Avis sur les crédits de la mission Aide publique au développement du projet de loi de finances pour 2012
La séance est ouverte à dix-sept heures.
La commission des affaires étrangères examine pour avis, sur le rapport de Mme Henriette Martinez, les crédits de la mission Aide publique au développement du projet de loi de finances pour 2012.
J'aurais souhaité entamer la présentation des crédits de la mission aide publique au développement d'une manière moins critique que l'an dernier, mais malgré les engagements écrits des ministres, cette année encore, et sans explication, nous ne disposons pas aujourd'hui de l'ensemble des documents budgétaires qui nous permettraient d'avoir une vision d'ensemble de l'effort de la France. Le document de politique transversale ne sera mis en ligne sur le site du ministère des finances qu'à la fin de la semaine. Pour la deuxième année consécutive, nous sommes dans l'incapacité de pouvoir procéder à une analyse exhaustive de notre politique d'APD, analyse d'autant plus importante que les crédits de la mission ne représentent que le tiers de l'effort global : nous déclarons au CAD de l'OCDE quelque 10 milliards d'euros par an, nous n'en examinons que 3,3 au titre de la mission.
Cela étant, les politiques d'aide au développement ont été marquées par une forte évolution au cours de l'année qui s'achève.
En premier lieu, le Président de la République a voulu faire de la présidence française du G8 et du G20 des temps forts en ce qui concerne l'APD. Lors des sommets de Toronto et de Séoul, le G8 et le G20 se sont fixés des objectifs nouveaux et précis en matière d'aide au développement. A Séoul, notamment, un plan d'action pluriannuel a été approuvé, et il est revenu au Président de la République de commencer sa mise en oeuvre. Il a choisi de mettre en avant les domaines des infrastructures et de la sécurité alimentaire. Cette année a aussi été l'occasion de poursuivre le plaidoyer de la France en faveur des mécanismes de financements innovants du développement, sujet sur lequel notre pays est l'un des moteurs de la communauté internationale depuis l'adoption de la taxe sur les billets d'avion. L'instauration d'une taxe sur les transactions financières est désormais au coeur de la réflexion et nous verrons si le sommet de Cannes permettra d'avancer, alors même que certaines dissensions existent encore.
Ces financements additionnels sont d'autant plus importants que les besoins restent considérables : le bilan des OMD est mitigé, il varie considérablement selon les régions, et, pour ne prendre qu'un seul aspect, la sous-alimentation n'a jamais touché autant de personnes. La croissance de la population, notamment en Afrique subsaharienne, est porteuse d'enjeux très lourds. L'Afrique comptera près de 2 milliards d'habitants en 2050 et cela représente des défis colossaux en termes de croissance économique, de production agricole, ou de développement des infrastructures. Les financements additionnels sont également essentiels compte tenu de l'actualité : le Printemps arabe et la transition démocratique dans les pays du sud de la Méditerranée ont imposé aux membres du G8 de réagir en urgence et de dégager quelque 40 milliards de financements nouveaux.
Nous sommes dans un contexte global qui évolue considérablement, et très vite. L'aide au développement reste une politique complexe et dans laquelle de très nombreux acteurs interviennent, mais alors que l'on connaît les difficultés de coordination ou les questionnements sur l'efficacité de l'aide, le G20 reprend en main des thèmes dominants et fait preuve d'une très grande réactivité qui marque le paysage de l'APD mondiale.
Dans ce cadre, la politique française n'a pas à rougir. Malgré les circonstances budgétaires difficiles actuelles, notre pays reste l'un des tout premiers contributeurs mondiaux, toutes modalités confondues. Certains pays voisins, comme l'Espagne, réduisent d'ores et déjà leurs budgets. D'autres recentrent considérablement leur effort, comme le Royaume-Uni. Notre pays maintient un effort large, tant en ce qui concerne la géographie de son aide que les thématiques sur lesquelles il intervient. Un effort important de rationalisation est en cours, qu'il faut saluer, même si un certain nombre de critiques restent de mise, notamment sur quelques points : le pilotage de l'aide qui reste perfectible, malgré certaines améliorations récentes ; les déséquilibres récurrents, en matière d'instruments : nous restons dans un schéma dans lequel les prêts priment sur les dons, comme le multilatéralisme sur le bilatéralisme, tandis que notre assistance technique reste à l'étiage, par comparaison avec celles de l'Allemagne ou du Royaume-Uni. Après une baisse de près de 70 %, l'effort de remise à niveau de notre assistance technique sera nécessairement long ; les effets d'affichage : les écolages représentent aujourd'hui près de 700 millions d'euros ; de même que les annulations de dettes, dont de très importantes sont prévues avec des pays comme la RDC, le Cameroun ou la Guinée. Il est important que l'effort considérable de notre pays paraisse sincère, lisible et prévisible.
Pour clore le chapitre des critiques, je reste toujours perplexe sur la concordance entre les discours et les actes. Je ne suis pas vraiment certaine, notamment, que les 14 pays pauvres d'Afrique subsaharienne que le CICID de 2009 a définis comme prioritaires le soient réellement, en termes d'affichage, en tout cas. Si l'on en juge par les tableaux publiés, non seulement ces pays ne sont pas parmi les 10 ou 20 pays recevant le plus d'aide de la part de notre pays, mais ils cèdent souvent le pas devant un certain nombre de pays du G20 ! Il est regrettable de trouver dans les tableaux qui présentent l'aide de la France, parmi les principaux bénéficiaires, selon les années, la Chine, le Brésil, le Mexique, l'Indonésie, ou la Turquie ! Ce classement, qui fausse la vision de notre politique d'aide, s'explique par le fait que nous agrégeons toutes les données possibles, écolages, prêts, annulations de dettes, etc. Cela ne reflète en aucune manière l'ambition de notre APD, ni ne répond aux critères que l'on a définis. Même si la proportion des dons aux pays d'Afrique subsaharienne et aux PMA est respectée, à niveau global il en va différemment.
Cela étant dit, on ne peut que se féliciter de voir les engagements du triennum respectés. Le budget de la mission est maintenu, comme l'ont dit Alain Juppé et Henri de Raincourt lors de leurs auditions. Si le MAEE doit prendre sa part de l'effort de l'Etat aux mesures anti-déficit voulues par le Premier ministre, de 1 milliard d'euros, l'APD en a été exonérée et a échappé au coup de rabot. C'est une bonne nouvelle, qui traduit la priorité que la France accorde à cette politique. Concrètement, les CP restent rigoureusement stables, à 3,3 milliards d'euros, comme en 2011 et en 2013, conformément à ce que la loi de programmation des finances publiques a prévu.
Pour autant, je ne suis pas en mesure de vous dire ce qu'il en sera de l'effort global de la France pour l'an prochain, c'est-à-dire si les 10 milliards seront maintenus : la politique transversale d'aide au développement concerne quelque 23 administrations et si les crédits de la mission sont maintenus, qu'en est-il en revanche de ceux des autres administrations ? Nul ne peut donc dire aujourd'hui quel sera le niveau de notre effort l'an prochain, si le taux de 0,5 % de notre RNB que nous avions atteint l'an dernier, sera ou non maintenu ni, a fortiori, si cet effort atteindra tendanciellement le taux de 0,7 %.
Les principaux points à relever, quant aux crédits des trois programmes de la mission, sont les suivants.
Le programme 110, « aide économique et financière au développement », géré par le ministère des finances, comporte des crédits multilatéraux qui correspondent pour l'essentiel aux contributions de la France aux institutions financières internationales, notamment aux Fonds de développement des banques multilatérales ou régionales de développement, ainsi qu'à l'AID, guichet concessionnel de la Banque mondiale. Les crédits bilatéraux ici concernent notamment la rémunération de l'AFD. La dernière action de ce programme porte sur le traitement de la dette multilatérale. Dans son ensemble, pour le programme 110, sont prévus quelque 1,2 milliard d'euros de CP, et 628 millions d'euros d'AE.
Le programme 209, « solidarité à l'égard des pays en développement », est géré par le MAEE. Il constitue le coeur de notre action et représente la part la plus importante de la mission, puisque sont prévus 2,098 milliards d'euros en AE et 2,113 milliards d'euros en CP au total. Déductions faites des dépenses de personnel et de fonctionnement, cela représente en crédits d'intervention, 1,83 milliard d'euros en AE et 1,85 milliard d'euros en CP. Ce programme se décline entre actions bilatérales, multilatérales et européennes. Un certain rééquilibrage entre le multilatéralisme et le bilatéralisme est annoncé dans le projet annuel de performances. Je ne suis pas certaine qu'il se traduise réellement dans les chiffres : d'une part, les crédits multilatéraux, sur l'ensemble de la mission, représentent quelque 65 % du total ; d'autre part, une lecture fine montre que les CP du bilatéral passent à 30,8 % du total contre 31,6 % en 2011, que les CP demandés pour le multilatéral sont stables en AE mais progressent légèrement en CP. En ce qui concerne la part communautaire, les AE diminuent, mais les CP restent stables, à 37,7 %. Le rééquilibrage, s'il y a, est donc des plus modérés.
Il faut toutefois se féliciter d'une décision intéressante : la Commission européenne a diminué ses prévisions d'engagements pour le FED pour l'an prochain. Notre contribution au FED sera donc mécaniquement l'an prochain de 797 millions d'euros, et cela reste un poste très important de notre effort. Il en résulte, par rapport aux plafonds prévus initialement, une diminution de notre contribution de 26 millions d'euros pour l'an prochain, que le gouvernement a décidé de maintenir dans le programme et de ne pas reverser au budget de l'Etat. C'est un point positif et il faut le souligner. Il a été indiqué que cette somme serait redéployée en faveur de priorités sectorielles et géographiques, et notamment affectée à des projets mis en oeuvre par l'UNICEF pour la scolarisation des filles au Sahel et en Côte d'Ivoire, à l'augmentation de la contribution française à l'UNRWA, ainsi qu'au financement du sommet de la Francophonie qui se tiendra l'an prochain à Kinshasa. Une participation accrue au Centre de Marseille pour l'intégration est également prévue et s'inscrit dans le cadre du soutien aux printemps arabes par le Partenariat de Deauville dont je vous ai parlé.
Les CP destinés à l'aide projet sont en diminution par rapport à l'an dernier, mais les AE restent stables, ils sont même en augmentation, sur le triennum. Les crédits de la coopération multilatérale sur ce programme restent stables, l'augmentation de la contribution de la France au Fonds mondial sida étant assumée par la taxe sur les billets d'avion.
Depuis la suppression du ministère de l'immigration, le dernier programme de la mission, le 301, « développement solidaire et migrations », est désormais géré par le ministère de l'intérieur. C'est un très petit budget, sans changement par rapport à l'an dernier. Les dispositions relatives à l'épargne des migrants, les comptes de codéveloppement, qui avaient été instaurées il y a quelques années, sur lesquelles j'avais eu l'occasion de faire quelques analyses critiques dans un précédent rapport, ont été supprimées après avoir fait la preuve de leur inutilité et surtout, de leur manque d'adéquation par rapport aux réalités et aux attentes des intéressés. Le nombre d'accords bilatéraux conclus avec les pays du sud est resté rigoureusement stable : malgré les souhaits du gouvernement en la matière, aucun nouvel accord n'a pu être conclu en 2011. Les crédits prévus à ce programme permettent de mettre en place des actions complémentaires de celles que le MAEE conduit, plus particulièrement axées sur le développement de projets portés par les migrants.
Telles sont les principales observations qu'appellent les crédits prévus pour la mission APD dans le PLF 2012 que je vous invite à adopter, malgré mes critiques, formulées dans un esprit comme toujours constructif. Je ferai deux conclusions sur les perspectives positives de l'APD de la France et dans le monde : en matière d'efficacité de l'aide, la conférence de Busan dans quelques jours en Corée sera l'occasion de faire le point sur les avancées de la Déclaration de Paris. Les rapports de l'OCDE montrent que des progrès ont été faits, mais modestes et qu'ils sont surtout le fait des pays récipiendaires plus que des donateurs ; ensuite sur les financements innovants, il faut espérer que malgré la tourmente actuelle, le sommet de Cannes réussisse à faire émerger un consensus. La France, en tout cas, travaille dans cette perspective.
Je voudrais d'abord féliciter notre rapporteure qui a toujours beaucoup de rigueur dans son analyse. Nous pouvons effectivement nous réjouir que la France reste grand contributeur. J'ai deux questions. Premièrement, comment le pilotage de l'aide publique au développement que vous avez évoqué peut-il être amélioré ? Deuxièmement, cela avait fait l'objet de débats dans notre commission, les dividendes de l'Agence française de développement lui sont-ils désormais affectés ?
Le pilotage de l'aide apparaît complexe. Il est régi par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, qui se réunit théoriquement tous les deux ans et aurait dû se réunir en juin dernier. Il est présidé par le Premier ministre et cordonne les politiques des différents ministères. Ce comité s'est réuni en juin 2009 et a défini dans le document de pilotage de grandes orientations, auxquelles personnellement j'adhère. Je pense qu'on ne peut qu'y adhérer en termes géographique et sectoriel même s'il y a quelques améliorations à apporter sur le plan géographique. Il y a également le document stratégique et le document de l'Agence française de développement. Il y a donc beaucoup de documents différents dont la cohérence n'est pas forcément évidente.
Je regrette que notre commission n'examine que 3,3 milliards d'euros sur les 10 milliards de crédits de l'aide publique au développement. Les autres crédits dépensés par d'autres ministères ne sont pas analysés dans l'esprit du CICID et par rapport aux objectifs fixés par le gouvernement. Les ministères ne participent pas tous au CICID et on a l'impression qu'ils ont des politiques de coopération qui ne sont pas coordonnées et qui ne contribuent pas forcément à l'objectif de ce dernier. C'est là que réside la complexité : deux tiers des crédits de l'aide publique au développement échappent donc au vote de la mission « Aide publique au développement » et ne peuvent être contrôlés.
Sur les dividendes de l'Agence Française de Développement, nous avons demandé que cette question soit réglée depuis des années, et encore cette année lors de la définition du contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD. Elle n'a pas été intégrée dans le COM et nous l'avons tous regretté. Néanmoins, ce dernier a été accompagné d'une lettre du ministère des finances précisant les modalités selon lesquelles l'Etat laissera une partie des dividendes à l'AFD. Je remercie à ce propos le Président de la commission de s'être fait l'écho de notre volonté en adressant un courrier à Bercy. Ce n'est pas dans les proportions que nous avions souhaitées mais l'Etat prélèvera finalement 75 % du résultat net de l'agence jusqu'à 75 millions d'euros et 50 % entre 75 et 140 millions d'euros. Plus les rentrées d'argent de l'agence sont importantes et plus elle y gagne. Au-delà de 140 millions d'euros, rien n'est prévu.
J'avais observé l'année dernière que le rapport de Mme Martinez avait été précédé par un avertissement cinglant qui n'a pas été suivi d'effets. J'ai donc beaucoup de respect et de considération pour le travail qu'elle fait dans des conditions aussi inacceptables. Nous avons aussi l'impression d'être méprisés et de ne pas travailler dans des conditions convenables. Si je présentais un projet de budget devant mon conseil municipal dans ces conditions, il ne serait pas adopté et ferait tout de suite l'objet de tous les recours. J'espère que les regrets que vous avez formulés l'année dernière et cette année ne seront pas des regrets éternels.
Sur le financement de l'aide publique au développement dans le secteur de l'eau, la France s'était engagée en passant de 104 millions d'euros en 2001 à 559 millions en 2002 mais la part des dons est passée de 48 % à 11 %. L'aide est surtout constituée de prêts, en milieu urbain, au profit d'Etats solvables, ce qui n'est pas du tout conforme aux objectifs du millénaire pour le développement et à la pratique de nos partenaires. Comment peut-on justifier la singularité de la politique française, notamment à propos de l'Afrique subsaharienne alors que l'Afrique va être le principal moteur de la croissance démographique mondiale et que nous aurons du mal à assurer l'approvisionnement en eau et son traitement ?
Concernant le financement de la lutte contre le changement climatique dans les pays en développement, la France s'est engagée à Copenhague à verser 1,26 milliard d'euros sur la période 2010 à 2012. Le Président de la République avait précisé que 20 % seraient alloués à des actions de réduction des émissions liées à la déforestation dans ces pays. Où en est-on de la consommation des crédits des financements en cause ? J'ai l'impression que tout n'avance pas comme il aurait été souhaitable.
Ma dernière question porte sur les financements innovants, qui ne seront pas toujours utilisés conformément à leurs objectifs. La mise en place d'une taxe sur les transactions financières est envisagée par plusieurs pays. Elle est censée financer les agences sociales et environnementales mondiales. A-t-on des garanties de la part du Gouvernement que cette taxe sera additionnelle et que le produit sera affecté aux objectifs initialement définis ?
Concernant la question de l'eau, je ne peux pas vous donner de chiffres. La part globale des dons est en effet très réduite : 321 millions en crédits de paiement et 324 millions en autorisations d'engagement. Les dons sont réservés à des secteurs et pays prioritaires et conformes aux objectifs du CICID : 67 % vers les pays les moins avancés et 61 % vers l'Afrique subsaharienne. Ils sont plutôt affectés aux secteurs sociaux et éducatifs qu'on ne peut financer par les prêts. Dans le secteur de l'eau, on a en effet plutôt tendance à utiliser des prêts, quitte à avoir des prêts concessionnels car on peut les amortir à long terme.
Concernant les financements contre la déforestation, je n'ai pas de réponse précise à vous donner. Une partie des crédits de l'écologie sont sur l'aide publique au développement et l'autre sur le ministère de l'Ecologie.
Sur la taxe sur les transactions financières, je me pose la même question que vous. J'ai participé à une réunion organisée dans le cadre du G20 la semaine dernière, ouverte par le Président de la République et présidée toute la journée par M. Henri de Raincourt. Les propos du Président de la République ont été très clairs : ces financements seront utilisés pour financer le développement. Je n'ignore pas que des tentatives de récupération existent et il faut rester vigilant. Les ambitions du gouvernement sont claires pour mettre en place cette taxe. Nous n'en sommes pas à discuter son montant. La France doit être dans un groupe pilote et on doit garantir son affectation au développement et à la préservation des biens publics mondiaux. Le Président de la République avait dit l'année dernière au sommet d'Addis Abeba qu'elle serait mise en place avant la fin de l'année à l'initiative de la France avec un petit groupe de pays. Nous espérons donc une bonne nouvelle au sommet de Cannes.
Je voudrais remercier la rapporteure et saluer la rigueur intellectuelle avec laquelle elle mène chaque rapport dans cette commission. C'est un budget de reconduction, nous sommes loin d'atteindre les objectifs du millénaire pour le développement et le taux de 0,7 % du produit intérieur brut affecté à l'aide publique au développement. Je rappelle les objectifs du millénaire pour le développement : réduire la pauvreté, assurer l'éducation primaire pour tous, réduire la mortalité infantile, combattre le sida et les épidémies.
Le budget, s'il reste stable dans les crédits de paiement, diminue dans les crédits d'engagement. En 2008, le budget de cette mission était de 7,5 milliards d'euros contre 3,3 milliards aujourd'hui selon l'OCDE. Les allégements de dette ne contribuent pas directement à la lutte contre la pauvreté, ni même les prêts à taux faibles. J'observe qu'il y a un ciblage sur certains pays d'Afrique dont on peut s'interroger sur l'utilisation des fonds. Je vous cite M. Biya, le dictateur du Cameroun, dont le pays est le 3ème bénéficiaire de l'aide publique au développement.
La réduction des crédits de coopération multilatérale et la baisse des aides apportées aux organisations non gouvernementales sont à noter. Ces dernières veulent un ciblage plus précis des crédits de l'aide publique au développement, qui est actuellement plus ciblée sur certains pays à revenus intermédiaires. Que viennent faire l'aide apportée pour l'électrification d'une ligne de chemin de fer en Chine ou l'aide pour la construction d'un tramway aérien en Colombie ? Ce budget de reconduction n'est pas à la hauteur des besoins. Pour ces raisons, nous ne le voterons pas. Nous sommes attachés depuis longtemps à la taxe sur les transactions financières, j'espère qu'il y aura des avancées au G20 à Cannes. Sinon, c'est à désespérer de la solidarité internationale et du besoin d'aider les pays en difficulté.
Tout en respectant l'avis émis par notre collègue, je souhaite apporter certaines précisions. D'abord, concernant les CP et les AE, il convient de les apprécier dans le cadre du triennum, car sur trois ans on s'y retrouve. Concernant les annulations de dettes, dès lors qu'il y a des C2D, on concourt à la baisse de la pauvreté par les actions mises en oeuvre en contrepartie du désendettement. Concernant le budget des ONG, il est passé depuis le début de la législature, en pourcentage de l'APD, de 1,54 %, à 2,08 %, après 2,18 et 2,28 % en 2008 et 2009. Enfin, s'agissant du métro de Medellin, il a été construit par une entreprise française, Alstom, au moyen d'un prêt dans le cadre de la reconstruction d'un bidonville et il semble avoir transformé la vie des habitants. Il y a bien sûr des intérêts économiques, mais il y a aussi un savoir-faire français en matière d'urbanisme. Si des prêts permettent des transferts de compétences, pourquoi pas, mais il est vrai qu'ils viennent gonfler artificiellement le montant de l'APD française.
Le président Axel Poniatowski. Si le métro de Medellin n'avait pas été financé par un prêt APD, Alstom n'aurait pas pu en assurer la construction.
Je souhaiterais féliciter la rapporteure et lui poser trois questions. D'abord, l'augmentation en faveur du Fonds mondial devait être de soixante millions d'euros. Or, il est question de 40 millions d'euros financés par la taxe sur les billets d'avion. Comment est financée la différence ? Lorsque j'avais interrogé il y a quelques mois le ministre de la coopération, il m'avait été répondu que le financement serait assuré, non par cette taxe, mais par des financements innovants, parmi lesquels la taxe sur les transactions financières. Ce n'est pas le cas, même si l'on peut espérer une avancée au G20 de Cannes.
Ensuite, dans le rapport sur l'aide au développement de M. Jean-Paul Bacquet et Mme Nicole Ameline, la baisse des contributions au FED était bien plus importante que les 26 millions que vous avez évoqués. On avait également compris que si des économies étaient constatées, elles seraient sanctuarisées et viendraient abonder des actions bilatérales. Or, une grande partie des 26 millions servira à financer l'Unicef.
Enfin, parmi les quatorze pays prioritaires, ne figure pas le Burundi, pays francophone, alors qu'un pays comme le Rwanda qui a rejoint le Commonwealth y figure. Cela fait plusieurs années que je plaide en faveur de l'intégration du Burundi à cette liste et je souhaiterais que cette position soit encore relayée.
Concernant le Fonds mondial, la contribution est de 360 millions, dont 60 millions d'augmentation financée par la taxe sur les billets d'avion. La différence s'expliquerait par l'augmentation prévisionnelle du produit de la taxe.
Concernant le FED, la contribution a beaucoup diminué, en 2011 déjà. Comme l'an passé, on constate des économies mais la contribution est faite sur cinq ans et le décaissement est variable d'une année sur l'autre. Le montant est cette année de 26 millions d'euros. Quant à leur affectation partielle à l'Unicef, c'est pour du bi-multi, c'est-à-dire une délégation donnée dans le cadre bilatéral à une agence multilatérale. Je soutiens pleinement l'intégration du Burundi parmi les pays prioritaires. Cela apparaît comme une évidence. Nous l'avons tellement dit que j'ai bon espoir que cela aboutisse au prochain CICID si l'on persévère.
Je souhaite également féliciter la rapporteure. Comme chaque année son rapport est de grande qualité et elle n'hésite pas, malgré son appartenance à la majorité, à égratigner le Gouvernement sur les décisions qu'il ne prend pas. Je voudrais m'associer à sa satisfaction car nous avons été entendus. Pas beaucoup, mais les parlementaires ont été si longtemps exclus du débat sur la coopération qu'on peut apprécier le peu d'avancées qui ont été faites. Sur le FED, Michel Terrot a raison, on n'est pas du tout à la hauteur des engagements qui avaient été pris. Sur les intérêts des prêts de l'AFD, on a obtenu qu'une petite partie soit réaffectée à l'action bilatérale. C'est peu mais c'est la première année que cela se fait et on aurait tort de ne pas le souligner.
Sur l'efficacité en revanche, je suis plus réservé. Nous avons tous souligné qu'il fallait plus d'efficacité, ce qui implique plus de visibilité. Or l'opacité perdure concernant les ONG. Dans des pays comme le Niger ou ailleurs, la multiplicité des intervenants, qui font tous la même chose ou finissent par ne plus rien faire du tout, pose question. De la même façon, le manque de coordination de la coopération décentralisée nuit beaucoup à son efficacité. Enfin, nous ne sommes pas d'accord les uns et les autres sur le pourcentage du PIB consacré à l'APD, dont tout le monde s'accorde à dire qu'il n'est pas 0,7 %, car la lisibilité n'est pas assurée.
Je souhaiterais des précisions sur quelques chiffres. Combien représentent les milliards d'aide publique au développement en pourcentage du PIB ? Y en a-t-il une partie affectée aux territoires d'outre mer ? Quelle est la part des dons dans ce total ?
L'APD représente 0,5 % du PIB. Wallis et Futuna bénéfice de l'APD pour des montants que je pourrai vous communiquer. Enfin, sur les dix milliards, les dons bénéficient de 321 millions en CP et 324 millions en AE, le reste prenant des formes diverses : annulations de dettes, prêts, écolages, aide aux réfugiés etc. C'est la structure de l'APD qui compte, plus que le pourcentage.
Je tiens à féliciter notre rapporteure qui sait faire preuve de ténacité pour des enjeux qui en valent la peine. La question du pilotage de l'aide publique au développement est essentielle. On évoque souvent le manque de coordination de l'aide au développement conduite par les collectivités territoriales, mais c'est aussi l'aide nationale qu'il faut coordonner au mieux. Ce pilotage doit concerner l'ensemble de l'aide, et pas seulement le tiers inscrit sur cette mission et s'accompagner d'une grande lisibilité. En effet, mal expliqués, des dispositifs peuvent déclencher des réactions de rejet. Ainsi, comment comprendre que la France accorde de l'aide au développement à la Chine, alors que, dans le même temps, l'Union européenne recourt à son appui financier pour sauver l'euro ? Il faut toujours préciser à quoi l'aide est utilisée. Il me semble que la commission devrait exiger d'avoir toutes les informations nécessaires et qu'un pilotage réel soit mis en place.
L'aide publique au développement manque de lisibilité, même si la rapporteure fait preuve d'un grand sens de la pédagogie. La coopération décentralisée doit être davantage soutenue et coordonnée car elle permet de démultiplier la capacité d'action. Par exemple, après le tremblement de terre à Haïti, beaucoup de personnes voulaient faire quelque chose pour aider les populations touchées, mais il n'y avait personne pour coordonner leurs initiatives. Je partage l'avis de M. Terrot sur le Burundi : il faut absolument l'intégrer dans la zone de solidarité prioritaire, afin de soutenir davantage le travail déjà effectué par des gens remarquables.
Pourriez-vous nous préciser quels sont les financements accordés à des ONG et les principales bénéficiaires, quels sont les critères d'attribution et les contrôles effectués ? De nombreuses associations se sont mobilisées pour aider les enfants d'Haïti, mais des difficultés de gestion sont apparues.
Sur l'AFD, des progrès importants ont été enregistrés au cours des dernières années : elle fournit ses comptes, son directeur général est entendu régulièrement, elle tient au courant les parlementaires les plus intéressés par sa lettre « Parlementaires et développement » et à travers des invitations fréquentes, elle diffuse largement ses documents, que les commissions peuvent examiner…
L'Etat participe aux efforts des collectivités territoriales en matière de coopération décentralisée à hauteur de 9,8 millions d'euros par an. Un délégué à la coopération décentralisée assure leur coordination.
Les ONG les plus soutenues sont les plus grandes, à l'exemple de Solidarité internationale, Action contre la faim, Amnesty international, l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT)… Il y a deux ans, j'avais déposé un amendement pour que 5 % de la contribution versée au Fonds mondial sida soient utilisés par l'intermédiaire d'ONG françaises ou francophones. Je l'avais retiré contre l'engagement du Gouvernement de reconsidérer cette question au moment de la reconstitution du Fonds. Cela a été fait et il est désormais acquis que 5 % de ce fonds transiteront par des ONG ou des structures françaises, sous la responsabilité de France Expertise Internationale.
Conformément à l'avis du rapporteur pour avis, la commission émet alors un avis favorable à l'adoption des crédits Aide publique au développement pour 2012.
La séance est levée à dix-huit heures.