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Intervention de Bernard Depierre

Réunion du 7 juillet 2010 à 10h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Depierre, rapporteur :

Je souhaite tout d'abord remercier les membres de la mission qui se sont investis tout au long des sept mois qu'ont duré ses travaux, au cours desquels nous avons mené pas moins de quarante auditions et effectué trois déplacements.

Notre rapport fait l'état des lieux du retard alarmant qu'accuse notre pays dans le domaine des grands équipements sportifs couverts. Je reviendrai brièvement sur la problématique spécifique des grands stades, qui présente un caractère moins crucial dans la mesure où, à l'occasion de l'organisation de l'Euro 2016, quatre nouveaux stades verront le jour et huit feront l'objet d'importants travaux de rénovation.

Au cours des dix dernières années, nous n'avons construit aucune grande infrastructure couverte nouvelle. Le Palais omnisport de Paris-Bercy (POPB), qui est la première salle française en terme de capacité avec ses 15 000 places, se situe au vingt-cinquième rang européen et a déjà plus de vingt-cinq ans. Le Palais des sports de Pau, avec 8 000 places, se situe au cent cinquantième rang. Des villes comme Strasbourg, Nantes ou Nancy ont des salles d'environ 6 000 places et se classent au deux cent cinquantième rang.

Ce retard explique que nous n'organisions plus aucune grande compétition nationale de sport de salle. Les prochains championnats du monde de handball auront lieu en Croatie, alors que notre équipe nationale est championne d'Europe, championne du monde et championne olympique. Les championnats d'Europe de volley-ball ne se sont pas déroulés en France en 2007 et ne s'y dérouleront pas en 2012, tandis que les championnats du monde de basket-ball se dérouleront en Turquie cette année et en Espagne en 2014. En effet, nos équipements ne nous permettent plus de répondre aux cahiers des charges des fédérations internationales, même si construire de grandes infrastructures dans la seule perspective d'une grande manifestation sportive n'aurait pas de sens.

En natation, la grande piscine d'Aubervilliers, dont le projet avait vu le jour à l'occasion de la candidature de Paris aux Jeux Olympiques de 2012, n'est pas sortie de terre.

Notre pays ne compte aucune patinoire de plus de 3 500 places, et les joueurs des clubs évoluant en ligue Magnus jouent dans des salles de moins de 1 000 places. Nous ne disposons d'aucun équipement pour le patinage de vitesse et nos joueurs s'entraînent à l'étranger. Si la candidature de la ville d'Annecy aux JO de 2018 était couronnée de succès, nous pourrions alors disposer d'un anneau de vitesse et de deux patinoires de plus de 10 000 places.

Notre pays a vingt ou trente ans de retard, et ce constat a été unanimement dressé dans toutes nos auditions.

Dans le domaine des stades, l'organisation de l'Euro 2016 va être l'occasion pour les douze villes candidates de se doter ou de moderniser des équipements de plus de 35 000 places pour l'accueil du public, des journalistes et des entreprises désireuses de louer des loges. Certaines villes comme Lorient, Valenciennes et Le Mans, sans être candidates à l'accueil des matches de cette compétition, vont également rénover leurs stades.

On constate un décalage important entre le niveau auquel évoluent nos grands clubs de handball, de volley-ball, de basket-ball et de hockey sur glace, et celui des équipements dans lesquels ils jouent. Les communes sont propriétaires des infrastructures dans plus de 85 % des cas et en sont souvent également les exploitantes.

Alors que dans le football, des partenariats public-privé peuvent se mettre en place, les projets d'infrastructures couvertes n'attirent pas les capitaux privés. Les exemples de la grande salle de Villeurbanne ou du grand stade de Lille demeurent des cas isolés, et le plus souvent les projets reposent sur des initiatives des communes ou des intercommunalités.

S'agissant du financement, une salle de 8 000 places suppose un investissement d'au moins 150 millions d'euros. Une ville ne peut s'engager dans un tel projet, par exemple lorsqu'elle dispose d'un club résident, que si elle parvient à réunir d'autres partenaires. Rappelons à cet égard que le montant maximum accordé par le Centre national de développement du sport (CNDS) pour financer une infrastructure sportive atteint en pratique 2 millions d'euros.

S'agissant de l'exploitation, les clubs résidents sont de plus en plus désireux de se la voir confiée, ce qui est parfaitement envisageable à condition qu'ils assurent la polyvalence des usages : l'équipement doit pouvoir accueillir des manifestations culturelles ou des conférences et ses activités doivent être diversifiées afin d'assurer l'équilibre financier de l'exploitation.

Cet équilibre repose également sur la capacité, dès la conception de l'infrastructure, à en faire un lieu de vie avec des bars, des restaurants voire des garderies. Il convient d'envisager l'équipement dans toute sa durée de vie, et non se contenter de ne prévoir qu'une utilisation ponctuelle au coup par coup.

Les manifestations sportives impliquant un club résident ne représentent pas plus de vingt à vingt-cinq soirées par an. Dans tous les grands équipements étrangers, le sport ne représente jamais plus de 50 % des évènements qui y sont organisés. Au POPB, sur 120 manifestations annuelles, seules 30 sont des manifestations sportives.

Notre travail a été nourri par différents rapports : le rapport Arena 2015 de la commission Grandes Salles présidée par M. Daniel Costantini, le rapport de la commission Grands Stades Euro 2016 présidée par Philippe Séguin, le rapport de M. Éric Besson sur la compétitivité des clubs de football français et le rapport de M. Philippe Augier sur les grands événements.

Certains clubs du Top 14 de rugby seraient prêts à financer la construction de stades, les conditions dans lesquelles ils jouent actuellement ne leur donnant pas pleinement satisfaction : le Stade français joue au Stade de France, le club de Toulon au Stade Vélodrome de Marseille, Biarritz et Bayonne leur derby à Saint-Sébastien.

Pour combler notre retard, l'initiative des collectivités territoriales est indispensable, mais elle ne peut se passer de partenariats compte tenu des contraintes budgétaires qui pèsent sur elles.

L'exploitation a vocation à être confiée au club résident, afin d'assurer un meilleur accueil du public, mais aussi des entreprises qui louent des loges et des sièges « VIP », ce qui dans certains grands équipements étrangers peut représenter 20 % à 25 % des places.

Il est également essentiel de réserver des places gratuites destinées à l'accueil d'un public de jeunes, ce qui est certes envisageable dans des salles de très grande capacité, mais plus difficile dans des équipements plus modestes.

Les subventions publiques versées aux clubs sont plafonnées et ne peuvent excéder 2,3 millions d'euros. Pour équilibrer leur budget et soutenir la comparaison avec leurs partenaires européens, il est essentiel pour les clubs de pouvoir valoriser une grande infrastructure dédiée à leur pratique. Les joueurs de l'équipe de France de handball jouent pour un tiers d'entre eux à l'étranger, pour un tiers dans des salles de bon niveau et pour un dernier tiers dans des complexes évolutifs sportifs couverts (COSEC) ! Aucun club de basket-ball ni aucun club de volley-ball n'a récemment atteint une phase finale d'Euroligue ; le club de handball de Montpellier parvient à tirer son épingle du jeu et bénéficiera d'ailleurs dès la rentrée d'une grande salle de 9 000 places.

Environ cinq projets sont en cours de finalisation à Montpellier, à Dunkerque, à Bordeaux, à Marseille et à Orléans, tandis que les projets de Villeurbanne et d'Aix sont moins avancés.

En 2020, nous risquons le statu quo si l'État et les collectivités ne prennent pas le problème à bras le corps.

Équipements désuets, inadaptés aux exigences d'une retransmission télévisée, offrant de trop faibles capacités d'accueil du public et des entreprises locataires de loges : le constat est alarmant.

Il explique l'affaiblissement de notre capacité à organiser de grandes manifestations internationales, malgré les efforts accomplis notamment par M. Frédéric Jugnet, délégué interministériel aux grands évènements sportifs.

Seuls deux présidents de fédérations sportives françaises siègent dans les instances sportives internationales et l'influence de la France y est malheureusement marginale.

Quelles que soient les formules juridiques et financières retenues – exploitation par un club ou une société, il appartient aux collectivités territoriales de mettre en oeuvre des projets d'infrastructure.

Je regrette le rendez-vous manqué des Zéniths : notre pays compte 18 salles d'une capacité comprise entre 6 000 et 12 000 places dont la conception a malheureusement totalement privilégié les spectacles musicaux au détriment des compétitions sportives. Seul le Zénith d'Orléans est utilisé pour l'accueil de manifestations sportives, en l'occurrence de basket-ball.

J'ajoute qu'en tout état de cause, notre mission a jugé que les équipements temporaires ne constituaient pas une solution satisfaisante : coûteux, ils ne nous permettront pas de combler durablement notre retard.

Il convient d'aller vers des équipements polyvalents, lieux de vie pour le public, les pratiquants, les clubs, les locataires de loges et de places « VIP ». L'État devra y consacrer des financements, comme il l'a fait pour les stades dans le cadre de l'organisation de l'Euro 2016.

Il conviendra d'éviter l'écueil que nous avons constaté lors de notre déplacement à Athènes : des installations construites pour les JO de 2004, seuls un grand stade et une salle sont exploités dans des conditions satisfaisantes, grâce à deux clubs résidents, le Panathinaïkós et l'Olimpiakos, les autres équipements étant soit à l'abandon soit consacrés à d'autres usages que l'utilisation sportive. En dépit d'un parc d'équipement sportif très important, seules deux compétitions internationales ont été organisées à Athènes depuis la fin des JO. Il convient de ne pas construire de grandes infrastructures sportives dans la perspective d'une seule manifestation, mais de les bâtir pour permettre aux clubs résidents de fonctionner dans de bonnes conditions et pour, à terme, attirer de grandes manifestations.

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