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Séance en hémicycle du 29 juin 2009 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de M. Christian Estrosi et plusieurs de ses collègues renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d'une mission de service public (no 1734).

Je vous précise que cette proposition de loi continuera d'être discutée sous l'empire des dispositions du règlement antérieur à l'entrée en vigueur de la réforme, le nouveau règlement ne pouvant s'appliquer aux textes en cours de discussion.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Mercredi soir, l'Assemblée a commencé l'examen des articles, s'arrêtant à l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, inscrit sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Monsieur le président, madame la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, monsieur le secrétaire d'État à la justice, monsieur le rapporteur, j'espère que mon intervention donnera le temps à nos collègues de la majorité de rejoindre l'hémicycle. Il est vrai que nous n'avons su que vendredi que l'examen de cette proposition de loi se poursuivrait ce soir, alors que nous avions les uns et les autres déjà pris des engagements.

L'article 1er est au coeur du dispositif de cette proposition de loi. Il contient la difficulté essentielle soulevée par ce texte : la volonté d'instituer une responsabilité pénale collective.

Qu'est ce qu'une responsabilité pénale collective ? Il faut se mettre d'accord sur les termes. Droit pénal général, ouvrage d'Yves Mayaud, publié aux PUF, qui fait référence, en donne la définition suivante : « Une responsabilité qui pèserait sur une personne au titre d'une participation à une infraction commise par plusieurs, mais sans qu'il soit possible de savoir, qui, des participants, a précisément réalisé le fait qui en constitue la matérialité ».

Or il s'agit là exactement ce que permet l'article 1er. Il ne fait en effet aucun doute que ce dernier aboutira au rétablissement d'une véritable responsabilité pénale collective en permettant de juger une personne pour des actes commis par des tiers sans qu'il soit besoin d'établir qu'elle en a été complice.

J'ai bien entendu, lors de notre débat en commission, le rapporteur refuser ce constat au motif que cet article contiendrait un élément intentionnel résidant dans le membre de phrase : « en connaissance de cause ». À nos yeux cela ne constitue en rien une garantie contre une application arbitraire de la loi car la simple lecture de l'article 1er ne permet pas de savoir si cette « connaissance de cause » doit concerner le fait de participer à un groupe dont on sait qu'il poursuit un but violent, ou si elle concerne le fait de participer à un groupe, même si on ignore qu'il poursuit un but violent. Il y a là une ambiguïté sémantique, et de cette ambiguïté d'écriture découle un arbitraire puisque la responsabilité peut varier suivant l'interprétation qu'en donne le juge.

Je répète ce que disait Delphine Batho en défendant une exception d'irrecevabilité sur ce texte – la dernière du genre sous la Ve République, d'ailleurs, puisque, désormais, nous ne pourrons plus déposer cette motion de procédure – : de notre point de vue l'article 1er est clairement en dehors du champ de la Constitution.

Je rappelle que le Conseil constitutionnel, dans une décision du 27 juillet 2006, avait imposé « d'exclure l'arbitraire dans le prononcé des peines » et « d'éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs de l'infraction ». Or le dispositif de l'article 1er fait l'inverse. Il vise une délinquance dont le véritable sujet est le groupe lui-même, la présence du groupe étant regardée, en fait, comme la cause de l'acte violent.

Parce que l'auteur des violences est le groupe, les membres du groupe sont donc considérés comme violents, même si certains d'entre eux ne se sont pas comportés de façon violente. Voici la seule et unique raison de la disposition dont nous allons parler : puisque l'on ne peut pas identifier le rôle exact de chacun, vous voulez incriminer l'appartenance à un groupe quel qu'ait été le comportement individuel de celui qui en est membre. De cette façon, le rapporteur entend faciliter l'établissement matériel de l'infraction : l'appartenance au groupe.

Du même coup, vous espérez finalement supprimer l'exigence d'établir un élément intentionnel, puisqu'en réalité il ne sera plus que la conséquence évidente de l'élément matériel établi. Là encore, de notre point de vue, une telle démarche est clairement irrecevable sur le terrain constitutionnel. Je veux ainsi citer la décision du Conseil constitutionnel du 13 mars 2003 sur la loi de sécurité intérieure. Il avait validé la nouvelle rédaction de l'article 225-12-1 du code pénal parce que celui-ci respectait « le principe selon lequel nul ne peut être sanctionné que de son propre fait » et celui selon lequel « la définition des crimes et délits doit comporter un élément intentionnel »,

Enfin, nous ne pouvons pas ignorer le contexte dans lequel ce dispositif pourrait être mis en oeuvre par l'autorité judiciaire. Ce sera vraisemblablement dans le cadre d'enquête de flagrance et par un juge unique saisi par voie de comparution immédiate. On voit alors poindre le risque de porter atteinte à un autre principe, celui de l'individualisation des peines, également constitutionnalisé par une décision du Conseil constitutionnel du 9 août 2007.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, madame la ministre d'État, monsieur le secrétaire d'État, je note tout d'abord que l'opposition est majoritaire en séance et que nous pourrions passer immédiatement à l'examen de nos amendements, qui seraient alors probablement adoptés. Je redoute toutefois de provoquer ainsi des manoeuvres dilatoires de suspension de séance, et je veux éviter au groupe UMP d'avoir à faire de l'obstruction. Je dirai donc quelques mots de cet article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Nous avons quinze députés derrière le rideau !

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Je pense que le débat de mercredi soir a sans doute conduit certains de nos collègues de la majorité parlementaire à se mordre les doigts d'avoir ouvert ce débat sur la sécurité. En effet, plus nous parlons et plus l'échec de la politique menée depuis 2002 apparaît et se confirme. Les événements de ce week-end montrent combien la situation est dramatique.

Pour notre part, tout au long de la discussion nous avons proposé une autre politique de sécurité. Dans les amendements examinés avant l'article 1er, nous avons fait dix propositions : une seule a été acceptée, l'amendement n° 51 , deuxième rectification, sur la sanction éducative. En préambule de notre discussion ce soir, il me semble nécessaire de rappeler que vous avez refusé la création obligatoire de groupes opérationnels de lutte contre les violences urbaines et les phénomènes de bandes ; que la majorité a voté contre la possibilité de fournir un avocat à chaque victime de violence, dès son dépôt de plainte ; que la majorité a voté contre la sanction précoce prévoyant un délai butoir de trois mois pour prononcer un jugement concernant les primo-délinquants ; que la majorité a voté contre la sanction effective avec la création d'un tuteur référent pour les mineurs et les jeunes majeurs ; qu'elle a voté contre le fait d'affecter l'argent du fonds interministériel de prévention de la délinquance à la prévention des violences juvéniles ; qu'elle a voté contre le déploiement d'une véritable police de quartier avec, notamment, des moyens d'investigation judiciaires renforcés pour lutter contre l'économie souterraine et, enfin, qu'elle a voté contre le guide de l'action publique contre les phénomènes de bande.

Jean-Jacques Urvoas vient d'évoquer les problèmes constitutionnels soulevés par l'article 1er ; j'ajoute qu'il est faux de prétendre qu'il existerait un vide juridique en ce qui concerne les moyens de lutter contre les phénomènes de bandes. J'en veux pour preuve les poursuites actuellement engagées dans un certain nombre de cas, et la note rédigée par le parquet de Paris, qui montre qu'aujourd'hui nous disposons de tout l'arsenal judiciaire nécessaire pour combattre ces phénomènes.

Par ailleurs, l'article 1er n'a aucun intérêt pour les policiers. Il constituera plutôt un véritable calvaire, un chemin de croix pour les officiers de police judiciaire, qui devront prouver qu'il y a « groupement », qu'il y a participation en connaissance de cause », que la caractérisation du but du groupement est bien établi…

Mais je tiens à souligner qu'il y a bien dans l'article 1er l'instauration d'une responsabilité pénale collective. Monsieur le rapporteur, à ce point de la discussion, il faut être précis, je vous citerai donc un extrait de la page 31 du rapport signé par M. Estrosi, dont vous héritez : « Certaines personnes entendues par votre rapporteur ont réclamé l'instauration d'une incrimination de groupe. Une telle proposition n'irait cependant pas sans poser de sérieuses questions de constitutionnalité. » Certes, cependant, M. Estrosi ajoute, page 32, que l'article 1er permet « d'incriminer les membres d'une bande dont il est prouvé qu'ils ont l'intention de commettre des violences ou des dégradations. En revanche, restera inchangé le fait que, si l'infraction a été réalisée, il appartiendra aux enquêteurs de déterminer l'auteur des faits commis ».

En conséquence si l'infraction n'est pas constituée et n'a pas été réalisée, si elle reste du domaine de l'intention, nous pouvons bien en déduire qu'il n'y a pas d'auteur des faits et qu'alors on se retourne vers le groupe. Au coeur de cet article, il y a un lien étroit entre le fait de s'en prendre à une simple intention, et le fait que nous nous trouvions dans une logique de responsabilité pénale collective. Finalement, être vu dans un groupe prouvera l'intention d'en faire partie et donc l'intention de commettre des violences : un tel raisonnement heurte fondamentalement nos règles constitutionnelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

J'informe Mme Batho que la majorité est désormais majoritaire dans l'hémicycle !

M. François Pupponi. Vous pourriez nous remercier !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Nous en venons aux amendements à l'article 1er.

La parole est à M. Michel Vaxès, pour défendre l'amendement n° 5 .

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

L'article 1er crée une infraction réprimant spécifiquement la participation à une bande ayant l'intention de commettre des violences ou des atteintes aux biens de manière concertée.

Est ainsi instauré un délit préventif, en amont de la commission éventuelle des faits de violence ou de dégradation. Ce ne sont donc pas les actes commis qui sont réprimés mais ceux qui pourraient l'être. Le but poursuivi par les participants à la bande sera établi à partir de faits matériels, nous dit cet article 1er. Quels seront-ils ? J'ai, à plusieurs reprises, posé la question lors de nos débats : aucune précision ne m'a été apportée sur ce point.

Le caractère intentionnel censé caractériser l'infraction sera, de fait, extrêmement difficile à prouver. L'imprécision de cet article laissera la porte ouverte à une appréciation subjective et donc nécessairement arbitraire.

Il s'inscrit dans une logique qui vise à s'attaquer à la dangerosité plutôt qu'à la culpabilité pénale. Ce concept de dangerosité est des plus incertains, surtout quand il n'hésite pas à s'appuyer sur de simples accessoires vestimentaires. La majorité avait déjà utilisé ce concept de dangerosité pour mettre en place la rétention de sûreté. Nous avions dénoncé alors, avec tant d'autres, les dérives d'une telle approche pénale qui donnait naissance à un concept inquiétant : celui du crime virtuel.

Vous persévérez dans cette démarche en permettant de poursuivre non plus sur la base d'un délit commis, mais d'un délit dont on craint qu'il ne soit commis.

Votre texte marque ainsi le retour du spectre de l'homme dangereux, si cher aux positivistes italiens, notamment Lombroso et Ferri.

Selon les dires de l'auteur de la proposition de loi, l'article 1er aura pour seul résultat concret de doter les policiers d'un outil extraordinaire. Or extraordinaire, il ne l'est en réalité que parce qu'il rompt avec le principe selon lequel une personne doit être reconnue coupable pour être condamnée.

Pour combattre la délinquance, ce n'est pas de l'accroissement du nombre de gardes à vue que les policiers et les magistrats ont besoin, mais de moyens humains. Vous introduisez dans notre code pénal une incrimination supplémentaire qui sera inapplicable par les magistrats, car la présomption d'appartenance à une bande sera quasiment impossible à démontrer. C'est pourquoi nous vous proposons de supprimer l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Éric Ciotti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Monsieur Vaxès, vous comprendrez aisément qu'il ne nous est pas possible de vous suivre, puisque l'article 1er, qui détaille le dispositif que nous souhaitons mettre en oeuvre, est au coeur du projet de loi. La commission est donc défavorable à votre amendement. Toutefois, permettez-moi de prendre quelques instants pour vous répondre sur le fond, ainsi qu'à M. Urvoas et à Mme Batho.

L'article 1er crée une infraction nouvelle réprimant spécifiquement la participation à une bande ayant l'intention – ce mot est capital – de commettre des violences ou des atteintes aux biens de manière concertée. Il permet ainsi de combler les lacunes de l'incrimination d'association de malfaiteurs, qui est limitée à l'intention de commettre un délit puni d'une peine de plus de cinq ans d'emprisonnement. En effet, dans le cas des violences volontaires ayant entraîné une interruption de travail temporaire de moins de huit jours, la peine encourue ne dépasse pas trois ans. Or il n'est absolument pas possible d'établir au préalable que les actes de personnes qui forment une bande et dont il est établi qu'elles ont l'intention de se rendre dans un lieu pour commettre des violences provoqueront une ITT de plus de huit jours. Il s'agit donc bien d'une situation pour laquelle nous sommes dépourvus d'outils juridiques adaptés.

Par ailleurs, est incriminé le fait de participer à un groupement qui poursuit l'objectif de commettre des violences volontaires contre les personnes, des dégradations ou des destructions de biens. Il ne s'agit donc nullement de réprimer le seul fait d'être en groupe, de se promener à plusieurs de façon pacifique, par exemple. Puisque vous m'avez interrogé sur ce point, monsieur Vaxès, je précise que l'objectif poursuivi par les participants au groupement sera établi à partir de faits matériels, tels que la possession de barres de fer, le port de cagoules ou la publication de déclarations annonçant la commission d'un délit, notamment sur des blogs – les bandes se défient parfois sur Internet – ou par SMS. Ainsi, en début d'année, à Nice – je l'ai vécu personnellement –, des groupes violents se donnaient rendez-vous par SMS, dont disposaient les SDIG, c'est-à-dire les services de renseignement de la police nationale. Des éléments matériels permettent donc d'établir l'intention volontaire.

Je précise en outre qu'est incriminé le fait de participer à un groupement qui poursuit un but en connaissance de cause. Il s'agit de souligner ainsi le caractère intentionnel de cette participation et d'exclure de toute incrimination la personne qui se trouverait, malgré elle, mêlée à un groupement violent. Encore une fois, on ne peut être incriminé en raison de sa seule présence fortuite au milieu d'un groupement aux agissements violents. C'est pourquoi la connaissance de cause est requise. Cette expression est, du reste, habituelle en droit pénal. Ainsi l'article 321-1 du code pénal dispose que constitue un recel « le fait, en connaissance de cause, de bénéficier par tout moyen du produit d'un crime ou d'un délit. » Cette notion est inscrite au coeur de la jurisprudence.

La nouvelle infraction, punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende, est analogue à celles qui répriment les violences délictueuses les moins graves.

J'ajoute que l'objectif ultime du présent article – et cela vous démontre bien qu'il ne s'agit absolument pas de créer une incrimination collective – est, non pas de réprimer les actes commis par les bandes, mais de prévenir la commission de ces actes. Cette incrimination est donc bien individuelle, et non collective. J'ignore si je suis parvenu à vous convaincre, mais l'argumentation juridique repose tout entière sur le fait que la nouvelle infraction de participation à une bande violente doit faciliter le démantèlement des bandes avant que celles-ci ne commettent des infractions. L'infraction nouvelle a une visée avant tout préventive, en amont de la commission des faits de violence ou de dégradations.

Madame Batho, monsieur Vaxès, je vous renvoie à l'audition de M. Signolet, que l'on a déjà évoquée longuement.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Il est favorable à une responsabilité pénale collective !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Celui-ci estime en effet que ce dispositif sera un outil extraordinaire pour les enquêteurs, car il permettra d'arrêter et de placer en garde à vue les membres d'un groupement violent, ce qui n'est pas possible aujourd'hui. Il appartiendra ensuite au juge d'établir les responsabilités individuelles de chacun. La logique est imparable : une fois l'ensemble des membres du groupement violent interpellés, les enquêteurs pourront plus aisément établir les responsabilités individuelles pour les différents actes commis et la justice se prononcera ensuite sur la base d'une incrimination individuelle.

Pardonnez-moi d'être intervenu un peu longuement, mais je tenais à exposer cette argumentation sur le fondement de laquelle je répondrai aux amendements déposés à l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je serai très brève, car le rapporteur a excellemment exposé les raisons pour lesquelles, monsieur Vaxès, vous faites une mauvaise interprétation de l'intention. Vous connaissez bien ces phénomènes et ce qui se passe dans les banlieues, et vous savez que nos concitoyens attendent d'être protégés. Si l'on identifie parfaitement les bandes, il est essentiel de les empêcher d'agir, car c'est ce dont ont peur nos concitoyens.

Par ailleurs, je tiens à vous préciser, ainsi qu'à Mme Batho, que nous n'avons pas du tout l'intention de rejeter tous vos amendements. Du reste, vous l'avez reconnu vous-même, j'ai déjà accepté l'un de vos amendements et d'autres pourront sans doute l'être également. Il ne s'agit pas d'avoir un esprit de système, mais de tenter de faire le meilleur texte possible. Il est vrai que, lors de la dernière séance, dix de vos amendements ont été refusés. Mais ils l'ont été parce qu'ils relevaient du règlement, voire de la simple pratique, ou parce qu'ils étaient déjà satisfaits par des actions en cours. Lorsqu'un de vos amendements est venu en discussion qui ne visait pas à annihiler la proposition de loi et ne relevait pas du règlement, nous en avons débattu.

C'est ainsi qu'il faut travailler sur un texte comme celui-ci, qui répond à de véritables préoccupations que vous connaissez. Il ne s'agit pas de porter atteinte à des libertés, mais de protéger des gens. D'ailleurs, n'oubliez pas que la première liberté que demandent les habitants de certains quartiers est de voir leur sécurité garantie.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, une question juridique nous oppose : l'article 1er crée-t-il une responsabilité pénale collective ? Nous estimons, quant à nous, que cette disposition risque de permettre à la police d'interpeller les membres d'un groupe dont elle considère, en vertu d'un certain nombre de faits matériels, qu'ils ont la volonté de commettre des violences volontaires contre des personnes ou contre des biens, en leur imputant une responsabilité collective. En dépit de vos précautions rédactionnelles, c'est bien l'intention qui sera réprimée ; la participation au groupe sera incriminée.

Vous entendez répondre ainsi aux policiers qui ont le sentiment d'être débordés et qui réclament les moyens d'interpeller ces personnes de manière préventive. Mais nous sommes convaincus que la législation leur offre déjà la possibilité d'intervenir. C'est pourquoi Delphine Batho a notamment proposé que les textes en vigueur soient bien rappelés aux policiers qui travaillent dans ces quartiers au cours de leur formation.

Passons sur les procédures longues et complexes que les policiers devront monter pour convaincre les juges que les faits sont bien établis et qu'ils pourront aboutir à une condamnation. Ce texte sera, de toute façon, inapplicable, faute de moyens. Pas plus tard qu'hier soir, dans un endroit bucolique de Sarcelles, deux bandes communautaires, d'une centaine de membres chacune, se font face avec l'intention d'en découdre. La police est appelée ; arrive la BAC : quatre policiers ! Attaqués, blessés, ceux-ci doivent rebrousser chemin. Il a fallu faire appel à l'ensemble des forces de police du district, soit cinquante policiers.

Pour que votre texte soit matériellement applicable, il vous faudra multiplier par dix, quinze ou vingt les effectifs actuellement présents dans nos commissariats. Or ce ne sera pas le cas et, lorsque les citoyens appelleront la police pour l'avertir que des bandes sont sur le point de s'affronter, les policiers ne pourront que leur répondre : « Nous sommes quatre. Nous n'avons qu'une voiture. Que voulez-vous qu'on fasse ? »

Non seulement, ce texte pose un problème d'ordre juridique, mais les policiers n'auront pas les moyens matériels d'interpeller les membres de ces bandes, car cela nécessiterait des effectifs de policiers beaucoup plus importants. Pour ces deux raisons, il nous paraît dangereux de voter ce texte en l'état.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Contrairement à ce que vous affirmez, monsieur Pupponi, nous disposons bien des moyens nécessaires pour intervenir contre les bandes. Depuis que j'ai créé, à côté des UTEQ, les compagnies de sécurisation, nous disposons de moyens d'intervention départementaux parfaitement adaptés. La mise en place des compagnies de sécurisation a débuté il y a quelques mois seulement, ce qui est normal car un certain temps est nécessaire pour former ces unités composées chacune d'une centaine d'hommes. Il est prévu de disposer cent compagnies de sécurisation sur le territoire dans les trois ans qui viennent, en privilégiant les zones les plus touchées par les problèmes de bandes. Si nous avons créé, à côté des BAC et des UTEQ, les unités départementalisées que sont les compagnies de sécurisation, c'était bien pour avoir la possibilité d'intervenir avec une grande réactivité.

Pour ce qui est du fond, il me semble que le problème juridique ne se pose pas vraiment au niveau des policiers, qui ont déjà la possibilité de procéder à l'interpellation d'une bande ou à une vérification d'identité. Notre objectif est plutôt de donner des moyens supplémentaires aux magistrats. À l'heure actuelle, les magistrats ne peuvent pas prononcer de condamnations, pour les raisons qui vous ont été expliquées par le rapporteur. Ils vont désormais pouvoir le faire, l'opportunité d'agir étant laissée à leur appréciation, ce qui constitue également une garantie.

Je considère par conséquent que le texte répond à un besoin et le fait dans des conditions parfaitement réalisables techniquement et acceptables sur le plan juridique.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Je veux répondre aux arguments avancés par M. le rapporteur et repris par Mme la ministre. Vous confirmez qu'une bande peut être visée par le texte dès lors qu'elle « a l'intention ». C'est donc bien sur cette « intention » que va porter l'appréciation. L'article 1er instaure une nouvelle incrimination constituée par « le fait de participer, en connaissance de cause, à un groupement, même formé de façon temporaire, qui poursuit le but, caractérisé par un ou plusieurs faits matériels ».

Comment le juge va-t-il évaluer qu'un individu participant à un groupement le fait « en connaissance de cause » ? La question se pose a fortiori si le groupement se constitue spontanément, de façon temporaire. De même, comment le juge va-t-il pouvoir établir, autrement que sur la base d'éléments subjectifs, qu'un groupement « poursuit un but » ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Les éléments matériels viennent après. Si demain, je me rends à moto à une manifestation et que je garde mon casque, cet accessoire pourra être considéré comme une arme, comme cela a été jugé dans plusieurs arrêts rendus à ce sujet – même des clés de voiture peuvent être considérées comme une arme !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Allons, ne tournez pas mes propos en dérision, mon cher camarade. D'ailleurs, on ne voit plus guère de faucilles, même si vous conservez sans doute précieusement celle qui constitue une relique de votre grand-père…

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Parfaitement, mon grand-père était communiste ! Mais à force que vous le rappeliez, je vais finir par me faire virer de l'UMP !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Pour en revenir au texte, j'insiste sur le fait qu'il s'agit d'instaurer un délit préventif, fondé sur la notion d'intention. Vous énumérez, monsieur le rapporteur, un certain nombre de faits : mais, dès lors, cela signifie que vous vous placez après que ces actes ont été commis. Or l'article 1er vise le moment précédant la commission de l'acte. Le juge aura donc les pires difficultés à se prononcer et, à mon sens, cette disposition sera inapplicable. En tout état de cause, elle suscitera des appréciations subjectives, avec toutes les dérives que l'on peut craindre. Votre intervention n'a fait que renforcer mes convictions sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Exceptionnellement, dans la mesure où nous débattons d'un point fort du texte, je vais encore donner la parole à M. Raoult et Mme Batho, pour une courte intervention.

Vous avez la parole, monsieur Raoult.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Monsieur Vaxès, « ces violences sont intolérables, elles sont inacceptables. Il faudra en retrouver les auteurs et les punir avec la plus grande fermeté ».

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Avant de savoir qui a dit le contraire, laissez-moi vous dire qui a tenu les propos que je viens de vous rapporter : c'est Marie-George Buffet, à la suite des violences de Strasbourg.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Si vous êtes d'accord avec Mme Buffet, elle ne devrait pas figurer comme cosignataire de votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Mes chers collègues, je vous rappelle que vous n'avez pas à dialoguer entre vous. Les orateurs doivent s'exprimer à l'intention de l'ensemble de leurs collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

C'est un fait : demander la suppression de l'article 1er revient à désavouer les propos tenus par Mme Buffet.

Pour ce qui est de l'exemple donné par M. Pupponi au sujet de l'affrontement de deux bandes rivales de cent individus chacune, notre collègue sait bien que ces bandes ne comportent que quelques fortes têtes, quelques noyaux durs autour desquels se sont rassemblés tous les autres pour des motifs variés. Nous ne faisons pas ce texte pour les députés socialistes, mais pour éviter que ces bandes, initialement formées de quatre ou cinq adolescents, ne finissent par devenir des camps constitués d'après leur couleur de peau à Villiers-le-bel ou leur religion à Sarcelles, des camps qui s'affrontent. Cette loi est une loi anti-bandes parce que la ministre de l'intérieur, aujourd'hui ministre de la justice, a bien perçu qu'il était important de répondre au coeur du problème.

Nous ne sommes pas en train de débattre d'un texte de libertés publiques, mais d'un texte concernant les bandes – que M. Pupponi et Mme Batho, la meilleure spécialiste du parti socialiste sur ce thème, ont appris à connaître. Pour ce qui est des citations de policiers, Mme Batho a rapporté, il y a quelques jours, les propos du procureur de la République de Bobigny. Aujourd'hui, je suis très heureux de le féliciter d'être devenu le directeur de cabinet de la garde des sceaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Nous débattons d'un texte qui n'a été présenté ni par l'actuel ministre de l'intérieur, ni par la ministre l'ayant précédé à ce poste, puisqu'il s'agit d'une proposition de loi ayant échappé au regard du Conseil d'État. M. Ciotti nous dit que les SDIG ont accès aux SMS échangés et peuvent donc savoir qu'une bande a donné rendez-vous à une autre à un endroit donné pour le match aller ou retour d'un affrontement. Dans ces conditions, ne peut-on rien faire ? Alors que l'on disposerait de tous les renseignements relatifs à une confrontation devant avoir lieu entre deux bandes, on ne bougerait pas le petit doigt, au motif que seule la loi sur les bandes le permettrait ? Mais c'est une plaisanterie ! En réalité, nous disposons d'ores et déjà des moyens de savoir et d'agir, même à titre préventif.

À quoi servirait, sinon, tout l'arsenal sur la vérification d'identité, sur la garde à vue et l'attroupement ? Mme Dati dit elle-même, dans sa note, que les dispositions relatives aux attroupements permettent d'agir. J'ai ici une note du parquet de Paris relative aux phénomènes de bandes à Paris, notamment à la gare du Nord et à la gare de Lyon. On peut y constater que la qualification d'attroupement est très utilisée lors des interpellations qui sont effectuées. Par ailleurs, au sujet des fameuses 222 bandes délinquantes, les services d'information générale mentionnent, dans une annexe, l'article 706-73 du code de procédure pénale, avec toutes les dispositions relatives aux bandes organisées que les policiers peuvent utiliser.

Quant à M. Signolet, un policier extrêmement compétent et sachant de quoi il parle, que j'ai déjà cité mercredi soir…

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

…M. Signolet, disais-je, défend et assume la nécessité d'instaurer une responsabilité pénale collective. J'ai ici le compte rendu de son audition, qui avait été demandée par le groupe socialiste. M. Signolet disait ainsi : « il y a un problème d'identification de l'auteur des coups portés » – il se place donc après la réalisation de l'infraction – ; « c'est un problème que de prouver la responsabilité individuelle, alors il faut créer une responsabilité pénale collective, une responsabilité pénale partagée ». Voilà ce que dit M. Signolet, que vous citez en exemple ! Vous comprendrez que cela ne fait que nous renforcer dans notre conviction que l'article 1er n'est pas constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Je demande la parole, monsieur le président !

(L'amendement n° 5 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je vous donne la parole pour une courte intervention, monsieur Vaxès.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

J'ai été interpellé de manière courtoise, certes, mais manoeuvrière, par mon collègue Éric Raoult, qui a cité une phrase de Mme Buffet où elle disait trouver intolérables les violences commises précédemment à Strasbourg ; je vous ai d'ailleurs indiqué, avant même de connaître l'auteur de cette citation, que je la reprenais volontiers à mon compte. Je vous répète, puisque vous semblez avoir quelque difficulté à le comprendre, que nous sommes d'accord sur le caractère inacceptable de ce type de comportements. Cela étant, nous ne sommes sans doute pas d'accord sur les raisons qui rendent ces comportements inacceptables : pour notre part, nous déplorons avant tout qu'ils constituent la plus mauvaise réponse qui soit aux difficultés que connaissent ces jeunes provenant de milieux populaires. Les comportements adoptés par ces jeunes sont inacceptables d'une part parce qu'ils ne règlent pas les problèmes dont ils sont eux-mêmes victimes, d'autre part parce qu'ils font des victimes supplémentaires au sein de leur propre milieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 33 et 34 .

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l'amendement n° 33 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Mme la ministre nous dit qu'il ne s'agit pas de fournir un nouvel outil aux policiers, mais aux magistrats, qui pourront désormais poursuivre – ce qui ne leur serait pas permis actuellement en raison d'un vide juridique. J'ai participé aux auditions des magistrats organisées par le rapporteur, M. Estrosi : le procureur de Bobigny, l'Union syndicale des magistrats et le Syndicat de la magistrature ; j'ai également assisté à l'audition de M. Alain Bauer, président du conseil d'orientation de l'observatoire national de la délinquance.

Je veux vous faire trois citations issues de ces auditions – étant précisé que je tiens à votre disposition l'intégralité des dépositions concernées. Alain Bauer souligne le fait que « la rédaction du texte peut susciter de légitimes interrogations sur les difficultés judiciaires quant à son application. Pour les magistrats du parquet, la recherche de preuves ne va pas aller sans poser de sérieuses difficultés ».

Le président du Syndicat de la magistrature, Christophe Régnard, insiste sur le fait que « la difficulté inhérente à ce type d'incrimination est celle de la preuve, s'agissant de poursuivre des actes préparatoires, et non un fait ou une tentative ». Le président de l'Union syndicale des magistrats conclut, lui, sur le caractère « aussi inutile qu'inapplicable des articles commentés ». Enfin, le Syndicat de la magistrature prédit que « l'appartenance à une bande sera quasiment impossible à démontrer ».

Le groupe socialiste souhaite rendre ce texte le plus efficace possible. À cette fin, nous vous proposons de remplacer une définition dont vous n'arriverez pas à nous convaincre qu'elle est claire et précise, et qui ne sera pas plus utilisée par les magistrats que le délit d'embuscade – lequel a permis très peu de condamnations, comme le reconnaît Mme Dati.

Nous vous suggérons donc de vous référer à une jurisprudence parfaitement claire et bien plus opérationnelle sur la définition de coauteur qui remonte à un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 17 décembre 1859.

J'ajouterai un dernier élément pour appeler au soutien de notre thèse. Philippe Bilger, avocat général, qui n'est pas en opposition avec la philosophie que vous voulez poursuivre, évoque sur son blog du 19 mars 2009, que je vous invite à lire, ce type d'élément et précise, s'agissant de l'infraction, que : « Les avocats auront beau jeu […] de la tailler en pièces quand elle est retenue seule, ce qui est tout de même assez rare. » Ce n'est pas moi qui le dis, mais un avocat général ! Je peux comprendre que vous contestiez les arguments de l'opposition. Je vous demande tout de même d'être attentifs au fait que plusieurs notions – telles que le groupement, voire le groupement temporaire également visé par ce texte – ne sont pas claires au regard du droit. Les magistrats devront ainsi nous expliquer ce qu'est un groupement. J'entends bien Éric Ciotti lorsqu'il précise qu'il faut qu'il y ait un but ; mais qui doit poursuivre le but ? Est-ce le groupement lui-même qui est capable d'avoir une volonté propre distincte des membres qui composent le groupe, ou est-ce le but visé par chacun des membres du groupe ? Je n'ergote pas. Les magistrats seront, demain, confrontés à ce problème quand ils devront se prononcer sur la base du texte que vous voulez voter.

Je propose la substitution de la jurisprudence de la Cour de cassation.

La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement n° 34 .

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

J'ajouterai une observation.

Lorsque l'on sait que non seulement nombre de policiers, de magistrats, donc de personnes dont c'est le métier, qui sont confrontés tous les jours à ces phénomènes de bandes disent que ce texte n'apporte rien, si ce n'est des complications et un calvaire judiciaire, mais que se poseront également des problèmes au regard des règles constitutionnelles, je me demande pourquoi vous n'en démordez pas. La seule explication tient, à mon sens, au fait que c'est le Président de la République lui-même qui a décidé la création de ce délit et qui a prononcé, au mot près, la phrase de l'article 1er le 18 mars dernier à Gagny.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Honnêtement, si on prend en considération tous les éléments objectifs, rationnels et juridiques, cet article 1er doit être remplacé par le dispositif que nous proposons consistant simplement à acter dans le code pénal cette jurisprudence sur la notion de coauteur – qui n'a rien à voir avec celle de complice, monsieur le rapporteur –, ce qui permettrait de la rappeler à tous les utilisateurs du droit pénal.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Vous avez dit tout à l'heure que vous n'ergotiez pas, mais on peut tout de même s'interroger. Nous sommes dans le débat de fond et nous échangeons des arguments importants et lourds de conséquences. Je voudrais toutefois être convaincu de votre volonté d'aboutir et de nous permettre ainsi de nous doter d'armes juridiques qui répondent à un problème majeur. L'actualité récente, que vous avez vous-mêmes évoquée, exige que nous dotions les forces de l'ordre et la justice d'outils juridiques efficaces. Je ne peux admettre, madame Batho, que vous indiquiez que toutes les personnes que nous avons entendues ont unanimement indiqué que ce texte était inutile. Bien au contraire ! J'avoue hésiter sur votre positionnement. Je ne sais plus ce que vous recherchez. S'agit-il d'une opposition systématique basée sur des arguments chaque fois poussés jusque dans leurs derniers retranchements ou êtes-vous animée par un état d'esprit réellement constructif ? Je penche plutôt en faveur de la première hypothèse, ce qui m'attriste. Je ne sens pas dans votre argumentation la volonté, que nous devrions tous partager sur ces bancs, de nous mobiliser unanimement pour lutter contre un tel phénomène, ce que l'on ne peut faire efficacement aujourd'hui.

Vous souleviez tout à l'heure le problème des SMS et celui des attroupements. Vous savez très bien que l'on ne peut pas intervenir ou interpeller sur la base d'un simple SMS qui appelle à se rencontrer ! Ne caricaturez pas mes propos ! J'ai précisé que le SMS était un élément matériel qui serait évalué et apprécié par un magistrat comme constitutif d'un fait matériel prouvant l'intention de commettre un délit individuel.

Monsieur Urvoas, vous évoquez dans votre amendement l'ancienne notion de coauteur en citant une jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation de 1859. Cette jurisprudence est même beaucoup plus ancienne, puisque nous avons retrouvé une jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 24 août 1827 qui précise que « celui qui assiste l'auteur dans les faits de consommation coopère nécessairement à la perpétration de l'infraction en qualité de coauteur ».

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Vous savez parfaitement et ce n'est donc pas à vous que je l'apprendrai, compte tenu de vos compétences juridiques, que cette notion n'a plus cours, aujourd'hui, du fait de l'assimilation du complice à l'auteur principal de l'infraction depuis la réforme du code pénal. Tous deux encourent les mêmes peines.

La commission est donc défavorable à ces deux amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

J'invite les orateurs à la concision, car nous n'avons examiné que trois amendements depuis le début de cette séance.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Je poserai une question sérieuse à laquelle j'espère que l'on me répondra. Le rapporteur est-il en train de nous dire que les millions de blogs qui existent en France donneront lieu à incrimination ? Si des blogs appellent aujourd'hui à la violence, ne pourrait-on pas incriminer sur la base de la provocation à la violence ? Il semble que ce soit déjà possible. Cela signifie-t-il que l'on va considérer qu'un groupe qui tient un certain nombre de propos menaçants ou vulgaires sur son blog sera passible de trois ans de prison et de 45 000 euros d'amende, comme le texte le prévoit, et sera considéré comme une bande et encourra donc une peine plus lourde que celle qui serait prononcée s'il avait réellement commis des violences ou des dégradations en réunion ?

Cela fait plusieurs fois, en effet, que l'on entend parler de SMS et de blogs, et je pense essentiel que le rapporteur nous explique concrètement comment s'appliquera l'article 1er.

(Les amendements identiques nos 33 et 34 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 19 .

Peut-être pourriez-vous présenter également votre amendement n° 18 qui est très proche, monsieur Vanneste ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Telle était bien mon intention, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Ce texte soulève, comme nous l'avons expliqué assez longuement, deux difficultés : la première concerne, bien sûr, la responsabilité collective et la seconde intéresse l'intentionnalité.

La responsabilité collective pose un problème qui sera très difficile à résoudre : celui de la confrontation entre la sociologie et le droit. Nous abordons ici un objet sociologique, à savoir le groupe. Je rappelle que cette notion a été étudiée depuis fort longtemps, puisqu'elle remonte aux années cinquante et à la situation que connaissaient alors les États-Unis. Un livre connu de tous les sociologues intitulé Les bandes d'adolescents de Bloch et Niederhoffer étudie parfaitement le problème. Dans la réalité, ce ne sont pas des individus qui commettent les faits, mais bien, comme le soulignait justement M. Urvoas tout à l'heure, le groupe. On peut dire que cela relève de la sociologie, mais également de l'éthologie. En effet, la violence même des individus, membres du groupe, est conditionnée par la présence du groupe. Ce groupe n'existe pas simplement là où sont commises les violences, mais notamment dans un quartier où il se substitue aux outils normaux et traditionnels de socialisation tels par exemple que la famille. « C'est au sein du groupe que j'existe socialement et c'est dans la mesure où j'accompagne le groupe que je peux m'adonner à des comportements violents, précisément parce que c'est pour moi le moyen d'être reconnu par le groupe. » C'est ainsi qu'il convient de traiter cette question. Face à cette question sociologique, le droit est relativement impuissant. Il se réfère en effet aux textes sur les bandes organisées ou sur les associations de malfaiteurs, par exemple, qui n'ont aucun rapport avec ce que nous étudions aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle je considère personnellement qu'il faut être clair sur ce point : c'est bien le groupe qui est visé, comme cela vient d'être souligné.

Cela étant précisé, on doit pouvoir corriger ce texte au second niveau contestable qui est celui de l'intentionnalité, laquelle révolte souvent les juristes. Comment pourra-t-on affirmer à une personne que son intention était de commettre un fait ? Qu'est-ce qui le prouvera ? Cela me rappelle parfois les mésaventures du capitoul de Toulouse dans l'affaire Calas qui, faute de pouvoir prouver, finissait par additionner des quarts de preuves, des demi-preuves… La notion d'intention n'est pas sérieuse. Vous devez vous appuyer, au contraire, sur des faits. On m'a répondu, lors de la discussion en commission, qu'il était impossible de gommer la notion d'intentionnalité. Je pense que l'on peut parfaitement distinguer l'intentionnalité et la volonté. On peut très bien dire : « Vous avez été volontairement présent au sein d'un groupe qui s'est adonné à plusieurs reprises à des violences. Votre volonté était d'être présent, même si vous n'aviez pas l'intention de commettre ces volontés. »

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Cela nous amène tout simplement à l'objectif même du texte, lequel, monsieur le rapporteur, ne doit pas être avant tout répressif, mais préventif. Il doit dissuader de se mêler à des groupes eux-mêmes présents dans des attroupements qui donnent lieu à des violences. Interpréter ainsi ce texte résiste parfaitement à la tradition juridique qui serait beaucoup trop fermée si on la respectait trop scrupuleusement pour répondre à notre problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

C'est la raison pour laquelle je propose deux modifications du texte. Il me semble que l'amendement n° 18 , qui arrive en second, qui est le plus éloigné du texte, devrait à mon sens passer en premier. Je l'ai déjà précisé en commission, je le rappelle. On part toujours, en principe, du texte le plus éloigné du texte proposé.

L'amendement n° 18 tend à supprimer totalement la notion d'intention pour s'en tenir purement au fait que des groupes participent à des attroupements au cours desquels des violences sont commises. Il n'y a donc pas d'intention au niveau du groupe. En effet, quand un groupe spontané, né dans un quartier, se retrouve dans une manifestation d'étudiants et se bat avec d'autres, comment voulez-vous prouver qu'il y a eu intention ? Il n'a pas écrit dans une charte : « nous allons casser la figure des étudiants » !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

En effet, et je n'ai pas terminé.

La notion d'intention individuelle est supprimée dans les deux cas. Toutefois, l'amendement n° 19 vise le fait d'être présent régulièrement au sein d'un groupement ayant l'intention de commettre des violences volontaires et l'amendement n° 18 mentionne la présence régulière au sein d'un groupement caractérisé par sa participation à des attroupements violents.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Monsieur Vanneste, la commission a émis un avis négatif.

Dans l'amendement n° 18 , vous associez attroupement et groupement. Juridiquement, c'est totalement différent. L'attroupement se caractérise par deux éléments : la présence sur la voie publique et un trouble à l'ordre public. Cette notion diffère de celle de groupement. Il faut qu'il y ait trouble à l'ordre public pour qu'il y ait attroupement. Ce n'est donc pas recevable sur ce point.

Vous exigez, de plus, une présence régulière qui sera extrêmement difficile à prouver. Vous rendez donc le texte beaucoup plus inapplicable.

Dans l'amendement n° 19 , vous restreignez la portée de l'article en exigeant une présence régulière au sein d'un groupement. Il sera en pratique quasiment impossible d'en apporter la preuve.

L'élément intentionnel est constitutif du délit. S'il n'y a pas d'élément intentionnel, cela relève du domaine de la contravention et non du délit pénal.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur Vanneste, le Gouvernement partage votre souci de définir avec précision le nouveau délit de participation à une bande. Néanmoins, la commission a beaucoup travaillé sur ce problème et elle est arrivée à une définition qui me paraît correspondre à ce que nous cherchons à faire et être raisonnable. Ces phénomènes correspondent à une réalité. Le but, ne l'oublions pas, c'est de permettre à des magistrats de condamner des gens pour des actions qu'ils vont commettre dans ce cadre précis. Quand on est sur le terrain, une bande, on voit tout de même ce que c'est.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

La commission n'a pas beaucoup travaillé, madame la garde des sceaux, car la rédaction qu'elle propose est sur la table depuis le début et n'a pas bougé d'une virgule en dépit de toutes les objections qui sont soulevées.

Le problème de l'article 1er, c'est que le groupement n'est pas défini, contrairement aux dispositions sur l'association de malfaiteurs ou sur la bande organisée.

Dans ses amendements, M. Vanneste propose de parler du fait d'être présent de manière régulière au sein d'un groupement, ce qui est très différent et représenterait un net progrès.

En revanche, dans l'amendement n° 19 , il continue de faire référence à l'intention alors que nous préférons parler d'actes préparatoires, comme dans les dispositions sur l'association de malfaiteurs ou la bande organisée, ce qui est très différent. L'intention, ce peut être simplement des pensées, et Mme la ministre nous dit que l'on pourra être condamné devant les tribunaux pour une intention.

Ce qui est intéressant dans l'argumentation de M. Vanneste, même si nous ne pouvons pas soutenir ses amendements, c'est le caractère dissuasif. Selon lui, nous allons créer un délit d'appartenance à une bande parce qu'il faut être dissuasif. Or vous pourrez prendre n'importe quelle mesure de droit pénal, avec les condamnations les plus lourdes possibles, vous pourrez même rétablir la peine de mort, cela sera inutile car les individus impliqués dans ces phénomènes de violence extrême n'ont peur de rien et certainement pas de la prison.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Créer un tel délit, c'est donc pour faire semblant d'agir, pour s'exprimer au journal télévisé, mais cela n'a aucun effet dissuasif. Tout ce qui a été fait depuis 2002 n'a strictement aucun effet dissuasif.

(L'amendement n° 19 n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 18 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 37 .

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Nous traitons de questions importantes, nous ne sommes pas obligés de travailler dans la précipitation.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

C'est le dernier débat où l'on applique l'ancien règlement. Désormais, vous aurez deux minutes pour défendre vos amendements. Nous devons nous exercer à appliquer le futur règlement.

Poursuivez, monsieur Urvoas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Encore une minute, monsieur le bourreau ! Vous avez précisé, monsieur le président, que le nouveau règlement n'était pas applicable pour ce texte.

Nous parlons de la définition de la bande. Mme la ministre nous dit que, sur le terrain, on sait ce que c'est, mais mieux vaut le préciser dans la loi puisque c'est l'objectif et que cela pose justement des problèmes. Les propres services du ministère de l'intérieur, en l'occurrence une note du SDIG, disent qu'il est difficile de définir ce qu'est une bande.

Le rapporteur essaie et nous donne comme définition le fait de participer, en connaissance de cause, à un groupement, même formé de façon temporaire. Nous vous suggérons de supprimer les mots « , même formé de façon temporaire », parce que c'est une fausse précision.

Si l'on cherche à viser un groupe de personnes sporadiquement présentes sur la voie publique, pour reprendre les deux critères qu'a donnés notre rapporteur tout à l'heure, nous sommes dans l'attroupement et c'est redondant. Enlevons donc cette notion et parlons simplement de groupement.

Cela dit, qu'est-ce qu'un groupement ? La définition n'est pas claire non plus. À partir de quand des personnes qui sont réunies constituent-elles un groupement ? Peut-on dire que des personnes qui se réunissent spontanément, à l'occasion par exemple d'une manifestation en réaction à une charge de CRS, forment un groupement, ou des contre-manifestants présents au moment où il y a un problème avec l'ordre public ? Encore une fois, je crains que ce ne soit extrêmement compliqué, à moins de reprendre ce qui était la philosophie de l'Inquisition : tuez-les tous et Dieu reconnaîtra les siens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Défavorable car cet amendement restreint beaucoup trop la portée de l'article 1er et le vide même d'une partie de sa substance. Il créerait en effet une infraction d'appartenance à un groupement violent sans qu'il soit nécessaire d'établir la longévité dudit groupement. Or il n'est pas rare que des bandes se reforment après un certain temps d'accalmie.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Adopter cet amendement reviendrait à limiter le champ d'application de la nouvelle infraction aux seules bandes constituées de façon totalement pérenne, un peu sur le modèle des gangs américains. Or ce n'est pas l'objectif.

Quelques bandes sont constituées sur ce modèle, mais le phénomène prend des formes très différentes. Voyez par exemple ce qui s'est passé aux alentours de la gare de Lyon ou ce qui se passe de temps en temps sur la plaque de la Défense. Ce sont des événements qui ont lieu quasi instantanément à l'heure des médias d'aujourd'hui.

Cet amendement me paraît donc trop restrictif.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Nous sommes au coeur du débat. À qui veut-on s'attaquer ? Les bandes qui ne sont pas forcément structurées comme les gangs américains ou nord-américains mais qui sont des groupes connus par les forces de police et par l'ensemble des acteurs locaux, on sait qui les constitue. Le groupe peut évoluer d'une manière régulière mais, globalement, on en connaît le noyau. On sait qui en sont les membres, en tout cas les plus influents. Dans le texte, on n'appelle pas ça une bande, on appelle ça un groupement.

Je pense, comme M. Vanneste, que ceux qu'il faut réprimer sont ceux qui participent de manière régulière à ces groupements, ceux qui sont les membres de ces bandes, et on les connaît. Je ne partage pas l'avis du rapporteur, il est très facile de savoir qui ils sont. Les forces de police qui font des contrôles d'identité dans ces territoires sont capables de vous en donner la liste. Il suffit d'aller régulièrement dans les cages d'escalier là où il y a des squats, de contrôler systématiquement ceux qui sont en groupe au pied des cages d'escalier.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Ce qui est important, c'est de s'attaquer à ces groupes-là et non pas forcément à un attroupement spontané, parce qu'on ne va tout de même pas condamner à trois ans de prison des gens qui se rencontrent de manière fortuite et qui décident à un moment de se battre contre d'autres. L'objectif, c'est de mettre hors d'état de nuire les bandes, que l'on appelle des groupements, et ceux qui en sont les membres réguliers et permanents.

Si l'on pouvait arriver à une rédaction reprenant un peu l'amendement de M. Vanneste et supprimant la notion de formation de façon temporaire, pour bien dire que l'on s'attaque aux groupes qui posent régulièrement des difficultés dans ces territoires, on s'attaquerait au coeur de la délinquance dans ces quartiers en visant directement la cible qui est la nôtre : les bandes structurées régulièrement, dont les membres sont connus et qui perturbent la vie de nos quartiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Honnêtement, je ne vois pas ce qu'ajoute le morceau de phrase « même formé de façon temporaire », même pour aller dans le sens des amendements défendus par M. Vanneste. Cela demanderait des explications supplémentaires qui ne sont pas nécessaires. Que les gens soient dans ce groupement de manière temporaire ou non, on ne demande même pas de le préciser.

(L'amendement n° 37 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 77 .

La parole est à M. Patrice Calméjane.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Monsieur le président, je souhaite rectifier mon amendement en ajoutant, avant les mots « à l'aide », le mot « notamment ».

Lors des dernières manifestations, nous avons noté une nouvelle forme de contestation violente qui se caractérise par des jets de fumigènes extrêmement dangereux. Les auteurs de ces actes sont souvent des bandes qui ont pour objectif de troubler l'ordre public et d'en découdre avec la police. Nous en avons eu un nouvel exemple malheureux le week-end dernier en Seine-Saint-Denis, puisqu'il y a eu une échauffourée relativement importante à Tremblay-en-France avec des tirs de mortiers contre des policiers. C'est pourquoi il convient de condamner ces nouvelles formes de contestation violentes et dangereuses.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'amendement n° 77 est donc rectifié.

Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Le mot « notamment » limite le caractère extrêmement restrictif de la précédente rédaction. Seuls les faits commis au moyen de fumigènes auraient pu en effet être incriminés. La rectification va donc dans le bon sens.

Cela dit, même si nous comprenons la portée et l'intérêt de cet amendement, qui répond à vrai problème que M. Raoult et vous-même connaissez bien, nous pensons que pointer de façon très précise les moyens pouvant être à l'origine de la dégradation et cibler plus particulièrement les fumigènes et les engins pyrotechniques amoindrit le dispositif. C'est la raison pour laquelle je vous demande de le retirer, sachant que, globalement, il est satisfait et que sa pertinence n'est pas en cause.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je suis d'autant plus sensible à ce type d'engins que, à Bastia en particulier, des policiers ont été blessés, dont un que j'ai rencontré, mais il n'y a pas que ça. Les barres de fer ou, comme à Bastia, de gros boulons servant pour les voies ferrées sont également très dangereux.

Tout en me réjouissant également de l'ajout de « notamment », qui était indispensable, je pense qu'une fois que les choses ont été dites, cibler un élément plutôt qu'un autre est restrictif. Je demande donc le retrait de l'amendement, à défaut de quoi je m'en remettrai à la sagesse de l'Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Oui, monsieur le président.

(L'amendement n° 77 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 17 .

La parole est à M. Christian Vanneste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Je reviens sur la question, abordée la semaine dernière, de l'introduction dans le texte de la loi de la peine de travail d'intérêt général de manière autonome et non plus seulement comme peine de substitution à la discrétion du magistrat.

Je rappelle que la Suisse a adopté un dispositif similaire, en portant notamment le nombre d'heures de travail à 720. Rien n'interdit à un membre de cette honorable assemblée, pour permettre le vote de cet amendement, de le sous-amender en ramenant ce nombre à 210 ; cela ne me gênerait aucunement, mais je ne peux le faire moi-même.

Le but de cette opération est extrêmement simple. Il s'agit de répondre au caractère surréaliste des peines proposées dans ce texte. Ce dernier propose en effet soit des amendes qu'un public manifestement impécunieux ne pourra payer, à moins d'être soutenu financièrement par des caïds, ce qui serait encore plus grave, soit des peines de prison.

Permettez-moi donc de vous rappeler la situation. Nos prisons accueillent actuellement 66 000 personnes, ce qui représente une surpopulation carcérale de 120 %. Autrement dit, les prisons sont pleines, et il faut trouver des peines de substitution.

En outre, les peines de prison sont aujourd'hui peu appliquées. Notre excellent collègue Étienne Blanc a rédigé un rapport sur le sujet, dans lequel il montre qu'en région parisienne, par exemple, ce sont à peine 78 % des peines de prison qui sont appliquées une fois prises les décisions judiciaires. En d'autres termes, une peine de prison sur cinq n'est pas appliquée. C'est une sur dix seulement en ce qui concerne les peines de travail d'intérêt général. Il convient donc de favoriser ce dernier outil.

Enfin, qui vise-t-on ? Cela a été dit, cette loi se veut un instrument préventif tendant à dissuader un certain nombre de jeunes de se mêler à des groupements dangereux.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Ce n'est pas en mettant ces jeunes en prison que nous leur rendrons service ni que nous rendrons service à la société, parce qu'ils considéreront qu'aller en prison est comme passer un rite initiatique ou un examen : quand ils reviendront sur le terrain, ils auront obtenu un grade supplémentaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

En revanche, si on leur confie une mission d'utilité publique, un travail d'intérêt général, leur présence dans le quartier sera banalisée aux yeux des autres et ils apprendront peut-être aussi qu'ils peuvent servir à quelque chose de positif. C'est donc une peine pédagogique, en tout cas beaucoup plus efficace qu'une peine qui ne pourra s'appliquer, faute de place en prison.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Défavorable.

Cet amendement est intéressant, et il faudra naturellement s'engager sur la voie des peines de substitution de façon beaucoup plus forte et ambitieuse à l'avenir.

Cependant, sa formulation me semble contraire au principe du code pénal qui associe l'incrimination à un quantum maximal de peine encourue. L'amendement introduit bien un maximum, mais également un minimum, ce qui est gênant. En outre, il porte ce maximum encouru à cinq ans de prison, ce qui me paraît quelque peu excessif en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

M. Vanneste lance un vrai débat sur les peines de substitution et la situation des prisons. J'indique que son travail au sein du groupe d'étude sur les prisons est à la fois très réfléchi et très intéressant.

Cependant, monsieur Vanneste, je vais peut-être vous surprendre, mais je vous trouve un peu trop « libéral », au sens américain du terme. On ne peut pas se dispenser d'une peine d'emprisonnement parce qu'il y a trop de monde en prison. On doit certes faire sortir un certain nombre de personnes de prison, éviter de recourir à l'emprisonnement pour les trop courtes peines en remplaçant celles-ci par des peines alternatives, augmenter le nombre de libérations conditionnelles, aider les juges d'application des peines et les travailleurs sociaux à accompagner les personnes, au bout d'un certain temps, vers des sorties aménagées. Nous en sommes tous d'accord.

J'en profite, madame la ministre, pour vous signaler que nous attendons toujours la loi pénitentiaire votée au Sénat. Nous souhaitons vivement la voir inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

(L'amendement n° 17 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Monsieur le président, nous avions demandé à le sous-amender !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 16 .

La parole est à M. Christian Vanneste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Je ne voterai pas cette loi, mais on peut toujours essayer de l'amender un peu !

L'amendement n° 16 vise à permettre de faire la part des choses entre, d'une part, les bandes sui generis, qui naissent au hasard de rassemblements de quartier et peuvent éventuellement se répandre par la suite et, d'autre part, les bandes suscitées par des mafias locales afin de protéger leurs trafics. Il est important de faire cette différence ; nous qui travaillons dans les quartiers, nous savons que les deux existent.

C'est la raison pour laquelle je souhaite que les GIR réalisent systématiquement une enquête sur la présence de liens mafieux entre les groupes et les trafics souterrains pouvant exister dans les quartiers dont ceux-ci sont originaires.

Une telle mesure est également de nature à relancer l'activité des GIR. Je me souviens que nous avions été très enthousiastes pour voter les textes créant ces structures ; depuis lors, nous en entendons de moins en moins parler.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Défavorable. Une telle disposition ne relève pas du domaine législatif. Nous partageons bien sûr la préoccupation de M. Vanneste ; dans ses précédentes fonctions ministérielles, Mme la ministre y a très largement répondu en renforçant l'efficacité des GIR.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je répondrai à M. Vanneste que, s'il n'entend pas parler des GIR, cela ne les empêche pas de travailler. Je les ai relancés depuis le mois de janvier 2008, avec des résultats de plus en plus probants.

Aujourd'hui, plus de 50 % de leur activité est consacrée à la recherche de stupéfiants et au démantèlement de réseaux. Sur l'année 2008, ils ont enregistré une augmentation de 30 % des saisies de cannabis et de 25 % de saisies de cocaïne. Surtout, depuis le début de l'année 2009, des réseaux entiers sont démantelés puisqu'à chaque intervention, de quinze à trente, voire cinquante personnes sont arrêtées par les GIR. Les GIR ont cette obligation, qui leur a été précisée par circulaire.

Nous sommes donc bien d'accord avec vous sur le fond, monsieur Vanneste, mais la circulaire existe et, comme l'a dit le rapporteur, la disposition que vous proposez est de nature réglementaire et non législative.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Il ne m'avait pas échappé que cette disposition n'était pas d'ordre législatif. J'ai déposé cet amendement pour obtenir la réponse que je viens d'obtenir sur la nécessité de relancer les GIR. Si vous les avez relancés, madame la garde des sceaux, il serait bon néanmoins d'en parler un peu plus souvent et de nous communiquer des résultats précis sur leur action. Je retire l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'amendement est repris. Je le mets aux voix.

(L'amendement n° 16 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Monsieur le président, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe, compte tenu du fait que mon collègue a demandé, à l'amendement précédent, à présenter un sous-amendement…

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Je parle de l'amendement précédent.

En outre, j'aurais voulu, à l'instant, intervenir sur la question de l'économie souterraine, sujet majeur du présent débat.

Je demande donc une suspension de séance d'un quart d'heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La suspension est de droit. Elle est accordée pour cinq minutes.

Article 1er

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-trois heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La séance est reprise.

Je suis saisi d'un amendement n°14 , qui fait l'objet d'un sous-amendement n°92 .

La parole est à M. Christian Vanneste, pour soutenir l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Je reprends ici l'idée que j'ai développée à l'amendement n° 17  : il est nécessaire de faire apparaître le travail d'intérêt général comme une peine de plein droit, autonome – sous réserve, bien sûr, de l'accord du condamné, pour des raisons constitutionnelles.

En réponse à notre collègue Blisko, je précise que le premier argument qui me vient à l'esprit en faveur du TIG n'est pas celui de la surpopulation carcérale, mais avant tout celui du rôle pédagogique de cette peine. Je pense que lui et moi nous rejoignons sur ce point. Je le répète : un jeune membre d'une bande qui s'est retrouvé en prison en sort avec un grade supérieur, il a acquis un rayonnement plus grand auprès des autres. Le groupe visé par cette loi est un groupe qui se substitue à l'absence de groupes normaux de socialisation tels que la famille. Dans un tel cadre, à la limite, aller en prison, c'est une manière de se socialiser, plus précisément de se faire reconnaître comme ayant acquis encore plus d'importance aux yeux du groupe. Mais devoir accomplir un travail d'intérêt général banal – ce qui ne signifie pas humiliant –, et se rendre utile, c'est doublement pédagogique.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

C'est la raison pour laquelle, notamment lorsqu'il s'agit d'une première condamnation, il faut mettre en avant le travail d'intérêt général.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un sous-amendement n° 92 .

La parole est à Mme Delphine Batho.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Je souligne que la prison n'a pas d'effet dissuasif. Pire encore, elle produit même l'effet contraire. C'est pourquoi la logique d'inflation du droit pénal non seulement n'est ni dissuasive ni efficace, mais devient même contreproductive. On le voit avec la multiplication des braquages de petits commerces : la prison joue un rôle dans le passage d'une délinquance de rue à des phénomènes de banditisme. Nous sommes donc d'accord avec la logique de l'amendement n° 14 .

Cela étant, je regrette que le travail d'investigation judiciaire préconisé à l'amendement n° 16 n'ait pas été retenu. Inscrire dans la loi une obligation d'investigation dès lors que l'on a connaissance d'un phénomène de bandes me paraissait intéressant, même si je pense qu'il faudrait davantage de police judiciaire de proximité plutôt que des GIR, trop loin du terrain pour lutter contre ces phénomènes.

En tout cas, je répète que nous sommes d'accord avec la logique du travail d'intérêt général. Mais pour tenir compte des remarques que mon collègueDominique Raimbourg avait faites mercredi soir, je sous-amende l'amendement n° 14 en proposant de fixer la durée maximale du TIG à 210 heures au lieu de 720 heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 14 et le sous-amendement no 92  ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

L'amendement de M. Vanneste est satisfait, donc le sous-amendement est inutile. En effet, monsieur Vanneste, le tribunal correctionnel a déjà la possibilité de proposer un TIG comme peine de substitution à l'emprisonnement, en vertu de l'article 131-8 du code pénal. En l'état actuel du droit, il ne peut pas y avoir une peine spécifique de TIG aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Mais c'est justement pourquoi j'ai déposé cet amendement !

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Même avis puisque le tribunal peut déjà se prononcer pour le TIG dès lors qu'il y a condamnation. Le problème n'existe donc pas, monsieur Vanneste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Certainement pas, monsieur le président. Si la discussion des articles de cette proposition de loi se résume à dire, amendement après amendement, que le Parlement ne sert à rien, autant arrêter tout de suite.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Faire apparaître le travail d'intérêt général dans la loi serait une indication qui ne pourrait pas laisser les magistrats insensibles. C'est un appel. Il est vrai qu'aujourd'hui ils peuvent déjà décider de substituer un TIG à la peine de prison, mais nous leur indiquerions en votant mon amendement que le TIG n'est plus forcément une peine de substitution, mais une peine d'égale valeur à celle de la prison. Ce serait un signal fort que les magistrats devraient entendre.

(Le sous-amendement n° 92 est adopté.)

(L'amendement n° 14 , sous-amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je voudrais savoir ce que Mme Batho entend exactement proposer par cet amendement. S'il s'agit de prévoir d'ici deux ou trois ans une évaluation de la loi, cela ne me choque pas. Ce serait dans la logique de la révision constitutionnelle que nous venons de mettre en place. Mais est-ce bien le sens de l'amendement, madame Batho ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je vais mettre aux voix l'article 1er, modifié par les amendements adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Pour un rappel au règlement ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

Le vote est engagé, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Ce n'est pas pour un rappel au règlement, monsieur le président, mais je demande une suspension de séance de cinq minutes (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC) pour que nous puissions classer tous nos amendements. Je rappelle à nos collègues du groupe socialiste qu'il y a quelques minutes, Mme Batho a demandé une suspension de séance pour les réunir. (« Le vote est engagé ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La suspension est de droit. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Article 1er

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures dix, est reprise à vingt-trois heures quinze.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La séance est reprise.

(L'article 1er, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Sur le fondement de l'article 64 du règlement, je vous demande, monsieur le président, de procéder à un vote par assis et levé sur l'article 1er, étant donné ce qui s'est passé – le résultat du vote ne paraissait pas probant.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Le vote est incontestable. Nous poursuivons nos travaux. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 75 , portant article additionnel après l'article 1er.

La parole est à M. Éric Raoult.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Le sujet de mon amendement a été évoqué à plusieurs reprises. Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, de nombreuses communes ont vécu un même type de violence urbaine : les jets de pierres contre les transports publics et notamment les autobus.

À de très nombreuses reprises, mon collègue Gérard Gaudron, député d'Aulnay-sous-Bois, a rencontré ce problème à multiples facettes. Nous pouvons assister à des phénomènes sporadiques comme ce fut le cas à Aulnay-sous-Bois durant les trois à quatre dernières années, ou à des appropriations de territoire dans une cité particulière avec même une utilisation d'armes à feu, comme mon collègue Patrice Calméjane a pu le déplorer.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Dans ce cas, aux jets de pierres succède une sorte de test dirigé contre le réseau de transport public mais aussi contre la présence régulière d'un réseau de transport.

M. Claude Bartolone, président du conseil général de Seine-Saint-Denis, connaît particulièrement bien ce sujet. Il aurait pu cosigner cet amendement qui s'inscrit dans l'esprit de l'encart publicitaire publié dans Le Parisien où il plaidait pour une démarche républicaine sur les problèmes de sécurité.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

La recrudescence du droit de retrait des conducteurs de bus devient inquiétante. Comme nombre de collègues, depuis 2005, j'ai rencontré des syndicalistes de la CGT ou du syndicat autonome de la RATP en Ile-de-France qui nous disent : cela ne peu plus durer ; c'est devenu un jeu de jeter des pierres contre nos autobus.

Ces derniers mois, des lignes entières ont été suspendues, bloquant ainsi de nombreux usagers. La cause en était souvent la multiplication des attaques par jets de pierres contre les bus, et le droit de retrait s'est exercé dans ce contexte.

Cette nouvelle forme de violence isole des quartiers entiers. Il ne sert à rien de mener une politique de rénovation urbaine si les autobus ne peuvent plus entrer dans certaines villes. Il devient donc urgent d'apporter une réponse à la population des quartiers populaires et à ces chauffeurs qui attendent beaucoup des pouvoirs publics.

Cet amendement vise donc à inclure le délit de jets de pierres contre les transports publics dans le dispositif renforçant la lutte contre les bandes violentes.

Depuis le début de ce débat, la pesanteur des partis politiques se manifeste chez des collègues socialistes. Je voudrais citer Mme Mazetier dont j'ai relu l'intervention durant le week-end, avant le barbecue de ma fédération UMP, ce qui m'a fait dire à mon épouse : j'ai rencontré une élue du 12e arrondissement de Paris tout à fait remarquable (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC) ; son intervention montre qu'elle connaît bien le problème, mais je n'ai pas compris pourquoi elle indique, à la fin, qu'elle ne votera pas pour ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Monsieur le président, j'ai l'impression que nos collègues socialistes vont se servir d'une paire de ciseaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Dans un premier temps, ils approuvent le Gouvernement ; dans un deuxième temps, ils expliquent qu'ils ne votent pas pour ce texte.

Pour cette raison, je suis persuadé que, pour les jets de pierres contre les transports publics, le président Bartelone va prendre le relais : il sait qu'il doit le faire s'il veut éviter que demain j'envoie son vote négatif à tous les conducteurs de bus…

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

…des Lilas, de Bagnolet, de Pantin, du Pré-Saint-Gervais – j'oublie peut-être une commune…

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Mon intervention se fonde sur l'article 58, alinéa 1, de notre règlement, relatif au déroulement de la séance.

En début de séance, alors que l'opposition était majoritaire, nous avons eu la courtoisie et l'élégance d'engager le débat au fond, sans passer au vote immédiatement.

Je voudrais simplement qu'il soit bien noté au Journal officiel qu'au moment du vote sur l'article 1er, qui est le coeur de cette proposition de loi sur les bandes, l'UMP n'était pas présente dans l'hémicycle…

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

… et que – je le regrette, monsieur le président – vous avez autorisé une suspension de séance alors que le vote était engagé, ce qui est interdit par l'article 64 du règlement.

Je le déplore. Néanmoins, mon collègue Claude Bartelone répondra au sujet des bus caillassés.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 75  ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

La commission a émis un avis défavorable à cet amendement mais, à titre personnel, je souhaiterais émettre un avis favorable. Je crois que l'amendement porté par MM. Gaudron, Raoult et Calméjane est utile, pertinent, et qu'il répond à un véritable problème : il est totalement inacceptable que les transports publics soient victimes de ces pratiques intolérables.

M. Raoult connaît bien le sujet et je pense que nous pouvons lui donner satisfaction, même si on peut considérer que cet amendement est satisfait par les textes existants.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. le secrétaire d'État à la justice, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 75 .

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Le Gouvernement considère que les demandes formulées dans cet amendement sont déjà satisfaites par les textes. Les violences contre les conducteurs de transports publics, sans parler des bus transportant des enfants, sont déjà aggravées de façon expresse par les textes. Le Gouvernement pense que cette nouvelle aggravation n'apporterait rien de concret.

Cela dit, nous avons écouté le plaidoyer de M. Raoult et les arguments du rapporteur. Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bartolone

Si le M. Raoult m'avait sollicité, j'aurais proposé un sous-amendement, parce que j'ai l'impression qu'il se trompe d'imputation. Cet amendement se situe dans le cadre des violences aux personnes alors qu'il trouverait plus sa place dans un article portant sur la dégradation des biens.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bartolone

Comme il ne me l'a pas proposé, je ne retiens pas cette forme.

Cela étant, je voudrais revenir sur un problème que j'ai déjà soulevé au cours du débat général et que vont bien comprendre les députés de la Seine-Saint-Denis : l'écart qui existe parfois entre la loi et son application. Je suis sûr d'avoir le soutien de l'ensemble des députés de la Seine-Saint-Denis si je leur rappelle un souvenir.

Il y a quelques années, après les événements qui avaient amené le département de la Seine-Saint-Denis à connaître de grosses difficultés urbaines, le préfet Jean-François Cordet avait envoyé une longue lettre au ministre de l'intérieur de l'époque, pour lui expliquer les difficultés auxquelles il était confronté pour bien faire respecter la loi. Il insistait sur l'écart existant dans le département entre les effectifs de police nécessaires et ceux dont il disposait. Il insistait sur le constat qu'il avait dressé après ces émeutes urbaines : faute de personnel et de sanctions adaptées au niveau du tribunal, peu de mineurs s'étaient vu infliger une peine qui aurait pu être pédagogique et éviter à certains d'entre eux de poursuivre les comportements qu'ils avaient à l'époque.

Mes chers collègues, nous constatons ainsi la grande difficulté qui existe et l'écart que l'on peut remarquer entre les intentions contenues dans l'amendement et les moyens donnés actuellement au préfet de la Seine-Saint-Denis pour lui permettre de combattre ce genre de situation.

Devant la représentation nationale, je tiens à insister sur un fait méconnu des députés qui ne sont pas élus de Seine-Saint-Denis : le pauvre préfet Cordet – qui a évité des morts au moment des émeutes urbaines qui ont touché le département, en osant proclamer la vérité – a été sanctionné et retiré des cadres de la préfecture.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

C'est faux ! Il n'a pas été retiré des cadres de la préfecture !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bartolone

Il n'est plus préfet parce que sa lettre a été publiée dans un journal, et non de son fait puisqu'elle était annotée par une main ministérielle.

À l'occasion de la présentation d'un amendement comme celui-là, on voit une nouvelle fois quelle peut être la dimension de communication de ce genre de proposition. On essaie de créer une nouvelle imputation, une nouvelle peine, tout en sachant très bien que ce type de délit sera difficilement constatable et condamnable, compte tenu des forces de police et des magistrats.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Il est évident que tout le monde ici, sur tous les bancs, condamne les faits mentionnés et visés par cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Oui, heureusement.

Cependant, M. le rapporteur et M. le secrétaire d'État ont clairement indiqué que ces faits sont déjà punis par la loi, c'est-à-dire que les dispositions de notre code permettent d'y faire face et de condamner, et donc que votre amendement ne se justifie pas puisqu'il est déjà satisfait.

Ensuite, vous faites appel à la sagesse de l'Assemblée. Pour ma part, je souhaiterais que l'Assemblée soit sage : si nous adoptons cet amendement, le jet de pierres sera puni de cinq ans d'emprisonnement, plus que des délits bien plus graves ! N'est-ce pas disproportionné ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Actuellement, il est possible de sanctionner ce type de comportement, le droit nous le permet. Porter la peine à cinq ans d'emprisonnement me paraît complètement inacceptable.

(L'amendement n° 75 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 15 .

La parole est à M. Christian Vanneste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il y a deux ans, à Tourcoing, un couple d'octogénaires me demande de venir prendre conscience de sa situation. Les deux octogénaires vivent enfermés en permanence, volets baissés, parce qu'à côté de leur maison il y a une pelouse où un groupe se réunit dès le milieu de la journée et jusqu'au plus tard de la nuit. Il se livre à toutes sortes de libations, fait du bruit et, évidemment, punit les deux octogénaires dès lors que ces derniers esquissent le quart de la moitié d'une réprimande : jets dans les volets, tags sur les murs, etc.

En fait, le quartier entier subit la situation. Des volets s'ouvrent, et une personne à sa fenêtre m'explique : je travaille en Belgique – vous savez que c'est très fréquent chez nous – et je n'ai plus de voiture pour y aller parce que j'ai eu le malheur de crier un soir contre ceux qui faisaient du bruit et que ma voiture a brûlé durant la nuit. Un autre jour, j'avais retrouvé mes rétroviseurs cassés.

Ce soir-là, j'ai pris conscience que, si on laisse de petits faits s'accumuler dans un quartier, on abandonne la maîtrise de ce quartier à une bande, on lui permet d'exister et peut-être d'aller un jour semer la terreur ailleurs.

C'est la raison pour laquelle je propose cet amendement qui tend à répondre à deux préoccupations. Premièrement : c'est en traquant les petits faits de délinquance, le carreau brisé, que l'on peut enrayer le dérapage de la délinquance.

En second lieu, on ne peut endiguer le phénomène des bandes qu'en déracinant celles-ci de leur territoire. C'est pourquoi je propose avec cet amendement de pénaliser d'un an de prison et de 15 000 euros d'amende ce que j'appellerai le harcèlement social, à savoir la menace permanente que l'on fait peser sur les habitants d'un quartier : « Si tu me réprimandes, je brûle ta voiture. »

Cette disposition, votée en commission par le groupe SRC, avait été approuvée, lorsque je l'avais présentée sous la forme d'une proposition de loi, par soixante collègues du groupe UMP ; plusieurs d'entre eux ont d'ailleurs cosigné le présent amendement, qui, à mon sens, dépasse largement les clivages politiques et répond à une vraie préoccupation de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Je suis au regret d'émettre un avis défavorable, monsieur Vanneste. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.) Vous soulevez un problème réel et grave, qui exige des réponses adaptées ; mais l'infraction nouvelle que vous envisagez ne me paraît, hélas, pas satisfaisante du point de vue juridique, puisqu'elle recouvre partiellement des infractions déjà existantes, telles que le harcèlement moral, les violences volontaires, les menaces ou l'occupation abusive de halls d'immeubles.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Outre que des dispositions existent donc, comme l'article L. 222-33-2 du code pénal, le champ de la nouvelle infraction s'articulerait mal avec les mesures existantes, et sa formulation est trop floue pour constituer une incrimination pénale.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Je veux dire à M. Vanneste, en plus des explications pertinentes de M. le rapporteur, que sa description correspond à une réalité que nous connaissons tous. Au reste, du point de vue lexical, l'expression « harcèlement social » me paraît plus claire que le terme d'« incivilité », qui ne veut plus rien dire. Votre réflexion, monsieur Vanneste, est donc intéressante.

En revanche, je rejoins tout à fait le rapporteur sur l'idée que l'incrimination proposée est déjà satisfaite par la législation en vigueur et qu'elle serait inapplicable au regard des principes généraux du droit ; de surcroît, elle fragiliserait le texte, ce qui, je le sais, n'est pas votre intention. Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Je souhaite faire quelques observations. Nous sommes favorables à cet amendement pour différentes raisons et malgré plusieurs réserves.

En premier lieu, il formalise ce qui est puni sous d'autres dénominations et de façon relativement maladroite : pour faire condamner ces actes quotidiens et répétés si pénibles pour les victimes, on a parfois recours à la notion de « coups et blessures volontaires », dès lors que lesdites victimes présentent une incapacité suffisante.

Par ailleurs, l'incrimination proposée est certes un peu vague, mais elle ne l'est pas davantage que les incriminations de même type qui existent déjà – comme l'occupation de halls d'immeubles – et ne sera donc pas plus difficile à caractériser.

Troisième observation : il est en effet très difficile de caractériser ce type d'infractions, de les constater, d'interpeller leurs auteurs et de les punir. Il faut pour cela que les victimes déposent une plainte et viennent expliquer leur harcèlement quotidien, ce qui pose les mêmes difficultés que pour les délits du même genre. Mais peu importe : une fois l'outil juridique créé, il faut se donner les moyens de l'appliquer.

Enfin, je suis réservé sur la référence à la politique menée par M. Giuliani à New York, car le contexte est différent. J'ajoute que l'expression « tolérance zéro » peut aussi bien renvoyer à une sanction totale qu'à une même réponse apportée à des actes différents ; or, selon les cas, le type de réponse peut varier.

Quoi qu'il en soit, l'amendement permettrait de nommer des actes répréhensibles et peut-être de ramener un peu de paix dans certains quartiers ; c'est pourquoi nous le voterons.

(L'amendement n° 15 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 2.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Je souhaite commenter la philosophie de cet article, qui, pour faire simple, vise à pénaliser la participation à un attroupement armé alors qu'on ne l'est pas soi-même.

Avant de discuter de cette mesure, M. le rapporteur aurait pu s'assurer que les incriminations existantes relatives à la participation délictueuse à des attroupements sont utilisées. Un tel oubli est systématique dans son rapport : tout en se félicitant des avancées législatives récentes, il ne fait jamais état de leur efficience. Ainsi, il n'est pas anodin de constater qu'il n'est fait usage que depuis peu du délit d'occupation abusive des halls d'immeubles, délit durci l'an dernier par une loi. Sur ce point, Mme Dati nous a apporté les éléments qui nous manquaient dans une lettre adressée le 23 juin au président de la commission des lois : on y apprend que, en 2007, sur 120 poursuites engagées sous ce chef d'incrimination, seulement 87 condamnations ont été prononcées. Pourquoi aussi peu ? Précisément, et j'en viens à l'article 2, parce qu'il y a une difficulté dans l'établissement de la preuve.

La personne poursuivie pourra en effet toujours soutenir que, si elle a été vue aux côtés d'une personne armée, elle n'avait pas remarqué que celle-ci l'était.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Ce qui est apparent pour les uns ne l'est pas forcément pour les autres, surtout quand on est au milieu d'une foule compacte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

De plus, la personne pourra dire qu'elle se trouvait temporairement, voire accidentellement, aux côtés de la personne armée lorsque l'enregistrement a eu lieu ou la photographie a été prise. Comment prouver que la personne n'était pas là par hasard ?

J'ajoute, puisque le texte évoque la notion d'« arme », que la jurisprudence l'a considérablement étendue, distinguant notamment les armes par nature et les armes par destination. Il sera délicat de reprocher à un manifestant de s'être trouvé à côté d'une personne ayant un parapluie – lequel peut devenir une arme –, surtout s'il pleut !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Comment reprocher au même manifestant de s'être trouvé à côté d'une personne qui tient une banderole ? Pour tenir une banderole, je le dis à nos collègues de l'UMP, il faut en effet un bâton, lequel peut aussi devenir une arme par destination.

En outre, il faudra apporter la preuve que la personne ayant participé à l'attroupement et s'y étant volontairement maintenue aura, le cas échéant, entendu les sommations : depuis 1954, la jurisprudence a ainsi frappé de nullité substantielle toutes les procédures engagées en l'absence de sommation légale avant la dispersion par la force d'un attroupement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Enfin, sur les articles 431-3 et suivants, la jurisprudence est rare, ce qui est d'autant plus impressionnant que le délit préexistait au code pénal de 1994. Pour ma part, mais l'on me détrompera le cas échéant, je n'ai repéré que trois arrêts, d'ailleurs non publiés, de la Cour de cassation, respectivement datés de 1996, 1999 et 2000. Selon les données que la Chancellerie nous a fournies, lesquelles sont reproduites dans le rapport, le nombre de condamnations prononcées pour une participation à un attroupement avec ou sans armes est très faible. J'en conclus que les parquets ne poursuivent pas, ou très rarement, sous ce chef : si notre arsenal juridique n'a pas besoin d'être renforcé, c'est tout simplement qu'il ne sert pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

L'article 2, en effet, n'apporte rien aux articles 431-3 et suivants du code pénal ; pis : comme on vient de le démontrer, son application créerait une insécurité juridique majeure. En outre, il fait peser un risque non moins majeur sur la constitutionnalité de l'ensemble du texte, puisque, après l'article 1er, il y est écrit noir sur blanc que l'on peut devenir punissable du fait d'autrui : il suffira que l'on se trouve, lors d'une manifestation, non loin de casseurs possédant des armes par nature ou par destination, armes dites apparentes mais que l'on n'a pas vues, pour être passible de trois ou cinq ans de prison.

Pourquoi donc cet article ? Nous avons soulevé le problème en commission mais, à notre grande stupéfaction, n'avons obtenu aucune réponse, ni du rapporteur de l'époque, qui n'était pas M. Ciotti – j'espère donc que celui-ci sera attentif à nos arguments –, ni du président de la commission. Pourquoi ne réagit-on pas lorsque nous posons la question de la constitutionnalité ? Parce que le texte a une cible cachée, qui n'a rien à voir avec les bandes : le mouvement social. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Le présent article fait suite à la loi anti-casseurs de 1970 ; pour la vendre, le Premier ministre de l'époque avait un slogan : « les casseurs seront les payeurs. » Or il est écrit noir sur blanc dans l'article 2 que le simple manifestant deviendra le payeur, quand les casseurs, eux, pourront continuer de casser.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Je prolongerai les propos précédents. La législation relative aux attroupements est assez bien conçue. Est réprimé tout attroupement susceptible de troubler l'ordre public et le maintien dans un tel attroupement après sommation, dont dispense toute violence exercée sur des agents de la force publique. Bref, notre droit permet de réprimer très rapidement les violences.

S'agissant de l'arme, de deux choses l'une : soit, selon l'hypothèse formulée par Delphine Batho, on entend réprimer des phénomènes qui ne relèvent pas des bandes mais de manifestations qui dégénèrent, soit on veut vraiment réprimer les phénomènes de bandes. Mais dans ce second cas, dès lors que l'un des auteurs porte une arme par nature ou par destination et que l'attroupement est suffisamment modeste pour que chacun participe aux actes commis, nul besoin d'avoir soi-même porté une arme ou de s'en être servi pour devenir coauteur : la circonstance aggravante du port d'arme s'étend à tous les participants, y compris à ceux qui ne sont pas armés.

L'article 2 est donc inutile pour réprimer le phénomène des bandes et, comme l'expliquait Mme Batho, il risque, étant applicable aux manifestations, d'être détourné de son objet. Nous avions déjà appelé l'attention sur les problèmes que le texte présentait par rapport à une éventuelle répression du mouvement social ; nous réitérons nos craintes sur cet article qui, je le répète, est inutile, sans parler des problèmes évoqués par Jean-Jacques Urvoas quant à la difficulté de réprimer les attroupements faute d'interpellations suffisantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Nous avons déjà évoqué en commission tous les problèmes que pose cet article, mais le silence assourdissant de la majorité et du rapporteur de l'époque nous contraint à réitérer nos remarques. De deux choses l'une : soit cet article apporte quelque chose à la proposition de loi, soit il se contente de faire du remplissage. Dans cette seconde hypothèse, on rappellera que l'article 431-4 du code pénal sanctionne déjà celui qui, sans être porteur d'une arme, participe à un attroupement après les sommations : Jean-Jacques Urvoas l'a montré, nous n'avons pas besoin de renforcer un arsenal législatif déjà bien peu utilisé. Et si l'article sert à étoffer une proposition de loi qui, manquant un peu de matière, n'aurait pas pu, à défaut, être présentée, vous pouvez bien accepter nos amendements.

Mais peut-être y a-t-il une autre explication, plus grave : les discussions que nous avons déjà eues sur les articles suivants de la proposition de loi nous incitent en effet à penser que l'article 2 vise bel et bien une cible cachée, comme vient de le dire Delphine Batho. Sous couvert de combattre les phénomènes de violences en bande – ce harcèlement social dont parlait Christian Vanneste –, il s'agirait en fait de se doter d'un arsenal pour lutter contre certains attroupements qui, eux, sont parfaitement déclarés en préfecture. Il est vrai qu'ils dégénèrent parfois : dans ce cas, à l'heure actuelle, la police exfiltre des manifestations les éléments violents, ceux qui portent des armes apparentes ou ceux dont le comportement peut représenter une menace pour les autres manifestants ou pour les lieux, les personnes et les biens qui se trouvent à proximité. Si vous souhaitez maintenir à tout prix l'article 2, avec toutes les menaces qu'il recèle pour le mouvement social, pour ceux qui protestent contre votre politique ou contre des événements survenus à l'étranger, c'est que vous avez décidé de criminaliser le mouvement social,…

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

…d'empêcher toute contestation politique, toute forme de mobilisation. Vous allez donc prendre vos responsabilités. Comme vous avez pu le constater, depuis le début de cette discussion, nous sommes très « propositionnels »,…

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

…très pragmatiques, pour lutter efficacement, sans angélisme, sans naïveté, contre les violences et contre les difficultés auxquelles sont confrontés nos concitoyens. Nous ne manquons pas de souligner que les déclarations d'intention ne suffisent pas, qu'il faut se doter des moyens nécessaires pour les concrétiser.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Tout ce que vous proposez, c'est de supprimer les articles de la proposition de loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Or, au lieu de donner des moyens à la prévention, à la répression et à la sanction de ces phénomènes de violences en bandes, ce que vous vous apprêtez à réprimer et à sanctionner durement, ce sont ceux qui manifestent contre vos politiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Nous avons eu, à propos de l'article 1er, un débat très francilien sur les bandes violentes. En province aussi, nous connaissons ces phénomènes. Bien d'autres départements ou régions les subissent…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

…et je ne voudrais pas que le débat se transforme en discussion entre élus de l'Île-de-France. La République est une et indivisible, y compris, malheureusement, en matière de violences de groupes.

D'autre part, je souhaiterais que le rapporteur ou le Gouvernement nous apportent un éclaircissement. Dans mon département, on croise parfois des bandes armées, surtout le dimanche matin : ce sont des gens qui vont à la chasse. (Sourires.) Je ne voudrais pas que les dispositions de l'article 2 puissent s'appliquer à ces groupes de chasseurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Il y est dit, en effet, que les dispositions des deux premiers alinéas « sont également applicables à toute personne qui, sans être elle-même porteuse d'une arme, participe volontairement à un attroupement dont une ou plusieurs personnes portent des armes de manière apparente ». C'est, par exemple, le cas des rabatteurs. Monsieur le rapporteur, rassurez donc de nombreux élus du Loir-et-Cher et de la région Centre : il ne faut pas que les chasseurs puissent être confondus avec les casseurs armés des bandes violentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Enfin, je souhaiterais interroger le Gouvernement sur une disposition qui avait été prise en 2005, dans le cadre de la modification du code de l'environnement. À l'époque, nous avions été plusieurs députés à demander que soit créé un fichier central des permis de chasser, qui aurait notamment eu pour objectif de combattre les difficultés liées à l'armement des gens du voyage. Les forces de l'ordre connaissent en effet d'importantes difficultés lorsqu'elles doivent agir face à des gens du voyage qui sont très souvent armés : pour un seul permis de chasser, on peut trouver une cinquantaine de fusils. Je souhaiterais savoir où en est le décret en Conseil d'État concernant la constitution de ce fichier central. À ma connaissance, il n'a toujours pas été pris. En milieu rural, parfois, nous sommes soumis à des gens du voyage extrêmement violents, et il est important que ces dispositions puissent entrer en vigueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 6 et 40 , tendant à supprimer l'article 2.

La parole est à M. Michel Vaxès, pour défendre l'amendement n° 6 .

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Toutes les interventions que nous venons d'entendre à propos de cet article 2 justifieraient sa suppression. Il vise à étendre le délit de participation à un attroupement armé aux personnes qui, quoiqu'elles soient elles-mêmes dépourvues d'arme, y participent aux côtés de personnes portant des armes apparentes. Une fois de plus, on se retrouve dans le schéma de l'article 1er. Comment établir la preuve que la personne mise en cause avait connaissance du fait que d'autres participants portaient des armes ? D'autant que l'arme, telle qu'elle est définie par l'article 132-75 du code pénal, peut se cacher derrière un objet que l'on ne pourrait pas a priori soupçonner d'en être une. Ainsi ont été considérés comme armes par les tribunaux un bâton, un casque de motocyclette, une automobile, un trousseau de clefs, un verre, un drapeau, un pied de chaise… Et l'on pourrait multiplier les exemples.

En définitive, comme dans l'article 1er, ce que vous visez ici, c'est la mauvaise fréquentation. Il est aberrant de vouloir sanctionner de la même manière, avec la même peine, la personne qui porte une arme et celle qui n'en porte pas. Nous entrons ici dans le domaine de la responsabilité collective : vous avez beau le nier, elle n'existait pas jusqu'alors et vous allez l'introduire dans notre droit. Faute de pouvoir établir facilement une responsabilité individuelle, vous cédez à la facilité en punissant collectivement, et donc à l'aveuglette.

Cette disposition est d'autant plus dangereuse qu'elle est transposable, mes collègues l'ont dit avec raison, aux manifestations. Vous affirmez le contraire, mais rien dans cet article, ni même dans l'article 7, n'écarte explicitement les phénomènes de contestation sociale. Nous vous demandons donc de supprimer cette mesure qui n'apporte rien à l'arsenal permettant de lutter contre la délinquance, mais ne vise qu'à flatter l'opinion publique en surfant sur les peurs collectives. C'est ce que vous faites depuis un moment avec ce texte d'affichage qui, en plus, est mauvais.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Daniel Goldberg, pour défendre l'amendement n° 40 .

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Bien des arguments ont déjà été avancés, et tout à l'heure encore par M. Perruchot, dont la démonstration a été très convaincante. Je voudrais pour ma part insister sur l'adverbe « volontairement » qui figure à l'article 2. Lorsque nous écrivons la loi, ce doit être de manière très précise. Or cet adverbe est sujet à caution. Qu'est-ce qui doit être considéré comme volontaire ? La participation à un attroupement ou la participation à un attroupement dans lequel quelqu'un est armé de manière apparente ? Et qui, d'ailleurs, décide du caractère apparent de l'arme ? Faut-il considérer que la personne ne se mêle à cet attroupement que s'il y a une arme apparente ? L'écriture de cet article justifie pleinement notre amendement de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Cet article important a suscité des propos bien excessifs, notamment de la part de Mme Mazetier, qui a parlé de « criminalisation du mouvement social ». L'objet de cet article est totalement étranger à vos craintes. M. Vaxès parlait de la volonté de surfer sur les peurs collectives. Il me semble que c'est vous qui soulevez des peurs totalement injustifiées. Rien n'est plus éloigné de la finalité de cette disposition que de vouloir criminaliser ou même correctionnaliser le mouvement social. J'espère pouvoir vous le démontrer, et nous le verrons d'ailleurs à propos d'un amendement de Mme Batho qui sera appelé ensuite et qui pourrait apporter une précision de nature à vous rassurer.

Il faut revenir à la notion d'attroupement. Je souhaite rassurer M. Perruchot, car je ne voudrais pas que nos amis chasseurs – j'en suis un – soient victimes de ce texte. Ce ne sera pas le cas, car les attroupements se caractérisent par deux éléments cumulatifs et simultanés : la présence sur la voie publique et le trouble à l'ordre public.

Le présent article prévoit que les dispositions visées sont « applicables à toute personne qui, sans être elle-même porteuse d'une arme, participe volontairement à un attroupement dont une ou plusieurs personnes portent des armes de manière apparente ». On peut clarifier la notion d'« arme apparente » : Mme Batho et le groupe SRC ont déposé un amendement qui lève toute ambiguïté et auquel nous serons favorables. Mais il n'est tout de même pas anodin de participer à un attroupement en sachant que quelqu'un porte une arme. L'aspect intentionnel est évident.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

C'est un trouble à l'ordre public. D'ailleurs, une jurisprudence déjà ancienne le précise : en 1899, la chambre criminelle de la Cour de cassation jugeait qu'un rassemblement pacifique gênant la circulation ne pouvait être considéré comme susceptible de troubler l'ordre public ; dès le 12 février 1897 – voyez comme c'est ancien – la même chambre estimait que l'existence d'un rassemblement sur la voie publique ne pouvait pas constituer un attroupement prohibé, et que la distinction entre attroupement et rassemblement devait être appréciée selon les circonstances. Il va donc de soi que la commission émet un avis défavorable à la suppression de l'article 2. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

En complément des remarques très pertinentes de M. le rapporteur, j'ajoute que les arguments que vous avez développés au fil du débat – et que j'ai écoutés avec une grande attention – me laissent le sentiment d'un raisonnement par l'absurde. Je m'explique : au fond, vous estimez que les textes existants ne fonctionnent pas, puisque les problèmes perdurent. Pourquoi un nouveau texte, demandez-vous donc ? Le raisonnement est un peu court ! Dans l'une de vos interventions, vous avez cité – en le saluant – l'exemple du discernement du parquet dans certaines situations actuelles. Puisque le parquet ne poursuit pas, dites-vous, à quoi sert donc de préciser davantage les choses ? Or le discernement est souhaitable, car il exclut l'automaticité. Voilà qui montre que ce texte n'est pas liberticide et ne va pas à l'encontre du droit de manifester.

Je reprendrai aussi l'exemple, que vous avez évoqué, du mouvement social. Il va de soi – le rapporteur l'a très bien dit – qu'il n'y a là aucune intention d'aller à son encontre ! Poussons plus loin votre raisonnement : vous évoquez des manifestations qui, parfois, se terminent mal du fait de certains individus. Vous avez rappelé, madame Batho, que nous disposons aujourd'hui d'un excellente réponse au problème : la police a la capacité d'exfiltrer les perturbateurs. C'est vrai lorsque tout se passe bien, auquel cas la manifestation garde tout son sens.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Cependant, vous savez bien que lorsque les choses tournent mal, ces mouvements violents, voire armés, qui dénaturent la manifestation, dénaturent avant tout le mouvement social.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Ils vont d'abord à l'encontre des manifestants respectueux de la loi, et du sens que ceux-ci voulaient donner à leur manifestation. Ainsi, la qualification prévue par le texte, loin d'aller à l'encontre du mouvement social, fait la part des choses entre la liberté de manifester et les actions violentes et armées.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Enfin, n'oublions pas qu'à Paris comme en province, les bandes qui gâchent la vie quotidienne de nos concitoyens sont souvent – le phénomène est classique – composées de quelques meneurs armés et de personnes très conscientes de leurs actes qui s'agglomèrent autour de ce noyau initial pour renforcer par le nombre l'agressivité de la bande. Ils prennent donc part à la même démarche et le savent très bien. Dans ces conditions, la disparition de l'article dénaturerait complètement ce texte indispensable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

S'agissant, monsieur le secrétaire d'État, de ce que M. Urvoas a dit des parquets, le code pénal comporte un dispositif sur l'attroupement qui est en quelque sorte parfait au regard du phénomène des bandes, afin d'agir préventivement, lorsque c'est possible, pour éviter des affrontements entre bandes différentes comme à la gare de Lyon. Or ce dispositif n'est aujourd'hui pas assez utilisé.

D'autre part, la réponse que nous a faite M. Ciotti constitue une événement majeur. Il ne nous a pas parlé des bandes délinquantes, mais des manifestations.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

C'est bien la preuve que cet article 2 vise les manifestations et le mouvement social, et qu'il n'a strictement rien à voir avec les phénomènes de bandes !

Parlons des manifestations, précisément. La vie, hélas, ce n'est ni tout blanc ni tout noir.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Vous devriez vous appliquer cette maxime à vous-même !

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

On ne peut pas toujours opposer les gentilles manifestations qui se déroulent bien du début à la fin aux agissements violents dans des attroupements. Comment les choses se passent-elles dans bon nombre de manifestations, comme celles liées au CPE ?

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Une manifestation déclarée et parfaitement autorisée se déroule sur la voie publique. Des bandes s'y mêlent, non pas pour attaquer les vitrines, mais pour agresser les manifestants – comme on l'a vu en 2005 pendant le mouvement contre le CPE, avec l'inaction coupable du ministre de l'éducation de l'époque, François Fillon ! (« Lamentable ! » sur les bancs du groupe UMP.) J'assume mes propos ! Or, du moment où elle s'achève lorsque les organisateurs appellent à la dispersion, la manifestation devient, au plan juridique, un attroupement. J'ai manifesté ; les organisateurs, depuis leur camion-plateau, remercient les participants et signalent la fin de la manifestation ; à cet instant précis, on bascule dans l'attroupement. C'est alors que la réponse de M. Ciotti est très inquiétante : si, ayant manifesté, j'ai eu connaissance qu'il y a eu des casseurs dans le défilé, alors je suis passible des sanctions prévues par l'article 2 !

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Vous faites donc une lecture à l'envers de l'amendement suivant, que nous allons discuter.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Expliquez-nous, monsieur Vaxès, ce qui s'est passé à la Bourse du travail !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Précisément, je prendrai un exemple : la manifestation pour la paix à Strasbourg, au moment même où se décidait le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN. Des milliers de manifestants pacifistes défilaient, auxquels se sont mêlés quelques groupes. Le présent article n'était pas encore voté, et j'espère qu'il ne le sera pas : il reste encore la navette. S'il avait été applicable ce jour-là, il aurait autant concerné les manifestants pacifistes que les groupes en question. En effet, je ne vois pas comment, compte tenu des conditions du terrain, les forces de police auraient pu distinguer entre les uns et les autres ! Vous le savez très bien : les attendus de ce texte pourront être utilisés – même si ce n'est pas forcément votre intention, sauf peut-être pour certains – contre des manifestants, et non pas des casseurs, qui en subiront les conséquences. C'est pourquoi je réitère notre demande de suppression de l'article 2.

(Les amendements identiques nos 6 et 40 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 22 .

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Cet amendement de clarification vise à éviter des difficultés d'interprétation aux magistrats qui auront à apprécier cette infraction, en précisant que les personnes prenant part à un attroupement devront avoir eu « connaissance qu'un ou plusieurs participants portent des armes ».

Au cours des auditions organisées par M. le rapporteur, j'ai été frappé – et c'est la première fois que je fais ce constat depuis que je suis parlementaire, c'est-à-dire depuis deux ans – par le fait que tous les magistrats considéraient, sans en discuter l'utilité éventuelle, que ce texte tel qu'il était rédigé leur causerait des difficultés d'interprétation pour apporter la preuve. Et pour cause : c'est sur la charge de la preuve que repose notre droit pénal !

Je saisis l'occasion de la défense de cet amendement n° 22 pour interroger notre rapporteur – la question m'est venue en l'écoutant – sur la disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue. En effet, le nouvel article 431-5 que vous nous proposez punit de trois ans d'emprisonnement toute personne, armée ou non, qui participerait à un attroupement, alors même qu'aucune sommation de dispersion n'a été prononcée en application de l'article 431-3. Cependant, toute personne qui continue de participer à un attroupement après sommation de se disperser n'encourt qu'une peine d'un an de prison ! N'y a-t-il pas là une disproportion ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Je soumets cette observation à votre appréciation, monsieur le rapporteur, ne doutant pas de votre sagesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Comme je l'ai laissé entendre tout à l'heure, l'amendement n° 22 apporte une précision utile à laquelle nous émettons un avis favorable – signe, s'il en était besoin, de notre entière bonne foi et de notre transparence – afin qu'il n'y ait aucune ambiguïté et que l'on évite de reproduire les amalgames inopportuns auxquels cet article a donné lieu.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Comme l'a dit la ministre d'État tout à l'heure, nous sommes prêts à examiner avec bienveillance toute démarche constructive d'amélioration de ce texte. C'est le cas ici, pour les raisons bien présentées par le rapporteur : avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Nous apprécions cet avis favorable, mais revenons aux risques que comporte cet article – car, ne nous racontons pas d'histoires, il en comporte. Chacun sait que certaines manifestations, comme l'a très bien expliqué Mme Batho, peuvent se conclure en attroupement au coeur duquel se trouvent des centaines, voire des milliers de personnes. Dès lors, l'intérêt de cet amendement est de préciser que le fait d'être consciemment dans cet attroupement en sachant qu'une arme s'y trouve est éventuellement répréhensible. Cela étant, je note comme M. Urvoas que les sanctions diffèrent selon que l'on se trouve dans l'attroupement sans arme – mais conscient qu'une arme s'y trouve – avant ou après la sommation. En l'occurrence, l'uniformisation est nécessaire afin d'éviter toute distorsion des peines.

Le risque concerne aussi le mouvement social. Il ne s'agit pas seulement des manifestations ; songez à ceux de nos concitoyens qui, confrontés à des licenciements massifs, se trouvent devant l'usine dans laquelle le patronat a décidé de supprimer cent, voire mille emplois. Ils sont donc sur la voie publique, où ils perturbent parfois l'ordre public en manifestant bruyamment ou en brûlant des pneus – pour les employés des entreprises qui en fabriquent, par exemple.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Attendez ! On a vu, face au désespoir, certains de ces manifestants saisir des objets qui, de fait, deviennent des armes par destination. Voulez-vous, oui ou non, appliquer ce texte à ces personnes ? Nous considérons qu'il ne doit pas l'être. On ne saurait traiter ces gens comme on traite les bandes délinquantes : c'est très différent ! C'est ce qu'il faut préciser par amendement.

(L'amendement n° 22 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Et voilà ! Les choses étaient bien différentes lorsque nous étions dans l'opposition : M. Vaillant était moins sympathique !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de deux amendements, nos 25 et 23 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour défendre l'amendement n° 25 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Cet amendement vise de nouveau à préciser le texte. La philosophie du Gouvernement ne consiste pas, nous dites-vous, à porter atteinte au mouvement social et ne vise pas les manifestations. Vous avez adopté un premier amendement ; nous vous suggérons d'en accepter un deuxième, qui vise à compléter l'alinéa 2 par les mots « sauf lorsqu'elle participe à une manifestation sur la voie publique sans troubler elle-même l'ordre public. », afin d'éviter que ces dispositions ne s'appliquent à des personnes exerçant normalement le droit fondamental de manifester et qui n'ont rien à voir avec des casseurs.

Si vous restiez sourds à cet aspect de la question, nous pourrions suspecter une motivation politique, visant à permettre des interpellations massives plutôt qu'à favoriser pour le juge un travail d'interprétation sélective. La sagesse serait donc d'accepter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement n° 23 .

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Si l'amendement n° 22 a été adopté, c'est sans doute pour justifier le rejet de l'amendement n° 23 . Ce dernier est en effet encore plus important puisqu'il pose clairement le principe que les dispositions de l'article 2 ne peuvent en aucun cas s'appliquer au mouvement social. J'attends donc avec impatience un avis favorable de la commission et du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Sur le vote de l'amendement n° 23 , je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 25 et 23  ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Je précise, une fois de plus, que la manifestation n'a rien à voir avec l'attroupement. Or ces amendements entretiennent la confusion entre la manifestation, qui est légale, car déclarée au préalable, et constitue un droit garanti, et l'attroupement qui, par définition, n'a pas été déclaré et cumule ces deux éléments : trouble à l'ordre public et présence sur la voie publique.

Les deux cadres juridiques sont distincts et il faut faire confiance au discernement des magistrats. Voilà pourquoi, madame Batho, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Le fait que nous ayons accepté l'amendement n° 22 montre, s'il en était besoin, que nous ne visons en rien le droit de manifester ou le mouvement social. De ce point de vue, les amendements nos 25 et 23 , comme l'a souligné le rapporteur, n'apportent rien. L'avis du Gouvernement est donc défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

La loi de 1970 a été principalement appliquée à des responsables syndicaux d'organisations ouvrières ou agricoles – notamment des FDSEA – dans les différents départements de France.

Je ne retire pas cet amendement. Je n'ai aucune confiance en qui que ce soit pour faire preuve de discernement dès lors que la volonté du rédacteur de ce texte, comme du Gouvernement, est de cibler non les bandes délinquantes, mais le mouvement social.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Le fait de refuser cet amendement ne fait malheureusement que confirmer votre volonté politique.

(L'amendement n° 25 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 23 .

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 44

Nombre de suffrages exprimés 44

Majorité absolue 23

Pour l'adoption 17

Contre 27

(L'amendement n° 23 n'est pas adopté.)

(L'article 2, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 84 rectifié , qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 93 .

La parole est à M. Patrice Calméjane, pour soutenir l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Je reviens à l'objet de mon amendement n° 77 .

L'amendement n° 84 rectifié vise à compléter l'article 431-10 du code pénal par un alinéa ainsi rédigé : « Le fait de participer à une manifestation ou à une réunion publique en étant notamment porteur de fumigènes ou d'engins pyrotechniques est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »

Lors des dernières manifestations, une nouvelle forme de contestation violente est apparue, qui se caractérise par des jets de fumigènes ou d'engins pyrotechniques extrêmement dangereux. Les auteurs de ces actes sont souvent des bandes qui ont pour objectif de troubler l'ordre public et d'en découdre avec la police. C'est pourquoi il convient de condamner ces nouvelles formes de contestation violentes et dangereuses.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir le sous-amendement n° 93 .

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

L'usage de certains engins pyrotechniques à l'aide de mortiers ou leur utilisation en tir tendu, soit contre la population, soit contre les forces de l'ordre, est une nouvelle pratique particulièrement dangereuse. Nous avons pu le constater ce week-end à Tremblay, mais ce phénomène s'était déjà produit à plusieurs reprises, et notamment l'an dernier dans la commune d'Asnières, où un commissaire de police avait perdu un oeil.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Certes, l'amendement de nos collègues de la majorité vise à traiter ce problème, mais il apporte une mauvaise réponse puisque la rédaction porte sur les manifestations ou les réunions publiques. Or ce qui s'est passé le week-end dernier à Tremblay, comme à Asnières il y a un an, n'a rien à voir avec une manifestation ou une réunion publique. Tel est l'objet de mon sous-amendement.

Cela étant, je ne suis pas pleinement satisfaite de la rédaction que je propose. Les mesures nécessaires pour lutter contre ces engins pyrotechniques ne sont pas prises. Le maire d'Asnières, Sébastien Pietrasanta, demandait il y a un an l'interdiction de leur vente. Brice Hortefeux a indiqué cet après-midi qu'il y était favorable. Entre-temps, je me suis renseignée : il existe déjà des arrêtés préfectoraux interdisant cette vente.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Le véritable problème réside en réalité dans la vente de ces engins sur Internet.

Je me demande s'il ne vaudrait pas mieux suspendre la séance pour travailler ensemble à un texte cohérent. Je comprends l'intention visée par l'amendement n° 84 rectifié , même si la formulation concerne les manifestations, lesquelles n'ont rien à voir avec le problème dont nous débattons. Par ailleurs, je ne suis pas pleinement satisfaite de mon sous-amendement. Or j'estime qu'il est urgent d'apporter la bonne réponse à ce problème récurrent, que l'on peut craindre de voir réapparaître à l'occasion du 14 juillet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

L'amendement n° 84 rectifié est satisfait puisque les engins pyrotechniques peuvent être considérés comme des armes par destination. L'article 431-10 du code pénal punit la participation à une manifestation en étant porteur d'une arme d'une peine de trois ans de prison. Nous considérons donc, je le répète, que cet amendement est satisfait. Brice Hortefeux l'a dit cet après-midi : il va falloir lutter avec une grande détermination contre la multiplication de ce type d'arme par destination.

(L'amendement n° 84 rectifié est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 4 , qui fait l'objet de deux sous-amendements, nos 88 et 91 rectifié .

La parole est à M. Philippe Goujon, pour soutenir l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Les parties communes de certains immeubles d'habitation gérés par les bailleurs sociaux sont régulièrement occupées par des bandes. Pour répondre à cette situation, de nombreux bailleurs ont constitué des groupements d'intérêt économique afin d'assurer la surveillance des immeubles telle qu'elle est prévue par l'article L. 127-1 du code de la construction et de l'habitation. À Paris, par exemple, les agents de ce groupement d'intérêt économique, dénommé GPIS, effectuent des rondes dans le patrimoine privé des bailleurs sociaux, assurant ainsi la sécurité de presque 70 000 logements et les interventions sur appel des locataires.

Afin de sécuriser des sites particulièrement problématiques, ils procèdent à des visites approfondies du patrimoine, à des rondes renforcées et mènent des opérations conjointes ou coordonnées avec les services de police. Mais, en matière de défense, aucun équipement ne les protège, alors que leur activité s'inscrit dans la logique retenue par d'autres services chargés de missions similaires, comme la SUGE ou le GPSR de la RATP.

C'est pourquoi cet amendement prévoit d'autoriser les préfets à doter ces personnels, à l'issue d'une formation et lorsque les immeubles dans lesquels ils assurent le gardiennage ou la surveillance sont particulièrement exposés à des risques d'agression, de bâtons de défense du type « tonfa », arme de sixième catégorie.

Un décret en Conseil d'État encadrera cette possibilité en précisant les conditions d'acquisition et de conservation des bâtons de défense par la personne morale. Le décret pourra également prévoir l'obligation d'une liaison permanente entre ces agents et les services de police territorialement compétents.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. le rapporteur pour défendre les sous-amendements nos 88 et 91 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

L'amendement n° 4 est important. J'y suis favorable sous réserve de l'adoption de deux sous-amendements visant à répondre aux difficultés qu'il présente.

La première concerne la possibilité, « lorsqu'il existe des risques particuliers d'agression » que les agents de la personne morale ainsi constituée soient nominativement autorisés par l'autorité préfectorale à porter une arme. Je vous propose, par le sous-amendement n° 88 , de supprimer la condition de l'existence d'un risque particulier d'agression et, en contrepartie, de compléter la rédaction en précisant que le port d'armes ne peut concerner que les armes de sixième catégorie et en prévoyant que le préfet appréciera la légitimité de la demande au regard des risques de trouble à l'ordre public.

La seconde difficulté concerne le renvoi à un décret en conseil d'État. Je vous propose, par le sous-amendement n° 91 , d'apporter davantage de garanties en matière de conditions posées pour les agents de sécurité, en excluant notamment les personnes ayant fait l'objet de certaines condamnations.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 4 , d'autant qu'il est précisé par les deux sous-amendements de M. Ciotti.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Si vous me permettez cette remarque, monsieur le rapporteur, vos deux sous-amendements sont de qualité inégale. (Rires sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Nous sommes favorables au sous-amendement n° 88 visant à préciser qu'il ne peut s'agir que d'armes de sixième catégorie, autrement dit de tonfas, car c'est une amélioration du texte de M. Goujon. Nous aurions toutefois préféré que soient conservés les mots « Lorsqu'il existe des risques particuliers d'agression ». Il était possible de trouver une formulation maintenant la notion de circonstance, laquelle est importante, tout en précisant qu'il ne peut s'agir que d'une arme de sixième catégorie.

Quant au sous-amendement n° 91 , il est superfétatoire puisque l'article 5 de la loi du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité prévoit déjà que les agents doivent être de nationalité française et ne pas avoir fait l'objet d'une condamnation, qu'une enquête administrative est menée à leur sujet et que les fichiers STIC sont consultés dans le cadre des enquêtes administratives. Par exemple, le troisième alinéa sur les fichiers, notamment sur le STIC, est redondant par rapport au droit existant. En outre, il pose problème : depuis quand consulte-t-on des fichiers de police pour savoir si les gens respectent l'honneur, la probité ou les bonnes moeurs ?

Le sous-amendement n° 91 rectifié pose donc un réel problème et mériterait d'être retiré ou rejeté.

(Le sous-amendement n° 88 est adopté.)

(Le sous-amendement n° 91 rectifié est adopté.)

(L'amendement n° 4 , sous-amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, inscrit sur l'article 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Sur cet article qui concerne le port de cagoule, je ferai trois remarques préalables.

La première vise à appeler l'attention de nos collègues sur l'absence prévisible d'effet dissuasif. L'auteur du délit devrait logiquement préférer ne pas être identifié plutôt que de commettre le délit à visage découvert et risquer la peine encourue sans la circonstance aggravante. Autrement dit, mieux vaut cacher son visage et ne pas être puni que le découvrir et risquer plusieurs années de prison...

Je présente ma deuxième remarque pour m'étonner, et peut-être même m'indigner, de la publication, le 22 juin, du décret créant une infraction autonome prohibant le port d'une cagoule dans les manifestations publiques. L'incongruité de la démarche en plein travail parlementaire n'a d'égal, en effet, que l'absurdité de cette nouvelle incrimination.

Enfin, dans l'exposé des motifs, le rapporteur indique « qu'il appartiendra au juge de qualifier » les moyens de dissimuler volontairement son visage. Comme le souligne l'USM, la définition juridique des infractions est le propre du législateur. Les juges n'ont pas cette faculté. Il leur appartient simplement d'apprécier les circonstances permettant de caractériser les différents éléments constitutifs de l'infraction. On ne peut pas demander à des juges de qualifier les moyens de l'infraction, ou alors personne ne fait plus son métier.

Sur le fond, cet article ne respecte pas le principe de légalité tel qu'il a été défini par l'article VIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Il manque en effet de clarté et de précision quant aux éléments constitutifs de la circonstance aggravante qu'il entend créer.

Dans une décision du 20 janvier 1981, qui portait sur la loi bien improprement intitulée « Sécurité et liberté » le Conseil constitutionnel a déduit de cet article 8 « la nécessité pour le législateur de définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis » dans un but bien déterminé : « exclure l'arbitraire dans le prononcé des peines ».

Nous sommes ici dans un domaine essentiel : celui de la liberté individuelle, principe fondamental reconnu par les lois de la République, selon la nomenclature du Conseil depuis 1977. Or les incertitudes inhérentes à l'article 3 de la proposition de loi laissent une marge considérable au juge dans l'appréciation de l'infraction, ce qui conduira inévitablement à l'arbitraire. On ne peut pas passer sous silence ces difficultés juridiques.

Vous nous parlez de la cagoule mais le texte n'est pas aussi précis. Le rapporteur cite fort justement les propos de Me Olivier Fouché, qui représentait le Conseil national des barreaux et que nous avons auditionné. Me Fouché estime difficile de définir où commence et où finit la circonstance aggravante. Qu'est-ce qu'une cagoule ? Où finit la capuche et où commence la cagoule ? En quoi le fait d'avoir des cheveux devant le visage ou de porter de grandes lunettes couvrant la moitié du visage permet-il de présumer que la personne cherche volontairement à dissimuler ses traits ?

Autant on peut admettre que le port d'une arme peut laisser supposer une intention mauvaise, autant il est excessif de le déduire du simple usage d'un accessoire vestimentaire qui peut juste suivre un effet de mode. À ma connaissance, on ne peut pas considérer qu'un accessoire soit en lui-même révélateur d'une dangerosité particulière.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Je rappellerai pour conclure les propos d'une personnalité que je sais appréciée dans les rangs de la majorité, Alain Bauer, président du conseil d'orientation de l'Observatoire national de la délinquance. Il a estimé que cette disposition pouvait présenter un intérêt mais il a également souligné que son application judiciaire resterait complexe – page 69 du rapport.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

J'ajouterai aux arguments de Jean-Jacques Urvoas, que je fais miens, que cette accumulation de circonstances aggravantes du fait du port d'un vêtement dissimulant le visage n'a pas beaucoup d'utilité. Dans chacun des cas, nous sommes en effet en présence d'un délit qui est déjà suffisamment sanctionné. Il en va un peu différemment pour l'article 222-13, qui qualifie de délit les violences volontaires n'ayant pas entraîné une incapacité de travail supérieure à huit jours lorsqu'elles sont commises avec un certain nombre de circonstances aggravantes. Le texte prévoit que le port de la cagoule figurera désormais au titre de ces circonstances aggravantes : c'est le seul cas où cette mesure pourrait avoir une quelconque utilité. Ainsi, les violences légères deviendront un délit – violences volontaires, atteinte à l'intégrité d'autrui.

Mais l'article 222-13 prévoit déjà que les violences légères ayant entraîné une incapacité de travail inférieure à huit jours deviennent un délit dès qu'elles sont commises en réunion. L'hypothèse visée par l'article 3 est donc celle d'un individu qui frapperait seul quelqu'un sans être à l'origine de blessures entraînant une incapacité de travail supérieure à huit jours. Nous sommes loin de la bande…

L'article 3 est donc totalement superflu et complique inutilement le texte et le droit. Nous disposons d'ores et déjà de tous les éléments permettant de réprimer les bandes et leurs agissements. Réprimer le port de la cagoule est déjà compliqué mais il est plus difficile encore de définir ce qu'est l'élément de vêtement venant cacher le visage. Il y aura une difficulté de preuve et une difficulté d'interprétation.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Je reprends là où M. Raimbourg s'est arrêté : que vient faire l'article 3 dans cette proposition de loi intitulé « Renforcer la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d'une mission de service public » ? Cet article ne porte en effet ni sur les violences de groupe ni sur la protection des personnes chargées d'une mission de service public. Nous sommes dans le cadre d'un délit commis et pour lequel la dissimulation totale ou partielle du visage constituerait une circonstance aggravante. Nous sortons donc du champ de la proposition de loi, ce qui constitue pour moi un argument militant en faveur du rejet de cet article.

L'article 3 instaure une circonstance aggravante. Cela signifie-t-il, a contrario, que le fait de commettre un délit le visage découvert serait une circonstance atténuante ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Ainsi, quelqu'un qui cambriolera une bijouterie – c'est malheureusement assez fréquent dans nos quartiers – le visage découvert, au risque d'être découvert, pourra le faire observer au juge. Faute avouée, et non dissimulée, est à demi pardonnée : voilà ce que vous nous proposez dans cet article 3, qui est totalement « abracadabrantesque ».

Dans cette proposition de loi, vous mélangez en fait les termes et les concepts. Nous l'avons rappelé, un décret a été pris récemment sur la dissimulation du visage dans les manifestations. Avec cet article, nous ne sommes plus dans le délit d'intention de commettre un acte mais dans le cadre d'un acte bel et bien commis.

Enfin, il faut pointer une fois encore les imprécisions de la rédaction et les incertitudes qui en découlent. Que se passera-t-il en cas de dissimulation involontaire ? On peut imaginer, par exemple, que certaines coupes de cheveux fassent retomber les cheveux sur le visage. Et que dire de la dissimulation « de tout ou partie du visage » ?

Toutes ces incertitudes juridiques nous conduisent à demander le rejet de l'article 3.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Pourquoi en est-on arrivé à proposer cet article qui, on vient de le démontrer, sera inapplicable ? C'est sans doute que certains ont voulu rapidement répondre à l'émotion populaire engendrée par un certain nombre d'événements. Si l'on peut comprendre l'émotion, il importe, dans un tel domaine, de prendre le temps de la rédaction de la loi afin d'être le plus efficace possible.

Au cours des auditions auxquelles nous avons procédé, les policiers nous ont expliqué que lorsqu'ils interpellaient une personne portant une cagoule, une capuche ou un bonnet, ils avaient du mal à démontrer que la personne concernée était celle qui avait commis le délit car il est difficile de reconnaître quelqu'un dont le visage est dissimulé. Mais en quoi l'article 3 pourra-t-il les aider ? La personne cagoulée sera en effet toujours aussi peu reconnaissable avant qu'après le vote de cet article. Les attroupements compteront donc toujours des personnes cagoulées. Une fois qu'on les aura reconnues en dépit de leur cagoule, il faudra arriver à démontrer, pour qu'il y ait circonstance aggravante, que la personne avait mis son bonnet, sa capuche ou sa cagoule – dans ce dernier cas on peut l'admettre, quoique… – avec la volonté de ne pas être identifié.

La quasi-totalité des jeunes de banlieues portent des joggings avec capuche. Ils la mettent dès qu'il pleut. S'ils sont dans un attroupement, il faudra vérifier que c'est bien la personne qui avait la capuche qui a commis le délit – on aura du mal à le prouver – mais ensuite, il faudra aussi démontrer qu'elle a mis sa capuche avec la volonté de ne pas être identifiée.

Encore une fois, on risque de voter un article qui laissera croire, dès demain, que les jeunes des banlieues ne pourront plus se promener avec leur capuche sur la tête.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Voilà comment cela sera compris par les gens qui en ont parfois effectivement assez de voir des bandes se promener avec des capuches, des cagoules, des bonnets, des casquettes… Cela a le don d'énerver nombre de nos concitoyens qui s'imagineront qu'enfin ces jeunes ne pourront plus le faire. En réalité, ils vont continuer de plus belle à mettre leur capuche ou leur cagoule.

Une fois encore, vous allez voter un article qui fera croire, grâce à une campagne médiatique bien organisée, que vous avez réglé un problème. Mais les gens constateront, peu après, que le problème ne fait qu'empirer. Une fois encore, vous aurez fait naître un espoir qui sera vite déçu. Dans ce domaine de la sécurité, qui concerne précisément les populations les plus vulnérables, il faut arrêter de faire croire que vous avez fait voter une loi efficace en un claquement de doigts. Prenons le temps de la réflexion pour régler véritablement le problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Je prolongerai l'excellente démonstration de François Pupponi en expliquant la raison de l'introduction de cet article 3 dans le texte. Il s'agit en l'occurrence d'une véritable imposture. Tout est venu en effet de la défaillance du dispositif de maintien de l'ordre à Strasbourg. Du fait de très graves défaillances dans la chaîne de commandement, un quartier populaire – pas celui du sommet des chefs d'État – a été abandonné et livré aux casseurs pendant près de deux heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Comme la ministre de l'intérieur a été incapable de répondre aux questions posées par ces événements, il a fallu trouver un coupable, un bouc émissaire : la cagoule, qu'on agite comme un chiffon rouge.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Cela fait très longtemps que le problème existe !

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Effectivement, monsieur Perruchot, cela fait très longtemps que des délinquants se cachent le visage pour échapper à la vidéo-surveillance – capuche, écharpe, etc. Jusqu'ici, cela n'avait jamais été traité comme un sujet nouveau de droit pénal ni en termes d'interdiction ni en termes de circonstances aggravantes. Nous sommes donc bien dans le cadre d'une imposture, d'une mystification qui vise à faire oublier ce qui s'est passé à Strasbourg.

J'invite par ailleurs mes collègues de la majorité – et peut-être le Gouvernement s'il veut bien être attentif à cet argument – à se méfier des effets pervers d'une telle disposition. Chers collègues, vous allez créer un symbole du combat contre votre politique. Se cacher le visage deviendra une sorte de signe de ralliement pour tous ceux qui veulent la contester. Se cacher le visage deviendra un geste symbolique servant à afficher, par jeu ou par défi, son désaccord avec le Gouvernement.

Enfin, comme l'interdiction de la cagoule ne tenait pas, M. Estrosi, le premier rapporteur, a inventé la circonstance aggravante. Mais si la circonstance aggravante réside dans le fait que l'on cherche à cacher son identité, tout cambrioleur qui met des gants pour éviter de déposer ses empreintes digitales devrait tomber sous le coup de cette mesure. Et si la circonstance aggravante est liée au fait que la cagoule servirait à impressionner la victime, je ferai remarquer qu'en cas de destruction de biens, il n'y a pas de victimes humaines. Par ailleurs, s'il s'agit malgré tout d'impressionner la victime, pourquoi la circonstance aggravante joue-t-elle dans tous les cas sauf pour le viol ?

Il y a donc dans la rédaction de l'article 3 un ensemble d'incohérences qui suffisent à justifier son rejet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Nos collègues socialistes se battent pour expliquer les dangers et les risques de dérive que comporte l'article 3. Ils doivent pourtant savoir que notre pays n'est pas le seul où le problème de la violence masquée s'est posé.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

En Grande-Bretagne, à la suite de violentes manifestations dans la banlieue de Londres, le Parlement britannique, sous un gouvernement travailliste, s'est penché sur la question. En Italie, et pas sous M. Berlusconi, on y a également réfléchi après le drame de Gênes, où des militants pacifistes étaient venus exprimer leur opposition à un sommet international, mais où l'on a dû déplorer la mort d'un étudiant. En Allemagne, enfin, des manifestations violentes ont conduit à se pencher sur le problème.

Mme Batho évoquait ses souvenirs des manifestations contre le CPE. Nous ne manifestions pas ensemble, mais elle se rappelle que, dans ce type de manifestation, les services d'ordre des associations militantes interviennent sur-le-champ, parfois avec l'appui de la police ou, le cas échéant, des services d'ordre des syndicats.

Les problèmes que nous évoquons ici ne sont pas propres au gouvernement de François Fillon ou à la présidence de Nicolas Sarkozy ; ils s'inscrivent dans un contexte européen où la violence ignore parfois les frontières. Il y avait à Strasbourg des personnes qui venaient de Pologne ou de Hollande et qui ont, dissimulées par des cagoules, incendié l'hôtel Ibis de la Meinau.

Vous tentez de nous convaincre à coup de sophismes des dangers de ce texte, mais il y avait onze personnes à l'hôtel Ibis, et je puis vous assurer qu'elles ont eu très peur. Soyons donc moins attachés à nous convaincre les uns les autres et préoccupons-nous davantage de répondre aux attentes de la population. Il faudra justifier, auprès de vos électeurs, ce que vous avez dit ici !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

On disait aussi ça en 1970 pour la loi anticasseurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 7 et 26 , tendant à la suppression de l'article 3.

La parole est à M. Michel Vaxès.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

L'article 3 instaure une circonstance aggravante quand l'auteur de violences sur des personnes ou de dégradations de biens dissimule volontairement tout ou partie de son visage afin de ne pas être identifié. Ainsi, masquer son visage – partiellement ou totalement – constituera une circonstance aggravante pour certaines infractions au même titre, par exemple, que celles commises avec violence, ou sur une personne vulnérable, ou à raison de l'ethnie, de la religion ou de l'orientation sexuelle de la victime.

Pensez-vous sérieusement que le port d'une cagoule peut justifier une aggravation de la peine – celle-ci pouvant aller jusqu'à sept ans, voire dix ans d'emprisonnement – au même titre que les circonstances aggravantes que je viens de citer, alors que le comportement délictueux visé est déjà réprimé sévèrement ?

Masquer son visage sera considéré comme une circonstance aggravante des violences volontaires, des vols aggravés, de l'extorsion, de la destruction du bien d'autrui, de la participation délictueuse à un attroupement et de la participation armée à un attroupement. Mais une fois de plus, le texte reste flou : la cagoule n'étant pas citée nommément, qu'en sera-t-il du port de lunettes de soleil ou, en hiver lorsqu'il fait froid, d'une écharpe sur le bas du visage, d'une frange un peu trop longue ou d'une barbe un peu trop touffue ?

Notons aussi l'absurdité du dispositif : ne seront en effet guère visés les auteurs de vols qualifiés comme le vol à main armée ou le vol en bande organisée relevant des articles 311-8 et 311-9 du code pénal. Les braqueurs de banques pourront donc continuer à se dissimuler le visage sans encourir d'aggravation de la peine, tandis qu'un manifestant jetant une pierre avec une cagoule sur le visage verra sa peine aggravée ! Telle est la réalité de ce texte.

Selon vous, l'article 3 aurait pour but de faciliter l'identification des personnes mises en cause dans le cadre des procédures judiciaires. Si ce n'était pas un sujet aussi grave, nous pourrions en rire. À quand la peine multipliée par deux pour tous les auteurs qui essuient leurs empreintes ou veillent à ne pas laisser d'empreintes ADN ?

Nous demandons donc simplement la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Nous avons fait tout à l'heure du droit comparé. Nous avons parlé avec le rapporteur du texte dont s'est dotée l'Allemagne le 18 juillet 1985, ce qui est d'ailleurs assez paradoxal si l'on songe que les black blocs, qui portent des cagoules, sont nés en Allemagne, qu'il y a eu le 1er mai, à Berlin, un défilé révolutionnaire de 1 500 personnes cagoulées sans que la loi soit appliquée. En effet, comme l'explique l'avocat général Bilger dans une note du 21 avril : « On l'a constaté en Allemagne, les forces de police éprouvent de grandes difficultés à faire respecter cette prescription. »

Ce sera la même chose pour cet article, et il suffit pour s'en convaincre de lire le décret du 19 juin sur les cagoules, qui punit d'amende le fait pour une personne, au sein ou aux abords immédiats d'une manifestation sur la voie publique, de dissimuler volontairement son visage, ce qui est également prévu par la proposition de loi de Christian Estrosi reprise par Éric Ciotti. Il y a en effet dans ce décret un alinéa qui est en soi un aveu de son inapplicabilité, puisqu'il dispose que « les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux manifestations conformes aux usages locaux ou lorsque la dissimulation du visage est justifiée par un motif légitime ». Si la ministre de l'intérieur, en publiant son décret, a pris la précaution de prévoir des dérogations, comme les usages locaux ou les motifs légitimes, c'est bien qu'elle pressentait quelques difficultés d'interprétation. Pourra-t-on évoquer, au moment de l'interpellation, le fait d'avoir une angine pour justifier le port d'un cache-nez ? Les militants qui manifestent contre la précarité des stagiaires en portant un masque blanc pour préserver leur anonymat et ne pas hypothéquer leurs chances de recrutement pourront-ils faire valoir cette dernière explication comme un motif légitime ?

Nous estimons que ce texte est flou, et donc dangereux. Ce n'est pas moi qui le dis mais Patrice Ribeiro, secrétaire général adjoint du syndicat Synergie Officiers, qui a affirmé lors de son audition qu'il serait quasiment impossible d'aller chercher des gens cagoulés au coeur d'une manifestation.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

L'avis de la commission est naturellement défavorable, et je relève beaucoup de mauvaise foi dans les interventions que je viens d'entendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Comment nier qu'il s'agit d'un problème grave, en essayant de le ramener à une question d'état grippal ? Capuche ou cagoule, il s'agit du fait de dissimuler son visage – et non les mains, madame Batho, puisque vous parliez de gants.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Le caractère intentionnel est clairement affirmé : il doit s'agir d'un acte volontaire.

Par ailleurs, monsieur Urvoas, vos propos sur les magistrats m'ont paru choquants. Je fais confiance au juge, à qui il reviendra d'apprécier les éléments matériels à sa disposition pour déterminer la circonstance aggravante.

Nous ne pouvons tolérer aujourd'hui – et certains événements récents nous le rappellent – la violence masquée. Le fait de participer à un attroupement en dissimulant volontairement son visage est inacceptable. Vous pourrez multiplier les arguments juridiques, il n'y a pas lieu de polémiquer : quand on n'a rien à se reprocher, on ne dissimule pas son visage, c'est du bon sens !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

La gauche défend la cagoule ! Blum doit se retourner dans sa tombe !

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Personne ne prétend que l'article 3 réglera tous les problèmes. C'est un levier parmi d'autres.

J'ai moi aussi entendu certains arguments spécieux dont celui-ci : vous avez pris l'exemple de la manifestation de Strasbourg pour extrapoler sur les manifestations qui n'avaient pu être empêchées en Allemagne malgré la législation. Mais tout le monde sait que si c'est à Strasbourg qu'ont eu lieu des incidents graves, c'est que de l'autre côté de la frontière, à Kehl, les contrôles autorisés par la législation ont eu un rôle dissuasif, tandis que, de ce côté-ci, les manifestants cagoulés ont pu s'en donner à coeur joie. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Vous avez cité tout à l'heure Alain Bauer. J'ai donc relu la page du rapport à laquelle vous vous référiez et me permets de le citer à mon tour ; il a dit que l'aggravation des peines pour les auteurs de violences dissimulant leur visage présentera un double intérêt : « prévenir les incursions de groupes violents dans les manifestations, en permettant aux forces de l'ordre d'intervenir en amont sur toute personne munie d'une cagoule ; contribuer à une meilleure identification des fauteurs de troubles, qui ne pourront ainsi plus dissimuler leur visage ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Il a aussi dit que ce serait difficile à appliquer !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vitel

Ce n'est pas parce que c'est difficile qu'il ne faut rien faire !

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Il y a dans cette discussion une confusion constante entre la faculté de dresser procès-verbal à un manifestant qui porterait une cagoule – ce qui est l'objet du décret – et la circonstance aggravante prévue à l'article 3.

Le décret, lui, a été examiné par le Conseil d'État : il est intéressant de noter qu'il ne parle pas de dissimuler son visage « en tout ou partie », mais de dissimuler « son visage », et dans des circonstances précises. Il indique en outre : « Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux manifestations conformes aux usages locaux ou lorsque la dissimulation du visage est justifiée par un motif légitime. » Le Conseil d'État a donc quelque peu encadré le dispositif.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

La discussion qui se noue autour des événements de Strasbourg est intéressante. Monsieur Raoult, si vous aviez été dans l'opposition lorsque ces événements se sont déroulés, avec ces longues heures durant lesquelles des policiers étaient pris au piège dans l'hôtel Ibis, ces longues heures qui ont commencé par l'attaque du poste de douane – dont les armes à feu auraient pu tomber dans les mains des casseurs – je pense que vous auriez demandé la démission du ministre de l'intérieur…

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

…parce qu'il y a eu à Strasbourg une grave faute de commandement ! Les renforts ont tardé à venir, l'information a mal circulé.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Vous êtes hors sujet !

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

C'est le sujet, puisqu'un certain Claude Guéant – qui est, je crois, secrétaire général de l'Élysée – a défendu, à la radio, le fait que l'essentiel du dispositif policier français était consacré à la protection des chefs d'État, et que par conséquent le quartier populaire avait été sacrifié.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

C'est un autre sujet !

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Ce n'est pas un autre sujet, puisque vous inventez que le problème résiderait dans la différence entre le droit français et le droit allemand concernant les cagoules. Il se trouve que la France, la chaîne de commandement française, a refusé les renforts proposés par la police allemande lors de l'attaque du quartier du Port-du-Rhin. Tout cela n'a rien à voir avec des histoires de cagoules, et moins encore avec les différences entre les législations française et allemande concernant les cagoules !

(Les amendements identiques nos 7 et 26 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 83 .

La parole est à M. Éric Raoult.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Nous avons parlé des manifestations, des cagoules, des capuches. Il y a aussi parfois le casque. Je pense, précisément, à un problème très grave dans un certain nombre de départements très urbanisés où les moyens de communication sont importants : le vol à la portière ou vol à l'italienne. En Seine-Saint-Denis, en 2008, nous avons enregistré 716 vols à la portière, soit deux à trois faits par jour.

M. le Premier ministre, invité par le député d'Aulnay-sous-Bois, est d'ailleurs venu avec Mme Alliot-Marie, alors ministre de l'intérieur, constater sur place, au carrefour de l'Europe, les faits précis. Ces délits touchent en majorité les plus vulnérables, comme les femmes et les personnes âgées, qui n'ont aucun moyen de se défendre.

Face à ces victimes potentielles, ce sont de véritables réseaux organisés en bandes qui se développent et opèrent à pied ou bien sur des scooters, souvent volés. Ils peuvent aussi opérer à la sortie des centres commerciaux, en repérant les utilisateurs de cartes de crédit puis en suivant les personnes seules, souvent des femmes qui font les courses. Ma propre épouse en a été victime, et je peux vous assurer, chers collègues, que ce sont des événements traumatisants.

Il devient donc nécessaire de combattre ce réseau, qui s'est lui-même baptisé « les portiéristes ». Cet amendement vise à préciser que les vols à la portière, qui donnent lieu à de multiples agressions, souvent commises par plusieurs individus, entreront dans le cadre des dispositions renforçant la lutte contre les violences de groupe.

On n'est pas ici dans le mouvement social, on n'est plus à Strasbourg ; on parle de cas concrets, que l'on peut connaître à La Courneuve ou aux carrefours du 12e arrondissement, et dans bien d'autres endroits.

Je vous retourne donc, chers collègues socialistes, votre proposition d'ouverture. Vous nous avez dit : ce texte est mauvais, nous ne savons pas si nous allons le voter, mais le problème existe et nous voulons déposer des amendements. Celui-ci est très concret, il porte sur un phénomène très grave, dont les femmes et les personnes âgées sont les premières victimes. Je vous fais donc la même offre que vous : adoptez cet amendement ! Je pense notamment à Daniel Goldberg, qui est un praticien de la sécurité au niveau local. Il sait que ce phénomène existe à La Courneuve. Le maire de cette commune m'en a parlé à plusieurs reprises et m'a indiqué qu'il interviendrait auprès du député de la circonscription pour que cet amendement puisse être voté.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Monsieur Raoult, le sujet que vous évoquez est grave. Le département des Alpes-maritimes a eu, avant celui de Seine-Saint-Denis, le triste privilège de connaître un grand nombre de vols à la portière. Nous avons contribué à régler ce problème par une coopération très étroite entre le conseil général et la sécurité publique. J'invite donc M. Bartolone à se rapprocher de nous : je lui dirai ce que nous avons fait, puisque nous avons financé des équipements techniques très pointus et que ces vols ont ainsi pu diminuer de 400 % en deux ans !

Sur le fond, je crois cet amendement satisfait par l'article 311-4 du code pénal : le vol avec violences est déjà un vol aggravé. Il ne faut pas, je crois, trop entrer dans le détail. Votre amendement est important et porte sur un sujet capital : on ne peut tolérer de voir ces situations perdurer, mais nous considérons qu'il n'ajoute rien au dispositif législatif actuel. Je vous demanderai de le retirer.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Je retire cet amendement.

Je propose néanmoins, monsieur le secrétaire d'État, que lors d'une prochaine visite à laquelle les trois députés de Seine-Saint-Denis appartenant à la majorité seront très heureux de vous convier, nous puissions sensibiliser les maires de ce département à la nécessité d'adopter la méthode Ciotti-Estrosi qui a fait diminuer le nombre de vols à l'italienne dans le département très touristique des Alpes-maritimes.

Nous avons, en Seine-Saint-Denis, une vraie difficulté à faire percevoir à l'opposition, qui y détient des responsabilités, qu'il est important que la sécurité, ce soit véritablement du concret, du pratique, du pragmatique, et pas de l'idéologique.

(L'amendement n° 83 est retiré.)

(L'article 3 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Je demande une suspension de séance, le temps pour le ministre de l'intérieur de nous rejoindre : l'article 4 concerne en effet l'enregistrement des interventions de la police nationale. Je ne crois pas que l'on puisse débattre de ce sujet hors de sa présence.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La suspension est de droit, mais j'en limiterai la durée à cinq minutes.

Article 4

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le mardi 30 juin 2009 à une heure dix, est reprise à une heure quinze.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La séance est reprise.

Je suis saisi d'un amendement n° 27 .

La parole est à Mme Delphine Batho.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Nous regrettons d'autant plus l'absence du ministre de l'intérieur que nous sommes pour l'enregistrement des interventions de la police et que nous proposons que les enregistrements soient versés à la procédure.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Défavorable. Nous considérons qu'il est important de maintenir le caractère facultatif du dispositif.

(L'amendement n° 27 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 28 .

La parole est à Mme Delphine Batho.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

L'article 4 de la proposition de loi est très mal écrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

D'ailleurs, M. Péchenard, directeur général de la police nationale, ainsi que tous les syndicats de police qui ont été entendus par la commission nous en ont dit le plus grand mal – je regrette d'autant plus que le ministre de l'intérieur ne soit pas là. Ils ne sont pas contre la généralisation de l'enregistrement vidéo des interventions de la police – c'est un élément de preuve qui pourrait être utile à tout point de vue – mais ils ne comprennent pas la rédaction de cet article qui reprend, pour partie, comme une sorte de copié-collé informatique, les dispositions concernant l'enregistrement vidéo de la garde à vue. Or les circonstances d'une interpellation et la logique de procédure pénale relative à la garde à vue sont deux choses extrêmement différentes.

Si, sur certains points, cet article copie les dispositions relatives à l'enregistrement audiovisuel des gardes à vue, sur d'autres points, il déroge au droit commun en faisant échapper l'enregistrement audiovisuel à la logique des pièces de procédure.

L'amendement n° 28 propose donc de remplacer, à l'alinéa 2 de l'article 4, le mot « peut » par le mot « doit ». Il s'agit d'affirmer dans la loi une volonté de généralisation de ces enregistrements audiovisuels des interventions de la police.

En fait, nous avons été assez étonnés d'entendre les policiers nous dire que, contrairement à ce qu'avait affirmé Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, sur la généralisation de la vidéo embarquée, il n'y aurait à l'heure actuelle que la BAC de nuit à Paris qui disposerait de caméras embarquées et que deux caméras sur trois seraient en panne. Nous assistons régulièrement à des effets d'annonce sur la généralisation de la vidéo embarquée ; en réalité, on se paie de mots puisque les équipements nécessaires ne sont pas mis en place.

Par ailleurs, il semble que, dernièrement, un système de caméra portative ait été expérimenté sur les tenues des policiers. Avant de légiférer, nous aurions aimé que le ministre de l'intérieur fasse le point sur cette expérimentation.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Défavorable pour les mêmes raisons.

(L'amendement n° 28 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 29 .

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

L'amendement n° 29 vise à supprimer l'alinéa 3 de l'article 4. Il convient en effet de s'interroger sur les dispositions de cet alinéa qui sont copiées sur celles de l'article 64-1 du code de procédure pénale concernant l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires des personnes placées en garde à vue pour crime, alors même que le procès-verbal rend compte de l'audition.

S'il s'agit de banaliser l'usage de l'enregistrement audiovisuel concernant les conditions d'intervention des policiers en dehors de la procédure de garde à vue, celui-ci doit avoir le même statut que toute pièce versée à la procédure. Pourtant, la rédaction actuelle de cet alinéa propose un statut dérogatoire au droit commun. Il convient de rappeler que l'article 114 du code de procédure pénale autorise en effet, et de façon générale, notamment :

La mise à disposition des avocats de la procédure – quatre jours ouvrables au plus tard avant chaque interrogatoire de la personne mise en examen ou chaque audition de la partie civile, ou, après la première comparution ou la première audition de la partie civile, à tout moment ;

La possibilité, pour les avocats des parties, de se faire délivrer, à leurs frais, copie de tout ou partie des pièces et actes du dossier ou d'en obtenir une copie numérisée ainsi que des copies d'expertise ;

La transmission d'une reproduction des copies à leur client alors qu'en toute hypothèse la transmission à un tiers est interdite.

Le droit en vigueur prévoit en outre qu'au bout de cinq jours le juge d'instruction peut s'opposer à la remise de tout ou partie de ces reproductions et à leur transmission au client.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Défavorable. Un enregistrement ne peut constituer une pièce de procédure comme une autre, comme un PV écrit, dont la photocopie est donnée à l'avocat. D'où un régime spécifique.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Défavorable. Je rappelle que les dispositions sur l'enregistrement des gardes à vue, qui datent de la loi du 5 mars 2007, sont l'extension de celles issues de la loi Guigou du 15 juin 2000, qui visaient à l‘époque la garde à vue des mineurs. Je ne comprends pas pourquoi vous contestez aujourd'hui une disposition que vous souteniez à l'époque.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Je pense que le rapporteur confond la règle procédurale et l'élément de preuve : c'est le défaut de preuve, en aucun cas la nullité de la procédure, qui, en droit pénal, conduit à la relaxe ou à l'acquittement.

(L'amendement n° 29 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 30 rectifié .

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

L'amendement n° 30 rectifié propose de porter le délai de conservation de l'enregistrement d'un mois à trois mois.

Les preuves constituées peuvent s'avérer utiles à bien d'autres procédures que dans la seule hypothèse de flagrant délit constaté par le service de police. Porter le délai de conservation à trois mois permettrait à tous les acteurs de se saisir de ces pièces qui semblent utiles et nécessaires à tous.

Nous ne comprenons pas bien les prudences excessives qu'expriment le rapporteur et le secrétaire d'État. Il nous semble que tous ceux qui sont concernés par la transparence de ce qui se passe dans les procédures devraient être attachés à la préservation de ces éléments d'enregistrement et à leur consultation par toutes les parties concernées.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Défavorable. Cet amendement introduit une lourdeur excessive en portant le délai à trois mois lorsqu'il n'y a pas d'information judiciaire ouverte.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

La lourdeur induite par cet amendement irait d'ailleurs à l'encontre du but recherché de favoriser et non de réduire ces enregistrements. J'ajoute qu'en cas de difficulté, notamment en cas de dépôt de plainte, il est toujours possible que la justice demande une conservation plus longue. L'avis du Gouvernement est donc défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

La rédaction de cet article est vraiment confuse.

Nous souhaitons, je le répète, que l'enregistrement des interpellations soit généralisé mais les circonstances d'une interpellation ne peuvent pas être rapprochées du cadre procédural de la garde à vue. On mélange les torchons et les serviettes ! Ce débat n'a rien à voir avec la loi sur la présomption d'innocence de 2000 modifiée en 2007.

Il existe aujourd'hui de nombreuses circonstances dans lesquelles un enregistrement audiovisuel est effectué, par exemple dans les transports en commun – les incidents de la gare du Nord ont ainsi été filmés. Cela permet de prouver qui a fait quoi. À ce moment-là, on extrait de ces enregistrements des photos parce qu'il est plus facile pour les magistrats de consulter des photos dans un dossier que de visionner tout un CD-ROM vidéo. Ces documents sont versés à la procédure, comme pièces cotées attestant le déroulement des faits, par exemple que tel individu qui portait un sweet-shirt jaune était présent ou que les policiers ont procédé de telle ou telle manière.

C'est le droit commun de la preuve. Aujourd'hui, les enregistrements audiovisuels ne posent aucun problème de preuve. D'ailleurs, quand Christian Estrosi voulait à toute force montrer, lors des auditions, que l'article 4 ferait de l'enregistrement audiovisuel une preuve, les policiers lui rétorquaient unanimement que c'était déjà une preuve aujourd'hui.

Après l'adoption de cet article 4, ce ne sera plus pareil. En effet, l'avocat n'aura plus accès à l'enregistrement puisque vous avez repoussé l'amendement n° 29 que nous venons de vous proposer. Vous dérogez à l'article 114 du code de procédure pénale. Désormais, l'enregistrement audiovisuel que vous versez au dossier ne sera plus mis à la disposition des avocats.

Pourtant, l'enregistrement n'est pas forcément un élément à charge pour les policiers, il peut être aussi un élément à décharge qui montre que telle interpellation faisant l'objet d'une plainte s'est déroulée normalement. Si on détruit tout de suite la bobine, on ne peut pas l'utiliser comme un élément de preuve qui permettrait de montrer la bonne foi de la police nationale, de prouver qu'elle a été confrontée à une rébellion, à des agissements violents.

Franchement, tel qu'il est écrit, cet article n'est ni fait ni à faire. La seule volonté du groupe socialiste, au travers de ses amendements, c'est de le rendre utile, alors que vous êtes en train de mettre en place un dispositif juridique tarabiscoté interdisant aux avocats de la défense de consulter l'enregistrement, ce qui pose un problème majeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 31 .

La parole est à M. François Pupponi.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

J'avoue ne pas comprendre le but de l'article 4. On sait que la police est parfois en difficulté lorsqu'elle intervient et qu'elle est systématiquement mise en cause par les délinquants sur les conditions d'interpellation. Régulièrement, les policiers sont obligés de se justifier, de démontrer qu'il n'y a pas eu de bavures, qu'ils ont fait leur travail dans de bonnes conditions. On comprend dès lors tout l'intérêt des films pour démontrer justement que la police fait bien son travail. C'est l'absence de films qui permet aux délinquants de mettre la police systématiquement en cause.

Nous étions donc plutôt favorables à l'enregistrement systématique des interventions, car nous pensons que la police républicaine n'a rien à cacher, qu'elle fait son travail de manière exemplaire, souvent dans des conditions difficiles. Or l'objet de l'article 4 est seulement de dire qu'on peut filmer, qu'on peut montrer le film mais juste dans certains cas, quand c'est demandé et encore pas à tout le monde. Et si ce n'est pas demandé, on détruit vite l'enregistrement. Cela induit une espèce de suspicion : on filme mais on ne veut pas le dire.

L'alinéa 5 est dangereux puisque, globalement, on va verrouiller la diffusion de ces films. Pourtant, la loi en vigueur punit déjà la diffusion d'informations en principe secrètes au travers notamment de l'entrave à l'exercice de la justice prévue à l'article 434-7-2 du code pénal – un délit puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende – ou de l'article 114-1 du code de procédure pénale, qui prévoit de façon générale l'interdiction de la reproduction ou de la diffusion des pièces ou actes d'une procédure d'instruction remises dans ce cadre. Donc, d'une part, les films qui servent une procédure sont déjà autorisés ; d'autre part, leur absence de diffusion est déjà prévue d'une manière plus large par un autre texte.

Quel est l'intérêt de rajouter un texte redondant pour limiter encore plus la diffusion de ces films alors que, je le répète, ils ont un intérêt principal, celui de démontrer que la police républicaine fait bien son travail et de lui permettre d'étayer encore plus ses procédures.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Défavorable parce qu'il est important de prévoir la sanction de la diffusion des images : des personnes entendues lors des auditions nous l'ont dit. Les images enregistrées hors du cadre d'une enquête judiciaire ne sont en effet pas couvertes par le secret de l'enquête ou de l'instruction.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Je voudrais que le rapporteur précise à qui l'alinéa 5 s'applique. S'applique-t-il par exemple aux policiers comme on l'a vu dans une affaire récente, lors d'une agression dans un bus qui a fait l'objet d'un film qui a circulé sur Internet. La peine prévue à l'alinéa 5 vise-t-elle le policier qui divulguerait un enregistrement en sa possession ou une personne qui serait présente sur la voie publique qui aurait filmé avec son téléphone portable l'intervention de la police et qui diffuserait ces images ? À qui s'applique l'alinéa 5 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 35 .

La parole est à Mme Delphine Batho.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Je regrette de n'avoir pas obtenu de réponse à la question que j'ai posée.

L'amendement n° 35 tend à rédiger ainsi l'alinéa 5 : « Sans préjudice des droits de la défense et des dispositions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal, le contenu des enregistrements est tenu secret jusqu'au jugement. Toutefois, afin d'éviter la propagation d'informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l'ordre public, le procureur de la République peut, en application et dans les conditions de l'article 11 du présent code, autoriser la publication ou la diffusion de l'enregistrement. »

Quand une intervention policière donne lieu à différentes interprétations, dont certaines peuvent être à l'origine de troubles, d'émeutes ou de violences, et qu'un enregistrement peut prouver la réalité des faits, ne convient-il pas de le diffuser ? L'amendement n° 35 tend à ouvrir cette possibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Dino Cinieri

Avis défavorable. La rédaction de l'amendement ne paraît pas adéquate. Pour atteindre cet objectif, qui peut paraître opportun, il aurait mieux valu proposer une modification de l'article 11 du code de procédure pénale.

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Déposez un sous- amendement !

(L'amendement n° 35 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 36 .

La parole est à Mme Delphine Batho.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

L'amendement n° 36 vise à compléter l'alinéa 6 de l'article 4. Dans une situation comme celle que je viens d'évoquer, si un enregistrement, qui pourrait prouver que les faits se sont déroulés comme l'ont indiqué les policiers, est inutilisable, le procureur de la République doit en être immédiatement informé. En effet, la bonne foi des policiers ne doit pas être mise en doute. Il ne faut donc pas que l'on puisse les suspecter d'avoir intentionnellement rendu un enregistrement inutilisable.

Debut de section - PermalienPhoto de Dino Cinieri

Défavorable. Il n'est pas possible de prévoir a priori un incident technique.

(L'amendement n° 36 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 38 .

La parole est à M. Dominique Raimbourg.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

L'amendement n° 38 vise à confier au Conseil d'État l'élaboration du décret qui fixera les conditions d'utilisation des enregistrements.

Une telle garantie paraît d'autant plus nécessaire que le dernier alinéa de l'article 4 est pour le moins curieux. En effet, soit les enregistrements peuvent prouver la culpabilité de quelqu'un, auquel cas ce sont des pièces de procédure, qui doivent être traitées comme un procès-verbal. Soit il ne s'agit pas de pièces à charge, et ils ne sont pas versés au dossier. Dans ce cas, leur mode d'utilisation et leur durée de conservation doivent être fixés par décret.

Quoi qu'il en soit, le sujet est suffisamment complexe pour que ce décret soit pris en Conseil d'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Dino Cinieri

Défavorable. Cette précision nous paraît inutile.

(L'amendement n° 38 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 4 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Prochaine séance, aujourd'hui mardi 30 juin, à neuf heures trente :

Questions orales sans débat.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mardi 30 juin 2009, à une heure trente-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma