Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Alain Kouck

Réunion du 26 janvier 2011 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Alain Kouck, président-directeur général d'Editis :

Pour les éditeurs, la plus grande révolution est non le numérique, mais le fait qu'Internet ait remis le lecteur ou l'utilisateur au centre du débat. Sur le plan économique, l'édition est un marché d'offre. Les éditeurs vendent 100 % de leurs ouvrages à des réseaux spécialisés : libraires, grandes surfaces spécialisées ou grande distribution. Avec ses 15 000 points de vente, la France dispose d'une force qui n'existe nulle part ailleurs. Le livre représente un chiffre d'affaires de 3,5 milliards d'euros et est de loin le premier secteur culturel de notre pays, avant la musique et le cinéma dont on parle pourtant davantage. C'est un des seuls à ne pas être subventionné, même s'il bénéficie d'un taux de TVA réduit.

La révolution créée par Internet dans le domaine du livre comme dans tous les métiers a introduit un lien avec le lecteur ou l'utilisateur, qui se trouve désormais au centre du débat. Ses souhaits et ses comportements sont davantage considérés. Cependant, les évolutions technologiques sont rapides et l'on ne peut pas encore savoir si, demain, nous lirons sur des ordinateurs, sur un iPhone ou sur un iPad.

Il est logique que les grands acteurs mondiaux qui ont anticipé ces évolutions se soient positionnés entre le lecteur ou l'utilisateur et les éditeurs ou les auteurs. Ira-t-on vers un métier d'offre ou de demande ? Pour l'instant, les éditeurs fixent le prix du livre, en fonction de critères de marché établis au fil des années en accord avec les libraires. Cependant, depuis près de dix ans, les grands acteurs mondiaux de la diffusion entendent le définir en fonction des attentes des lecteurs, qu'ils connaissent parfaitement. Les premières expériences ont permis de le fixer à 9,99 dollars. C'est ainsi que se sont constitués des réseaux dont il faut désormais tenir compte.

Pour que la création reste un métier d'offre, nous défendons avec beaucoup d'attachement l'indissociabilité du couple auteur-éditeur. On parle beaucoup de stars qui diffuseraient leurs oeuvres en se passant de tout éditeur, mais le « top 25 » des meilleures ventes en littérature ne représente que 5 % du chiffre d'affaires. Les 95 % restants concernent 60 000 auteurs, dont les éditeurs assurent la diffusion. Si les grandes surfaces spécialisées et les libraires résistent mieux que les acteurs du commerce traditionnel non spécialisés, c'est parce qu'ils savent présenter cette offre au public. Pour cela, ils doivent être présents et visibles – ce que permet Internet – et jouer un rôle de conseil. S'il faut tenir compte des nouveaux acteurs, qui ont toute leur place, n'oublions pas que la création restera toujours un métier d'offre. On a pu le constater dans d'autres domaines : même si l'on a accès aujourd'hui à 300 chaînes, la télévision reste aux mains des créateurs.

Une autre spécificité française est le livre de poche, qui représente 25 % des livres vendus, 100 millions au total. Quand la grande distribution a vu apparaître ce qui n'était à l'origine qu'un reprint du grand format, elle a pensé qu'elle n'avait plus besoin des éditeurs et pouvait elle-même fabriquer les livres. L'échec a été total, preuve que le couple auteur-éditeur est indissociable.

En matière législative, nous avons trois attentes.

Tout d'abord, un cadre juridique est indispensable. Celui qui existe est éprouvé, puisque, en France, le livre se porte bien. Servons-nous donc de ce qui a fait la force du secteur depuis la loi de 1981 sur le prix unique du livre.

Ensuite, il faut maintenir les conditions d'une réalité économique en appliquant au livre numérique le même taux de TVA qu'au livre papier. On préservera ainsi la rémunération des auteurs, sans lesquels nous n'existons pas. On répète souvent que le numérique coûte moins cher, puisqu'il n'y a ni stock ni fabrication ni diffusion. Or la commercialisation et la logistique d'un stock représentent 14 à 15 % de son prix, soit l'écart exact entre le taux de 19,6 % et celui de 5,5 %. Une TVA à 19,6 % annulerait totalement l'économie que le numérique permet de réaliser par rapport au support papier.

Enfin, il faut veiller à rémunérer tous les réseaux spécialisés, à commencer par les libraires et les grandes surfaces, qui ont soutenu l'économie du livre papier et doivent subsister. Face aux nouveaux acteurs, on doit conserver un pluralisme absolu. Pour la presse, on est venu à créer des subventions afin de permettre aux diffuseurs de subsister. Il serait préférable, dans le cas du livre, de maintenir un réseau qui fonctionne.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion