraît pas du tout à la hauteur des enjeux.

La crise financière que nous vivons, les difficultés budgétaires des pays membres, ne peuvent occulter le défi écologique mais aussi le défi social de la lutte contre les inégalités, à la fois entre les vingt-sept pays de l'Union et au sein même de nos pays.

La proposition de M. Barroso définit-elle un projet commun, à l'aune duquel chaque État membre pourrait adapter sa politique de dépenses publiques pour les rendre responsables ? Non.

Pour toutes ces raisons, nous demandons au Gouvernement français de refuser de valider, demain, la stratégie 2020 de la commission Barroso. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François Rochebloine pour le groupe du Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Avant d'évoquer les sujets que doit aborder par priorité le futur Conseil européen, la question doit être posée, soixante ans après la déclaration par laquelle Robert Schuman annonçait, le 9 mai 1950, la création future de la Communauté européenne du charbon et de l'acier et traçait d'une manière prophétique les premiers jalons du projet européen.

Héritier, parmi d'autres, de la tradition portée par Robert Schuman, le Nouveau Centre répond résolument par l'affirmative à cette interrogation.

Certes, nous ne méconnaissons pas les graves difficultés de l'entreprise européenne. Nous constatons comme tout le monde qu'elle a perdu, en France du moins, mais aussi ailleurs, une bonne part de sa force de mobilisation. En considérant l'ordre du jour du prochain Conseil européen, on peut commencer à comprendre pourquoi. L'Europe, en effet, ne peut vivre et se développer que comme porteuse d'un véritable projet politique commun.

Or l'opinion constate et déplore que, face à la globalisation des échanges, qui veut dire aussi la globalisation des spéculations, la réponse collective de l'Union européenne est encore insuffisante. Peut-on vraiment dire que l'Union européenne a la capacité politique de parler effectivement d'une seule voix au G20 ? Et pourtant, il faudrait absolument qu'elle puisse le faire. Le Président de la République comme le Gouvernement sont assurés de notre entier soutien dans les efforts qu'ils conduiront pour obtenir cette expression concertée.

Il faudrait aussi que face à la spéculation sans frontières, l'Europe et les États qui la composent prennent des mesures de contrôle et de taxation communes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Il aurait fallu écouter les communistes plus tôt !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

L'expérience a montré la difficulté de l'harmonisation fiscale européenne, tant les traditions nationales et les intérêts immédiats peuvent diverger. Mais en l'espèce, le coût économique, politique et social collectif du laisser-aller spéculatif est tel que les États membres de l'Union européenne doivent se rendre compte qu'il excède l'avantage immédiat résultant pour tel ou tel d'entre eux d'une compréhension trop grande pour les exigences d'une certaine conception du marché financier.

Nous nous réjouissons de l'accord de principe dont ont fait état, à ce propos, la Chancelière Angela Merkel et le Président Nicolas Sarkozy. Nous espérons que les travaux du Conseil européen aboutiront sur ce point à des orientations concrètes pour la relance de la lutte contre les paradis fiscaux, la réforme de la rémunération des intermédiaires financiers à la suite des recommandations du G20 et enfin une taxation européenne du secteur bancaire.

Plus largement, il faudrait en outre que l'Europe reprenne la main pour la défense de l'euro. L'enjeu immédiat est bien sûr la consolidation d'une monnaie dont les marchés scrutent les faiblesses. Il concerne certes en priorité les seize pays de la zone euro proprement dite, mais la crise de la monnaie européenne intéresse aussi tous les pays de l'Union par ses répercussions sur les échanges économiques et la vie des peuples de l'Europe.

On parle beaucoup de sortie de crise. Il me semble pourtant que nous n'avons vécu qu'un moment de la crise, car l'accumulation des déficits publics et la croissance de la dette dans un environnement spéculatif ne peuvent que conduire à une reprise des difficultés économiques et monétaires, si rien n'est tenté pour lutter contre les sources du mal.

On ne peut qu'être frappé par la coexistence, pendant de nombreuses années, d'une politique monétaire désormais unifiée par la création de la Banque centrale européenne et de la zone euro, et de politiques budgétaires acceptant l'accumulation simultanée de déficits à un haut niveau.

Aujourd'hui cette coexistence manifeste la contradiction qu'elle porte en elle-même, une contradiction dangereuse pour l'économie et pour la société en Europe. Les récentes propositions de la Commission européenne tendant à ce que les orientations budgétaires des différents États-membres lui soient soumises a priori avant l'examen des lois de finances par les parlements nationaux ont été sans doute maladroitement formulées. Mais la nécessité d'une concertation européenne sur ces orientations, caractérisée par un véritable esprit de fédéralisme budgétaire, nous paraît désormais s'imposer, et il nous semble que la question doit faire l'objet d'un examen attentif au cours du futur Conseil européen.

Les plans de sauvetage des économies de certains États membres n'apporteront qu'une solution provisoire à des difficultés liées aux disparités excessives entre les fiscalités nationales et à la tentation toujours active du dumping social. Il faut nous attaquer à ces disparités en assurant la coordination et la convergence des législations fiscales et sociales. L'installation d'une nouvelle gouvernance économique est à terme la condition politique du maintien du rôle de l'euro, monnaie internationale.

L'enjeu n'est pas seulement économique, il est aussi politique. L'affrontement des blocs n'est plus la rivalité bipolaire entre l'Est et l'Ouest et il n'est plus exclusivement militaire. Nous le constatons au travers de l'évolution récente de la politique turque, dans ses relations avec Israël ou son soutien discret mais déterminé aux déclarations belliqueuses de l'Azerbaïdjan sur le Haut-Karabakh. Ankara retrouve la tradition séculaire de l'empire ottoman, se détourne de l'Europe et cherche à restaurer son influence sur tout le Proche-Orient. Ce n'est pas la marche lente du processus d'adhésion, mais bien une analyse souveraine, par le gouvernement turc, de son intérêt national face aux reclassements du monde, qui explique cette évolution. En feignant d'ignorer ce fait, en faisant porter à l'Europe le poids de la responsabilité du retournement turc, M. Robert Gates révélait, il y a quelques jours encore, combien la constitution d'un ensemble européen fort, cohérent, était considérée comme une menace par le gouvernement américain.

Nous ne saurions accepter une telle vision des choses. Nous sommes favorables à une Europe cohérente, partenaire fiable et solide de l'Alliance atlantique. L'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, qui plus est à marche forcée, n'est pas cohérente avec cette conception.

Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen, rappelait récemment devant l'université catholique de Louvain que : « l'Union est le seul instrument pour défendre nos intérêts et nos idéaux dans ce monde globalisé ». Il appelait à promouvoir une vision de l'Europe caractérisée par « l'ouverture sur l'autre, sur vingt-sept pays, avec vingt-trois langues, avec sa diversité de religions et de philosophies ». C'est parce que nous partageons cette conviction politique que nous attendons du prochain Conseil européen les mesures propres à en traduire l'élan dans la sphère de l'économie et de la finance. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Dans le bref temps qui m'est imparti, je souhaite dire quelques mots sur Gaza avant d'aborder le thème de la gouvernance économique en Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Évoquer la question des initiatives que l'Union européenne devrait prendre pour desserrer l'étau sur Gaza est nécessaire quinze jours après l'arraisonnement violent de la flottille pour Gaza par l'armée israélienne. Demain, la commission des affaires étrangères auditionnera le vice-ministre israélien des affaires étrangères, M. Danny Ayalon. Nous lui dirons combien ce coup de force aura été contre-productif pour Israël. Nous lui ferons part aussi de notre vif regret que les autorités israéliennes aient refusé la constitution d'une commission d'enquête internationale sur ces événements, car une commission d'enquête israélienne, même si elle inclut deux observateurs étrangers, n'offre pas les mêmes garanties d'indépendance et d'impartialité. (« Très bien ! » sur divers bancs.)

Mais le plus important aujourd'hui est d'obtenir l'assouplissement d'un blocus dont la levée reste l'objectif. L'Union européenne ne peut continuer à n'être que le principal bailleur de fonds de l'Autorité palestinienne ; elle doit jouer un rôle politique dans le règlement du conflit israélo-palestinien.

Je fais confiance à la Haute représentante, Mme Catherine Ashton, pour que les modalités de mise en oeuvre des propositions du Conseil des affaires étrangères réuni le 14 juin soient rapidement précisées et effectives, afin que la population de Gaza ne subisse plus les conséquences d'un blocus qui empêche toute reconstruction et ne fait qu'attiser les extrémismes, aux dépens de la stabilité régionale.

L'autre sujet majeur du prochain Conseil sera, évidemment, la nécessaire adaptation de nos outils de régulation économique face à la crise.

On ne peut que se réjouir que la France et l'Allemagne soient tombées d'accord pour mieux réguler le secteur financier et taxer les transactions exclusivement spéculatives. Une telle position va dans le sens des orientations du G20.

Mais on ne peut se contenter de réguler la finance internationale sans maîtriser aussi les dépenses publiques. Dans ce domaine, c'est en Europe qu'il faut agir, car c'est en Europe que le problème se pose avec le plus d'acuité. Je suis personnellement favorable à l'idée de sanctionner les pays qui ne respecteraient pas à l'avenir, une fois la crise surmontée, les engagements pris au titre du pacte de stabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Devons-nous aller jusqu'à la suspension du droit de vote de ces États au sein du Conseil ? C'est une possibilité, d'autres existent, comme la suspension des transferts du budget communautaire vers ces pays.

Le groupe de travail présidé par Herman Van Rompuy fera ses propres propositions, mais en tout état de cause, il faut des outils efficaces pour stimuler la discipline budgétaire intérieure. Le plan Fillon, visant à économiser 45 milliards d'euros d'ici à 2013, participe à cette nécessaire discipline et je m'en félicite.

En revanche, la gouvernance économique européenne ne peut se contenter que de mesures négatives. La question d'un gouvernement économique de la zone euro se pose avec toujours plus d'acuité. J'y suis favorable car il faut plus d'orientations communes et plus de cohérence dans les choix financiers des États.

La situation actuelle n'est pas satisfaisante. L'eurogroupe ne joue pas ce rôle d'impulsion et d'alerte. La seule institution commune de la zone euro demeure la BCE, puisque les décisions stratégiques en matière de politique économique resteront, nous l'avons appris récemment, au niveau des vingt-sept.

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Une telle situation ne pourra pas perdurer à long terme.

Même aux États-Unis, la banque centrale dialogue avec les autorités budgétaires pour définir la meilleure stratégie économique. Il faut donc équilibrer le poids de la BCE grâce à un mécanisme nouveau qui permettrait de prendre les décisions au niveau pertinent.

La création d'un gouvernement économique de la zone euro est une évidence politique et une nécessité économique. Dès lors, on ne peut qu'être surpris et déçu du déni allemand à ce sujet.

Je forme le voeu que nous puissions, à brève échéance, avancer sur cette question essentielle, et faire de la gouvernance de la zone euro l'un des moteurs du dynamisme et de la croissance de l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, tous les orateurs en sont convenus : nous voici désormais au pied du mur. Chacun mesure aujourd'hui l'inanité des égoïsmes nationaux face à la crise économique. L'avenir passe évidemment par plus d'Europe.

Ayons le courage de reconnaître que notre plus lourde erreur est d'avoir interrompu le grand élan de l'intégration après le formidable pas en avant de l'euro.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Notre faiblesse fut sans doute, comme l'écrivait récemment le président Van Rompuy, de nous endormir sur nos lauriers au moment du crédit facile permis par l'euro.

Aujourd'hui, les temps sont mûrs pour l'action. On oppose souvent à tort les positions françaises et allemandes. En fait, chacun a su faire un pas vers l'autre : la France en s'engageant à faire respecter le pacte de stabilité, et l'Allemagne en acceptant le principe d'une gouvernance économique commune à laquelle elle était jusqu'alors réticente.

N'oublions pas les enseignements de l'histoire. Les grands progrès de l'Europe sont les fruits même des antagonismes apparents qui cachent et portent en eux les complémentarités réelles, les « solidarités de fait », dont parlait Robert Schumann.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Une fois de plus, les deux partenaires ont raison.

Oui, la discipline budgétaire est une nécessité. Ce n'est pas de la vertu, mais une question de survie, sans laquelle la spéculation ne cessera de saisir de nouvelles proies. L'Allemagne le sait plus que tout autre, comme nous le rappelait hier Werner Hoyer, ministre allemand chargé des affaires européennes, que nous avons auditionné en même temps que M. Lellouche. Ce pays, qui a autrefois connu les affres de l'hyperinflation et de ses conséquences dramatiques, a pourtant eu le courage de sacrifier à l'Europe sa monnaie, symbole le plus tangible de sa nouvelle identité, comme le rappelait Jean-François Copé.

Renforcer le pacte de stabilité pour trouver des sanctions et des incitations concrètes, et surtout avoir le courage de les appliquer, voilà l'enjeu immédiat. Sans rouvrir la boîte de Pandore des traités, la panoplie des mesures applicables est vaste. Fonds structurels, prêts de la BEI, voire droits de vote du budget communautaire sont autant de variables qu'il doit être possible d'ajuster aux efforts d'assainissement des États.

Mais la France aussi a raison. L'Europe ne peut se contenter d'incarner le censeur des dérapages budgétaires. Elle doit à ses peuples de regarder en face la question de la compétitivité.

Cette ambition impose de l'audace. Le pilotage doit revenir aux chefs d'État et de gouvernements. À vingt-sept, bien sûr, car le destin économique de l'Europe nous concerne tous. Mais surtout, et d'abord, à seize, pour poursuivre dans la voie ouverte sous la présidence française de l'Union par Nicolas Sarkozy.

La Commission européenne doit aussi jouer son rôle, irremplaçable. Les moyens d'investigation d'Eurostat doivent être renforcés, et ses avertissements mieux écoutés.

Vient ensuite la question concrète des armes dont il faut doter l'Europe dans sa lutte contre le déclin économique.

N'est-il pas envisageable, monsieur le ministre, de sceller un pacte de compétitivité et de convergence, assis sur des indicateurs clairs, et se donnant les moyens de ses ambitions, en commençant par un effort d'harmonisation de l'assiette de nos impôts sur les sociétés ? Ce serait un bon début.

N'est-il pas plus urgent que jamais de nous doter d'une force de frappe européenne, grâce à la mutualisation d'une partie de nos budgets pour réaliser des économies d'échelle, en association avec des budgets européens, dans les domaines stratégiques de la recherche, de la défense, de l'énergie ?

Ne peut-on pas institutionnaliser un Fonds monétaire européen, à partir de la structure dessinée dans l'urgence au coeur de la crise grecque ?

Aucun débat n'est tabou, et je me félicite que notre Parlement se saisisse de ces sujets. Depuis toujours, j'ai en effet la conviction que les progrès de l'Europe passeront par l'association des parlementaires nationaux. Cette participation est esquissée dans le traité de Lisbonne, mais elle doit se déployer bien au-delà. Les budgets sont l'affaire des parlements : le gouvernement économique européen doit donc se faire avec eux. C'est pourquoi j'appelle à la création d'une Conférence européenne des finances publiques, au cours de laquelle les responsables des finances des parlements nationaux et européens débattraient des grands choix budgétaires. C'est aussi pourquoi je renouvelle ma proposition d'instituer un « discours sur l'état de l'Union », au cours duquel le président du Conseil européen et le président de la Commission fixeraient clairement le cap de l'action commune, en évoquant le bilan de l'année écoulée et les perspectives de l'année à venir, devant les députés européens et les parlementaires nationaux.

Tout repose évidemment sur la qualité des relations franco-allemandes. Jamais auparavant notre Parlement ne s'était autant immergé dans le dialogue franco-allemand, tant au niveau des présidences de l'Assemblée nationale et du Bundestag que de nos commissions des affaires européennes. Je pense à nos missions communes, notamment sur l'adhésion de l'Islande, et à nos délibérations sur des résolutions communes. Je pense à l'audition, hier, de Werner Hoyer. Demain, nous allons à Berlin, pour un échange de points de vue, et une discussion sur la gouvernance économique.

Autour du couple franco-allemand, autour des seize et autour des vingt-sept, se dessine aujourd'hui un tournant très important dont dépend l'avenir de l'Europe. Il est capital de donner à l'Europe une impulsion majeure, notamment à l'occasion du Conseil européen qui se réunit demain. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Monsieur le ministre, mesdames, messieurs les députés, je veux commencer par remercier les six députés qui se sont succédé à la tribune. Ils ont beaucoup apporté à la qualité de notre débat. Je remercie tout particulièrement ceux qui sont encore là pour écouter la réponse du Gouvernement.

Mme Guigou n'est plus là…

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Elle a occupé le poste qui est le mien aujourd'hui, mais, auparavant, elle a également exercé d'éminentes fonctions au moment de la création de l'euro. Pierre Bérégovoy négociait alors le traité de Maastricht, et je crois savoir que Mme Guigou a été très étroitement liée à la négociation de ce traité.

(M. Marc Le Fur remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Il aurait donc été utile de rafraîchir la mémoire de quelqu'un qui a joué un rôle à l'époque, notamment en ce qui concerne l'absence de gouvernement économique durant cette période. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Hostalier

Mme Guigou est partie : elle n'a pas voulu entendre cela.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

On fait mine de découvrir aujourd'hui qu'il n'y a toujours pas de gouvernement économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Mes chers collègues, seul le secrétaire d'État à la parole.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Je vous parlerai de l'Allemagne, mais il n'est pas mauvais de rappeler que l'Europe monétaire n'a pas découvert sa crise il y a seulement quelques jours. Un débat a eu lieu au moment de l'élaboration du traité de Maastricht et, à l'époque, un gouvernement était chargé de négocier.

Aujourd'hui, confrontés à la crise, nous redécouvrons ce que certains ont appelé le « vice caché du système monétaire européen » : l'absence de Gouvernement économique face à la banque centrale – ce que Mme Guigou qualifiait d'unijambisme monétaire, trop centré sur la monnaie et pas assez sur la convergence économique.

Mme Guigou a aussi accusé le Gouvernement de « manquer d'esprit européen ».

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Je me souviens avoir travaillé, alors que Nicolas Sarkozy n'était encore que candidat à la Présidence de la République, au mini-traité européen, qui deviendra le traité simplifié puis le traité de Lisbonne. Depuis 2005, l'Union européenne se réunissait sans la France. On peut nous faire aujourd'hui un procès en mettant en cause notre « esprit européen », mais on doit se souvenir qu'il y a trois ans, la situation était enlisée. Il faut tout de même avoir un petit peu de mémoire !

Qui a voulu que le traité de Lisbonne, que nous sommes allés négocier avec Mme Merkel, soit ratifié par le Parlement ? Qui l'a annoncé aux Français en leur demandant le mandat pour le faire ? Qui, en revanche, a demandé un autre référendum ? Tout cela n'est pas si vieux, et je trouve l'opposition un brin sévère.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Mme Guigou attaque le G20. Elle nous dit qu'il y a déjà eu trois G20, qu'on en aura un quatrième, et qu'il ne s'est rien passé pendant ces G20.

Madame Guigou, qui a inventé le G20 ? Qui, si ce n'est le Président de la République et la France qui l'ont arraché aux États-Unis. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

En pleine crise bancaire, en 2008, le G20 n'allait pas de soi. La planète bancaire était sur le point de s'effondrer. La France, l'Angleterre, l'Allemagne, les participants du sommet de l'Eurogroupe – structure qui n'est pas inscrite dans le traité –, ont pris l'initiative de sauver les banques. (Mêmes mouvements.)

Vous pouvez ricaner, vous ne changerez pas cette histoire, et vous ne retirerez rien au mérite de la France, qui est à l'origine de la création du G20. S'il y a un G20 à Toronto dans quelques jours, c'est parce que la France et l'Europe l'ont créé.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

J'entends des responsables de l'opposition déplorer que trois G20 se soient déroulés sans résultats. Pourtant, si il y a bien un endroit aujourd'hui où l'on parle de régulation financière tant pour les pays européens qu'en relation avec les États-unis, les Canadiens, les Brésiliens ou les Asiatiques, c'est bien le G20. Et il a bien fallu que quelqu'un l'invente !

Mme Guigou a affirmé que la relation franco-allemande était « tout à fait dégradée ». Savez-vous quel jour nous sommes ? Hier, mon collègue allemand, Werner Hoyer et moi-même étions, pour la première fois, auditionnés ensemble devant les commissions européennes de l'Assemblée nationale et du Sénat. J'ai confié combien j'étais personnellement ému de vivre un tel moment soixante-dix ans après. En effet, il y a soixante-dix ans, jour pour jour, le 16 juin 1940, le gouvernement français s'effondrait et, à Bordeaux, les clés étaient confiées à Philippe Pétain. Dans l'hémicycle où nous siègeons, il n'y avait ce jour-là que des officiers de la Wehrmacht, et un drapeau nazi flottait à la tribune.

Quand on parle de dégradation des relations franco-allemande, quand on parle des problèmes que nous rencontrons aujourd'hui, il faut mesurer le chemin parcouru entre cette photo de l'hémicycle datant du 16 juin 1940 et l'Assemblée aujourd'hui – même si j'aurais souhaité qu'il soit plus rempli pour un tel débat. Moi, qui suis secrétaire d'État chargé des affaires européennes, je pense à cela tous les jours (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC), et je fais l'Europe pour cette raison-là, tout comme Pierre Lequiller, Angela Merkel, qui vient de l'Est, et le Président de la République.

Voilà pourquoi nous faisons l'Europe. Certes, il nous arrive d'être en désaccord. Certains disent parfois qu'il y a des tensions entre la France et l'Allemagne, mais, aujourd'hui, en France, en Allemagne, en France, en République tchèque, en Angleterre ou en Belgique, plus aucun parent ne craint pour la survie de ses enfants, plus aucun ne craint la guerre. Voilà ce que nous avons réalisé.

Aujourd'hui, nous avons une monnaie commune, mais nous avons des économies différentes et nous n'avons pas de gouvernement fédéral. C'est pourquoi nous rencontrons des difficultés. Certes, depuis cinq mois, il y a eu des désaccords entre l'Allemagne et la France, mais il n'est pas facile de demander à des gens qui ont fait beaucoup d'efforts d'ouvrir leur carnet de chèques.

Pour la Grèce, nous avons mis sur la table, fin avril, 110 milliards d'euros, dont 80 ont été apportés par l'Europe ; plus de la moitié de ces 80 milliards est fournie par l'Allemagne et la France. Une semaine plus tard, parce que la spéculation s'était déplacée vers l'Espagne et les Pays-Bas, le Président de la République française, messieurs de l'opposition, a demandé la réunion d'un sommet en urgence le vendredi 7 mai, à Bruxelles. Le samedi, dans la nuit, les ministres des finances se sont mis d'accord sur les détails d'un paquet sans précédent – 60 milliards d'euros, sur le fondement de l'article 122-2 du traité, et 440 milliards d'euros sous forme de garanties d'État, dont la moitié est, là encore, assumée par la France et l'Allemagne –, paquet qui a été voté par le parlement français, et je vous en remercie, ainsi que par le Bundestag. Quant au FMI, il a apporté 250 milliards.

En France, le sauvetage de la Grèce, puis de l'Espagne et du Portugal, a fait l'objet d'un magnifique consensus gauche-droite.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Vous avez ainsi voté, je le répète, des garanties importantes – 110 milliards d'euros –, d'un montant supérieur à celui des économies que nous devons réaliser d'ici à 2013. Pourquoi cela ne fut-il aussi facile en Allemagne ? D'abord, mesdames, messieurs, parce que Hitler a été élu à cause de la liquéfaction du mark et de l'économie allemande dans les années trente.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Voilà l'origine de la montée du nazisme : l'effondrement du système économique et financier allemand, l'hyperinflation !

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Ensuite parce que, ces dix dernières années, depuis le gouvernement Schröder, les Allemands ont consenti d'énormes efforts en matière économique et financière. S'agissant du coût du travail, l'écart de compétitivité entre nos deux pays a crû de vingt points en dix ans !

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Merci, les 35 heures ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) En effet, pendant que Schröder réformait l'économie allemande, nous passions aux 35 heures.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Le débat, nous sommes en plein dedans, monsieur Le Guen !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Vous rendez-vous compte de ce que vous dites ? C'est l'histoire racontée aux enfants pour leur faire peur !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Écoutons M. le secrétaire d'État, mes chers collègues !

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

L'Assemblée nationale a soutenu, avec une magnifique unanimité, la Grèce, mais aussi le plan d'économies qui lui a été demandé, car nous avons assorti notre chèque de conditions. Il a ainsi été demandé à M. Papandréou, qui est socialiste d'ailleurs, de mettre en oeuvre un programme d'austérité très dur. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Mais, quand il s'est agi, pour les Français, de décider des efforts qu'eux-mêmes devaient consentir, à commencer par la réforme des retraites, qui a été présentée ce matin en conseil des ministres, on a vu ce qu'est devenue cette unanimité. Mon homologue allemand, qui était dans les tribunes de l'Assemblée hier après-midi, a pu se rendre compte du degré de consensus auquel on aboutit, en France, quand il s'agit de faire des réformes indispensables pour notre pays !

J'aimerais donc que la même unanimité s'exprime, que ce soit pour demander aux autres de faire des efforts – et il est vrai que nous les aidons – ou pour en faire nous-mêmes.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Dans la zone monétaire que nous avons créée, nous ne mettons pas à la disposition de toute l'Europe une carte de crédit avec un numéro secret : il faut que chacun prenne ses responsabilités budgétaires.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Après trois ans d'irresponsabilité fiscale, il serait temps de s'en apercevoir !

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

La condition de ces garanties, c'est qu'elles ne soient pas appelées. Pour cela, il faut que les budgets soient déposés en toute transparence et que les uns et les autres fassent preuve d'un minimum de rigueur dans l'organisation de leurs dépenses. Sinon, cela ne peut évidemment pas fonctionner.

Tout à l'heure, Jean-François Copé a affirmé, fort justement, qu'il n'avait pas peur du mot : « rigueur ». Moi non plus, s'il signifie que nous organisons rigoureusement nos budgets. En revanche, lorsqu'il indique que c'est un gage que nous devons donner à l'Allemagne, je me permets de ne pas être totalement d'accord. En effet, nous ne mettons pas en oeuvre cette gestion rigoureuse uniquement pour les Allemands. Nous le devons d'abord au peuple français, car nous avons besoin d'avoir des comptes équilibrés. C'est, du reste, la raison pour laquelle le Président de la République souhaite inscrire dans notre Constitution la règle selon laquelle, au début de chaque législature, tout gouvernement s'engage à ce que les finances tendent vers l'équilibre.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Nous le devons ensuite aux Européens, car notre zone monétaire commune ne peut fonctionner que si les orientations budgétaires sont transparentes : les statistiques ne peuvent pas être systématiquement fausses et les budgets en dérapage.

Se pose donc la question de savoir comment contrôler ces budgets. Sur ce point, c'est vrai, des discussions ont eu lieu au sein du groupe présidé par M. Van Rompuy, notamment entre la France et l'Allemagne. Un compromis a été trouvé lundi soir, dans le cadre d'un système à vingt-sept – qui a le mérite d'exister dans le traité –, c'est-à-dire le Conseil européen, présidé par M. Van Rompuy. Cette instance politique a la légitimité pour prendre un certain nombre de décisions économiques, et c'est certainement une des instances au sein desquelles doivent pouvoir être discutées les orientations budgétaires. D'aucuns ont évoqué la Commission. Sur ce point, je suis d'accord avec M. Rochebloine : ce n'était pas forcément très adroit.

En tout état de cause, il faut absolument – et je le rappelle solennellement dans cet hémicycle – que le droit sacré des parlements de voter le budget, qui est consubstantiel à la démocratie, soit maintenu. Mais il faut également que les orientations budgétaires puissent être discutées entre les responsables des différents pays, de sorte que personne ne sorte des clous, sous peine d'être sanctionné.

Quel type de sanctions adopter ? Cet après-midi, plusieurs options ont été présentées. Pierre Lequiller a ainsi approuvé le principe de ces sanctions, à condition que l'on joue sur les transferts de fonds structurels. Mais – et c'est, du reste, la raison pour laquelle les sanctions financières, qui sont prévues par les traités, n'ont pas été appliquées –, si vous pénalisez financièrement un pays qui connaît déjà de graves difficultés financières, vous ne résolvez pas le problème.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Même avec un décalage.

D'où l'idée de mettre en place un système d'alerte politique solennelle, qui pèsera sur les opinions publiques et sur les débats parlementaires dans les pays concernés. Cette menace de sanctions politiques – qui sera du reste complexe à mettre en oeuvre au plan juridique, constitutionnel – est l'instrument de dissuasion dont nous avons besoin pour compléter le dialogue et la transparence en matière d'équilibre budgétaire.

Axel Poniatowski a évoqué Gaza. Le Gouvernement s'est exprimé à ce sujet l'autre jour. Je rappelle que nous avons été à l'origine des condamnations les plus fortes, qui ont été reprises au Conseil européen, puis au Conseil de sécurité des Nations unies. Ainsi que l'a proposé Bernard Kouchner, l'Europe doit être en mesure de jouer pleinement son rôle pour que soit levé le blocus, au moins, dans un tout premier temps, sur le plan humanitaire. Nous l'avons fait entre 2005 et 2007, avec le dispositif EUBAM à Rafah. Il doit être possible de parvenir à une réouverture des frontières avec Gaza, afin de permettre l'approvisionnement de cette communauté d'1,5 million d'hommes, de femmes et d'enfants, qui ne peuvent plus continuer à vivre dans une prison à ciel ouvert.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Le blocus doit donc être levé et, je le répète, l'Europe doit jouer un rôle en la matière, tout en respectant le souci de sécurité d'Israël. Demain, je recevrai, ainsi que Bernard Kouchner, M. Ayalon, qui sera également présent à l'Assemblée ; nous allons travailler ensemble dans ce but.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Je veux redire à quel point ce blocus, qui était censé isoler le Hamas, se termine par un blocus complet d'Israël. Cherchez l'erreur !

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Cela mérite un véritable débat. Nous, qui restons très attachés à la sécurité de l'État d'Israël, nous ne souhaitons pas que cet isolement se poursuive. Un sursaut des autorités israéliennes est donc nécessaire.

Par ailleurs, monsieur Rochebloine, le Gouvernement n'est pas sur la ligne du fédéralisme budgétaire. Je vous le dis amicalement, ce n'est probablement pas la bonne manière, sur le plan politique, de faire avancer l'idée d'une coordination et d'une transparence des politiques budgétaires. Faire, cinquante ans après, des notions de fédéralisme ou d'intergouvernementalité l'alpha et l'oméga de l'Europe à vingt-sept, c'est le plus sûr moyen de ne pas avancer. L'Allemagne et la France mettent en oeuvre une politique pragmatique, à l'épreuve de la crise, qui est en train de faire avancer les choses. Ne rouvrons pas de vieilles plaies. Le fédéralisme à vingt-sept, j'y crois moins que jamais, monsieur Rochebloine. Ce n'est pas ainsi que nous nous en sortirons.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Au contraire, plus nous sommes nombreux, plus il faut de fédéralisme !

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Vous avez également soulevé la question de l'inclination orientale de la diplomatie turque, que nous observons avec beaucoup d'attention, en Europe et en France. J'ai récemment entendu M. Robert Gates, ainsi que d'autres responsables, laisser entendre que la Turquie se serait découvert un intérêt pour l'Orient parce que l'Europe lui aurait fermé les bras.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

C'est vraiment ne rien comprendre à l'histoire de la Turquie. Ce pays a toujours été un pont entre l'Orient et l'Occident. L'histoire de nos relations avec la Turquie est très longue ; elle est vieille d'au moins cinq siècles. Quant à l'histoire des relations entre l'Islam et l'Europe, elle a quinze siècles. Dès lors, comment peut-on prétendre que, subitement, parce qu'il y aurait quelques difficultés dans les négociations d'adhésion à l'Europe entamées par la Turquie, celle-ci aurait découvert qu'elle avait des racines ottomanes ?

La Turquie mène actuellement une politique étrangère extrêmement active, du Maghreb au Caucase, en passant par les Balkans, l'Asie centrale et même la Russie. Elle est présente en Afghanistan et nous avons travaillé avec elle en Syrie. Cette politique active est à la mesure d'un pays qui est devenu une puissante émergente : son taux de croissance est de 5 % à 7 % par an.

La Turquie est pour nous un partenaire et un ami. Cela n'empêche pas la France d'être en désaccord avec elle sur le point d'arrivée de la négociation : nous ne sommes pas favorables à son adhésion à l'Union européenne. En revanche, nous sommes favorables à la poursuite des négociations, pour une raison simple : celles-ci sont dans l'intérêt de l'Europe et de la Turquie. Plus la Turquie est moderne et démocratique, plus cela favorise la stabilité. Nous sommes pour des relations bilatérales les plus étroites possible, et c'est ce à quoi nous nous efforçons de parvenir.

Devons-nous pour autant attendre de la Turquie qu'elle soit exclusivement européenne et qu'elle ne s'intéresse ni à l'Iran, ni à la rue arabe, ni au Proche-Orient ? C'est exactement l'inverse qui est en train de se produire. Lorsque j'étais en fin de semaine dernière à Istanbul, j'ai demandé deux choses à nos amis turcs : la désescalade avec Israël – c'est très important – et la poursuite de notre partenariat sur le dossier iranien, en phase avec la politique que nous avons menée avec Bernard Kouchner au Conseil de sécurité, pour que les sanctions soient adoptées. Elles l'ont été la semaine dernière ; elles sont sérieuses et dans l'intérêt de tous, notamment de la Turquie, car je ne vois pas en quoi – et le Président Gül l'a dit – la nucléarisation de l'Iran serait dans son intérêt stratégique.

Je ne voudrais pas quitter cette tribune sans répondre à M. de Rugy. Je vous ai écouté avec beaucoup d'attention, monsieur de Rugy, mais je dois vous dire mon scepticisme quand vous vous proclamez « écologiste pro-européen de toujours ».

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Sans vouloir me livrer à ce qui pourrait être pris comme une attaque, j'ai trouvé vos propos très schématiques et presque désespérés. Vous nous avez reproché d'organiser l'affaiblissement de l'Europe…

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Oui, vous n'avez d'ailleurs pas répondu sur ce point !

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

…et vous êtes livré à un véritable german-bashing,en tapant à coups redoublés sur la tête de nos amis allemands. Vous avez affirmé que la régulation financière européenne était inexistante, et que les Européens n'avaient aucun poids au sein du G20 ni dans les négociations sur le climat.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Pour avoir vu les choses de près, je peux vous dire qu'à Copenhague, l'Europe avait énormément travaillé à une position commune. Nous étions leader, et avions mis au point les objectifs les plus positifs de la planète !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Mais non ! Sarkozy a tiré la couverture à lui !

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Nous sommes arrivés à Copenhague avec une position commune et généreuse : nous étions les seuls à parler de financements pour les pays du tiers-monde. Le problème qui s'est posé à Copenhague n'avait rien à voir avec l'Europe : en réalité, c'est l'accumulation d'égoïsmes nationaux non européens qui a abouti à l'impossibilité de signer un accord contraignant. Pour ce qui est de la finance, c'est la même chose : vous affirmez que l'Europe ne pèse rien dans les discussions…

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Vous êtes-vous interrogé sur les méthodes de négociation ?

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

…mais enfin, monsieur de Rugy, ne suivez-vous pas l'actualité du Parlement et du Conseil européen ? Qui a engagé la lutte contre les paradis fiscaux ? C'est bien Nicolas Sarkozy, n'en déplaise à ces messieurs du groupe socialiste, qui vont encore me contredire !

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Qui a engagé la lutte contre les hedge funds ? Je vous rappelle que le rapporteur de la directive hedge funds n'est autre que Jean-Paul Gauzès, un député européen français appartenant à ma famille politique. Et Michel Barnier ne travaille-t-il pas, lui aussi, à la régulation financière ?

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

La chancelière allemande et le Président français ont annoncé lundi soir qu'ils allaient envoyer une lettre commune au Premier ministre canadien afin de lui indiquer les régulations qu'ils estiment nécessaires. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Je ne comprends pas ce déferlement de défaitisme, monsieur de Rugy. N'ayez pas peur d'être européen !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Allons, regardez la réalité en face ! Vous avez déjà tourné la page !

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

On travaille, on avance, même si ce n'est pas facile, car on doit faire face à la crise économique la plus grave depuis les années vingt, c'est-à-dire depuis quatre-vingts ans. Après l'adoption du plan de relance, puis du plan financier, nous avons entamé au G20 un travail sur les institutions.

Un peu de confiance et d'espoir ! Je ne comprends pas ce désespoir européen venant de vous, qui vous définissez comme un militant de l'écologie et de l'Europe !

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Mesdames et messieurs, pour reprendre la formule du pape, n'ayez pas peur d'être européens ! Je conclus en disant que j'espère vous voir plus nombreux dans cet hémicycle lors du prochain débat sur l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Michel Herbillon, Mme Michèle Tabarot et plusieurs de leurs collègues relative à l'équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques. (nos 2620, 2486)

La parole est à M. Michel Herbillon, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, mes chers collègues, notre assemblée est réunie pour examiner une proposition de loi relative à l'équipement numérique des salles de cinéma. Cette proposition de loi a été adoptée en commission le 9 juin dernier à l'unanimité des votants, le groupe GDR s'abstenant.

Le cinéma vit actuellement des mutations importantes liées à la révolution technologique que nous connaissons. Comme le livre ou la musique, le cinéma devient progressivement numérique. L'explosion des films en trois dimensions – en 3D, pour reprendre l'expression consacrée – a considérablement accéléré cette mutation. Depuis le succès du film Avatar, du réalisateur James Cameron, les professionnels du cinéma ont pris conscience de la nécessité d'adapter rapidement les salles aux nouveaux procédés de production et de diffusion des films.

Le numérique est un vecteur d'économies potentiellement considérable : en passant des copies photochimiques – en fait des bobines de film en 35 mm –, dont les coûts de production et de transport sont importants, aux copies numériques, les distributeurs feront, à terme, de réelles économies. Cependant, la période transitoire que nous vivons actuellement peut, comme toute période de mutation, entraîner des difficultés.

En effet, pour que l'ensemble des acteurs de la chaîne du cinéma passe au numérique et que l'économie soit réelle et partagée à long terme, il faut trouver un système de financement permettant aux exploitants de salles de s'adapter rapidement. La diffusion numérique des films engendre en effet un surcoût pour les exploitants, qui doivent adapter les cabines de projection à cette nouvelle technologie. Le CNC estime que le coût de l'équipement d'une salle en numérique est en moyenne de 80 000 euros. Cette constatation a amené toute la profession à chercher, d'un commun accord, un mécanisme permettant de répartir l'effort financier sur l'ensemble des acteurs de la filière.

Le CNC, auquel je veux rendre hommage pour sa mobilisation et son travail remarquable de concertation et de conciliation auprès des professionnels, a d'abord proposé un fonds de mutualisation. Mais l'Autorité de la concurrence a rendu, le 1er février 2010, un avis défavorable à la création de ce fonds, principalement au motif qu'il constituait une concurrence déloyale envers les tiers opérateurs privés déjà existants.

Parallèlement, pour certaines salles, la numérisation a déjà commencé. Certains distributeurs ont déjà signé des contrats avec des exploitants pour financer leur équipement numérique par le biais d'une contribution généralement désignée par le terme « VPF » – Virtual Print Fees. Cette responsabilité est bien souvent déléguée à des tiers privés.

Il a donc fallu trouver rapidement une nouvelle solution. La taxe qui avait été suggérée par l'Autorité de la concurrence n'était pas opportune, pour plusieurs raisons que nous aurons l'occasion de développer lors de la discussion des amendements. C'est principalement l'urgence d'assurer à tous les exploitants et distributeurs un cadre juridique stable et sécurisé qui a motivé le dépôt de ma proposition de loi, à laquelle je souhaite associer la présidente de notre commission, Michèle Tabarot, et de nombreux collègues cosignataires de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Comme un certain nombre d'autres députés, je suis régulièrement, et de longue date, les problématiques relatives au cinéma. Cette proposition de loi que j'ai l'honneur de vous proposer répond à l'urgence de la situation : il s'agit aujourd'hui de mettre en place un dispositif souple, permettant à l'industrie cinématographique de s'adapter au plus vite, tout en posant un certain nombre de grands principes pour encadrer et sécuriser le dispositif.

La proposition de loi vise à permettre à l'ensemble du parc de salles françaises de s'équiper en numérique. Je rappelle en préambule que le dispositif législatif que je vous propose s'articule avec le dispositif d'aide à la numérisation et à la modernisation des salles qui sera géré par le CNC. Ainsi, les exploitants qui ne percevraient pas, ou insuffisamment, de contributions numériques, disposeront de l'aide du CNC pour numériser leurs salles. Je pense en particulier aux petites salles, aux salles d'art et d'essai et aux salles de cinéma en milieu rural.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

II s'agit de maintenir le maillage dense de notre territoire en salles de cinéma – 5 470 salles en France –, tout en préservant la diversité de l'offre cinématographique.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Il y a, dans ce texte de loi, un véritable objectif d'aménagement du territoire, la volonté de préserver sur notre territoire ce vaste réseau de salles de cinéma contribuant au maintien de notre diversité culturelle, à laquelle nous sommes tous très attachés.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

On ferait bien de préserver aussi l'industrie cinématographique !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Le dispositif proposé prévoit que l'ensemble des salles programmant des films inédits de longue durée recevront des contributions financières – dites « contributions numériques » – des distributeurs de ces films, qui participeront au financement de leur numérisation, selon les termes du nouvel article L. 213-16.

Cette contribution sera également due par les personnes qui mettent à disposition de l'exploitant de l'établissement concerné des programmes dits « hors film », qui correspondent aux nouvelles pratiques qui font irruption dans les salles de cinéma : diffusion d'opéras, de matchs de foot, de tennis, ou encore d'émissions de télévision.

Nous avons souhaité également que la contribution soit due par toute personne louant la salle, dès lors que cette location implique une utilisation de l'équipement numérique.

Pour ce qui est du mécanisme de fixation du montant de la contribution pour les distributeurs, nous avons apporté quelques précisions lors du vote d'un certain nombre d'amendements en commission, dont beaucoup ont été votés à l'unanimité.

La contribution sera due par salle, par écran, et non par oeuvre. La contribution est exigible lors des deux premières semaines suivant la date de sortie nationale de l'oeuvre cinématographique. Nous avons souhaité que cette contribution reste due, au-delà des deux premières semaines, lorsque l'oeuvre est mise à disposition dans le cadre d'un élargissement du plan initial de sortie. La contribution sera donc due en fonction du moment où s'établira le pic de fréquentation des salles.

En revanche, pour ce qui est de la continuation, c'est-à-dire la récupération d'une copie déjà existante pour une autre salle de cinéma, la contribution ne sera pas exigible.

Je précise que les contributions ne sont dues que pour l'installation initiale des équipements et non pour leur renouvellement. Une fois la transition numérique assurée, les distributeurs n'auront plus à verser de contribution, les aides du CNC prenant le relais.

De même, il nous est apparu opportun de fixer une date butoir pour le versement de cette contribution. Elle sera exigible pendant dix ans à compter de l'installation initiale de l'équipement numérique dans les salles de cinéma concernées, mais seulement jusqu'au 31 décembre 2021. Il s'agit, avec l'instauration de ce délai maximum, d'inciter les exploitants à engager rapidement des travaux.

En contrepartie de ces obligations pour les distributeurs et les exploitants, nous avons tenu à apporter un certain nombre de garanties aux uns comme aux autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

D'abord, l'article L. 213-17 dispose que le montant de la contribution doit être inférieur à la différence entre le coût de la mise à disposition d'une oeuvre sur support photochimique et celui de la mise à disposition d'une oeuvre sous forme de fichier numérique.

Ensuite, nous avons étendu les pouvoirs du médiateur du cinéma. Il sera désormais compétent pour connaître de tout litige sur la question de la contribution numérique.

Par ailleurs, l'article L. 213-19 prévoit la nullité des clauses contractuelles qui feraient dépendre les choix de distribution ou de programmation, ou encore le taux de location, du versement de la contribution, afin d'assurer une véritable étanchéité entre les deux dispositifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Autre garantie, qui joue aussi bien pour les exploitants que pour les distributeurs : l'instauration d'un comité de concertation professionnelle, dont la mission consistera à élaborer des recommandations de bonne pratique. La création de ce comité répond à une demande très forte des professionnels et nous avons prévu de l'ouvrir, quand l'ordre du jour l'exigera, aux autres acteurs du secteur.

Nous avons également instauré une clause de rendez-vous dans un an, un comité de suivi parlementaire composé de deux députés et deux sénateurs étant chargé d'évaluer le fonctionnement du dispositif mis en place. Il disposera, à ce titre, du concours du CNC qui devra présenter un rapport pour établir un bilan de l'application de la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Je souhaitais, comme l'ensemble de mes collègues de la commission des affaires culturelles, assurer tout particulièrement la préservation de la diversité de notre offre cinématographique, diversité qui nous est enviée à l'étranger, à juste titre. La proposition de loi, telle qu'issue de la commission, répond me semble-t-il à cette attente forte, exprimée sur tous les bancs.

Je vous rappelle que les aides financières octroyées par le CNC, quand elles auront pour objet de financer l'équipement numérique, seront conditionnées au respect des engagements de programmation pris par les exploitants. Nous avons clairement inscrit ce principe dans la proposition de loi.

Enfin, toujours dans cet objectif de préservation de la diversité, nous répondons, tant sur les bancs de la majorité que de l'opposition, à une demande forte de la profession concernant les loyers monovalents des cinémas. Désormais, la référence pour le calcul du loyer des salles de cinéma sera le chiffre d'affaires réalisé par la salle et non plus le loyer pratiqué dans le voisinage, ce qui contribuait à fragiliser financièrement une grande partie des cinémas des centres-villes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, ce texte que nous avons voulu aussi consensuel que possible, n'est pas un texte partisan. Il répond à l'une des préoccupations majeures de la profession et lui permet de s'adapter rapidement aux évolutions actuelles. Si nous n'agissions pas maintenant, nous prendrions le risque de pénaliser et même de menacer les salles de cinéma qui participent à la richesse de notre territoire.

Nous sommes attachés, sur tous les bancs, au dynamisme et à la vitalité du cinéma français. Nous souhaitons tous préserver la diversité de l'offre cinématographique et le maillage culturel dense des salles de cinéma sur l'ensemble de notre territoire.

Les salles de cinéma tiennent un rôle fondamental dans la vie culturelle de notre pays. Pour nombre de nos concitoyens, le cinéma est le premier accès à la création et à la culture et, par conséquent, à la citoyenneté. Il est l'art le plus accessible, créateur de lien social.

Ce sont ces caractéristiques qui définissent le caractère unique de notre modèle qui permet au cinéma français d'être parmi les plus présents et les plus reconnus dans le monde.

C'est la raison pour laquelle je vous propose d'adopter cette proposition de loi qui est attendue par tous ceux qui aiment le cinéma. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme Michèle Tabarot, présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à remercier très sincèrement notre rapporteur, Michel Herbillon, d'avoir exposé avec la compétence que nous lui connaissons le fond et les enjeux de la présente proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Tant en commission que lors des auditions, il a été appréciable de travailler sereinement, tous groupes politiques confondus. Cela a permis d'apporter ensemble des outils de régulation efficaces à un secteur d'activité aussi important que celui du cinéma, auquel notre Assemblée porte un grand intérêt.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Outre les travaux de notre commission, je citerai ceux du groupe d'études sur le cinéma présidé par notre collègue Marcel Rogemont.

Ces derniers mois, notre commission des affaires culturelles et de l'éducation a démontré sa volonté de soutenir l'industrie cinématographique. Nous avons d'ailleurs organisé une table ronde avec l'ensemble des acteurs concernés qui a permis de cerner tous les enjeux de cette numérisation.

L'outil de diffusion doit évoluer, sans pour autant remettre en cause cette diversité qui fait notre exception culturelle. Dans cette perspective il faut saluer l'accord intervenu entre les professionnels pour répartir équitablement la charge du passage au numérique.

Je voudrais rendre un hommage tout particulier au rôle du Centre national du cinéma qui, comme l'a rappelé le rapporteur, a été la cheville ouvrière de l'élaboration du dispositif de contribution numérique et dont les travaux ont nourri l'élaboration de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Le Parlement peut donc débattre aujourd'hui d'un sujet sur lequel il est trop rarement amené à s'exprimer.

Bien sûr, cette proposition de loi ne répond pas à l'ensemble des préoccupations des acteurs du septième art. Mais, à titre personnel, j'observe que la numérisation des salles de cinéma est une réponse possible à bien des inquiétudes que nous partageons.

Je rappellerai les difficultés que rencontrent les petites salles de cinéma. Alors que la fréquentation globale est en hausse, ce que confirment les bons résultats du premier trimestre 2010 avec une augmentation de 8 %, certaines petites salles ont connu en 2009 un recul de 10 à 20 % de leurs bénéfices.

Pour les soutenir, nous avons adopté, dans cet hémicycle, lors de l'examen du projet de loi de finances rectificatives pour 2009, un amendement de notre collègue Laurent Hénart, visant à les exonérer totalement ou partiellement de la contribution économique territoriale.

Mais il nous faut aller plus loin pour éviter qu'à terme, les salles qui n'auront pas pu s'adapter ne disparaissent faute de moyens.

C'est notamment pour cela que la commission a adopté un amendement visant à protéger les exploitants d'éventuelles hausses de loyer inconsidérées.

Mes chers collègues, la numérisation est une chance. Les films sont disponibles plus rapidement, dans plus de salles grâce à un coût de reproduction moins élevé.

Je souhaite qu'à travers cette proposition de loi, nous puissions maintenir, sur notre territoire, la diversité de nos salles de cinéma dans les villages et dans nos centres-villes.

Ces salles sont autant de remparts contre la désertification culturelle. Elles donnent la possibilité à ceux qui ne peuvent se rendre dans les multiplex, installés à la périphérie des grandes villes, d'accéder à la production cinématographique dans toute sa diversité.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

C'est un atout majeur, que la France a su préserver depuis des décennies et qui explique pourquoi, toutes générations confondues, les Français restent attachés à leur cinéma.

Monsieur le ministre, il n'est pas nécessaire de rappeler votre attachement personnel au cinéma, et nous vous remercions pour votre soutien à cette proposition de loi.

Nos travaux aujourd'hui vont nous permettre d'aboutir ensemble à un texte qui réponde aux nécessités qui nous ont été exposées par la profession.

Je me félicite d'un processus d'élaboration exemplaire qui fait honneur à l'initiative parlementaire et j'en remercie encore une fois l'ensemble de nos collègues sur tous les bancs de notre Assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, dans un film demeuré à juste titre célèbre, le grand Billy Wilder a décrit les tourments que le passage du muet au parlant a fait subir au monde du cinéma. Ainsi, dans Boulevard du crépuscule, le progrès technique est annonciateur à la fois d'une ère nouvelle et d'un déclassement, voire d'une perdition, si magnifiquement incarnés par Gloria Swanson, étoile déchue du cinéma muet sombrant dans la déréliction et la folie.

Au cours de son histoire, l'art cinématographique a connu plusieurs tournants technologiques porteurs de révolutions fécondes dans son style, sa forme et ses moyens d'expression, mais qui ont aussi entraîné des bouleversements parfois complexes dans son fonctionnement, son organisation, comme dans la vie de ceux qui le créent.

Aujourd'hui, quelques décennies après le muet, le cinéma est confronté à un nouveau défi, celui de sa numérisation.

Depuis plusieurs années déjà, les réalisateurs se sont emparé du numérique. Si certains continuent à être attachés au grain de la pellicule photochimique, d'autres ont su apprécier les nombreux avantages de cette technologie, qu'il s'agisse d'une captation différente de la lumière, de la possibilité de s'affranchir des contraintes liées à l'usage de la pellicule, ou de diminuer les coûts. Souvenez-vous d'Ingmar Bergman qui, à l'âge de quatre-vingt-cinq ans, ne trouvant pas de producteur, réalisa en numérique Sarabande, l'un de ses ultimes chefs-d'oeuvre.

Au-delà de la prise de vues, la technologie numérique a également modifié en profondeur les conditions de montage, en étendant très largement la combinaison des possibles, chère à Eisenstein, qui y voyait la spécificité de l'art du cinéma.

Enfin, le numérique a totalement réinventé les techniques d'effets spéciaux d'une manière qui aurait certainement fait rêver Méliès. Il a aussi créé de nouveaux savoir-faire et de nouveaux emplois, particulièrement dans le domaine de l'animation, à la pointe de cette technologie. Le festival international du film d'animation d'Annecy en a encore fait la démonstration éclatante la semaine dernière, à l'occasion de son cinquantième anniversaire.

La France a su relever le défi de cette révolution numérique d'une manière exemplaire. Nos techniciens du cinéma et nos industries techniques, qui ont toujours été parmi les meilleurs du monde, se sont placés aussi à la pointe des techniques numériques de traitement de l'image. La réputation de leur savoir-faire est à juste titre internationale.

Pourtant, dans la longue chaîne qui déroule la vie d'un film, un chaînon était demeuré, jusqu'à il y a peu, imperméable au changement numérique : la salle de cinéma. Le retournement de tendance est tout récent. Ces derniers mois, le processus d'équipement des salles s'est brusquement accéléré sous l'impulsion des progrès rapides de cette technologie, et surtout de l'innovation extraordinaire que constitue le cinéma en 3D, plébiscité par le public comme l'a montré le succès d'Avatar. Désormais, plus de 1 100 écrans parmi les 5 470 que compte le parc français sont équipés d'un projecteur numérique.

Pour le ministre de la culture et de la communication que je suis et qui a fait de la révolution numérique – dont l'influence se fait sentir dans tous les domaines du ministère – l'une des grandes priorités de son action, il était impensable de ne pas agir. Il était impensable de laisser cette révolution technologique se produire sans chercher à l'encadrer et à l'accompagner de mesures régulatrices, afin de préserver les précieux acquis de la politique du cinéma menée dans notre pays depuis soixante ans avec le succès que l'on sait.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

La France bien est la patrie de la cinéphilie, et elle doit le demeurer.

Patrie de la cinéphilie, elle l'est d'abord, Michel Herbillon et Michèle Tabarot l'on rappelé, par l'amour que les Français portent au cinéma, et non seulement aux films, mais aux « salles obscures » : je rappelle qu'en 2009 un record historique a été atteint avec plus de 200 millions d'entrées dans les salles, chiffre que l'on n'avait plus connu depuis 1982. Les spectateurs vont en moyenne plus de cinq fois par an au cinéma, et plus de 63 % des Français s'y rendent au moins une fois par an. Ce qui fait de la salle de cinéma un lieu de brassage social et un très bel exemple de cette « culture pour chacun » que je souhaite promouvoir. Depuis une dizaine d'années, son public n'a en effet cessé non seulement de croître, mais de s'élargir.

Les Français ont aussi le privilège de disposer d'un parc de salles d'une grande qualité, largement rénové et agrandi ces dernières années avec le soutien de mon ministère, via son bras armé dans le cinéma qu'est le Centre national du cinéma et de l'image animée.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Notre réseau est le premier d'Europe et le quatrième au monde. C'est aussi, par sa densité, un vrai maillage du territoire qui permet à 70 % de nos compatriotes de bénéficier d'un cinéma près de chez eux : les cinémas constituent d'indispensables médiateurs culturels de proximité.

La cinéphilie ne se traduit pas seulement par les chiffres de fréquentation, mais aussi par la diversité et la qualité des films vus et appréciés par le public : la France est le pays d'Europe où les films nationaux et européens réalisent la meilleure part de marché. Elle est aussi le pays qui dispose du plus important réseau de salles d'art et d'essai qui offre aux spectateurs un accès aux films du patrimoine, ainsi qu'à près de 600 films inédits par an, d'une exceptionnelle diversité d'origine.

Je tiens à profiter de l'occasion qui m'est offerte pour, en tant que ministre de la culture et de la communication, rendre hommage à M. Roger Diamantis, exploitant des salles « Saint André des Arts », décédé hier après une vie consacrée à l'amour du cinéma et à l'amour du cinéma d'art et d'essai.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Ces acquis, nous les devons évidemment au dynamisme et à la passion de tous ces montreurs de films que sont les exploitants de salles de cinéma et les distributeurs. Perpétuellement confrontés à la concurrence des nouvelles formes d'accès au film – télévision, DVD et maintenant vidéo à la demande –, ils ont su préserver l'irremplaçable attrait du spectacle cinématographique. On peut à cet égard rendre un hommage particulièrement chaleureux aux exploitants qui, depuis des années, ont su transformer les conditions de projection de leurs salles, les conditions de confort et d'accessibilité du public, avec un amour du cinéma et une compétence exceptionnels. Rappelez-vous ce qu'était la projection d'un film dans une salle de cinéma il y a trente ans et ce qu'elle est devenue aujourd'hui : vous pouvez mesurer la différence et l'engagement exceptionnel des exploitants pour la défense et l'illustration du cinéma.

Nous devons aussi ces acquis à une forte tradition de régulation et d'encadrement de ce secteur, ainsi qu'à une politique affirmée de soutien public. Nous avons été les seuls en Europe – grâce à une régulation adaptée et à un système d'aide performant – à conserver et à faire prospérer en quantité et en diversité notre réseau de cinéma.

Il est donc aujourd'hui essentiel d'adapter ces outils de grande qualité afin de maintenir notre excellence dans ce domaine.

Votre collègue Michel Herbillon a clairement et remarquablement exposé les tenants et les aboutissants de sa proposition de loi,…

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

…et je le remercie de son initiative qui arrive à point nommé, dans un tempo parfait.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Le ministère de la culture et de la communication a en effet manifesté dès 2006 sa volonté de préparer et d'anticiper cette échéance du passage au numérique. Cette volonté s'est traduite il y a quelques mois par la proposition de création d'un « fonds de mutualisation » qui avait un double objectif. Le premier consistait à répondre aux transformations induites par le passage au numérique, notamment dans les relations entre exploitants et distributeurs. Le deuxième objectif était de s'assurer que l'équipement de toutes les salles soit financé sans exception, afin de garantir la pérennité de notre parc dans le nouvel environnement numérique.

À l'origine, ce financement devait notamment reposer sur un principe très simple, à mon sens le seul modèle économique viable du passage au numérique. C'est l'idée que, le distributeur étant bénéficiaire de cette modernisation qui allège considérablement le coût des copies, il est juste qu'il contribue financièrement à l'équipement de l'exploitant, pendant une durée limitée dans le temps.

Ce projet – certes audacieux, mais avant tout soucieux de l'intérêt général – s'est vu opposer le respect de règles de la concurrence par l'Autorité de la concurrence, qui l'a invalidé en janvier dernier.

Dès lors, il fallait reconstruire un modèle de régulation et de soutien qui permît d'atteindre les deux objectifs que nous nous étions fixés, en plein accord avec les professionnels concernés.

Le nouveau dispositif repose sur deux instruments complémentaires et d'ailleurs indissociables.

D'abord, le recours à la loi pour poser des règles du jeu en donnant force obligatoire aux contributions des distributeurs, et pour garantir que les conditions de négociation de ces contributions ne nuisent ni à la liberté de programmation des exploitants, ni à la maîtrise des plans de sortie des distributeurs. Autrement dit, une des visées principales de ce texte est de garantir le maintien de la diversité de la programmation.

Mais la proposition de loi participe aussi pleinement de la priorité de mon ministère : soutenir le secteur dans cette transition essentielle. Elle va en effet trouver, dans les semaines qui viennent, son complément indispensable par la mise en place d'un fonds d'aide spécifique pour l'équipement des salles en numérique et aussi par une réforme des différents dispositifs qui encadrent la diffusion des films en salle.

Cette proposition de loi s'inscrit donc dans un cadre cohérent qui, avec les mesures que j'entends prendre, doit permettre un déploiement du numérique en France efficace et respectueux des enjeux culturels de la diffusion la plus large et la plus diversifiée du cinéma.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Il manque juste l'aide aux industries, monsieur le ministre !

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

J'y viens, monsieur le député.

En imposant la contribution des distributeurs à toutes les salles dans des conditions équivalentes de distribution des films, elle permet le financement de l'équipement de bon nombre de salles. Pour autant, le coût de cet équipement – environ 80 000 euros – ne sera pas pour autant à la portée de tous les cinémas, notamment de ceux dont la programmation, en continuation, ne réunira pas de contribution suffisante des distributeurs. Je pense en particulier aux salles des petites villes et des zones rurales, sans lesquelles le cinéma resterait inaccessible à beaucoup de nos concitoyens,…

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

…et qui jouent un rôle essentiel de diffusion de la culture dans ces territoires.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Pour ces catégories de salles, au nombre d'un millier environ, un soutien spécifique du CNC va être mis en place sous forme d'une aide à la numérisation qui permettra de couvrir jusqu'à 90 % de leurs investissements. J'entends que ce dispositif soit mis en place dès cet été.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Par ailleurs, un dispositif spécifique est à l'étude pour les quelque 130 circuits itinérants qui apportent le bonheur du cinéma à des villes ou villages dépourvus de salles, comme le beau film de Nelly Kaplan, La fiancée du pirate, l'avait abondamment montré. Ce plan permettra d'assurer, à terme, la numérisation de l'intégralité du parc français, en particulier des cinémas de proximité que j'ai tant à coeur de promouvoir.

Enfin, la numérisation des salles de cinéma nécessite de renforcer les dispositions relatives aux engagements de programmation des exploitants qui garantissent la diversité de l'offre au public. Cela va être fait par voie de décret. Il s'agit d'adapter et d'étendre les engagements de programmation existants pour tenir compte des modifications de la diffusion des films permises ou entraînées par la mutation numérique.

De la même manière, il semble nécessaire que les aides du CNC à l'exploitation, et notamment les aides aux salles classées « Art et essai », ainsi que la future aide à la numérisation des salles, soient attribuées au regard d'engagements de programmation de la part de leurs bénéficiaires.

Mesdames et messieurs les députés, permettez-moi de saluer à nouveau le remarquable travail mené sur ce texte par le rapporteur et par la commission des affaires culturelles.

D'abord, dans son économie générale, la proposition de loi de votre collègue Michel Herbillon a l'intelligence de fixer des principes généraux et renvoie les questions particulières aux institutions comme le médiateur du cinéma – autorité indépendante respectée de tous les professionnels et qui a largement fait la preuve de son efficacité – ; le CNC, ensuite, – dont le statut et les missions viennent d'être amplement modernisés par ordonnance – ; enfin, le comité de concertation – qui pourra proposer des recommandations de bonne pratique –, institution ad hoc créée par la loi.

La loi permet donc une réelle souplesse dans l'application des principes directeurs qu'elle énonce, et leur nécessaire adaptation aux cas particuliers ou situations inédites qu'implique la technologie numérique, du fait de son évolution constante et si rapide.

En particulier, elle laisse à la négociation entre exploitants et distributeurs la fixation des modalités précises de versement des contributions de ces derniers comme de leurs montants, en confiant aux institutions que je viens de mentionner le soin d'une application fine et du règlement d'éventuels litiges.

De la même façon, les cas particuliers de programmation des films ne sont pas fixés par le texte qui ne peut pas aller plus loin dans l'encadrement, sous peine de se heurter aux limites imposées par le droit de la concurrence, ou de fixer des contraintes trop fortes aux professionnels dans un secteur aussi fortement évolutif.

Enfin, le comité de suivi parlementaire prévu par la proposition de loi permettra, le cas échéant, de préconiser de nécessaires évolutions législatives.

Vous voyez que cette loi s'inscrit donc en pleine harmonie avec mes projets concernant la numérisation du cinéma français, qui ne concernent pas uniquement les salles de cinéma. J'ai aussi pour objectif de compléter le plan prévu par d'autres mesures qui visent à accompagner de façon globale le cinéma français dans sa transition vers le numérique.

Je veux parler, tout d'abord, de la numérisation du patrimoine français de films, afin de rendre les chefs-d'oeuvre du cinéma accessibles sur les nouveaux réseaux et dans les salles numérisées, sur tous les supports du futur : projection numérique, DVD haute définition, VOD, etc. À cette fin, il est prévu d'avoir recours aux « Investissements d'avenir », en appui aux investissements privés des détenteurs de catalogue.

Faute d'envisager dès maintenant cette numérisation, c'est la mémoire du cinéma français qui risquerait de se perdre. Cette numérisation doit concerner près de 6 500 titres de films de longs métrage, de 1929 à nos jours.

Je prévois aussi un accompagnement des industries techniques du cinéma dans leur passage au numérique.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Notre pays compte quelque 500 entreprises techniques du cinéma, en majeure partie des PME très innovantes. Ces industries ont cependant connu une année particulièrement difficile avec la contraction des budgets de production en 2009, alors même qu'elles sont en train d'investir pour être à la pointe de la technologie face à une concurrence internationale très vive, tandis que le numérique entraîne des changements profonds dans leur activité.

Avec le concours actif de Christine Lagarde et des services du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, les entreprises du secteur sont incitées à recourir aux différents dispositifs publics existants auxquels elles sont éligibles : OSEO, Fonds stratégique d'investissement, Médiation du crédit, Comité interministériel de restructuration industrielle. Par ailleurs, un diagnostic sectoriel vient d'être réalisé par les services des deux ministères, afin de mieux identifier les besoins et les évolutions nécessaires des entreprises dans cette phase de transition vers le numérique.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Oui, il y a urgence. Et je m'y emploie. Je m'y emploie assidûment.

Enfin, le cinéma français doit se mettre plus résolument à explorer les horizons nouveaux ouverts par le cinéma en relief. Les aides récemment mises en place par le CNC ont vocation à permettre au cinéma français de s'engager dans cette technologie.

L'objectif de ces mesures, de concert avec la proposition de loi que vous examinez aujourd'hui, est d'accompagner le cinéma français dans sa transition vers les nouvelles technologies de l'image, pour faire en sorte que la France demeure la grande nation de cinéma qu'elle a toujours été, et un exemple à suivre pour nos voisins européens dans cette nouvelle ère numérique qui s'annonce pleine de promesses pour l'art cinématographique et son renouveau.

En Chine, on appelle le cinéma « les ombres électriques ». Chez nous, Lumière était le nom des inventeurs. Veillons à toujours rester fidèles à un patronyme tellement évocateur. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC, et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Dans la discussion générale, la parole est à M. François Asensi, premier orateur inscrit.

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le numérique peut être une chance, celle de démocratiser plus encore le cinéma. Mais il peut aussi receler de grands périls si l'encadrement de la puissance publique fait défaut et si une vision mercantile balaie l'exigence d'assurer la diversité de l'offre cinématographique et l'accès de tous les publics, dans tous les territoires.

La grande exploitation et la grande distribution vont bénéficier d'économies d'échelle substantielles, alors qu'à l'inverse, les salles et distributeurs indépendants supporteront de lourds investissements. Le risque est bien réel de voir apparaître un cinéma à deux vitesses.

Je souhaiterais revenir sur la situation contrastée du cinéma à l'heure de la numérisation, avant d'aborder les insuffisances du dispositif proposé, pour souligner enfin la remise en cause du modèle cinématographique français à laquelle ce texte aboutit.

Lors des consultations que nous avons menées, les acteurs du monde du cinéma ont exprimé un sentiment d'inquiétude et un sentiment d'urgence.

L'inquiétude, c'est celle des petits et moyens exploitants, dont la fréquentation stagne face à la concentration à marche forcée des groupes EuroPalaces, UGC et CGR. Cette fréquentation n'a pas progressé l'an dernier, alors que celle de la grande exploitation a bondi de 8 %. Cette dernière représente désormais 57 % des entrées : c'est trois fois plus qu'il y a 10 ans. Où s'arrêtera l'uniformisation ?

L'inquiétude des exploitants concerne ainsi leur capacité à supporter les 80 000 euros d'investissements que coûte le passage au numérique. La Commission européenne a fait sienne l'hypothèse alarmante de la fermeture d'un tiers des cinémas européens dans un avenir proche. Ce dramatique dépôt de bilan se traduirait par des déserts culturels dans certains territoires, en milieu rural et dans les banlieues populaires.

L'urgence réelle, c'est d'éviter la constitution sous nos yeux d'un cinéma à deux vitesses dans lequel seule la grande exploitation a un poids économique et un réseau de salles suffisants pour bénéficier de l'aide des distributeurs, par l'entremise de tiers investisseurs.

Face à la loi impitoyable du marché, la corbeille est vide pour les salles indépendantes. De ce fait, l'immense majorité des 20 % d'écrans actuellement convertis au numérique appartiennent aux multiplexes.

Si le laisser-faire ou l'inaction l'emportent, la majorité des salles indépendantes se trouveront peu à peu marginalisées, et hors d'état de diffuser des films édités uniquement en numérique.

Il y a, enfin, une urgence qu'il convient de relativiser. On sait que les grands distributeurs et exploitants exercent une pression pour diffuser les futurs blockbusters en 3D dans le maximum de salles. Les recettes indécentes du produit industriel Avatar, près de 3 milliards de dollars sur l'ensemble de la planète, 14 millions d'entrées en France, ont aiguisé les appétits.

Avec 300 millions de budget, ces films ne peuvent être rentables qu'à la condition d'inonder les écrans, à grand renfort de copies, de matraquage publicitaire ou de tarifs exorbitants.

Il y a urgence à agir, j'en conviens, mais gardons-nous de légiférer dans la précipitation et sous la pression d'intérêts.

La hâte à examiner cette proposition de loi n'a d'égal que la lenteur des pouvoirs publics à prendre au sérieux cette question, quatre ans après le rapport Goudineau. Comment expliquer ce retard à l'allumage, qui nous contraint à légiférer le dos au mur, si j'ose dire ?

Les députés de notre sensibilité politique partagent l'idée qu'il est nécessaire de modifier le cadre législatif pour que tous les territoires et tous les publics puissent bénéficier de la technologie numérique.

La régulation minimaliste contenue dans la proposition de loi de M. Herbillon marque une avancée appréciable sur trois points : la contribution des distributeurs ne sera plus réservée aux réseaux les plus puissants ; le caractère obligatoire de la contribution empêchera une diffusion massive de copies numériques, nuisible à la diversité dans le cinéma ; la mise à contribution de ce qu'on dénomme le « hors film » évitera la dénaturation de la vocation des cinémas.

Pour autant, ce dispositif bancal et inégalitaire suscite la perplexité de biens des acteurs du monde du cinéma.

Mes critiques porteront sur trois points. S'ils n'étaient pas substantiellement modifiés, nous serions conduits, et nous le regretterions, à ne pas voter cette proposition de loi.

Il s'agit, d'abord, de la durée de la contribution. Limitée à deux semaines, elle ne profitera que marginalement aux petits cinémas et renforcera leurs difficultés d'accès aux sorties nationales.

Il s'agit ensuite de son montant. Il est indispensable de l'encadrer pour éviter les pratiques déloyales.

Ma troisième critique porte sur la pérennité du dispositif. Il prend fin au plus tard en 2021, alors que la première génération du numérique devra être remplacée. Qui assumera cette charge ?

L'examen en commission a apporté des améliorations indéniables, mais insuffisantes, malgré la volonté de conciliation de notre rapporteur. L'incitation à la mutualisation est un souhait fort des petits et moyens exploitants. Je crains cependant qu'elle ne consiste à mutualiser les contributions entre déshérités de ce dispositif.

Pour terminer, nous sommes fondamentalement opposés au dispositif choisi, tout comme de nombreux exploitants de salles d'art et d'essai, notamment le groupement national des cinémas de recherche.

Ce dispositif aura pour conséquence de délégitimer l'intervention publique dans ce secteur, de renforcer la marchandisation du cinéma et de remettre en cause, à terme, l'aménagement culturel du territoire, auquel vous êtes attaché, monsieur le ministre.

Il entérine la pratique des frais de copies virtuelles, les virtual print fees, ou VPF, pratique venue des USA, dans laquelle le plus puissant tire les marrons du feu, et le plus faible se contente des miettes.

L'équipement numérique des salles sera effectivement facilité, je vous l'accorde, mais à quel prix ? La création d'un cinéma à deux vitesses : un cinéma de marché et un cinéma hors marché représentant près du tiers des salles françaises.

Pourtant, la singularité et la force du cinéma français est d'avoir su maintenir des passerelles entre le cinéma grand public et le cinéma d'auteur.

Depuis la création, après-guerre, de la TSA, les recettes des films les plus porteurs profitaient à la recherche cinématographique et aux films les plus exigeants. Cette solidarité se désagrège, car les grands circuits ne financeront pas la petite et moyenne exploitation dans le cadre des VPF.

Les mille salles hors marché devront se tourner vers le fonds d'aide à la numérisation du CNC, qui soulève pour l'heure les interrogations de la profession. Le Gouvernement doit apporter des garanties. On évoque un budget de 10 millions d'euros, mais c'est à mes yeux largement insuffisant, à moins de solliciter les collectivités territoriales.

La directrice générale déléguée du CNC a reconnu ici même que « les fonds proviendront du Fonds de soutien, du grand emprunt national et des collectivités locales, notamment les régions ».

Mais dans un contexte de tarissement des finances locales, provoqué par le gel des dotations et la suppression de la taxe professionnelle, toutes les collectivités ne pourront assumer ces nouvelles charges.

L'aménagement culturel du territoire est en péril, et les élus locaux de toutes sensibilités, en milieu rural comme en banlieue, s'en inquiètent.

Le maillage dense dont nous disposons a été le fruit d'une volonté politique forte de l'État, qui aujourd'hui s'étiole, ainsi que de l'engagement des collectivités.

Comme le rappelait Patrick Brouiller, président de l'Association française des cinémas d'art & d'essai, « dans les banlieues, il n'y avait presque plus de cinémas il y a quinze ou vingt ans », les grands groupes désertant ces territoires jugés à l'époque insuffisamment porteurs.

Allait-on abandonner les habitants des banlieues populaires dans des déserts culturels ?

Dans mon département, la Seine-Saint-Denis, notamment sous l'impulsion des élus communistes, les villes ont refusé cette fatalité. Elles ont veillé à l'accès de tous les publics, avec vingt et un cinémas d'art et d'essai, et plus d'un million de spectateurs par an. C'est un héritage dont nous pouvons être fiers. Dans l'hexagone, près de 1 500 salles subsistent grâce à l'aide des communes. Il serait dangereux de leur demander un effort plus grand.

Je parlais d'abandon par l'État d'une véritable politique du cinéma, car cette proposition de loi renonce, à mon sens, à défendre l'intervention publique dans ce secteur artistique si particulier. Elle se plie aux règles de la libre concurrence, en enterrant le principe de mutualisation soutenu par le CNC.

C'est un nouvel élément en faveur de la soumission toujours plus grande de l'art cinématographique à l'industrie et au commerce, après le rapport Cinéma et concurrence de mars 2008, et après les attaques concertées des multiplexes contre les cinémas municipaux.

Avec ce texte, nous posons un genou à terre. Qu'est ce qui retiendra désormais d'aller plus loin, et de réduire les taxes et les subventions en faveur des formes de cinéma les plus fragiles ? Les géants de la distribution et de l'exploitation ne manqueront pas de s'engouffrer dans cette brèche. Avons-nous la volonté de nous y opposer, quelle que soit notre sensibilité politique ?

La proposition de loi renforce une vision mercantile du cinéma, défendue par Bruxelles. Selon la commissaire européenne à la culture, Viviane Reding, le passage au numérique « peut déboucher sur de nouveaux créneaux commerciaux, de nouveaux emplois et de nouveaux services au consommateur ». Plus de spectateurs et de citoyens, donc, mais des consommateurs captifs. Plus de séances ou de films, mais de simples créneaux commerciaux.

La pression des marchands de culture s'accentue depuis plusieurs années sur les services publics cinématographiques. Le soutien public à la création et à la diffusion des oeuvres de l'esprit les insupporte, tout comme l'ambition d'un cinéma « élitaire pour tous », pour paraphraser l'homme de théâtre Antoine Vitez.

Les industriels souhaiteraient que les cinémas d'art et d'essai se ghettoïsent, se limitent aux oeuvres les plus confidentielles. Il peut bien demeurer quelques irréductibles du cinéma d'auteur, pourvu que la grande masse des spectateurs se fonde dans les multiplexes.

Le rêve des supermarchés du cinéma prémâché et de la confiserie tient en une image : le retour du cinéma d'auteur dans les halls des facultés et les sous-sols des ciné-clubs.

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

Notre rêve à nous, que j'espère partagé très largement, c'est un cinéma divers, qui accompagne le spectateur-citoyen du plus divertissant au plus exigeant. Un cinéma qui s'adresse à l'intelligence.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Benoit

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en 2009, la fréquentation des salles de cinéma a franchi pour la première fois en quarante ans la barre symbolique des 200 millions d'entrées.

Ce chiffre montre combien nos concitoyens, même dans une période de crise, continuent à se rendre dans les salles. Le cinéma ne connaît pas la crise, pourrait-on dire. Si cette assertion est en partie vraie, notamment grâce à la diversité de ses financements organisés sous l'égide du Centre national du cinéma et de l'image animée, faisons en sorte qu'elle le reste !

Le cinéma est aujourd'hui confronté à de nouveaux défis et notamment l'arrivée du numérique. Et c'est, je crois, en l'anticipant que nous saurons prendre le pas de cette révolution technique.

Ne nous berçons pas d'illusions, elle est inéluctable. Mais comme ce fut le cas depuis ses débuts, l'industrie cinématographique saura rebondir et s'adapter à cette nouvelle mutation technique pour peu que le législateur l'encadre suffisamment afin de préserver la diversité culturelle et cinématographique qui nous est si chère, pour que le cinéma reste au box-office des activités culturelles des Français .

C'est précisément l'objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, qui vise à mettre en place un système effectif de soutien à la mutation numérique du secteur.

Notre système de diffusion centenaire est sur le point de changer. L'industrie est en train d'adopter la technologie numérique comme nouveau moyen de projeter les films sur l'écran argenté, rendant ainsi les bobines obsolètes.

Cette mutation technologique est aussi importante que celle qui a vu le cinéma « muet » devenir « parlant », aussi importante que celle qui a vu le cinéma noir et blanc passer à la couleur.

Le texte qui nous est proposé vise donc a créer un cadre pour cette révolution et plus particulièrement les conditions de son financement.

La diffusion numérique des films a certes beaucoup d'avantages. Mais elle implique dans un premier temps que les exploitants se dotent de l'équipement nécessaire, et c'est là un véritable surcoût évalué par le Centre national du cinéma et de l'image animée à 80 000 euros par salle. Ce coût n'est pas mince et, pour que la transition vers le numérique profite à l'ensemble de la chaîne du cinéma, il importait de trouver un système de financement viable leur permettant de s'équiper rapidement.

Avant d'exposer plus en détail les dispositifs mis en place par le texte puisque je fais ici référence à l'ensemble de chaîne du cinéma, je salue l'esprit de concertation qui a entouré l'élaboration de ce texte. Les points de vue des distributeurs, des exploitants du CNC, bref de l'ensemble des professionnels du secteur ont pu être entendus pour parvenir au texte consensuel issu des travaux de la commission des affaires culturelles.

J'en viens maintenant aux modalités de financement.

Alors que le CNC avait proposé, pour financer l'équipement numérique des salles de cinéma, de recourir à un fonds de mutualisation. Il aurait eu la gestion de ce fonds, alimenté par les contributions des distributeurs et chargé de les répartir entre les exploitants. Mais le 1er février dernier, l'Autorité de la concurrence, a rendu un avis défavorable à la création de ce fonds, au motif qu'il faisait une concurrence déloyale aux opérateurs privés.

Sur la base de cet avis, la présente proposition instaure une « contribution numérique » obligatoire pour les distributeurs de films, lorsqu'ils livrent leurs films sous forme de fichier numérique dans une salle de cinéma.

Cette contribution permet de pallier les coûts liés à l'équipement d'une salle en projecteur numérique. Ces coûts étaient jusque-là en partie à la charge de l'exploitant.

Or l'achat de nouveaux projecteurs, de serveurs et l'adaptation des cabines de projection au nouveau matériel, nous l'avons vu, est une charge financière qui ne peut être endossée par les seuls exploitants.

Enfin cette contribution numérique s'inscrit dans un système qui a déjà cours : des montages entre distributeurs et exploitants visent déjà à permettre aux exploitants l'équipement numérique de leurs salles.

Le texte qui nous est proposé sécurise sur le plan juridique la contribution du distributeur, en enlevant toute possibilité d'y mettre des conditions par voie contractuelle ou en fait.

Enfin, je salue le compromis trouvé en commission sur le délai pendant lequel le versement de la contribution est dû par le distributeur. Il nous semble important de préserver le maillage des petites salles, dont la programmation est souvent étendue au delà des deux semaines de diffusion dans le cadre d'un élargissement du plan initial de sortie.

Dans ce cas, c'est-à-dire quand il y a retirage supplémentaire d'une copie numérique, même après la deuxième semaine, il nous semble plus juste que le distributeur acquitte autant de contributions supplémentaires que de copies numériques retirées. Enfin et je termine sur ce point, je salue l'autorisation de la mutualisation entre exploitants sous réserve qu'elle soit encadrée. Les contrats relatifs à la contribution entre exploitants et distributeurs et les contrats relatifs au financement de l'équipement passés entre tiers et exploitants devront contenir des clauses bien définies.

Vous l'aurez compris monsieur le ministre, le groupe Nouveau Centre et apparentés votera en faveur de ce texte. Nous pensons que la révolution numérique n'a de sens, que si elle constitue un support qui peut apporter des services et des contenus riches et diversifiés au plus grand nombre, jusque dans les plus petits relais de la diffusion que sont les territoires ruraux.

Ce sont ces mêmes services qui permettront de lutter contre les inégalités devant le savoir et l'accès à la culture ; les mêmes services qui permettront de transmettre la diversité artistique et culturelle et par là même qui favoriseront le développement de la culture. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Spagnou

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis quelques années les salles de cinéma connaissent une véritable révolution technologique. L'apparition et le développement du « cinéma numérique » sur le marché des salles de cinéma changent le métier des diffuseurs.

C'est un atout pour l'avenir. Or, même s'il se développe, le cinéma numérique reste en 2010 une pratique marginale, notamment dans les zones rurales et de montagne.

Pourtant, les avantages du numérique sont nombreux. D'abord, il permet d'économiser des frais de distribution et des coûts de fabrication. Il présente également un avantage technologique incontestable : l'image sur support numérique ne s'altère jamais.

C'est un avantage manifeste pour la politique de diffusion des oeuvres sur l'ensemble du territoire car avec le support numérique de diffusion, les petits exploitants n'ont plus à attendre de récupérer les copies des films.

Enfin, c'est aussi une. avancée en matière de « respect de l'environnement dont nous n'avons pas suffisamment parlé cet après-midi, car les bobines de film sont souvent enterrées et polluent.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Spagnou

De surcroît, mes chers collègues, la santé financière des salles de cinéma n'est pas toujours au beau fixe. Bien que la fréquentation des salles soit demeurée élevée en 2009 – vous avez signalé, monsieur le ministre, qu'il y avait eu plus de 200 millions d'entrées – certaines salles des petites et moyennes villes n'en profitent pas et pourraient se trouver fragilisées économiquement si elles ne réussissaient pas à se moderniser.

C'est un devoir de favoriser l'essor du numérique car les salles de cinéma tiennent un rôle fondamental dans la vie culturelle de notre pays. Nous disposons d'un parc de 5 500 écrans. C'est unique en Europe. Je tiens à souligne le rôle essentiel des collectivités territoriales. Elles ont en effet racheté de nombreuses salles, pour les sauver. Je suis heureux d'apprendre que l'État confortera leur rôle et apportera des gages de financement pour les aider. C'est un atout majeur pour le cinéma français qu'il faut préserver.

Mais cet investissement sur le long terme, cet investissement sur l'avenir, représente aussi un investissement de 80 000 euros par écran en moyenne.

L'objet de la proposition de loi, présentée par notre collègue Herbillon est simple : soutenir la modernisation de toutes les salles de cinéma en France, en généralisant et en rendant obligatoire le versement par les distributeurs d'une « contribution numérique » en faveur des exploitants des salles de cinéma. Il s'agit d'encadrer une pratique existante et d'accompagner ainsi la profession dans cette mutualisation des financements, nécessaires à sa modernisation.

J'aimerai rappeler l'esprit du texte. Il ne vise pas à mettre en place une nouvelle taxe, contrairement à ce que j'ai lu, mais bien à généraliser une contribution, qui repose sur un principe juste où tous les acteurs sont gagnants. Ce principe est d'autant plus juste qu'il est incitatif ; il sera d'autant plus pertinent et efficace qu'il mutualise.

En rendant obligatoire cette juste contribution, le mot central de ce texte est l'équité.

C'est dans cet esprit qu'en commission, des précisions ont été apportées à la proposition de loi, en premier lieu sur l'étendue de la contribution.

À l'initiative du rapporteur Michel Herbillon et de M. Marcel Rogemont, la commission a adopté à l'unanimité deux amendements à l'article 1er qui tendent à restreindre la contribution aux salles existantes à la date de promulgation de la loi, ainsi qu'à celles homologuées par le CNC avant le 31 décembre 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Spagnou

Une autre disposition prévoit clairement le paiement d'une contribution non pas par oeuvre, mais par salle, donc par écran. Cela répond aux enjeux posés par la multidiffusion.

L'autre objectif de la proposition de loi est de garantir la diversité de l'offre cinématographique en maintenant la liberté de programmation des exploitants ainsi que la maîtrise par les distributeurs de leurs plans de diffusion des films.

C'est sur ce point essentiel que le travail en commission a permis d'apporter de nouveaux équilibres. Il s'agissait, notamment, de garantir la liberté des acteurs et d'encourager la diversité de l'offre culturelle en donnant la liberté à un ensemble de salles de se regrouper, dès lors qu'elles souhaitent se passer d'un tiers privé, afin de percevoir les contributions.

Je me réjouis, mes chers collègues, que cette proposition de loi fasse l'objet d'un consensus sur le fond et sur la méthode.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Spagnou

Je tiens à remercier et à féliciter M. Herbillon, pour le travail de qualité qu'il a effectué et M. le ministre pour son soutien. Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera la proposition de loi tant attendue et très porteuse pour les salles de cinéma dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(M. Tony Dreyfus remplace M. Marc Le Fur au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il me revient de vous présenter la position du groupe socialiste et à cette fin vous me permettrez d'aborder trois points.

Auparavant, je voudrais rappeler l'importance du CNC : l'existence et le rayonnement de notre cinéma dépendent beaucoup de son travail, ce qui fait qu'aujourd'hui encore, il est séant de parler cinéma dans notre pays et, pourquoi pas, dans notre enceinte.

Revenons aux trois points que je souhaite développer concernant la position du groupe socialiste.

Le premier tient aux circonstances qui entourent l'examen de cette proposition de loi.

Le deuxième point vise à rappeler les termes de notre travail parlementaire.

Le troisième point tend à insister sur les lacunes de ce texte et à solliciter des engagements précis de votre part monsieur le ministre.

D'abord la numérisation des salles n'est pas une question récente qui voit les uns , les distributeurs, bénéficier d'une aubaine, lorsque d'autres, les exploitants, supportent les coûts de la numérisation des films.

La première solution évoquée fut la mutualisation, mais elle s'est heurtée à l'avis de l'autorité de la concurrence, le CNC ne pouvant être à la fois régulateur et opérateur sur le même marché.

Dans le même temps, le succès du film en trois dimensions Avatar a souligné l'urgence qu'il y avait à trouver une solution. Dans ce contexte, nous nous sommes tournés vers les États-Unis en nous inspirant de leur dispositif de contribution numérique des distributeurs aux exploitants et en l'adaptant au contexte français. Bien sûr, nous aurions souhaité que soit étudié un autre dispositif comme la création d'une taxe sur la copie numérique, mais dès lors qu'une solution rapide devait être mise en oeuvre, la raison conduisait à y renoncer. Aussi, avons-nous accepté de travailler sur ce texte en étroite collaboration avec la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Nous nous sommes fixé plusieurs objectifs :

Premièrement, renforcer la transparence. Cela vaut pour les équipements qui justifient la contribution numérique comme pour la durée d'amortissement. Cela vaut encore pour insister sur la nécessité de contrats écrits tant pour la contribution numérique que pour le contrat de location.

Deuxièmement, favoriser l'organisation mutualisée de la collecte de la contribution numérique afin de permettre une solution proche de celle imaginée par le CNC qui a été approuvée par la profession.

Troisièmement, inclure l'ensemble des utilisations possibles des équipements numériques. Il s'agit du « hors film » à l'exception des bandes annonces, et des courts métrages dont la diffusion a besoin d'être soutenue.

Quatrièmement, renforcer davantage le rôle du médiateur du cinéma, notamment pour nous assurer qu'il n'y a pas de pressions sur la programmation des films.

Cinquièmement, assurer une interopérabilité sur toute la chaîne qui vise à l'exposition d'un film en salle.

Sixièmement, renforcer la conditionnalité des aides publiques par des engagements de programmation, il en va de la diversité culturelle. Le projet de décret qui nous a été communiqué va dans ce sens.

Enfin, assurer une permanence du cinéma dans les centres villes. Nous avons d'un commun accord suggéré un amendement pour réguler les loyers.

Force est de constater que nous avons été largement entendus et que nos suggestions émanent d'un travail commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Il reste cependant quelques interrogations.

Constatons d'abord que sur les 5 470 écrans, un tiers est déjà équipé ; que le texte de loi assure une participation au financement du premier équipement pour un autre tiers des écrans. Reste le dernier tiers qui pose problème.

Le CNC doit être le pivot d'une aide significative pour financer le premier équipement de ces salles dites de continuation qui participent concrètement à une présence culturelle.

Chaque année, le CNC consacre une trentaine de millions d'euros pour l'exploitation des films : vingt-deux millions pour l'aide automatique et un peu moins de huit millions pour l'aide sélective.

En imaginant un coup de pouce à l'aide sélective de l'ordre de 1 à 2 millions sur sept à huit ans, voilà le financement assuré pour l'ensemble des salles de continuation.

Je vous remercie de nous dire, monsieur le ministre si cette proposition vaut engagement de votre part. À défaut quelle autre proposition feriez-vous qui ne reposerait pas sur le financement par les collectivités territoriales ?

Par ailleurs, nous voulons des engagements de programmation – un projet de décret va dans le bon sens, mais nous resterons attentifs à son application.

Par ailleurs, de même qu'il est interdit de passer des films à la télévision le samedi soir, pourquoi ne pas proposer que le « hors film » soit aussi interdit le samedi soir afin de protéger le meilleur temps d'exposition des films ? Là encore, nous attendons vos précisions monsieur le ministre.

Plus encore, la fixation du montant de la contribution sera déterminée par le marché. Cependant cette fixation se fera sous le contrôle du comité de concertation. Pourquoi ce dernier n'aurait-il pas pour fonction de suggérer une fourchette au sein de laquelle la contribution serait jugée raisonnable, cela protégerait les faibles ?

Nous avons entendu vos propos réconfortants sur la numérisation du patrimoine, monsieur le ministre. Nous attendons des réponses précises quant à sa mise en oeuvre.

Nous souhaitons aussi des précisions sur toutes ces questions pour envisager un vote favorable du groupe socialiste sur ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Nous resterons attentifs à la question des salles de continuation qui ne bénéficient pas du financement de la contribution numérique.

Accepteriez-vous, madame la présidente de la commission, de présenter nos remerciements au personnel qui a beaucoup travaillé sur ce texte ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Kert

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, chers collègues, on a dit à cette même tribune tout l'intérêt du travail réalisé par notre collègue Michel Herbillon. Je ne reprendrai le propos que pour souligner combien cette proposition de loi vient utilement répondre à une attente forte de tous les acteurs de la filière du cinéma. La richesse et la vitalité de notre cinéma ne sont plus à démontrer, mais bien à préserver et, pourquoi pas, à intensifier. Malgré la crise que nous traversons, les Français sont allés massivement au cinéma, au théâtre et dans les musées. C'est dire l'importance, dans les moments difficiles, de la culture. Pour nous tous, c'est un beau message.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Kert

De par leur diversité, les salles de cinéma tiennent un rôle fondamental dans la vie culturelle de notre pays. Diversité que l'on retrouve dans les situations des exploitants et des régions face à la transition numérique puisque, si les principaux exploitants ont entamé leur mutation, il est à craindre que cette diversité ne se transforme en inégalités entre nos différents types de cinémas et nos régions. Le témoignage de notre collègue Daniel Spagnou, député-maire de Sisteron, élu des hauts plateaux de Giono, est révélateur à cet égard.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Kert

Pourquoi pouvons-nous adhérer à la démarche qui nous est proposée ?

Le caractère automatique et généralisé de la contribution numérique est la meilleure garantie d'une transition équitable entre distributeurs et exploitants.

Le dispositif tel qu'il est prévu à l'article 1er du texte et complété par les travaux de la commission des affaires culturelles en retenant d'une part le principe d'une contribution numérique due sur le pic de diffusion de films et non exclusivement – ce que l'on pouvait redouter – sur une période de référence et, d'autre part, en prévoyant clairement le paiement de la contribution par écran occupé répond bien à la logique économique d'aujourd'hui. Je souscris complètement au fait d'étendre la contribution aux producteurs d'événements ou de spectacles « hors film » projetés dans les salles de cinéma comme à celui de restreindre la contribution aux salles existantes et aux projets qui seront homologués par le CNC avant le 31 décembre 2012. Toutes ces précisions, votées unanimement par la commission des affaires culturelles, correspondaient aux demandes des professionnels qui, dans leur grande majorité, sont satisfaits de ce texte.

S'agissant de l'article 1er, pièce maîtresse du dispositif, je souhaiterais que l'on puisse aller plus loin encore dans « l'étanchéité » comme le dit notre rapporteur, entre la contribution numérique et la programmation ou la distribution des films. En effet, si l'on veut une application efficace de l'article 213-19 nouveau du code du cinéma, pourquoi ne pas donner la possibilité au médiateur du cinéma de se faire transmettre copie du contrat de location du film ? Il pourra ainsi vérifier qu'aucune compensation et contrepartie en matière de location et d'exposition du film n'ont été négociées dans le contrat. Je soutiendrai donc les amendements 20 et 21 de nos collègues Riester et Bloche. S'agissant du premier, cela va de soi, mais pour ce qui concerne le second, c'est plus étonnant. Quoi qu'il en soit, c'est avec plaisir que je soutiendrai son amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Kert

Une telle précision, nullement redondante, favorisera une réelle transparence et pourra aussi créer un environnement propice au développement des contrats écrits évitant ainsi de nombreux conflits.

Vous nous avez exposé vos intentions, monsieur le ministre. Le texte « cadre » ne traite pas des aspects réglementaires. L'objet principal de cette proposition de loi est de créer un cadre général au versement de la contribution numérique des distributeurs de films vers les exploitants de salle. Indéniablement, votre retenue ou votre prudence, monsieur le rapporteur, implique que des dispositions réglementaires viennent compléter le dispositif. Et, à cet égard, je pense à deux dispositions indispensables.

Il s'agit en premier lieu de la mise en place rapide de l'aide à la numérisation annoncée par le CNC pour les salles qui ne percevront pas suffisamment de contributions – voire aucune contribution. Ce sera donc au CNC – et je salue sa présidente, présente dans nos tribunes – de venir en aide directement à ces établissements. Les modalités d'attribution de ces aides que le rapporteur a eues l'excellente idée d'annexer à son rapport, sont précises et permettront de couvrir tous les cas. En second lieu, le développement du « hors film » doit être encadré et trois types de mesures permettront de maîtriser son développement :

D'abord, le décret sur les engagements de programmation qui doit être publié à l'été concernera tous les multiplexes et permettra d'encadrer la diffusion du « hors film » dans ces salles.

Ensuite, il convient également d'ajuster les engagements liés à l'octroi des aides sélectives pour prendre en compte le développement de la diffusion de ce nouveau type de programmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Kert

Enfin, il semblerait qu'un projet de décret vienne encadrer le « hors film », mais M. le ministre pourra peut-être nous le confirmer. Il convient effectivement d'encadrer les conditions de programmation de contenus non cinématographiques dans les salles de cinéma ; on pense à des retransmissions sportives ou d'opéras. J'ai noté que vous faisiez preuve de la même prudence que nous, monsieur le ministre.

Si je suis favorable à ce que la création cinématographique dispose ainsi d'une protection forte qui évite que ce soit des retransmissions qui prennent la place des films, je nous invite à être vigilants à ce que le régime de modulation des aides n'obère pas trop l'économie des exploitants de salles.

Enfin, je souhaiterais aborder une question périphérique à cette proposition, celle du sort qui sera, demain, réservé aux actuels laboratoires de pellicules photochimiques. Sitôt atteint le programme complet de numérisation, il est tout à fait évident que leur destin est scellé ; les industries cinématographiques, comme vous l'avez fait remarquer, monsieur le ministre, sont en première ligne. Il serait bon, me semble t-il, que notre commission, à vos côtés, monsieur le ministre, se préoccupe du patrimoine que doivent représenter ces laboratoires et peut-être même, s'il s'agit de métiers en perdition, de la conservation d'une mémoire de ces savoir-faire qui ont tant participé au succès du cinéma.

Vous le savez, il y a deux grands laboratoires en France : Éclair et LTC. La numérisation des salles risque de mettre en jeu entre 200 et 300 emplois et cela ira vite, puisque dans les deux années qui viennent, on commandera de moins en moins de pellicules photochimiques, jusqu'à ne plus en commander du tout.

Il reste néanmoins des pistes d'avenir : la restauration des films anciens – un vrai chantier que nous pourrions alimenter avec des films d'autres pays moins bien outillés que nous – ou la sauvegarde d'oeuvres récentes, voire actuelles. Nous allons, en effet, nous trouver dans cette situation paradoxale que la numérisation n'assurant pas la pérennité totale des oeuvres, on demandera peut-être aux laboratoires de confectionner des pellicules de référence. Les paradoxes sont parfois réjouissants ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le monde du cinéma est en pleine révolution : une révolution numérique. Soyons pleinement conscients de ce qui est devant nous. Une révolution n'est pas une simple évolution qui touche quelques-uns, souvent les plus au fait des choses, elle consiste en un changement immédiat et général. Qui en est écarté se trouve, de fait, en retrait du monde.

Les avantages du passage au numérique sont connus : une meilleure qualité des images et du son, une souplesse dans la programmation grâce à une meilleure répartition des copies et, enfin, une plus grande facilité logistique pour les exploitants qui, du fait de la dématérialisation des supports, se libèrent des contraintes de transport et de gestion des bobines.

La technologie de projection numérique présente cependant un inconvénient immédiat et de taille : le coût de sa mise en place. Si, pour les distributeurs, la dématérialisation se traduit par des gains instantanés du fait du moindre coût des supports et des économies d'échelle, elle implique, en revanche, pour les exploitants de salles, des coûts d'équipement importants, qu'ils ne sont pas tous en mesure de supporter équitablement. En visant à faciliter l'équipement numérique des salles, cette proposition de loi constitue donc une avancée.

Il existe cependant des risques, que nous ne saurions ignorer, liés aux conditions d'exposition des films qui peuvent se dégrader si nous n'y prenons garde. Je pense notamment à la rotation accélérée des copies, à la multiprogrammation, à l'explosion du nombre des copies, aux écrans partagés.

La France bénéficie d'un parc de salles de cinéma unique au monde, caractérisé par la diversité et le nombre des établissements : plus de 2 070 totalisant 5 400 écrans. À ce titre, il est crucial de ne pas bouleverser les équilibres de la profession qui assurent notamment une richesse dans la programmation des oeuvres.

En octobre 2009, le projet de financement proposé par le CNC, basé sur la mutualisation des redevances des copies virtuelles et des coûts d'équipement des salles, apparaissait comme un système efficace permettant un accès non discriminatoire de l'ensemble des établissements cinématographiques et des distributeurs à la technologie numérique. La remise en cause, le 2 février 2010, par l'Autorité de la concurrence de ce projet, qui faisait pourtant l'objet d'un consensus entre les différentes branches de la profession, réclame que nous inventions d'autres solutions permettant d'atteindre cet « objectif d'intérêt général », rappelé par l'Autorité elle-même, que constitue la numérisation des salles de cinéma.

La contribution obligatoire prévue dans cette proposition de loi visant à faire participer les distributeurs qui, du fait du passage de la copie argentique à la copie numérique, réduisent leurs charges d'exploitation, semble répondre pour une part – mais pour une part seulement – à l'enjeu que constitue la numérisation des salles.

À ce jour, près du tiers des salles, très majoritairement celles des grands groupes, sont déjà équipées. La contribution obligatoire, par les transferts générés, permettra à un second tiers d'accéder au numérique. En revanche, un problème se pose pour le dernier tiers que constituent les salles les plus petites, les salles d'art et d'essai et les salles associatives, qui sont pourtant des acteurs essentiels au maintien de la diversité de l'offre cinématographique.

Le système de contribution obligatoire tel que le prévoit la proposition de loi ne bénéficiera, en effet, qu'aux salles ayant accès aux films dès leur sortie nationale et pouvant également programmer simultanément plusieurs films nouveaux. Les salles de continuation ou les salles ayant peu d'écrans ne bénéficieront pas de contributions numériques leur permettant de s'équiper. Dès lors, ne pouvant s'intégrer pleinement dans cette révolution numérique, elles courent le risque d'être progressivement mises à l'écart. À cela, il convient de remédier résolument.

Chers collègues, nous ne doutons pas que la contribution obligatoire permettra à une partie du parc des salles de cinéma de s'équiper en numérique. Croire, en revanche, qu'elle bénéficiera à l'ensemble du parc, et notamment aux salles qui n'existeraient pas sans le soutien des collectivités territoriales, que par ailleurs on étrangle financièrement, serait faire preuve d'un excès de confiance.

Le travail en commission, suite au rapport de Michel Herbillon, dont je veux, après tant d'autres, souligner la connaissance fine du sujet qui nous intéresse aujourd'hui,…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Cher collègue Michel Herbillon, vous êtes un peu aujourd'hui le flatteur flatté.

Le travail en commission, disais-je, a permis d'amender de manière conséquente le texte initial. Parmi d'autres exemples, je citerai l'article 5 qui fixe les loyers des salles de cinéma de centre-ville en fonction des usages de la profession, afin de protéger ces dernières de la pression foncière qui les en font disparaître.

Notre groupe soumettra à votre approbation quelques amendements visant notamment à renforcer la mutualisation, qui nous paraît essentielle, et à garantir la diversité de la programmation. Il s'agira par ce biais de s'assurer de la pérennité des acteurs les plus fragiles de la filière.

Si elle devait faire disparaître ces mêmes acteurs, la révolution numérique ne serait pas seulement un formidable progrès mais aussi une terrible régression. Nous nous devons, mes chers collègues, de ne pas considérer notre travail terminé une fois cette proposition de loi votée.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Après le temps législatif, s'imposera à nous un devoir de vigilance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Imbert

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a pour objet de permettre à l'ensemble des établissements de spectacle cinématographique français de se doter des outils permettant la projection de films sous format numérique. Un tiers des salles est déjà équipé, les distributeurs ayant signé avec leurs exploitants des contrats leur permettant de financer leur équipement numérique par l'intermédiaire d'une « contribution numérique ». Or l'Autorité de la concurrence a remis en cause ce modèle de financement du CNC, fondé sur la mutualisation des redevances de copies virtuelles et des coûts d'équipement de salles. Aussi est-il nécessaire d'assurer aux exploitants dans l'impossibilité de changer leur équipement, et aux producteurs, un cadre juridique stable et sécurisé.

La proposition de loi, en créant une contribution obligatoire pour la numérisation des salles de cinéma, s'adresse donc aux salles de notre pays restant à numériser. Il est utile de préciser que les très petites salles et les salles associatives, qui représentent un tiers des salles, ne peuvent pas bénéficier de la contribution numérique. Le texte s'attache donc également à préserver des salles de cinéma sur tout le territoire, notamment dans les zones plus rurales, et à autoriser l'accès à une grande diversité de films.

Je veux saluer le travail du rapporteur de cette proposition de loi, Michel Herbillon, qui a su rapidement mettre en oeuvre un programme d'auditions de l'ensemble des acteurs concernés. Je veux également souligner l'engagement de mes collègues Marcel Rogemont et Martine Martinel, qui ont suivi ce texte et ont permis d'aboutir à une proposition susceptible de recueillir un meilleur consensus.

Grâce aux auditions, à une action collective et à un important travail d'amendement, le texte soumis au départ a été considérablement amélioré. Il met bien en évidence la particularité de notre système d'aide au cinéma, auquel nous sommes tous attachés et qui est de tempérer la loi du marché par des garde-fous publics.

La proposition de loi visant à garantir l'aide à l'équipement de nos salles obscures marque ainsi le souhait de pérenniser notre système d'aide publique et de lui voir jouer un rôle dans cette étape technologique de l'histoire du cinéma qu'est le passage au numérique. Comme cela a déjà été souligné, la numérisation des salles est inéluctable et participe de cette amélioration technologique perpétuelle propre à l'histoire du cinéma, depuis l'arrivée du parlant jusqu'à la 3D.

Bien entendu, l'histoire du cinéma n'est pas réductible à ces mutations technologiques. C'est bien là tout le paradoxe de cet art, qui a su à la fois tutoyer les plus grandes oeuvres créées par l'esprit humain et rester, pour une partie de sa production, un divertissement proche de celui qu'il fut à sa naissance, un divertissement de fête foraine. Aujourd'hui, toutefois, la numérisation constitue essentiellement un progrès technologique qui touche non pas à ce qui est gravé sur le support, mais au support lui-même, et qui consiste dans le passage de la copie argentique à la copie numérique.

Il conviendra de s'assurer qu'avec le temps, les copies numérisées se dégradent moins que les copies argentiques. Pour le moment, nous ne disposons pas du recul suffisant pour l'affirmer totalement.

En tout état de cause, cette mutation sera, à terme, moins coûteuse pour les distributeurs de films. C'est la raison pour laquelle ils sont les principaux acteurs mis à contribution par cette loi, qui induira toutefois, dans un premier temps, des coûts supplémentaires, puisqu'il faudra réaliser des copies de films sur les deux supports.

Il convient également de poser des limites dans le temps. C'est la raison pour laquelle un délai a été fixé dans lequel l'aide financière pour la mutation technologique des salles devra être apportée. La contribution à la copie virtuelle, qui intéresse principalement les salles ayant accès aux sorties nationales, a été étendue aux salles dites de continuation qui reprennent la diffusion d'un film plusieurs semaines après sa sortie. Ainsi, les acteurs de la diversité culturelle que sont les salles de continuation seront aussi aidés et la variété de notre parc cinématographique sera préservée.

Il est de notre intérêt de préserver le cinéma français et sa diffusion, un cinéma financé par la France. Je pense, monsieur le ministre, que nous avons tous à coeur de nous retrouver sur ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi d'un amendement n° 1 portant article additionnel avant l'article 1er.

La parole est à M. François Asensi.

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

Cet amendement tend à instaurer une taxe solidaire et redistributrice sur les copies numériques. Ce prélèvement modeste sur les recettes versé aux distributeurs alimenterait le CNC et permettrait de soutenir le passage au numérique selon des critères équitables.

Cette alternative au dispositif VPF a de multiples avantages à nos yeux, et a d'ailleurs été soutenue par l'Autorité de la concurrence dans son avis de février. La taxe correspond à un mode historique d'intervention des pouvoirs publics dans ce secteur. Une large part du fonds de soutien du CNC est en effet constituée par la TSA, qui fonctionne depuis l'après-guerre sur un principe équivalent. Le rôle du CNC serait ainsi renforcé.

Comme le souligne l'Autorité de la concurrence, le CNC collecte déjà les taxes et dispose de l'expertise, des ressources et des données pour collecter cette nouvelle taxe. Selon la même autorité, ce dispositif serait neutre du point de vue de la concurrence, chaque distributeur contribuant au même taux sur chaque entrée. Il serait moins aléatoire que le financement négocié de gré à gré entre distributeurs et exploitants, et constituerait une ressource pérenne en vue du renouvellement des équipements numériques. La taxation déconnecterait réellement la problématique du financement du numérique des négociations pour la diffusion des films. Enfin, et c'est l'essentiel, cette taxe respecterait l'ambition originelle de son fonds de mutualisation, à savoir la solidarité de tous les acteurs du secteur, et une redistribution des sommes collectées vers les cinémas les plus fragiles. Pour ces raisons, elle est soutenue par une partie des cinémas indépendants.

En commission, vous avez opposé que ce dispositif était trop tardif, car il aurait fallu convaincre la Commission européenne. En fait, vous avez reconnu que cette solution était techniquement préférable et possible. Je ne méconnais pas les lenteurs de certaines procédures au niveau européen, mais n'est-ce pas la responsabilité du Gouvernement si cette taxe n'a pas été proposée avant ?

La question de la numérisation n'est pas nouvelle : je rappelle que le rapport Goudineau date de 2006.

Pour le reste, tout est affaire de volonté politique. En ce qui nous concerne, nous n'acceptons pas que Bruxelles soumette le secteur artistique à la vulgarité des règles de la concurrence. Les oeuvres de l'esprit dont il s'agit ont naturellement vocation à recevoir le soutien de la puissance publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

La commission a repoussé cet amendement, car cette taxe, qui a en effet été un temps envisagée, poserait de nombreux problèmes.

Tout d'abord, un problème de calendrier : un tel dispositif devrait être soumis à l'examen de la Commission européenne, ce qui déclencherait une enquête et ouvrirait un délai incompressible de dix-huit à vingt-quatre mois. Or la numérisation des salles a déjà commencé : de nombreux exploitants seront équipés entre 2011 et 2012. Votre proposition, mon cher collègue, porterait donc préjudice aux acteurs les plus fragiles.

En outre, une incertitude demeure : non seulement il faudrait attendre dix-huit à vingt-quatre mois avant de connaître la décision de la Commission, mais rien ne dit qu'elle autoriserait la taxe. En effet, la Commission préfère généralement les aides ciblées à la taxation.

De plus, l'idée d'une taxe suscite une certaine opposition des distributeurs : plusieurs d'entre eux, qui ont déjà dû verser une contribution à certaines salles, se refusent à payer deux fois. L'instauration de la taxe risquerait donc de faire immédiatement baisser le taux de location, les distributeurs pouvant être tentés d'en compenser le coût.

Enfin, on peut craindre une répartition inégalitaire du produit de la taxe. En effet, celle-ci serait prélevée sur toutes les recettes, y compris celles des circuits et des salles déjà équipés, sans que ceux-ci en bénéficient le moins du monde.

Étant donné ces incertitudes et le délai que requerrait la mise en oeuvre de cette taxe, nous lui avons préféré une disposition législative qui garantit le caractère automatique et généralisé des contributions numériques. Cette solution nous est apparue comme la plus susceptible d'assurer une transition équitable pour tous les distributeurs et tous les exploitants, sachant que la transition a déjà commencé.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Même avis défavorable.

Des aides vont être instaurées pour aider les établissements à s'équiper.

D'autre part, les distributeurs acquittent déjà, dans certains cas, des contributions numériques qui préexistent à l'obligation instaurée par la proposition de loi. Ils ne pourraient être assujettis en outre à une taxe.

Enfin, il serait indispensable de notifier à la Commission européenne le recours à un tel dispositif, selon des délais incompatibles avec le basculement actuel des salles vers le numérique.

(L'amendement n° 1 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 1er.

La parole est à M. Bruno Le Roux.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Notre temps de parole dans la discussion générale étant limité, la discussion des articles nous permet d'intervenir – même si ce n'est pas sous la forme d'une interpellation, à la différence de ce qui s'est passé tout à l'heure.

On a beaucoup parlé des distributeurs et des exploitants. Je souhaite pour ma part évoquer les industries techniques, malheureusement trop peu présentes dans nos débats.

Avec le passage au numérique dont traite le texte, ces industries très dynamiques sont confrontées non à une mutation, mais bien à une révolution technologique. Pour la première fois, en effet, une innovation entraîne de véritables destructions de richesses et d'emplois non compensées dans le périmètre économique des industries techniques.

Dans un document particulièrement bien fait, la FICAM a assimilé les conséquences de cette innovation à un authentique électrochoc économique et social. Ce secteur va ainsi perdre près de 1100 emplois, ainsi que 165 millions d'euros de chiffre d'affaires hors taxe.

Les entreprises concernées, dont la situation est très instable, demandent depuis plusieurs mois des mesures qui pourraient avoir un double effet.

Il s'agirait d'abord de ne pas accélérer un processus que ces entreprises savaient inévitable, mais dont elles pouvaient jusqu'alors prévoir l'évolution. Or le texte que nous discutons et les mesures adoptées depuis plusieurs mois entraînent au contraire une accélération du rythme d'équipement des salles qui déstabilise totalement la filière, et sur laquelle je m'interroge.

En outre, aucune des études jointes à ce texte important, pourtant excellemment préparé par Michel Herbillon, n'évalue les effets de cette mutation technologique sur l'économie du secteur et les dangers auxquels elle expose toute la filière.

Il faut remédier à cette lacune, monsieur le ministre, au lieu d'en rester aux propos tenus tout à l'heure, et qui sont les mêmes que j'ai entendus il y a près d'un an, lorsque j'ai signalé l'urgence de cette question. Depuis lors, aucune mesure nouvelle n'a été adoptée afin d'aider ces industries techniques. Il faut créer un fonds d'urgence permettant d'accompagner cette mutation.

Je m'interroge également sur le plan de numérisation et sur la rénovation des films. En effet, les supports numérique et argentique résistent bien différemment au temps et le premier est très cher à restaurer. Je nourris donc quelques doutes quant aux effets de votre plan à long terme.

Je souhaitais donc simplement, pour que cet aspect ne soit pas absent du débat, vous transmettre le message d'alerte des industries techniques. Celles-ci ne refusent pas l'équipement et les avancées technologiques liés au numérique, mais veulent vous dire qu'elles ne comprennent pas l'accélération qu'opère le Gouvernement et qu'elles souhaitent un plan qui leur permette d'accompagner ces transformations au lieu de les subir.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Féron

Aux termes de l'alinéa 7 de l'article, « la contribution prévue n'est plus requise une fois assurée la couverture du coût des équipements de la ou des salles de l'établissement de spectacles cinématographiques concerné, compte tenu des autres financements et au plus tard dix ans après l'équipement de l'établissement ».

Ces quelques lignes vident de son sens la proposition de loi : elles se bornent à repousser de dix ans le problème, ce qui pénalisera lourdement les petites et moyennes salles.

Tout d'abord, dès le financement du rééquipement numérique de la cabine ou dix ans après son installation, seul le distributeur bénéficiera de l'économie réalisée grâce à la numérisation des copies de films.

Surtout, alors que la durée de vie du matériel destiné à la projection en trente-cinq millimètres est de vingt à trente ans, celle d'une cabine numérique ne dépasse pas sept ans. Ainsi, les petites et moyennes salles auront été aidées pour la première installation d'équipement numérique ; mais comment pourront-elles renouveler leur matériel lorsqu'elles ne bénéficieront plus de la contribution ? La seule solution sera la fermeture. Il est dommage que la proposition de loi ne vise que le court terme, sans se préoccuper de la pérennité du maillage territorial des petites et moyennes salles.

L'alinéa 5 dispose quant à lui que « la contribution est due lors des deux premières semaines suivant la date de sortie nationale de l'oeuvre cinématographique […]. Toutefois, la contribution n'est pas due lorsque les oeuvres cinématographiques sont mises à disposition pour une exploitation en continuation, telle que définie par les usages professionnels ».

Il y a là une injustice : s'il est vrai que le distributeur ne réalisera pas une nouvelle économie au cours de la période de continuation, l'économie qu'il réalisera se concrétisera pendant toute la durée d'exploitation, c'est-à-dire à la fois pendant la première mise à disposition, au cours des deux premières semaines – souvent réservée aux gros complexes, aux grands groupes et aux grosses salles –, mais aussi pendant la période de continuation, le plus souvent réservée aux petites et moyennes salles.

La logique et la justice exigeraient que la contribution soit répartie proportionnellement sur toute la période d'exploitation – initiale et de continuation – et entre tous les exploitants, sans exclusive et sans abandonner les petits exploitants, qui jouent un rôle essentiel dans la vie culturelle de notre pays et dans l'aménagement de nos territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission, monsieur le ministre, je dois avouer qu'il est agréable de débattre dans une atmosphère apaisée, ce qu'il ne nous est pas toujours donné de faire. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Car les textes que l'on nous soumet donnent souvent matière à discussion ; ce matin encore, M. Woerth nous a annoncé de nouvelles horreurs… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Quoi qu'il en soit, ce texte, même s'il peut évidemment être amélioré… (Même mouvement.)

Un député du groupe UMP. Comme vous !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

… et même s'il comporte quelques lacunes, va dans le bon sens.

Il s'agit en effet de préserver la diversité culturelle, ce qui, en France, est très important. Vous le savez, monsieur le ministre, je suis extrêmement attaché à cette diversité, qui doit être la plus large possible…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

… afin de permettre à chacun, dans toutes les formes artistiques existantes, de s'exprimer, de porter une appréciation et de disposer de la plus large ouverture culturelle possible.

Cette diversité est de mise dans notre cinéma, alors que, dans beaucoup de pays, elle n'existe pas. Lorsqu'il m'arrive de voyager – l'été, souvent, avec plaisir –, je vois bien que la télévision et le cinéma étrangers sont très souvent pauvres. Nous devons donc préserver cette diversité, et ce texte y contribuera à l'évidence.

Il est d'autres domaines culturels dans lesquels nous avons encore du chemin à faire ; je pense évidemment à la musique. Mais je sais que, là aussi, nous pouvons nous rejoindre pour faire exister toutes les musiques.

Le cinéma est une activité, une forme culturelle très particulière : plus que d'autres, elle concerne toute la famille. Chacun le voit et le vit dans sa pratique : tous s'y retrouvent, de l'enfance au troisième âge. C'est une autre force, que nous devons également préserver.

Je me bats pour cela depuis mon arrivée à la mairie de Denain. Cette commune, dont l'agglomération compte 120 000 habitants, ne possède aucun complexe cinématographique : il s'agit d'un véritable manque, que nous oeuvrons à combler.

J'ai également apprécié de travailler à l'action de numérisation du patrimoine cinématographique français. On sait qu'il compte de nombreux chefs d'oeuvre de portée mondiale qu'il faut conserver.

Je souhaite toutefois m'associer aux propos de Bruno Le Roux, très vigilant sur ces questions, dont j'ai beaucoup parlé avec lui. Il s'inquiète à juste titre de l'évolution que connaît l'industrie photochimique. Au-delà des mots et des bonnes intentions, il faut des actes. Bruno Le Roux ne cherchait pas à attiser la polémique, mais à signaler un sujet d'inquiétude. Nous espérons que, dans le prolongement de ce texte de consensus culturel, les actions qui seront menées rassureront toute l'industrie photochimique française, à juste titre très inquiète aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Si je me suis inscrit sur l'article 1er, monsieur le président, c'est que c'était pour moi le seul moyen de revenir sur une question que nous avons abordée en commission et qui n'a fait l'objet d'aucun amendement.

Il s'agit, monsieur le rapporteur, de la norme relative à la transmission dématérialisée des films. Nous avions déposé un amendement visant à ce que, sous le contrôle du CNC, cette norme soit ouverte et interopérable afin de garantir la neutralité du réseau de transmission. Au motif que vous aviez déposé un autre amendement faisant référence aux normes internationales ISO, vous nous aviez convaincus de retirer cet amendement. Nous l'avons fait, ce que nous regrettons aujourd'hui d'une certaine manière.

Après réflexion, si j'ose ainsi m'exprimer, il nous est en effet apparu que la norme ISO, même si elle est reconnue internationalement, ne suffit à garantir ni la diversité de l'offre et de la programmation, aspects pourtant décisifs de la transmission dématérialisée des films, ni la neutralité du réseau, ni, surtout, l'interopérabilité, notion essentielle que nous avons évoquée dans bien d'autres débats, qui permet que la norme soit consultable par tout prestataire en faisant la demande.

Cette intervention est donc l'expression d'un regret mais aussi d'un espoir, celui de voir l'amendement n° 14 défendu par l'un de ses trois co-signataires, M. Mamère, M. Cochet ou M. de Rugy, s'ils rejoignent l'hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Monsieur le président, je souhaiterais apporter quelques compléments d'information aux différents orateurs.

J'indique tout d'abord à Bruno Le Roux que nous sommes extrêmement sensibles à la question des industries techniques, que nous avons évoquée au cours des réunions en commission. Le ministre s'est exprimé à ce sujet très explicitement et très abondamment dans son intervention.

J'ai toutefois un regret – oui, monsieur Bloche, on peut aussi avoir des regrets quand on est rapporteur –, c'est de n'avoir pu auditionner des représentants de la Fédération des industries du cinéma, de l'audiovisuel et du multimédia. Alors que j'ai fait des demandes en ce sens à deux reprises, elle n'a en effet pas donné suite.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Je vous propose donc que nous prenions le temps d'auditionner ses membres dans un délai très bref après le vote de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

M. le ministre a dit sa préoccupation à ce sujet, préoccupation qui nous est commune : je sais que ce sujet intéresse très légitimement de nombreux membres de la commission, vous tout particulièrement, monsieur Le Roux, puisque plusieurs laboratoires se situent dans votre circonscription.

Nous sommes bien conscients que la filière photo-chimique est confrontée aux effets conjoints de la dégradation de la conjoncture et de l'accélération de la numérisation de la filière cinématographique. La numérisation de la projection en salle a désormais un impact profond sur les métiers et le modèle économique des activités de tirage, de transport, de stockage des copies ainsi que de sous-titrage. Et, comme vous, je me préoccupe des conséquences sociales de ces évolutions pour les quelque 2 000 salariés concernés par ces mutations.

Plusieurs actions ont été engagées, le ministre le rappelait tout à l'heure dans son intervention. Le Gouvernement a demandé qu'une mission d'audit et de proposition soit menée sur ce sujet. Selon les informations qui m'ont été communiquées, elle est sur le point de rendre ses conclusions. Il s'agit, rappelons-le, d'un dossier interministériel : le ministère de la culture travaille en étroite collaboration avec le ministère de l'industrie.

Par ailleurs, il me semble que le plan massif de numérisation du patrimoine cinématographique et audiovisuel, qui va être engagé notamment grâce aux ressources du grand emprunt, représentera une occasion de reconversion pour les industries techniques, en particulier les laboratoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Cette opération sera menée avec des machines étrangères !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Il est important de veiller à restaurer toutes les oeuvres argentiques pour conserver la mémoire des films de patrimoine.

J'ajoute, monsieur Le Roux, que la récente mise en place d'un crédit d'impôt international destiné à attirer en France les tournages étrangers et les opérations de post-production a permis de stimuler l'activité du secteur des industries techniques en drainant un total de plus de 100 millions d'euros d'investissement dans notre pays. Par ailleurs, je rappelle l'existence d'aides distribuées par le CNC aux industries techniques, notamment pour soutenir les investissements de la filière photo-chimique. Pour 2009, elles se sont élevées à 4,3 millions d'euros.

À Hervé Féron, j'aimerais préciser que nous n'avons pas voulu d'une taxe pérenne indéfinie. Ce principe est même au fondement du texte. D'autre part, le fonds d'aide à la numérisation du CNC continuera de fonctionner en complément du dispositif législatif. Après décembre 2021, date butoir qui vous inquiète, il sera encore actif. Les salles qui ne seraient pas numérisées à cette date demeureront éligibles à ces aides qui peuvent couvrir, je le rappelle, jusqu'à 90 % de l'investissement. Il me paraît donc nécessaire que vous intégriez ce dispositif dans votre raisonnement.

Je vous invite également à prendre connaissance de certaines améliorations importantes apportées au texte à la suite de nos travaux en commission. Il a en effet été décidé de se référer au pic de diffusion et non aux deux premières semaines de diffusion. Je ne peux donc vous laisser dire que les petits exploitants sont abandonnés. Nous avons au contraire veillé, dans une volonté très clairement affichée, à ce que ce texte préserve le maillage culturel et la diversité de l'offre cinématographique sur le territoire français.

Quant à Patrick Roy qui, je le sais, n'est pas un grand amateur des textes consensuels, je l'invite à ne pas bouder son plaisir ! Pour une fois qu'on ne l'entend pas…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

… dire « Levez-vous vite, orages désirés », il devrait se contenter, en cette fin d'après-midi plutôt conviviale, du fait qu'il existe une certaine forme de consensus.

Je tiens à lui redire l'attachement qui nous est commun …

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

…à cette diversité culturelle. Le heavy metal, nous en parlerons une autre fois !

Monsieur Bloche, je voudrais vous rassurer sur la question technique relative aux normes ISO et à l'interopérabilité que nous avions évoquée en commission. Jusqu'à plus ample informé, je crois que le dispositif des normes ISO garantit la neutralité du réseau de transmission. Dans l'évaluation de l'application de la loi, nous serons de toute façon extrêmement attentifs à ce dispositif.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi de deux amendements, nos 2 et 15 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l'amendement n° 2 .

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

La limitation du versement de la contribution numérique à deux semaines d'exploitation n'est pas satisfaisante : elle crée une distorsion entre la grande exploitation, d'une part, et la petite et moyenne exploitation, d'autre part. Peu de salles comportant un à trois écrans disposent des films en sortie nationale pendant ce laps de temps alors qu'elles constituent près de la moitié des cinémas français, je pense notamment aux salles mono-écran situées en dehors de Paris. Autant dire que nous discutons d'une loi réservée à une petite frange de cinémas.

La limitation à deux semaines de la contribution numérique renforcera encore l'éviction des petites salles des plans de sortie. Les distributeurs chercheront à placer leurs films dans les cinémas les plus rentables comme les multiplex afin d'amortir le paiement de la contribution. L'interdiction des clauses liant la programmation à la négociation sur la contribution numérique n'y changera rien.

Ainsi conçue, la contribution numérique obligatoire risque d'accélérer le taux de rotation des films et de nuire à la diversité culturelle en favorisant des productions d'outre-atlantique.

L'évolution apportée en commission concernant les élargissements de plans de sortie ne répond pas à ces objections et risque de complexifier le dispositif, d'après les professionnels.

Nous proposons donc dans cet amendement le relèvement de la durée de contribution à quatre semaines afin que l'ensemble des salles bénéficie de ce mécanisme, conformément au souhait de l'ensemble des exploitants de salles d'art et d'essai.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. Marcel Rogemont, pour soutenir l'amendement n ° 15 .

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

J'ai bien conscience du caractère peu opérant de cet amendement, qui vise à allonger à trois semaines le versement de la cotisation. Néanmoins, il a le mérite de nous permettre de revenir sur un débat que nous avons eu en commission.

Rappelons les termes de l'article 1er : « Cette contribution est due, au titre de chaque salle, lors des deux premières semaines suivant la date de sortie nationale de l'oeuvre cinématographique pour la première mise à disposition de l'oeuvre dans l'établissement. La contribution reste due, au-delà des deux premières semaines […] », etc. Une telle rédaction ne montre-t-elle pas que le délai de deux semaines n'a aucune justification ?

Ajoutons que dès lors que la contribution est désormais assise sur le pic de diffusion – modification qui n'était pas intervenue lorsque j'ai déposé cet amendement –, la référence aux deux premières semaines a encore moins de raison d'être.

Cet amendement a pour but d'appeler l'attention de M. le rapporteur sur ce qui m'apparaît comme une petite anomalie de la rédaction.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Avis défavorable, monsieur le président.

Lors des réunions en commission, nous avons eu un débat intéressant à ce sujet qui figure dans le compte rendu. Nous avons déposé un amendement de compromis que vous avez voté, monsieur Rogemont. Je pensais vous avoir convaincu – mais je suis certain que vous l'êtes et que cet amendement vous a seulement permis d'évoquer à nouveau la question. Asseoir la contribution sur le pic de diffusion, au-delà des deux semaines, me paraît en effet être une solution de nature à satisfaire tout le monde.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

M. le rapporteur a apporté, me semble-t-il, toutes les réponses nécessaires. La période de deux semaines retenue dans la proposition de loi correspond à la grande majorité des cas, c'est-à-dire à la durée maximale des plans de sortie de films en salle.

L'avis du Gouvernement est défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Françaix

Nous sommes d'accord sur le fait que cette proposition de loi apporte un plus. Si nous sommes tous sensibles aux arguments qui viennent d'être développés, je ferai toutefois observer, pour ce qui est de l'idée selon laquelle nous essaierions de sauver le cinéma dans son ensemble, que nous n'avons pas besoin le sauver : il se porte plutôt bien depuis les lois de 1981 qui ont permis au cinéma français de résister, contrairement aux cinémas étrangers. Chacun d'entre nous se rappelle les débats qui avaient lieu à cette époque : il s'est révélé que Canal Plus avait aidé le cinéma, alors que certains pensaient qu'il allait le tuer.

On est bien obligé de constater que les grandes salles connaissent une croissance de 7 à 8 % et que les petites, en ce moment, se portent plutôt bien, puisqu'elles arrivent à avoir une croissance de 0,5 ou 1 %, parce que c'est une bonne année pour le cinéma. Il n'empêche : il est évident que, sur le moyen et le long terme, dans les mauvaises années – car il y en aura, même si j'espère qu'elles seront aussi peu nombreuses que possible – les petites salles seront dans une situation de plus en plus difficile.

Je prends donc bien en compte ce qui a été dit. Je tiens compte du fait que le dispositif va atténuer les difficultés pour les petites salles. Mais il faut quand même se dire que le fait d'ajouter une troisième semaine d'exploitation permettrait peut-être de rééquilibrer un peu au profit des petites salles. Celles-ci auraient ainsi l'occasion de voir enfin un certain nombre de films atteindre la troisième semaine. Au contraire, dans les grandes salles, la rotation va certainement s'accélérer car les choses sont ainsi, sans oublier que ceux qui sont en responsabilité à l'heure actuelle oublieront peut-être leur bonne volonté de favoriser la diversité, et risquent d'en revenir aux méthodes du libéralisme – de telle sorte que, finalement, ce qui marchait bien marche encore mieux et qu'on abandonne sur le bord du chemin d'autres salles pourtant si utiles au cinéma français.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Oh !

(Les amendements nos 2 et 15 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi d'un amendement n° 16 .

La parole est à M. Marcel Rogemont.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Nous revenons, à travers cet amendement, aux propos que je tenais il y a quelques instants dans la discussion générale, lorsque j'abordais la question du « hors film ». Bien entendu, j'ai compris que le CNC nous avait déjà fait parvenir une proposition de décret visant les engagements de programmation. Je salue d'ailleurs la présidente du CNC, ainsi que les autres membres du Centre qui assistent à nos débats.

Cependant, je pense que la question du « hors film », pour anecdotique qu'elle puisse être à la date d'aujourd'hui, ne le restera pas. Il est important que des dispositions particulières soient prises en la matière dans les engagements de programmation. C'est pourquoi je demande, à travers cet amendement, qu'un décret fixe les conditions de programmation du « hors film ». Comme je le disais tout à l'heure, il serait pour le moins curieux que, alors qu'il n'y a pas de films à la télévision le samedi soir pour favoriser l'exploitation des films par les salles de cinéma, celles-ci ne diffusent pas de films !

Je souhaiterais, pour cette raison, que les engagements de programmation du « hors film » soient vraiment encadrés, de façon à ce que les salles de cinéma restent d'abord et avant tout faites pour le cinéma, et que l'utilisation des salles pour d'autres événements tels que la retransmission d'événements sportifs ou encore d'opéras reste très accessoire. Sinon, on risque d'avoir des engagements de programmation qui seront tenus le lundi après-midi au lieu du samedi soir, ce qui n'est pas tout à fait la même chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Défavorable, mais je voudrais revenir sur cette question du « hors film », qui est effectivement importante. En effet, derrière ce sujet, se pose en fait la question de la destination de la salle de cinéma.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Or nous souhaitons qu'une salle de cinéma reste avant tout une salle de cinéma, où l'on voie des films, et qu'elle ne devienne pas une sorte de salle polyvalente où les films deviendraient – par hypothèse – accessoires ou secondaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Je veux préciser à notre collègue que, sur cette question du « hors film », différentes mesures sont prévues, voire en cours de publication. Elles vont permettre d'encadrer la programmation du « hors film » et de limiter l'éventuelle concurrence avec les films.

Premièrement, la proposition de loi prévoit que ces projections « hors film » donnent lieu également à contribution numérique à chaque projection, au même titre que les films, et ce quelle que soit la nature de ce « hors film ». Cette disposition a entraîné l'adhésion unanime des membres de la commission des affaires culturelles.

Deuxièmement, au niveau réglementaire, je rappelle qu'il y a trois dispositifs complémentaires. D'abord, le décret sur les engagements de programmation, qui va prendre effet sous sa nouvelle forme à l'été pour l'ensemble des multiplexes, permettra d'amener l'exploitant à prendre des engagements, notamment pour limiter la fréquence, l'importance ou la concurrence des ces programmes avec la programmation des films.

Ensuite, de façon complémentaire, les différentes aides sélectives accordées par le CNC – et je salue moi aussi la présence dans les tribunes de sa présidente –, aussi bien les aides existantes que la future aide à l'équipement numérique des salles, pourront donner lieu à des engagements sur le « hors film ». L'articulation de l'ensemble de ces dispositifs permettra donc de couvrir une large palette de salles, quelle que soit leur nature ou leur type de programmation. Les multiplexes, aussi bien que les plus petites exploitations, seront visés, avec, en ce qui concerne les secondes, les aides sélectives et les aides « art et essai ».

Enfin, un projet de décret en cours d'élaboration sur le « hors film » prévoit une diminution du soutien du CNC en cas de projection de « hors film ». Le projet n'est pas encore finalisé et nous sera transmis prochainement. C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, l'avis de la commission est défavorable.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

L'encadrement du « hors film » est un sujet extrêmement intéressant, qui va faire l'objet de débats nourris et très riches avec toutes les personnes concernées, en particulier le Centre national du cinéma. M. le rapporteur a fort bien expliqué les raisons, en l'état, d'un avis défavorable sur cet amendement et le Gouvernement partage cet avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

J'ai bien compris ce qu'ont dit à l'instant le rapporteur et le ministre. En ce qui concerne ce qu'a dit M. le rapporteur, je regrette pour ma part que le décret fixant les conditions du « hors film » – que j'appelle de mes voeux – ne soit pas annexé au texte que nous examinons en ce moment même. J'ai bien compris que cela viendrait et je veux bien attendre, mais, dans le cadre du suivi que nous ferons de cette loi, sachez que nous resterons très attentifs à la façon dont aura été abordée la question du « hors film ». Dans ces conditions, je retire mon amendement.

(L'amendement n° 16 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi d'un amendement n° 17 .

La parole est à M. Patrick Bloche.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

L'amendement n° 17 vise à garantir l'un des principes les plus importants de la proposition de loi que nous examinons : la transparence sur l'état d'amortissement des équipements numériques des salles. Il s'agit de permettre de déterminer la fin du versement de la contribution numérique, prévue par ladite proposition de loi, qui – faut-il le rappeler ? – est un mécanisme transitoire ; je crois que tout le monde l'avait compris ainsi.

Il est en effet essentiel, comme l'indique le texte de l'amendement, qui est très clair, que le versement de la contribution numérique ne devienne pas un droit d'accès des films aux salles, remettant notamment en cause le principe de répartition proportionnelle des recettes d'exploitation entre exploitants et distributeurs, et n'entraîne pas de distorsion de concurrence au stade de l'accès des salles aux films et de l'accès des films aux salles.

C'est un élément déterminant, selon nous, de cette proposition de loi : il faut éviter à tout prix, dans un souci de transparence – je dirais presque d'étanchéité – que certains en profitent pour s'arroger un droit à programmation à travers les aides à la numérisation. Je crois donc qu'il faut renforcer cette exigence de neutralité. De ce fait, il nous paraît important qu'il y ait un mécanisme de contrôle, que pourrait exercer la présidente du Centre national du cinéma, à laquelle je rends hommage à mon tour.

C'est pour cela que nous considérons, au regard des objectifs poursuivis – qui sont consensuels et que vous partagez vous-même, monsieur le rapporteur –, que cet amendement va dans votre sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

L'amendement a été rejeté par la commission, mais je voudrais dire à notre collègue que nous sommes évidemment en plein accord sur l'objectif de transparence et d'étanchéité entre les négociations commerciales et les négociations économiques sur la contribution numérique. Nous avons ainsi prévu dans le texte de nombreux dispositifs assurant cette étanchéité, à laquelle vous êtes, très légitimement, sensible.

Deux possibilités vont se présenter. Pour les salles non aidées, je pense que la liberté doit être laissée à la négociation contractuelle sur la contribution numérique, parce que nous avons prévu un comité de concertation professionnelle, dont l'une des tâches prioritaires devra être d'établir une liste des coûts éligibles. Donc, à cet égard, votre demande sera satisfaite.

Pour les autres cas, c'est-à-dire pour les salles qui seront aidées, votre demande est satisfaite sans qu'il soit besoin de le préciser, puisque, comme vous l'indique mon rapport, en ce qui concerne les aides à la numérisation du CNC, une liste des coûts éligibles est clairement prévue dans le dossier d'aide à la numérisation. Je pense donc que votre demande sera tout à fait satisfaite. C'est pour cela que l'avis de la commission est défavorable.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Défavorable.

(L'amendement n° 17 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi d'un amendement n° 3 .

La parole est à M. François Asensi.

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

Il s'agit d'assurer la pérennité de l'installation numérique dans les salles de cinéma, compte tenu de la durée de vie et de la fiabilité incertaine de ces équipements. Qu'en sera-t-il quand, dans une salle de province ou dans un cinéma mono-écran, l'équipement sera obsolète ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Défavorable. J'ai déjà indiqué à notre collègue qu'il existait tout un dispositif d'aides de la part du CNC pour faciliter la numérisation des salles. Je rappellerai que, en 2009, 5 millions d'euros ont été attribués à quarante et un projets au titre du fonds d'aide à la modernisation. L'objectif de la contribution numérique et de la présente proposition de loi est d'assurer de manière satisfaisante une transition et non pas de contribuer au financement indéfini. C'est la raison pour laquelle l'avis de la commission est défavorable.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Je reprendrai les termes de M. le rapporteur : il s'agit d'une transition et non pas d'un financement pérenne. Avis défavorable.

(L'amendement n° 3 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi d'un amendement n° 4 .

La parole est à M. François Asensi.

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

Cet amendement se situe dans la continuité du précédent : la durée de vie du matériel numérique est estimée à sept ans, bien en deçà de celle de l'argentique. Pourquoi ne pas prévoir dans la loi les conditions de son renouvellement ?

Dans dix ans, si nous ne voulons pas abandonner les petits exploitants, faudra-t-il voter une nouvelle loi ? Rien ne dit que le fonds de soutien du CNC permettra de prendre en charge ces investissements ; il est donc indispensable de maintenir la contribution en cas de remplacement nécessaire du matériel. Les économies réalisées par les distributeurs ne s'éteindront pas ; pourquoi l'aide aux exploitants s'éteindrait-elle ?

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Avis défavorable, pour les raisons qui viennent d'être exposées.

(L'amendement n° 4 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi d'un amendement n° 18 .

La parole est à M. Marcel Rogemont.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Le texte initial prévoyait que la contribution devait être négociée à des conditions « non discriminatoires ». Il serait, je crois, important de rétablir cette notion : cette contribution peut en effet amener des relations difficiles entre distributeurs, tiers opérateurs et exploitants – au point que l'une de nos propositions, que Patrick Bloche aura à coeur de défendre, permettra aussi de garantir pour le distributeur la liberté de bâtir son plan de présentation du film et pour les exploitants la liberté de programmation.

L'intervention d'un tiers dans la chaîne de l'exploitation d'un film nous inquiète : c'est pourquoi nous souhaiterions rétablir dans le texte les mots « non discriminatoires ».

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Avis défavorable. Le concept de non-discrimination renvoie, dans la pratique du médiateur du cinéma, à un jugement sur les conditions commerciales proposées par un distributeur. Or l'un des objectifs de la proposition de loi est d'assurer une séparation claire entre la négociation commerciale pour le placement d'un film et le calcul du montant de la contribution, qui repose sur d'autres critères, indépendants du potentiel commercial du film et de la salle.

Le concept de non-discrimination que vous proposez d'introduire dans le texte lie au contraire, me semble-t-il, les deux références : à conditions commerciales équivalentes, deux salles pourraient recevoir le même montant de contribution, alors que leurs besoins de financement de l'équipement numérique peuvent être très différents.

Nous pensons au contraire qu'il faut maintenir une séparation étanche entre les deux types de négociations, contractuelle d'une part, commerciale de l'autre.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Le terme « non-discriminatoire » infléchit la proposition de loi d'une manière qui ne correspond pas aux usages que nous voulons établir. L'avis du Gouvernement est donc défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Je ne vois pas en quoi cet amendement infléchirait le texte. Au contraire, de notre point de vue, il renforcerait tout ce que nous recherchons : la transparence, la neutralité, l'équilibre.

Le CNC lui-même avait d'ailleurs initialement proposé, d'inscrire ce principe de non-discrimination dans ce texte. Cela nous avait tout à fait convaincus. Si nous n'adoptons pas cet amendement, comment pourrons-nous empêcher qu'une contribution obligatoire plus élevée ne soit imposée à un film dont le potentiel commercial est moindre ?

Le principe de non-discrimination n'infléchit donc rien du tout. Il pourrait être opportunément inscrit dans la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

C'est au médiateur du cinéma qu'il revient de trancher ce type de litige évoqué.

(L'amendement n° 18 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi de deux amendements, nos 5 et 6 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. François Asensi.

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

L'amendement n° 5 vise à encadrer le montant de la contribution. C'est un élément auquel nous tenons beaucoup. La volonté affichée de ne pas s'immiscer dans ce marché oublie les risques de pratiques déloyales et contraires à l'esprit même de la loi : sans fixation d'un plancher, votre dispositif ne sera qu'un château de cartes qui s'effondrera devant la puissance de négociation de la grande distribution et de la grande exploitation ! L'obligation de versement de la contribution numérique sera contournée ; les petites salles ne pourront faire payer aux majors de la distribution qu'une contribution dérisoire, et l'interdiction des clauses liant la programmation et le montant de la contribution n'y changera rien.

À l'inverse, les distributeurs indépendants subiront la loi de la grande exploitation et s'acquitteront probablement du plafond fixé par le texte – autour de 800 euros.

Dans le cadre d'un marché aussi asymétrique que celui du cinéma, la transparence des contrats est un voeu pieux. D'ores et déjà, les contrats signés par les tiers investisseurs donnent à ceux-ci un droit de regard sur la programmation des cinémas, ce qui n'est pas acceptable.

La pression des distributeurs sera grande pour que les cinémas diffusent les films les plus rentables, et la mutualisation ne permettra pas totalement d'éviter ce phénomène.

Quant à l'amendement n° 6 , c'est un amendement de cohérence.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

L'amendement n° 5 a été rejeté par la commission. J'appelle l'attention de notre collègue sur les effets contre-productifs d'une économie trop administrée : cet amendement risque d'avoir l'effet inverse de celui qu'il recherche. Dans le dispositif que vous proposez, en effet, je ne vois pas ce qui empêcherait les gros distributeurs de verser 100 euros aux petites salles et les petits distributeurs de devoir verser 400 euros à de gros exploitants.

Afin d'éviter ce type d'effet pervers, laissons le marché s'autoréguler, et attendons que le médiateur soit saisi des cas d'inégalité, s'il y en a. Le système fonctionne aujourd'hui assez bien, et je ne vois pas ce qui permet de penser qu'il fonctionnerait moins bien après l'adoption de la proposition de loi.

Nous avons, je le rappelle, mis en place d'importantes garanties : celle du médiateur et celle du comité de concertation professionnelle. Et dans un an, nous évaluerons la loi, ce qui nous permettra, le cas échéant, de mettre en oeuvre les ajustements nécessaires si des dérives sont constatées.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Bien que le terme « infléchir » ait paru insupportable, je le réitère à propos de l'amendement proposé. L'avis du Gouvernement est donc défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

Je ne suis pas, monsieur le rapporteur, un thuriféraire de l'économie administrée. (Sourires.) Mais je constate que, grâce à l'exception culturelle française, la nation a pu faire en sorte que le marché ne dirige pas les politiques culturelles dans notre pays. Je crains, en revanche, que la marchandisation ne fasse naître une véritable jungle, sous la pression des grands distributeurs – car les distributeurs indépendants font un travail remarquable pour permettre au cinéma d'art et d'essai d'être vu dans notre pays – et des grands exploitants. Les petites salles de cinéma risqueraient de ne plus avoir accès aux sorties nationales, ou d'avoir des difficultés à programmer des films en fonction des choix des directeurs de salle, alors que ceux-ci font en France un travail remarquable.

(Les amendements nos 5 et 6 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 20 rectifié et 21 rectifié .

La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l'amendement n° 20 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Voilà un amendement qui ne devrait pas « infléchir » le texte, mais au contraire lui insuffler une énergie supplémentaire. D'autant que tout laisse à penser, dans nos échanges de ce début d'après-midi, que l'issue du vote pourrait être heureuse.

Nous voulons, là encore, jouer notre rôle de législateur en écrivant une loi claire et en fixant des missions précises au médiateur du cinéma, dont le rôle, nous le savons tous, est tout à fait essentiel pour traiter des litiges, notamment entre exploitants et distributeurs – le travail ne manque pas.

Cet amendement vise à aller plus loin dans la transparence, terme qui est apparu régulièrement dans nos débats, et sur lequel nous nous accordons tous.

Si la proposition de loi vise explicitement le contrat fixant les conditions et le montant de la contribution numérique, qui doit être transmis obligatoirement au médiateur du cinéma, elle a omis d'indiquer expressément la transmission à ce dernier du contrat principal, qui est le contrat de location des films, lequel existe depuis une décision du CNC remontant à 1993 et réaffirmée par une autre disposition qui figure dans l'ordonnance du 24 juillet 2009.

Cet amendement ne vise pas à formaliser ou à donner du travail supplémentaire, mais à éviter les risques d'ententes qui se feraient dans les pires conditions et qui prévoiraient des clauses illégales, mais qui ne seraient pas visibles dans le contrat détaillant la fixation du montant de la contribution numérique, puisqu'elles figureraient dans le contrat principal, celui de location des films.

Nous n'inventons rien : cet amendement ne fait que renforcer l'exigence de transparence.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. Franck Riester, pour soutenir l'amendement n° 21 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

L'amendement a été très bien défendu par notre collègue Patrick Bloche, comme tout à l'heure pendant la discussion générale par notre collègue Christian Kert.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

L'avis de la commission est favorable. Nous sommes tous d'accord pour aller plus loin encore, si c'est nécessaire, pour éviter l'opacité et les risques d'abus.

La préoccupation exprimée par l'amendement, qui nous est commune, me paraissait juridiquement satisfaite par la rédaction actuelle de la proposition de loi. Il suffit de relire l'alinéa 17 de l'article 1er, qui indique que « le médiateur du cinéma requiert des parties au litige communication de tout renseignement ou document qu'il estime utile ».

La commission est toutefois favorable à la précision proposée.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Comme chacun sait, le chemin de la sagesse est étroit, compliqué et divers. C'est pourtant, à mon avis, en l'occurrence, celui qu'il convient d'emprunter. (Sourires.)

(Les amendements identiques nos 20 rectifié et 21 rectifié sont adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi d'un amendement n° 7 .

La parole est à M. François Asensi.

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

L'affichage d'ordre politique que porte cet amendement devrait recueillir l'assentiment de l'ensemble des députés, qui montreraient ainsi que l'Assemblée nationale est sensible « au maintien de l'aménagement culturel du territoire ». Au moment où tout le monde ici prend la défense des petites salles de cinéma tant dans les milieux ruraux que dans les milieux urbains qui ne bénéficient pas des aides nécessaires, cela me paraît très important.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

L'avis de la commission est favorable parce que nous sommes tous attachés à ce principe. L'afficher comme le propose notre collègue constituerait un signal fort de la part de la représentation nationale.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

M. Asensi le sait, je suis très attentif à ses arguments. En l'occurrence, l'avis du Gouvernement est favorable.

(L'amendement n° 7 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi d'un amendement n° 8 .

La parole est à M. François Asensi.

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

Je retire cet amendement parce que j'ose croire que la présidente du CNC, dans sa sagesse, veillera à ce que les grands équilibres du comité de concertation professionnelle soient respectés et à ce que tous les acteurs de la filière puissent y participer.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La présidente vous aura entendu.

(L'amendement n° 8 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi d'un amendement n° 19 .

La parole est à M. Marcel Rogemont.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

La rédaction de l'alinéa 27 de l'article 1er prévoit que « les aides financières sélectives du Centre national du cinéma et de l'image animée, ainsi que celles de tout autre organisme public, doivent faire l'objet d'engagements de programmation contrôlés par le médiateur du cinéma ». Nous proposons d'ajouter, après les mots « du Centre national du cinéma et de l'image animée », les mots « sont subordonnées à des engagements de programmation contrôlés par le président du Centre national du cinéma et de l'image animée dans les mêmes conditions que ceux relevant du 4° de l'article L. 212-23. »

Nous sommes tous d'accord, je crois, sur ce point, les aides qui sont attribuées par le CNC doivent être accompagnées d'engagements de programmation afin d'assurer la diversité de l'offre cinématographique et, autant que faire se peut, la plus grande diffusion des oeuvres cinématographiques.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Là aussi, c'est un avis favorable.

(L'amendement n° 19 est adopté.)

(L'article 1er, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Les articles 2 à 6 ne faisant l'objet d'aucun amendement, je vais les mettre aux voix successivement.

(Les articles 2 à 6, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi d'un amendement n° 9 portant article additionnel après l'article 6.

La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

Cet amendement, qui a pour objet de trouver des recettes supplémentaires, comporte également un aspect de santé publique puisqu'il vise à taxer les confiseries et autres produits dérivés vendus dans les salles de cinéma – ce serait un excellent moyen de lutter contre l'obésité – ainsi que les produits de marketing lorsqu'ils constituent une recette importante pour l'établissement. Les ressources dégagées permettraient d'alimenter le fonds de soutien au cinéma.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Monsieur Asensi, ne trouvez-vous pas que les esquimaux et le pop-corn sont déjà assez chers comme ça ? (Sourires.) Avis défavorable.

(L'amendement n° 9 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Dans les explications de vote, la parole est à Mme Colette Langlade, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, Jean Cocteau parlait du cinéma en ces termes : « c'est l'écriture moderne dont l'encre est la lumière ».

L'avènement du numérique, avec le succès que nous lui connaissons, nécessite pour les professionnels des adaptations, tant des procédés de production que de diffusion des films, afin de conserver ce caractère de modernité et d'être à la pointe de la technologie.

Avec près de 5 420 écrans, notre pays dispose d'un réseau de salles riche par sa diversité et son nombre, qui permet un bon maillage du territoire et un large choix de films. Mais ce réseau risque de ne pas pouvoir se moderniser dans son ensemble. En effet, l'Autorité de la concurrence a remis en cause, en février dernier, la mutualisation des redevances de copies virtuelles et des coûts d'équipements des salles comme modèle de financement du CNC.

Par ailleurs, la création d'une contribution obligatoire pour la numérisation des salles de cinéma, prévue dans la version initiale de cette proposition de loi, n'impactait qu'un tiers des salles, les deux autres tiers étant déjà équipés ou ne pouvant pas bénéficier de la contribution numérique. En ne réglant pas l'ensemble de la question, cette version du texte ne faisait, dès lors, pas l'unanimité chez les professionnels et sur nos bancs.

Des inquiétudes avaient vu le jour concernant notamment : l'apparition, entre le distributeur et l'exploitant, d'un nouvel acteur appelé à jouer un rôle technologique et financier, dont il conviendrait d'encadrer l'intervention ; l'accélération, avec la contribution numérique, de la rotation des films dans les salles, qui risquerait d'impacter les engagements de programmation ; la question du « hors film » ; la question des copies argentiques qui subsisteront et dont les bobines ne pourront plus être projetées ; la nature des équipements financés et le mode de calcul de la contribution, couplé avec l'interdiction de tout lien entre la distribution et la programmation, qui pourrait aboutir à l'octroi de contreparties.

Les amendements que nous avons proposés, et dont certains ont été adoptés, tendaient à améliorer la transparence du dispositif, à recueillir le plus de contributions numériques, à encourager la mutualisation et à renforcer les pouvoirs du médiateur.

Je suis satisfaite du travail accompli en commission et que nous avons pu entériner ici dans cet hémicycle : il a permis des avancées saluées par nombre d'entre nous, qui font en sorte que le dispositif auquel nous avons pu aboutir n'exclut personne et permet de préserver la diversité de l'offre des films.

Ainsi, en lieu et place de la mutualisation, le texte prévoit le versement aux exploitants de la contribution numérique due par les distributeurs pour le financement de l'équipement en numérique des salles, à hauteur de 80 000 euros par salle. Le bénéfice de la contribution numérique est limité aux salles existantes à la date de la promulgation de la loi ainsi qu'aux nouvelles salles homologuées par le CNC avant le 31 décembre 2012.

C'est pour toutes ces raisons que les députés du groupe socialiste, radical et citoyen voteront en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Benoit

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, le cinéma est aujourd'hui confronté à de nouveaux défis et ce texte a d'abord pour but d'accompagner l'arrivée du numérique, d'anticiper cette révolution technique, en faisant preuve de bon sens et de réalisme.

Un autre apport de ce texte réside dans l'encadrement des conditions du financement à travers l'instauration de la contribution numérique.

Ce texte a fait l'objet d'une large concertation. Les points de vue des distributeurs, des exploitants, du CNC ont été recueillis et permettent, ce soir, d'aboutir à un réel consensus.

Le groupe Nouveau Centre pense que la révolution numérique n'a de sens que si elle constitue un support qui peut apporter des services et des contenus riches et diversifiés au plus grand nombre, en respectant tous les relais de la diffusion. Ce sont ces mêmes services qui permettront de lutter contre les inégalités devant le savoir et l'accès à la culture tout en favorisant la diversité artistique et culturelle et donc le développement de la culture.

Je voudrais saluer le travail du rapporteur, Michel Herbillon, l'action de la présidente de la commission, Michèle Tabarot, et bien sûr celle du ministre, Frédéric Mitterrand. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. Daniel Spagnou, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Spagnou

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi sur l'équipement numérique des salles de cinéma est très attendue, en particulier dans les zones de montagne et rurales où un très gros effort a été consenti par les collectivités : dans mon département des Alpes-de-Haute-Provence par exemple, toutes les salles de cinéma appartiennent aux collectivités locales.

Ce passage au numérique engendrera une économie de frais de distribution et des coûts de fabrication. Il présente un avantage technologique puisque l'image du support numérique ne s'altère pas. Il constitue une avancée en matière de respect de l'environnement, je l'ai dit tout à l'heure, car les bobines de film sont souvent enterrées et polluent. Enfin, la contribution repose sur un principe juste qui permet que tous les acteurs soient gagnants et le mot central du texte est l'équité.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

Il fallait absolument légiférer. Ce texte est donc en quelque sorte le bienvenu. Pour autant, nous ne le voterons pas, même si nous ne voterons pas contre. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.) parce que nous continuons de considérer que le marché doit être régulé et encadré, c'est dans la tradition française depuis le Conseil national de la Résistance, depuis la Libération. Cela vous fait sourire, monsieur le président, mais, pour moi, le Conseil national de la Résistance, cela veut dire quelque chose.

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

Je crains que les grands majors de la distribution, les grands exploitants, imposent leur loi, au détriment des petites salles.

Je profite de l'occasion pour évoquer le joyau qu'abrite la petite ville qui a fait beaucoup parler d'elle ces derniers temps, Tremblay-en France, ville dont je suis le maire. Ce joyau de l'Île-de-France, c'est le cinéma Tati, qui réalise un travail remarquable en formant les publics au cinéma – sur les 200 000 spectateurs qui viennent au cinéma, on compte 30 000 jeunes. Samedi soir, nous aurons la chance d'y recevoir Mathieu Amalric pour son film primé à Cannes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

Le groupe GDR s'abstient.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Juste un mot pour remercier M. le ministre de son soutien indéfectible à notre proposition de loi. Je voudrais également remercier les administrateurs de la commission des affaires culturelles (Applaudissements sur tous les bancs), toujours remarquables, qui m'ont apporté un précieux concours ; l'ensemble de mes collègues de la commission et ceux qui, dans l'hémicycle, m'ont soutenu par leur vote ; le CNC, l'équipe de Mme Véronique Cayla avec laquelle la collaboration a été extrêmement fructueuse ; la présidente de notre commission, Michèle Tabarot, qui a été également très active et dont le soutien nous a été précieux.

Nous avons voté un dispositif équilibré. Nous nous sommes rejoints sur les objectifs de ce texte :…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

…la diversité de l'oeuvre cinématographique, la préservation du maillage extrêmement dense des salles de cinéma sur l'ensemble de notre territoire.

Nous nous sommes retrouvés aussi sur les garanties que nous avons mises en oeuvre pour préserver la transparence, et c'est très important.

Pour terminer, je me réjouis du consensus qui nous a réunis, dans cet hémicycle, sur ce texte important. Comme vous l'avez constaté, il n'y a pas eu le moindre vote contre cette proposition de loi. C'est donc une très bonne journée pour tous les professionnels du cinéma, pour la commission des affaires culturelles, pour tous ceux, et ils sont nombreux, qui sont amoureux du cinéma. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, NC et SRC.)

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Je voudrais remercier M. le rapporteur et Mme la présidente de la commission, qui ont fait un travail remarquable et ont su trouver les mots et les idées du consensus. C'est effectivement une très bonne journée pour le cinéma et pour la culture en général.

J'ajouterai une chose. Cette proposition de loi touche à l'essentiel. Elle appellera des concertations, des applications pour lesquelles les compétences du Centre national de la cinématographie et de l'image animée sont reconnues. Cela dit, le fait que nous fassions ainsi un geste très puissant pour la modernisation ne doit pas nous faire oublier que celle-ci n'est pas tout dans le domaine du cinéma, que le cinéma en relief n'est pas la clef absolue de l'avenir du cinéma et que la Palme d'or de Cannes l'année dernière a été remise à un film en noir et blanc. En modernisant le cinéma, nous ne devons pas oublier que nous sommes les héritiers de son histoire et que cette modernisation doit servir aussi toute son histoire, dans son ensemble, sans nostalgie inutile, mais sans aucun oubli. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, NC et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Éric Ciotti et plusieurs de ses collègues visant à lutter contre l'absentéisme scolaire (nos 2487, 2593).

La parole est à M. Éric Ciotti, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'éducation nationale, madame la présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, mes chers collègues, depuis 1882 et les lois Ferry, l'obligation scolaire et son corollaire, l'obligation d'assiduité scolaire, constituent le socle du développement de l'éducation et de la connaissance dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Ces valeurs fondatrices de la formation citoyenne des jeunes Français sont aujourd'hui menacées par le développement de l'absentéisme.

Le constat dressé par la Direction de l'évaluation du ministère de l'éducation nationale est, hélas, sans appel :…

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

…l'absentéisme scolaire touche près de 300 000 jeunes chaque année, soit en moyenne 7 % des effectifs, tous établissements confondus – 3 % dans les collèges, 6 % dans les lycées, 15 % dans les lycées professionnels et jusqu'à 30 % dans certains établissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Et l'absentéisme parlementaire ! Les bancs UMP sont vides !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

La situation est grave et elle s'aggrave. Il ne faut pas s'y tromper ! Loin des sentiments d'angélisme et de candeur auxquels « l'école buissonnière » pouvait renvoyer, l'absentéisme scolaire est un « cancer », pour reprendre l'expression du Président de la République (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC),…

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Heureusement qu'il est là, le Président de la République ! Sinon, vous n'auriez pas d'idées !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

… qui place des jeunes en situation de danger. Je vois que vous contestez cette appréciation. Est-ce à dire que vous estimez que l'absentéisme est positif ?

Ces jeunes sont en danger, car en s'écartant de l'école, ils se rapprochent de la marginalisation.

Ils sont en danger parce qu'en refusant les règles de l'école de la République, ils se retrouvent, trop souvent, soumis à la loi de la rue. Ce risque, que nul ne saurait légitimement contester, même pour des raisons dogmatiques, avait déjà été souligné au XIXe siècle, lorsque Victor Hugo écrivait : « Celui qui ouvre une école, ferme une prison ».

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Cela n'a rien à voir ! Rendez-nous Victor Hugo !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Face à cette situation, il nous faut agir concrètement et rapidement. Avant tout, il nous faut dresser le constat de certaines carences.

Le décret du 19 février 2004 n'a pas réussi à endiguer ce phénomène, pas plus que le contrat de responsabilité parental issu de la loi du 30 mars 2006 sur l'égalité des chances.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Parce que ce n'est pas la seule façon de régler le problème !

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Les départements de droite sont aussi dogmatiques !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Je le regrette d'autant plus que j'ai expérimenté ce contrat dans mon département et qu'il fonctionne de manière très efficace.

Dès lors, ce texte a pour ambition première d'apporter des réponses concrètes et pragmatiques à cette situation.

Il vise d'abord à réhabiliter la responsabilité des parents et l'exercice de l'autorité parentale. Très loin des caricatures simplistes,…

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

…il ne s'agit nullement de stigmatiser des familles en grande difficulté. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Ménard

On les aide en leur supprimant les allocations familiales !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Tout au contraire, l'objectif est de mieux les accompagner, de mieux les aider, de plus les soutenir. Il faut que ces familles se réapproprient les clés du fonctionnement de la chaîne éducative afin d'assumer leur autorité parentale. Et c'est notre rôle de les soutenir.

Mais, à côté de ces situations où les parents démunis face à l'absentéisme de leur enfant acceptent la main tendue, il y a ceux qui refusent d'assumer leur responsabilité, ceux qui démissionnent ou encore ceux qui estiment que c'est à la société de prendre en charge ce qui leur incombe naturellement et juridiquement. À ceux là, il faut rappeler que la responsabilité parentale ne se délègue pas à la collectivité, et ne saurait se diluer.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Cette responsabilité ne peut être qu'individuelle et personnelle ! (« Absolument » ! sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Les familles ont des droits, mais elles ont aussi des devoirs.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

À cet égard, il est légitime de sanctionner des comportements contraire au respect de l'autorité parentale. Si des carences en matière éducative sont constatées, des sanctions doivent être prises. (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Ce texte vise donc à retisser le lien entre allocations familiales et assiduité.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

La suspension des allocations familiales ne doit pas être un tabou, un alibi à l'inaction. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Vous laissez entendre que c'est la seule solution ! Mais ce n'est pas comme ça que l'on règlera le problème !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Juridiquement et historiquement, le lien entre attribution de prestations familiales et exercice de l'autorité parentale constitue un principe législatif et social ancien et constant. Depuis le décret-loi de 1938, tous les dispositifs mis en place le confirment.

Le versement des allocations familiales a toujours été, sous la Ve République, quels que soient les gouvernements, jusqu'en 2004, conditionné au respect des obligations d'éducation, de scolarité et d'assiduité.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Et cela n'a donné aucun résultat ! Cela montre bien que cela ne sert à rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

En cas de carence avérée dans l'exercice de cette autorité, des sanctions doivent pouvoir être engagées.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Il y a un vrai problème, mais ce n'est pas la bonne voie !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Face à ces constats, cette proposition de loi instaure un chaînage vertueux qui replace l'inspecteur d'académie au coeur de la lutte contre l'absentéisme scolaire en lui donnant des moyens concrets d'action. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je suis très étonné, chers collègues, de votre volonté permanente d'obstruction.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Pour donner de vrais moyens il faudrait embaucher des professeurs, pas les licencier !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Vos vociférations, monsieur Roy, pourraient s'adresser au dernier gouvernement que vous avez soutenu. Dois-je vous rappeler, en effet, que lors de l'année scolaire 2001-2002 – je crois bien que M. Jospin était alors Premier ministre et M. Lang ministre de l'éducation nationale – 6 733 suspensions d'allocations familiales ont été prononcées !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Donc, vos critiques s'adressent d'abord au gouvernement que vous souteniez à l'époque ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Je comprends que cela vous gêne !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Cela vous place, une fois de plus, en profonde contradiction avec votre discours.

Le dispositif que je propose est équilibré (Rires sur les bancs du groupe SRC),…

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

…gradué et individualisé.

Il est équilibré entre accompagnement et sanction : à chaque étape, les parents recevront une information précise sur les mesures d'accompagnement qui peuvent être mises en oeuvre pour les aider à restaurer leur autorité parentale.

Il est équilibré également parce qu'il va s'inscrire au coeur du plan d'action, …

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

… annoncé par le Président de la République et par le Gouvernement, qui s'inscrit dans le cadre d'une mobilisation générale contre l'absentéisme scolaire : médiateurs de la réussite scolaire, dispositifs relais et micro lycées, mallette des parents, sont autant de mesures d'accompagnement qui vont être mobilisées.

Ce dispositif est, par ailleurs, gradué car il voit se succéder une phase d'avertissement, puis de suspension et, en dernier ressort, une phase de suppression des allocations familiales.

Première étape : lorsqu'un chef d'établissement constate l'absentéisme de l'élève, à savoir au moins quatre demi-journées d'absence non justifiées sur un mois, il le signale à l'inspecteur d'académie.

Deuxième étape : l'inspecteur d'académie adresse, alors, un avertissement à la famille concernée.

Troisième étape : si, au cours de la même année scolaire, l'absentéisme de l'élève est à nouveau constaté par le chef d'établissement,…

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

…l'inspecteur d'académie, après avoir mis les parents en mesure de se justifier, saisit le directeur de la caisse d'allocations familiales pour suspendre immédiatement le versement de la part des allocations familiales afférente à l'enfant concerné. Il y a donc trois étapes d'observation pendant une durée de trois mois.

Enfin, quatrième et ultime étape : si malgré toutes ces mesures d'accompagnement, l'enfant ne retrouve toujours pas le chemin de l'école, si après ces différentes phases, la situation d'absentéisme perdure, les allocations familiales seront supprimées jusqu'à la reprise effective de l'assiduité.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Enfin, cinquième étape, l'enfant revient à l'école, mais il n'y a pas de prof !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Enfin, ce dispositif est individualisé, car il prévoit, à chaque étape, une évaluation précise de la situation, après que les représentants légaux de l'enfant ont pu présenter leurs observations. Il est conçu pour constituer un mécanisme dissuasif dont l'objectif premier est d'aider les parents défaillants à prendre conscience de leur responsabilité et ainsi mieux les accompagner.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Le mécanisme est dissuasif dans son application ! C'est trop compliqué !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Je suis convaincu que ce dispositif constituera un outil simple, concret et efficace, complémentaire aux nombreux dispositifs d'accompagnement mis en oeuvre par le Gouvernement, car il remet les parents face à leurs responsabilités et les enfants au coeur de notre société.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Ce système n'a jamais marché là où il a été mis en place.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

L'absentéisme scolaire n'est pas une fatalité sociale et pour l'endiguer il faut raffermir le lien, parfois quelque peu distendu, entre famille et école.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Ne laissons pas nos enfants, souvent par insouciance, obérer définitivement toutes leurs chances d'avenir ! C'est le défi que ce texte propose de relever. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à Mme Michèle Tabarot, présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Le sujet dont nous allons débattre aujourd'hui est essentiel. Ce n'est ni une question d'idéologie, ni un enjeu politique. Ce texte nous renvoie à notre responsabilité collective. Comment dans une société moderne pouvons nous lutter contre l'échec ? Comment briser le cercle infernal qui peut faire de certains foyers des lieux peu propices au bien-être et à l'éducation des enfants ?

Je crois que pour atteindre ces objectifs, il ne faut négliger aucun signe. Dans cette perspective, l'absentéisme scolaire apparaît comme symptomatique. Il est un signal d'alarme dont les causes peuvent être multiples, parfois uniquement liées à l'enfant, mais parfois aussi révélateur de difficultés bien plus profondes au sein d'une famille.

Il est bien évident que nous ne voulons stigmatiser personne ni caricaturer certaines situations difficiles, mais il ne faut pas ignorer ce symptôme. Notre obligation est de donner les moyens de réagir à ceux qui peuvent détecter l'absentéisme.

Notre réflexion porte donc tout à la fois sur l'école et sur la famille. L'absentéisme c'est d'abord la perte de sens de l'école pour les jeunes concernés.

Cela pose immanquablement certaines questions. J'ai bien entendu, lors du débat en commission, nos collègues qui ont pointé les conséquences de notre système d'orientation scolaire, qui peuvent expliquer en partie les taux d'absentéisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Nous n'occultons pas ce point, et je veux souligner ici l'énergie que déploie le ministre pour mettre en oeuvre les réformes de l'orientation et du lycée.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui sera aussi un élément important de notre système de prévention et de responsabilisation.

Il ne s'agit pas de pointer tel ou tel manquement, mais bien de rechercher les causes d'une autorité parentale défaillante.

Pour avoir, dans le cadre de différentes missions, travaillé sur la protection de l'enfance, et parfois sur la délinquance des mineurs, je sais à quel point les situations peuvent varier d'une famille à l'autre, depuis les difficultés passagères jusqu'au désintérêt manifeste pour l'enfant.

Il faut trouver un juste équilibre entre prévention, responsabilisation et sanction. Tendre la main en proposant des aides adaptées aux familles qui veulent la réussite de leur enfant mais aussi être fermes et sanctionner celles qui ne veulent pas remplir leur rôle.

J'anticipe les critiques éventuelles concernant les crédits dévolus à cette action en soulignant la volonté du Gouvernement de mieux affecter les moyens, afin que ceux qui en ont le plus besoin en bénéficient réellement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Cela fait écho au récent rapport de la Cour des comptes sur l'école, au sujet duquel nous avons eu une audition ce matin même en commission...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Françaix

La présidente n'a pas eu le temps de le lire, ce rapport.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Ah bon ? Je l'ai lu avec beaucoup d'intérêt, monsieur Françaix.

Ce rapport illustre la grande inégalité de notre système éducatif en termes d'allocation de moyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Huit ans de gestion UMP, voilà le résultat ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

La lutte contre l'absentéisme scolaire s'inscrit également dans une démarche globale. Comment redonner à certains jeunes le goût de l'école et l'envie de réussir ?

Dans cette perspective, les travaux actuels de notre mission d'information sur les rythmes scolaires, et de la conférence nationale qui vient d'être installée par le ministre de l'éducation nationale prennent une résonance particulière. Si, par le développement des activités sportives et culturelles, nous pouvons susciter l'intérêt au-delà des enseignements traditionnels, alors nous ferons ici encore reculer l'absentéisme. Nous attendons d'ailleurs avec impatience de pouvoir tirer les enseignements de l'expérimentation qui va être lancée à la rentrée pour développer la pratique sportive dans certaines classes.

Nous voyons bien que face à l'absentéisme et au décrochage, les réponses doivent être à la fois individuelles et collectives. Nous avons tous pour objectif que l'ensemble des chantiers engagés par le Gouvernement et le Parlement ait des répercussions favorables sur la lutte contre l'absentéisme scolaire. Notre débat soulève des questions fondamentales sur les évolutions de notre système éducatif, sur ses missions et son organisation, mais ne perdons pas de vue que l'enjeu est majeur. Comme le rappelait notre rapporteur, Éric Ciotti, nous avons 7 % d'élèves absentéistes ou décrocheurs, cela est colossal. Ne ratons pas cette opportunité de leur offrir les meilleures perspectives pour l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion de la proposition de loi relative à la lutte contre l'absentéisme scolaire.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma