Comores : accord instituant un partenariat de défense (n° 3598)
La séance est ouverte à dix-sept heures.
La commission examine, sur le rapport de M. Renaud Muselier, le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Union des Comores instituant un partenariat de défense (n° 3598).
Si ce texte n'est pas d'une grande complexité, il revêt une importance politique certaine, compte tenu des liens d'amitiés entre l'Union des Comores et la France et de la relation de long terme entre la France et de nombreux Etats d'Afrique.
Le partenariat de défense avec les Comores fait partie d'un ensemble de textes qui marquent la rénovation de nos accords de défense avec huit Etats africains : Cameroun, République centrafricaine, Comores, Côte d'Ivoire, Djibouti, Gabon, Sénégal et Togo. Lors de son discours prononcé le 28 février 2008 devant le Parlement d'Afrique du Sud, le Président de la République avait exposé les grandes lignes de la rénovation qu'il souhaitait : la fin des accords secrets avec les pays d'Afrique, tout accord militaire étant désormais public et soumis à l'autorisation de ratification du Parlement ; le refus de faire intervenir des troupes françaises pour régler des problèmes intérieurs, la seule exception étant constituée par les opérations sous mandat d'organes internationaux comme l'ONU, l'Union africaine ou l'Union européenne ; l'intégration de nos partenariats de défense dans le cadre de la force africaine en attente, en cours de constitution, qui doit permettre à l'Union africaine de disposer d'une force d'intervention et de stabilisation en cas de crise sur le continent africain. Cette force est prévue par l'article 5-2 du traité instituant l'Union africaine.
En application de la doctrine exposée par le Président de la République, la politique de défense de la France en Afrique repose désormais sur trois piliers : la fidélité aux pays avec lesquels nous unissent des accords, mais avec la rénovation de ces derniers ; l'action pour que l'Union européenne s'implique davantage dans la sécurité de l'Afrique, notamment depuis qu'a été signé en 2007 le partenariat stratégique entre l'Union européenne et l'Union africaine ; le fait de favoriser une approche africaine de prévention et de gestion des crises, en d'autres termes rendre les pays d'Afrique responsables de la sécurité sur leur continent.
Le partenariat de défense avec les Comores s'inscrit dans ce contexte puisqu'il vise à aider ce pays à moderniser ses forces armées et à s'intégrer dans la brigade Est de la force africaine, via un bataillon d'infanterie.
Notre coopération militaire avec les Comores était jusqu'alors régie par trois textes : l'accord de coopération en matière de défense signé à Paris le 10 novembre 1978 ; la convention du 4 août 1979 relative aux conditions du concours militaire technique français pour la formation, l'organisation et l'équipement des forces comoriennes, ainsi que pour la formation des stagiaires militaires comoriens dans les écoles et centres d'instruction militaires en France ; et enfin, la convention relative aux facilités accordées à la République française par la République islamique des Comores du 4 août 1979.
La coopération militaire entre nos deux pays était toutefois suspendue depuis 1999 en raison des dissensions sur Mayotte. Les Comores ont songé un temps à se rapprocher de l'Iran pour renforcer leur appareil de défense, avant de réaliser que la France demeurait pour elles un partenaire plus fiable. Aussi des négociations pour rénover notre partenariat ont-elles commencé en juin 2009, qui ont abouti à la signature de l'accord que nous examinons, le 27 septembre 2010.
Pour la France, trois raisons rendent cet accord intéressant. Le fait que l'Union des Comores est un Etat frontalier de notre pays, puisqu'elle jouxte Mayotte et que nos domaines maritimes sont mitoyens. Il s'agit donc de renforcer les capacités d'un Etat voisin. Je rappelle que chaque crise aux Comores s'accompagne d'un flux supplémentaire de clandestins à Mayotte. Par ailleurs, nos deux pays sont unis par des liens d'amitié et de coopération. Mon rapport rappelle l'ensemble des programmes d'aide de la France, via l'Etat et certaines collectivités territoriales de métropole et d'outre-mer. Il rappelle également que de nombreux Comoriens, certains disposant de la double nationalité, vivent en Provence et en région parisienne et contribuent à notre économie. Cette politique de coopération demeure indispensable pour assurer le développement d'un archipel encore marqué par une grande pauvreté. Enfin, si la France dispose de forces à Mayotte, qui lui permettent d'observer ce qui se passe dans le canal du Mozambique, il est intéressant pour elle de contribuer au renforcement de la défense d'un pays lui-même placé sur ce canal. Ce dernier n'est pas une route stratégique d'une importance vitale, mais le trafic pétrolier qui y passe n'est pas négligeable.
Dans ses grandes lignes, ce texte met en premier lieu fin à la clause qui prévoyait un engagement quasi automatique de la France en cas d'agression à l'encontre de l'Union des Comores et indique clairement que la France n'a pas non plus vocation à intervenir dans l'archipel en cas de crise intérieure. Ce dispositif est logique dès lors qu'il s'inscrit dans une politique visant à donner aux pays africains l'entière maîtrise de leur défense et à les encourager à bâtir la force africaine en attente. L'objectif est l'établissement d'un instrument de sécurité collective sous l'égide de l'Union africaine, dans le respect de la charte de l'ONU et dans le cadre du partenariat stratégique entre l'Union africaine et l'Union européenne.
En deuxième lieu, il met en place un partenariat de défense que je qualifierai « à géométrie variable ». La coopération française permettra aux Comores de bâtir leur défense pour leurs besoins propres, mais également de pouvoir s'intégrer aux opérations conduites dans un cadre multilatéral par l'Union africaine. Enfin, la France fera bénéficier les militaires comoriens de programmes de formation. Le reste du dispositif est très classique et n'appelle pas de commentaire particulier.
En résumé, le nouveau partenariat de défense permet de renforcer des liens d'amitié très anciens et d'adapter notre politique de défense à la nouvelle réalité du continent africain, qui souhaite prendre en charge sa sécurité.
C'est un accord similaire à ceux signés avec d'autres pays africains. Pourriez-vous nous en dire plus sur l'état des forces des Comores ?
Si j'ai bien compris, la France assurerait la formation d'un bataillon intégré à la brigade Est de la force africaine en attente. Où en sont-ils et où en est cette brigade ? L'objectif prévu et repoussé à 2015 pour le caractère opérationnel de ces forces sera-t-il maintenu ?
Les différentes composantes de la Force africaine en attente devraient être organisées et gérées à l'échelle des organisations économiques régionales, notamment la CEDEAO, la Communauté sud-africaine de développement, la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale. L'effectif de chaque composante devrait avoisiner 6 000 personnes.
Un certain nombre de militaires ont été formés en France et sont retournés sur place. Le niveau de la formation militaire française est bon et facilite le contact entre nos deux pays.
La réponse concernant les effectifs n'a pas été formelle de la part de nos partenaires, compte tenu de l'organisation militaire de ce pays, et ce chiffre ne m'a pas été transmis. Ils souhaitent avoir des relations très fortes avec nous.
Non, ce sont des travaux qui ont déjà été engagés sur place, ce sont des coopérations existantes. Cela s'inscrit dans le mouvement de rénovation de nos accords de défense avec les huit Etats africains, décidé par le Président de la République.
Je voudrais ajouter en conclusion que cet accord est très important pour les relations entre nos deux pays et pour les Comoriens vivant en France. Cela montre bien, qu'au-delà de cette période de crise et des difficultés du continent africain, les contacts continuent et la communauté comorienne en France y est très sensible.
Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 3598).
La séance est levée à dix-sept heures quinze.