Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Michel Françaix

Réunion du 9 juin 2011 à 15h00
Lutte contre le décrochage scolaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Françaix :

Monsieur le président, monsieur le ministre, à un an de la présidentielle, nous avons souhaité mettre la question scolaire au centre des débats, car celle-ci ne peut plus attendre. Trop souvent, votre majorité s'est contentée de demi-mesures – je n'ai pas prononcé le mot supercheries –, qui se superposent les unes aux autres, mais qui ne font pas une politique.

Au-delà d'une mécanique de cache-misère, consistant à rogner partout les dépenses au prétexte qu'elles ne seraient pas utiles, votre tolérance envers les inégalités est stupéfiante.

Vous me direz sans rire qu'il y existe une « une loi phare » qui instauré la suppression des allocations familiales pour lutter contre l'absentéisme. En fait, cette loi a touché tout au plus cinq à six familles qui ne reçoivent plus d'allocations familiales parce qu'elles se seraient rendues coupables des absences répétées de leur enfant.

Avouez que c'est un peu mince et que cette loi est tout à la fois inefficace, honteuse et en rien dissuasive. Cela procède de la même argumentation utilisée pour justifier la peine de mort. Or ce genre d'argument est vain. Vous aurez compris que notre texte n'a pas pour seule ambition de pourchasser et de stigmatiser, mais de redonner du sens à notre pacte éducatif.

Pour nous, l'école est l'institution reine, l'outil premier pour construire l'égalité des citoyens. Or le système scolaire est devenu un noeud majeur du pessimisme français, qui nous renvoie, à tort ou à raison, à la peur du déclassement.

Si, comme je l'ai dit, l'aspect quantitatif est nécessaire et la suppression de postes intolérable, le qualitatif est lui aussi primordial et ce texte de loi fait des propositions en ce sens.

Comment motiver et faire travailler efficacement les élèves ? Comment lutter contre la violence et les incivilités ? Comment les parents et les partenaires extérieurs de l'école peuvent-ils favoriser la sécurité des élèves ? Quel socle commun de connaissances, de compétences et de règles de comportement les élèves doivent-ils prioritairement maîtriser au terme de chaque étape de la scolarité ?

Enfin et surtout, puisque c'est l'objectif de notre proposition de loi, comment prendre en charge les élèves en difficulté pour éviter le décrochage scolaire ?

Les inégalités se sont creusées. La proportion des élèves en très grande difficulté scolaire est bien au-dessus de la moyenne de l'OCDE. Voilà une exception française dont nous nous serions bien passés. Elle fait peur et elle devient dangereuse.

Notre système scolaire doit s'adresser à tous les élèves et pas seulement aux meilleurs. Bien sûr, tout ne se fera pas d'un seul coup de baguette magique et notre texte n'a pas vocation à tout régler, car c'est une réforme en profondeur, dans la durée, sur un temps long dont nous avons besoin. Mais notre objectif – qui devrait être le vôtre – est de réarmer l'école au lieu de la désenchanter.

On sait qu'un manque d'investissements à la maternelle, voire dans les établissements de la petite enfance, a des répercussions sur le parcours scolaire.

Oui, il faut sauver les RASED en danger.

Non, l'exclusion sans accompagnement n'est pas une bonne réponse. Non, le décrochage ne se réduit pas à l'absentéisme.

Oui, il y a une corrélation entre échec et milieu social. Oui aux cellules de veille éducative dans tous les établissements scolaires.

Chers collègues, si vous savez que le taux d'échec scolaire est trop élevé ; si vous savez que nous sommes dans les derniers rangs pour la maîtrise du calcul en CM2 et en recul constant en ce qui concerne la maîtrise de la lecture ; si comme moi, vous constatez que l'école échoue dans sa mission fondamentale de correction des inégalités et que même souvent elle les renforce ; si vous sentez que continuer dans la même voie, c'est préparer des milliers de jeunes à Pôle emploi et à de petits boulots, voire à l'exclusion de toute vie sociale, et entraîner certains vers la délinquance ; si vous pensez que l'on ne peut plus se contenter de réforme à la marge, de rideaux de fumée, de recettes de communication, alors changeons de braquet et reprenez à votre compte cette proposition de loi.

Mais si vous choisissez l'attentisme, au prétexte qu'il faut prendre du recul, alors cette formule vous va comme un gant : l'immobilisme est en marche et rien ne l'arrêtera.

Nous ne pouvons nous contenter d'améliorations techniques, nous avons besoin d'une nouvelle vision, d'une évolution révolutionnaire. Il est temps d'admettre que l'éducation est la valeur sociale et éthique de base de notre société et doit être l'investissement premier de la nation française.

Oui, transformer profondément le pacte éducatif pour que l'école soit attrayante et la connaissance un plaisir, mais accepter que les enfants d'aujourd'hui ne sont plus ceux d'hier. Retrouvons, selon la jolie formule de notre rapporteur Yves Durand, le désir d'école ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion