Audition de M. Radoslaw Sikorski, ministre des affaires étrangères de Pologne
La séance est ouverte à neuf heures trente.
Nous avons l'honneur d'accueillir ce matin M. Radosław Sikorski, ministre des affaires étrangères de Pologne. Nous saluons également la présence de M. l'ambassadeur de Pologne en France et de M. l'ambassadeur de France en Pologne.
Monsieur le ministre, votre venue s'inscrit dans le cadre des liens étroits qui unissent nos deux pays, notamment via le triangle de Weimar, dont nous fêtons cette année le vingtième anniversaire. Mais votre visite prend aussi une coloration particulière alors que, dans quelques jours, commencera la présidence polonaise du Conseil de l'Union européenne. Le Conseil des ministres de Pologne a adopté, le 31 mai dernier, des priorités ambitieuses pour cette présidence, confirmant que la Pologne est l'un des moteurs de la poursuite du projet européen.
La France et la Pologne se rejoignent en particulier sur deux dossiers essentiels.
Le gouvernement polonais souhaite que la réforme de la politique agricole commune permette d'optimiser l'utilisation des fonds communautaires pour assurer à la fois cohésion sociale et développement rural. La consolidation de la PAC est également une priorité pour la France.
Par ailleurs, nos deux pays sont très favorables à un renforcement de la politique européenne de sécurité et de défense. Dans une lettre commune adressée en décembre 2010 à Mme Catherine Ashton, la Pologne, la France et l'Allemagne se prononçaient en faveur de la mutualisation de leurs capacités militaires, avec la mise en place d'un groupe militaire tactique de 1 500 hommes. Quelle est aujourd'hui votre vision de la politique de défense, concernant notamment l'articulation entre l'Union européenne et l'OTAN ?
Nous souhaiterions également connaître votre point de vue sur la réforme de la politique de voisinage. Tout en soutenant l'appui aux pays arabes en transition démocratique, la Pologne reste très logiquement attachée à une politique de coopération dynamique en direction des partenaires orientaux, en particulier l'Ukraine et la Moldavie. Un sommet du partenariat oriental se tiendra du reste en septembre.
La Pologne appuie également la poursuite du processus d'élargissement. Sans doute nous apporterez-vous des précisions sur les avancées escomptées. Comment la Pologne entend-elle concilier le partenariat oriental et le développement de la politique méditerranéenne ?
Mais peut-être souhaiterez-vous nous informer au préalable de l'agenda de la présidence polonaise de l'Union et des priorités que vous souhaitez défendre à cette occasion.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, c'est avec joie que j'ai accepté l'invitation de la Commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale pour présenter la politique étrangère de la Pologne.
Comme vous l'avez rappelé, nous sommes à la veille de la présidence polonaise de l'Union européenne dans le cadre prévu par le traité de Lisbonne. C'est un événement significatif, si l'on mesure le chemin parcouru ces vingt dernières années. On peut affirmer sans fausse pudeur que l'histoire récente de la Pologne est l'histoire d'un succès.
Pour s'en tenir aux seuls aspects économiques, alors que notre PIB réel s'élevait, selon le FMI, à 231 milliards de dollars, il atteint aujourd'hui 753 milliards. Lors du mandat du précédent gouvernement, nous avons dépassé le PIB de la Belgique, de la Suède et des Pays-Bas. Nous sommes la vingtième économie mondiale et la sixième dans l'Union européenne.
Les échanges commerciaux traduisent cette évolution : nos exportations ont été multipliées par onze depuis 1990, atteignant 155 milliards de dollars en 2010. L'appartenance à l'Union européenne a permis le renforcement de notre économie. Nous restons le premier pays destinataire des fonds communautaires.
Par ailleurs, l'intérêt pour le marché polonais des capitaux s'accroît. Varsovie est en passe de devenir le centre financier de l'ensemble de la région, avec une capitalisation boursière de 152 milliards d'euros.
La présidence du Conseil de l'Union européenne constitue pour la Pologne une étape importante dans la construction d'un État sûr, prospère et influent. Pour autant, nous n'oublions pas que la présidence s'inscrit dans le cadre de la coresponsabilité qui caractérise le projet européen dans son ensemble. En ces temps de crise et de doute, c'est un défi majeur. Aussi, gardons-nous en mémoire ces paroles d'Oliver Cromwell reprises par Napoléon Bonaparte : « On ne monte jamais si haut que quand on ne sait pas où l'on va. »
La Pologne sait où elle va et elle a des idées pour insuffler un nouvel esprit à de nombreuses initiatives européennes. Sans doute veillerons-nous à préserver nos intérêts, mais nous veillerons plus encore à préserver le ciment de l'intégration européenne.
Les priorités de la présidence polonaise s'articulent autour de trois grands thèmes.
Premier thème : l'intégration comme source de croissance. Trois années de réforme économique ont montré que l'Union a tiré les leçons de la crise. Nous avons besoin de développer le marché intérieur, d'orienter le budget de l'Union vers la croissance, de passer des accords commerciaux avec des pays tiers et d'utiliser pleinement le capital intellectuel de l'Europe.
Deuxième thème : une Union qui bénéficie de l'ouverture. Nous souhaitons que la présidence polonaise soit l'occasion de la signature du traité d'adhésion de la Croatie, d'un approfondissement du partenariat oriental, mais aussi de la construction de nouvelles relations avec nos voisins méridionaux.
Le troisième thème est celui de la sécurité de l'Europe : sécurité alimentaire, sécurité énergétique, sécurité en matière de défense. Le renforcement de la politique commune de sécurité et de défense et l'accélération des travaux sur une nouvelle stratégie énergétique seront au coeur de notre action.
Les recherches sur l'extraction du gaz de schiste, dont votre Assemblée a débattu, sont à cet égard fondamentales. Nous estimons qu'il y a là une chance unique pour notre continent du point de vue géostratégique, économique et technologique.
Notre gouvernement a pour objectif premier de moderniser le pays dans tous les domaines. Pour y parvenir, la Pologne a besoin de bonnes relations avec ses partenaires, notamment avec ses voisins.
Nous avons avec l'Allemagne une communauté d'intérêts et de valeurs démocratiques. Hier, les gouvernements de Pologne et d'Allemagne ont tenu une réunion commune à Varsovie et publié une déclaration politique pour fêter le vingtième anniversaire du traité de bon voisinage polono-allemand, quelque peu inspiré du traité franco-allemand.
L'Allemagne est le plus important partenaire économique de la Pologne. Nos exportations y ont atteint 31 milliards d'euros, soit 5 milliards de plus qu'en 2007. Avec la France, nous avons réactivé le triangle de Weimar au niveau des chefs d'État et de gouvernement. Il y a un mois, j'ai rencontré mes homologues français et allemand dans ma ville natale de Bydgoszcz. Nous nous sommes entretenus du renforcement de la coopération entre nos États, notamment dans le cadre de la politique de sécurité et de défense et du partenariat oriental.
Nous sommes bien disposés à l'égard de l'Ukraine, tout en sachant que le destin de ce pays dépend avant tout de ses habitants. L'Ukraine est notre partenaire stratégique et la perspective, même lointaine, de son adhésion à l'Union est de notre intérêt à long terme. Je me rends aujourd'hui même à Kiev, non pour y dire des choses agréables, mais pour souligner les points sur lesquels l'effort de réforme doit être amplifié. Notre amitié nous permet de dire aux Ukrainiens des choses qu'ils ne sont peut-être pas très désireux d'entendre.
Notre politique à l'égard de la Biélorussie est déterminée par le principe de la conditionnalité. Vous le savez, le Conseil des affaires étrangères a adopté lundi de nouvelles sanctions contre le Président Loukachenko. J'ai dit et répété à ce dernier que la Pologne pouvait apporter une aide importante si le pays s'engageait sur la voie de la réforme et de la démocratie. Mais nous devons réagir de façon très résolue lorsque le gouvernement biélorusse s'en éloigne en outrepassant les droits des citoyens. Les aspirations de cette population de 10 millions de personnes sont proches des autres.
Nous renforçons nos relations avec la Russie. Cet État se développe et s'ouvre au monde plus qu'il ne l'a jamais fait dans son histoire, mais selon un code culturel différent du nôtre. Il existe un remède contre les craintes envers la Russie, même si celles-ci, au vu des trois derniers siècles – où des armées russes ont été présentes sur notre territoire contre notre volonté pendant 80 % du temps –, sont historiquement justifiées. Ce remède, c'est une Pologne moderne, forte et alliée à la communauté internationale.
L'année dernière, en dépit de la crise, les échanges commerciaux entre la Pologne et la Russie se sont élevés à 20 milliards de dollars, soit une augmentation de 24 % par rapport à 2009. Nous avons décidé d'un accord sur les déplacements transfrontaliers, qui offre la perspective d'une ouverture à l'Europe pour l'oblast de Kaliningrad. Nous attendons l'aval de la Commission européenne.
Nos relations avec les États-Unis sont amicales, et mûres, compte tenu de la différence de puissance. Nous avons soutenu les Américains en Irak et en Afghanistan, mais nous savons aussi dire non et veiller à nos intérêts. Nous avons négocié de bons accords sur le déploiement des éléments du système antimissile. Les forces américaines stationnées sur le territoire sont soumises à la juridiction polonaise. Tous les États ne peuvent pas en dire autant !
Le Gouvernement soutient également la coopération entre entreprises polonaises et américaines, notamment dans la recherche de gisements de gaz de schiste. Par parenthèse, un premier forage horizontal, réalisé par une entreprise britannique, vient de révéler une saturation importante.
Le Président Obama a effectué une visite en Pologne au mois de mai. Il a notamment rencontré à Varsovie vingt chefs d'État de la région – dont ceux de l'Allemagne, de l'Ukraine et de l'Italie. Le partenariat entre la Pologne et les États-Unis, ainsi que notre rôle dans la région, ont été confirmés.
Membre actif de l'Alliance de l'Atlantique Nord, la Pologne se réjouit du retour de la France dans la structure militaire de l'OTAN. Nos propositions relatives au renforcement de l'application de l'article 5 du traité pour répondre aux nouveaux défis ont reçu le soutien de nos alliés. Elles trouvent leur traduction dans la nouvelle conception stratégique de l'OTAN.
Si nous soutenons le rapprochement que l'Ukraine et la Géorgie ont entamé avec l'OTAN, nous souhaitons également qu'il soit mis fin à la distinction anachronique entre « anciens » et « nouveaux » membres. Comme la France, nous considérons que l'OTAN est une alliance défensive. Son rôle premier est de défendre les territoires de ses membres, pas forcément de rechercher des dragons à occire dans des régions lointaines.
Nous insistons également sur la nécessité de déployer une infrastructure de défense alliée en Europe centrale. La Crète abrite actuellement plus d'installations de l'OTAN que l'ensemble des nouveaux États membres. Nous estimons devoir bénéficier du même niveau de sécurité que celui qui prévaut en Europe occidentale depuis longtemps.
La Pologne, État désormais libre et stable qui bénéficie d'une situation bien établie en Europe et dans le monde, a une dette de reconnaissance contractée il y a vingt ans, à l'aube des transformations démocratiques. Aussi manifestons-nous, dans l'élaboration de notre politique étrangère, notre sympathie à l'égard des personnes qui luttent pour la liberté sous toutes les latitudes. Le sommet de la Communauté des démocraties, qui s'est tenu à Cracovie en 2010, en apporte la démonstration. Ce n'est pas un hasard si Varsovie abrite le secrétariat de cette instance ainsi que le Bureau pour les institutions démocratiques et les droits de l'homme.
Nous proposons maintenant la création d'une Fondation européenne pour la démocratie en vue de soutenir le processus démocratique dans le voisinage de l'Union. Le réveil arabe nous a surpris. Cela ne doit plus être le cas à l'avenir : il nous appartient de former des élites démocratiques prêtes à exercer les responsabilités dans les États qui ne le sont pas. Nous aurons ainsi des partenaires avec qui parler.
La Fondation pour la démocratie devra jouir d'une large autonomie par rapport aux institutions européennes et aux gouvernements. Alors que ceux-ci, par la force des choses, doivent mener une politique tenant compte des États, quelle que soit leur forme de gouvernement, la fondation nous permettra en parallèle d'exprimer nos valeurs et de dire que nous ne sommes pas neutres vis-à-vis des dictateurs.
Son expérience de transformation réussie vers la démocratie donne à la Pologne une crédibilité s'agissant de la situation aux frontières de l'Europe. Nous apportons ainsi une aide pratique aux États d'Afrique du Nord. Je suis le premier ministre des affaires étrangères de l'Union à s'être rendu à Benghazi, en mai dernier. La semaine dernière, j'ai effectué une visite en Égypte et en Tunisie. Je compte sur la coopération de la France, qui a de l'influence dans cette région, pour favoriser le partage de l'expérience démocratique avec ces États.
Je terminerai mon intervention en évoquant les relations entre Varsovie et Paris.
Le partenariat stratégique qui lie nos pays depuis 2008 ne fait que formaliser les relations pluriséculaires de nos États et de nos sociétés. À aucun moment de l'histoire, la Pologne et la France ne se sont affrontées. La Pologne a donné à la France Stanisław Leszczyński et sa fille Marie, Frédéric Chopin, Marie Skłodowska-Curie et Raymond Kopa. La France nous rembourse aujourd'hui sa dette : Ludovic Obraniak est un des meilleurs joueurs de notre équipe nationale après avoir remporté le championnat et la coupe de France au sein du Lille Olympique Sporting Club !
Au cours des trois dernières années, nous avons resserré nos relations. C'est le résultat d'une plus grande activité de la Pologne sur la scène internationale, de sa stabilité politique et de son développement économique rapide. Nous nous réjouissons de constater que la France considère la Pologne comme un partenaire important dans les affaires extra-européennes, comme l'atteste l'invitation de notre pays à la conférence sur la Libye organisée le 19 mars à Paris. La visite du premier ministre Donald Tusk, au début du mois de juin, a permis de rapprocher les positions sur des questions telles que la politique agricole commune, la politique de cohésion et la politique de sécurité énergétique.
La France est l'un des investisseurs les plus importants en Pologne. Les marques Orange, Carrefour, Danone, Accor, Saint-Gobain ou EDF se sont inscrites durablement dans le paysage économique polonais. J'espère que d'autres entreprises des bords de la Loire choisiront également d'investir chez nous.
Aux yeux de la Pologne, la France est avec l'Allemagne le pays le plus important pour définir l'avenir de l'Union. J'espère qu'elle nous soutiendra dans la réalisation des priorités de notre présidence. Comme le disait le général de Gaulle : « Polonais, Français, nous nous ressemblons tant et tant ! C'est vrai pour l'économie, la culture, la science. C'est vrai aussi pour la politique. »
La Biélorussie reste aujourd'hui une dictature. Comme vous l'avez rappelé, l'Union européenne a pris récemment de nouvelles sanctions. Pourriez-vous nous en dire plus sur les perspectives de ce pays qui connaît une crise profonde et où demeure une importante minorité polonaise ?
Nous vous remercions de ce tour d'horizon complet. Vous avez raison de souligner la réussite exceptionnelle de votre pays, que nul n'aurait pu imaginer il y a seulement vingt-cinq ans.
Sans doute la Pologne ne sait-elle pas suffisamment « vendre » sa politique dans les pays occidentaux de l'Union européenne, notamment en France. Comme professeur d'histoire et comme membre du groupe d'amitié France-Pologne, je connais le martyre historique que ce pays a subi et je me réjouis qu'il en soit sorti.
Cela étant, s'il est compréhensible que la Pologne, après avoir été victime de la poigne de fer de l'Union soviétique, souhaite se préserver de tout risque vis-à-vis de la Russie, on a parfois l'impression qu'un nouveau déséquilibre se crée et que vous avez tendance à vous mettre du côté des États-Unis sans forcément équilibrer les deux plateaux de la balance. Sans aller jusqu'à parler, à propos de votre pays, d'un « cheval de Troie » des États-Unis dans l'Union européenne, il arrive que l'on se demande si bon nombre de vos positions ne sont pas plus proches des positions américaines que des positions européennes.
Lorsque l'on est un ami, mon cher collègue, on a le droit de poser des questions qui dérangent. C'est parfois de l'hypocrisie que de ne pas le faire !
En tout état de cause, monsieur le ministre, pourriez-vous nous donner des précisions susceptibles de faire litière de certaines accusations récentes, portées parfois au plus haut niveau de l'État français ?
Par ailleurs, vous avez évoqué l'éventualité de poursuivre l'élargissement de l'Union européenne sous votre présidence, mais vous n'avez pas mentionné la Turquie. Quelle est votre position ?
Le dynamisme remarquable dont la Pologne a fait preuve dans les dernières décennies n'est en effet pas toujours perçu par les opinions publiques étrangères et mérite d'être mieux connu. Comment avez-vous vécu, à cet égard, la campagne référendaire menée en France sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe ? À quelles causes rattachez-vous le dynamisme de votre pays ?
À l'occasion du G20 agricole qui se tient actuellement à Paris, je souhaiterais également savoir si le volontarisme que vous affichez rejoint les ambitions de la présidence française, à savoir un encadrement des prix pour assurer l'avenir de l'agriculture mondiale et les besoins en nourriture de la population à l'horizon 2040-2050.
La baisse des crédits européens pour l'aide alimentaire est dénoncée par certains comme un désengagement intolérable. En 2011, le financement des achats de denrées pour les plus démunis s'élève à 70 millions d'euros. La France souhaite le maintien de cette aide dans la perspective de la réforme de la PAC. Soutiendrez-vous cette position ?
Pour y avoir séjourné récemment, je confirme que la Pologne est un pays où l'on se sent bien : les rues de Varsovie m'ont donné une impression quasi-méditerranéenne !
Dans le cadre de sa présidence du G20 en 2011, la France donne la priorité à la régulation : régulation financière et monétaire, mais aussi régulation des prix des matières premières pour faire face à des crises meurtrières. Sous cet angle, comment la Pologne aborde-t-elle sa présidence européenne ? Considère-t-elle que la démarche du G20 soit légitime et utile ? La priorité de régulation définie par la France est-elle compatible avec votre approche des questions économiques mondiales ?
En matière viticole, la France et dix autres pays européens ont pris position pour rétablir les droits de plantation. Quel est votre point de vue à cet égard ?
Quelles sont, selon vous, les conditions d'un élargissement de l'Union européenne ? Quel type d'intégration serait-il envisageable pour la Turquie ?
Après votre visite à Benghazi et dans plusieurs capitales arabes, pourriez-vous apporter des précisions sur les mesures que vous envisagez, dans le cadre de la présidence de l'Union, pour accompagner le processus démocratique ?
Par ailleurs, l'agence FRONTEX éprouve des difficultés à faire face à ses missions. La présidence polonaise ne devrait-elle pas être l'occasion de réfléchir au renforcement des dispositifs de sécurité aux frontières de l'Union ?
En matière de politique commune de sécurité et de défense – projet dont la France a toujours été le pays leader –, nous estimons qu'il faut améliorer la cohésion de l'Union. La position de la France et de la Pologne est bien plus avancée que le consensus européen. Nous allons donc être freinés par les autres États membres.
Nous proposons notamment un commandement européen, une logistique commune, un financement commun des opérations. S'il ne tenait qu'à nous, nous serions prêts à mettre en place, comme le traité de Lisbonne le prévoit, une coopération renforcée structurelle permanente de défense européenne. Cette démarche peut enclencher un vaste et ambitieux projet d'intégration auquel pourraient adhérer les pays disposés à mener une politique de défense sérieuse. En outre, elle permettrait de nous préserver de certaines faiblesses de l'OTAN. Il nous serait possible de poser certains critères, comme la part minimale de dépenses consacrées à la défense, ainsi qu'un accord de principe pour placer les soldats nationaux sous commandement intereuropéen. Avec un financement commun, la charge et les risques des opérations seraient répartis de façon plus juste que ce n'est le cas au sein de l'OTAN.
Comme il n'existe malheureusement pas d'accord au niveau européen pour mettre en application cet aspect du traité de Lisbonne, nous ferons ce que nos partenaires nous permettent, à savoir le renforcement des éléments de planification et, éventuellement, des instances logistiques. Il est en outre prévu que le groupe de combat du triangle de Weimar soit mis en alerte en 2013 : son éventuel engagement sera l'occasion de vérifier si ces structures valent les moyens que nous y consacrons.
S'agissant de la politique de voisinage, nous avons adopté lundi une nouvelle stratégie reposant sur une philosophie holistique. Si l'on répartit les pays voisins de l'Union en deux grands groupes, le groupe méridional et le groupe oriental, on constate qu'environ deux tiers des moyens sont affectés au premier et un tiers au second. Nous devons néanmoins bien faire la distinction entre les voisins de l'Europe – au sud – et les Européens voisins – à l'est –, dont certains aspirent à entrer dans l'Union. De plus, le fait que la situation soit difficile en Égypte actuellement ne doit pas nous faire négliger l'éventualité d'une crise grave en Biélorussie.
La Pologne est favorable à la finalisation de l'élargissement dans les Balkans et à l'élaboration d'un partenariat oriental. Lorsque, dans quelques années, l'Europe aura retrouvé le chemin de la croissance, elle recueillera les fruits de cette politique généreuse.
La Biélorussie doit son existence à la volonté de la nomenklatura locale, en 1990-1991, de conserver ses privilèges et d'échapper à la glasnost en créant une sorte de kolkhoze post-soviétique. Le Président Loukachenko, accusé de crime contre des opposants politiques, a manoeuvré assez habilement entre la Russie et l'Union européenne, mais il a perdu toute crédibilité au cours des derniers mois.
En accord avec Mme Catherine Ashton et le ministre des affaires étrangères d'Allemagne, Guido Westerwelle, nous lui avions adressé un appel pour qu'il procède à des élections présidentielles honnêtes – ce qu'il nous a solennellement promis –, en mettant en perspective des aides de l'Union européenne et d'autres institutions pouvant atteindre 3 milliards d'euros. Or le Président Loukachenko a de nouveau truqué les élections de façon éhontée. Personne, pas même les Russes, ne croit au résultat affiché de 80 % des voix en sa faveur. Selon des institutions indépendantes, il est arrivé en tête du premier tour mais sans dépasser les 50 %. Si un deuxième tour avait été organisé, il y aurait sans doute eu égalité des chances avec le candidat de l'opposition arrivé en tête, M. Niklaev. Mais, au lieu d'organiser ce deuxième tour, M. Loukachenko a fait matraquer une manifestation d'opposants le 19 décembre et a mis ses rivaux en prison. Tout récemment, M. Andreï Sannikov, un de ses anciens vice-ministres, a été condamné à cinq années de colonie pénitentiaire.
Devant ces pures provocations à l'égard de l'Union européenne, nous ne pouvons plus faire semblant de croire que M. Loukachenko lui-même peut représenter une alternative. Seule est négociable la façon dont il quittera et transmettra le pouvoir pour mener la Biélorussie sur le chemin de la démocratie, ce processus étant le seul susceptible de recueillir notre appui politique et économique. Sinon, il appartiendra aux pays qui ont reconnu ces élections de supporter les coûts de la mauvaise gestion du pouvoir biélorusse. Selon nos estimations, la Russie a déjà dépensé au moins 50 milliards de dollars pour ce pays, sous formes de subsides et de prix très avantageux. Mieux vaudrait désormais que nous nous concertions pour remettre ensemble la Biélorussie sur pied.
Il m'est un peu désagréable que l'on puisse considérer sérieusement, comme le laisse entendre M. le député Luca, l'idée blessante que la Pologne serait le « cheval de Troie » des États-Unis en Europe. Il arrive que nous ayons des appréciations divergentes. Ainsi, la France ne s'est pas engagée en Irak et, aujourd'hui, nous ne nous engageons pas en Libye. Cela ne signifie pas, pour autant, que nous ne menions pas des politiques très semblables. Si la France est revenue dans les structures militaires de l'OTAN, c'est qu'elle souhaite, tout comme la Pologne, être un allié des États-Unis et avoir un pouvoir de codécision en matière de politique de défense européenne.
J'avoue ne pas comprendre l'allusion à un « équilibre » entre la Russie et les États-Unis. Nos rapports avec la Russie sont meilleurs que par le passé, mais le traité nous lie aux États-Unis, non à la Russie.
Notre politique repose sur l'hypothèse que la Russie veut rejoindre l'Occident au sens large. Reste que ce pays devra encore remplir de nombreuses conditions pour que cela se réalise.
En un certain sens, il y a plus de proximité dans nos relations avec la Russie. Nos échanges économiques avec ce pays sont dix fois plus importants qu'avec les États-Unis. Veuillez cependant comprendre que, lorsque nous nous sommes battus pour notre liberté, les États-Unis étaient nos alliés et la Russie notre oppresseur.
En ce qui concerne maintenant l'adhésion de la Turquie, je sais combien la question soulève beaucoup d'émotion et de controverse dans votre pays. Néanmoins, la présidence polonaise est tenue de continuer la négociation. Nous espérons pouvoir ouvrir un nouveau chapitre, même si nous savons que c'est un processus de très long terme.
Oui, monsieur Roubaud, la Pologne doit mieux se faire connaître. Presque tous les étrangers qui séjournent en Pologne quittent notre pays avec une meilleure opinion qu'à leur arrivée : la mutation de la Pologne a été si rapide que le stéréotype n'arrive plus à suivre la réalité. Je vous invite tous à venir vous en convaincre par vous-mêmes.
Pour ce qui du contrôle des prix, je ne connais pas le détail des propositions françaises. Ce que je sais, c'est que nous avons vécu des années dans une économie où les prix étaient régulés mais où les produits manquaient. Si le communisme avait été édifié dans le Sahara, plaisantions-nous, le Sahara manquerait aujourd'hui de sable !
Je doute que l'on arrive à tromper durablement le marché. Peut-être y aurait-il un sens à prendre certaines mesures de court terme, mais on peut aussi penser à des moyens plus élaborés. L'agence polonaise du marché agricole, par exemple, procède à des rachats à certains moments du cycle de production et remet les produits sur le marché lorsque des difficultés se présentent.
Par ailleurs, la Pologne bénéficie du régime simplifié de la PAC. Nous ne percevons pas de primes pour des produits déterminés, mais des dotations fixées à l'hectare. Il faut le reconnaître : il est plus facile de vérifier qu'un agriculteur possède tant d'hectares que de déterminer s'il y produit des olives ou des fraises. Notre système donne moins prise à la fraude et perturbe moins le marché. Après avoir eu des échanges avec ses collègues européens, le ministre polonais de l'agriculture a estimé que la réforme de la PAC devait inciter à la modernisation et au développement de l'agriculture. Sans connaître le dossier dans le détail, je pense que c'est la bonne direction.
Bien qu'étant la vingtième économie mondiale, la Pologne ne participe pas au G20. Force est de constater que, pour des raisons historiques, notre région est sous-représentée tant au G20 que dans les instances de l'ONU. L'Argentine et l'Afrique du Sud, qui ont des économies moins développées, participent au G20. Pourtant, notre économie présente l'intérêt de résulter d'une transformation récente et notre expérience peut servir à d'autres pays. En dépit de cela, nous n'avons que le statut d'invité dans les groupes de travail. J'espère que l'on remédiera à cette sous-représentation de l'Europe centrale et orientale dans un futur proche.
Pour en revenir au projet de Fondation européenne pour la démocratie, je pense que le financement à prévoir est de l'ordre de 100 millions d'euros par an, soit le prix de deux ou trois avions militaires. Pour cette somme, nous pouvons influer sur le sort de plusieurs pays !
La Commission européenne a d'ores et déjà augmenté les moyens alloués à la politique de voisinage mais, là encore, nous devons être lucides : nous aurons à faire des choix douloureux. Sommes-nous prêts, par exemple, à nous ouvrir aux produits agricoles et industriels des pays d'Afrique du Nord ? De quoi avons-nous le plus peur ? De leurs migrants ou de leurs produits ? Alors que la France comme la Pologne veulent maintenir le budget européen dans certaines limites, sommes-nous prêts à arbitrer entre les États issus des anciennes colonies et les États immédiatement voisins, qui présentent davantage de menaces pour l'Union ? Je penche pour la deuxième solution, mais je mesure combien ce choix peut être difficile pour certains pays.
Nous avons logé le siège de FRONTEX dans l'immeuble de bureaux le plus moderne de Varsovie. L'activité de l'agence s'accroît. S'il s'avère nécessaire de créer une antenne dans le sud pour se rapprocher des opérations dont le but est de rendre les frontières extérieures de l'Union plus hermétiques, nous n'avons rien contre. L'Union européenne a le droit de fixer des règles pour l'accès à son territoire : il n'existe aucun droit universel autorisant toute personne à habiter en Europe.
Cela dit, les difficultés rencontrées aux frontières extérieures ne doivent pas servir de prétexte pour revenir sur le succès que constitue l'espace Schengen. La suppression, il y a trois ans, des contrôles à la frontière polono-allemande, qui fut le théâtre de tant de guerres au cours du dernier millénaire, représente pour nous un événement considérable. Au surplus, elle n'a engendré aucun problème. Certains craignaient que les Allemands ne viennent acheter chez nous. Or c'est l'inverse qui s'est produit : les Polonais achètent des biens immobiliers en Allemagne orientale, où les prix sont moins élevés que dans notre pays.
En revanche, nous devons exiger une grande discipline concernant nos frontières extérieures. Les États qui se montreraient incapables de les contrôler devraient en supporter les conséquences.
Même si vous ne fixez pas d'échéance, vous semblez favorable à un élargissement de l'Europe. L'Union est de toute évidence un vaste espace d'échanges commerciaux, mais l'Europe n'existe ni en matière sociale, ni en matière fiscale, ni en matière de politique étrangère ou de préférence communautaire. Ne pensez-vous pas qu'il serait préférable d'approfondir avant d'élargir ?
En matière de sécurité et de défense, est-ce l'absence de défense européenne ou la défense des États-Unis qui emporte votre confiance ?
Je réitère la question de M. Lecou : quelle est la position de la Pologne au sujet de la suppression des droits de plantation viticole ? Cette décision de la Commission est à mon sens une erreur monumentale et une faute grave envers ceux qui font des produits de qualité.
Vous avez parlé des achats immobiliers réalisés par les Polonais en Allemagne orientale. Qu'en est-il pour les entreprises et particuliers français ou européens qui se porteraient acquéreurs de terrains agricoles en Pologne ? Des étrangers peuvent-ils être propriétaire du sol polonais ?
Monsieur le ministre, je vous adresse le salut de Kultura. C'est en effet ma ville de Maisons-Laffitte qui a abrité cette revue, important centre de résistance intellectuelle rassemblant de très grands noms.
Je vous adresse également mes voeux de courage à la veille de votre présidence. L'Union européenne est en crise. Le système est paralysé. L'espace Schengen, que vous avez évoqué, devra à l'évidence être remis à plat. Pour ce qui est de l'euro, les faits arrivent.
Ma question porte sur le principe de subsidiarité. À mon sens, l'Europe ne pourra véritablement exister que lorsque l'on aura, là encore, remis le système à plat et lorsque l'on aura cessé de centraliser à Bruxelles beaucoup trop de compétences.
Par ailleurs, les relations avec la Russie constituent une question majeure pour l'Europe. On sait bien que le système antimissile, en faveur duquel votre pays s'est prononcé, est un moyen des États-Unis pour avoir la mainmise sur les Européens. On sait aussi que les radars couvriront la Russie. Comment pouvez-vous concevoir des relations apaisées avec la Russie alors que ce pays subira la surveillance d'un système antimissile qui n'est pas dirigé contre l'Iran – il ne faut pas surestimer, en effet, la menace iranienne ?
Quelle est votre position globale sur les négociations budgétaires qui vont s'ouvrir au sein de l'Union ? Quelles grandes orientations entendez-vous donner à la réforme de la politique agricole commune ? Tous les sujets de la PAC ne sont pas budgétaires, certes, mais cet aspect n'en est pas moins important.
Une alliance privilégiée entre la France et la Pologne pour la période qui s'ouvre est-elle désormais possible ? Je remarque que des obstacles ont été levés. Après le départ des Soviétiques, l'esprit public polonais n'était pas encore disposé à s'intégrer dans une nouvelle structure. Comme ses voisins, la Pologne avait besoin de s'ébrouer dans la liberté. Il me semble que l'on est maintenant entré dans une autre phase, tout spécialement en Pologne. La personnalité de M. Donald Tusk a de ce point de vue une grande importance.
Les bases d'une alliance privilégiée entre nos deux pays existent. D'abord, il existe un besoin de leadership, et ce leadership ne peut être le fait d'un seul pays ou d'un seul dirigeant. Le triangle de Weimar, à supposer que l'on arrive un jour à lui donner un sens, est susceptible d'en fournir le socle. De plus, le rôle historique et actuel de la Pologne en Europe centrale et orientale, sa dimension par rapport à ses voisins, sont autant de raisons pour ce pays de tendre vers un tel leadership. Bref, pensez-vous que la France et la Pologne puissent reconstruire une alliance privilégiée qui permettrait, avec d'autres – notamment l'Allemagne –, de dessiner le futur de l'Europe ?
Lors de sa visite à Varsovie, M. Obama a-t-il donné des garanties s'agissant de la souveraineté de la Pologne et de la protection de sa population par l'installation du bouclier antimissile ?
Par ailleurs, le gaz de schiste est-il susceptible de faire de la Pologne une nouvelle Arabie saoudite et de l'affranchir de la dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie ?
Approfondir ou élargir, c'est un vieux dilemme. Lorsque les Quinze discutaient de l'élargissement incluant la Pologne, les arguments étaient identiques. Certains craignaient que cet élargissement ne dilue l'Union européenne et ne rende son approfondissement impossible. Mais on peut constater aujourd'hui le tour qu'ont pris les choses : c'est la Pologne qui prend des initiatives pour un approfondissement, surtout dans le domaine de la défense, et ce sont certains États plus anciennement membres qui freinent. De plus, l'Union européenne est bien plus populaire dans notre pays que chez plusieurs membres historiques.
Bref, je crois qu'il s'agit d'un faux dilemme. Si nous voulons recouvrer nos capacités d'élargissement, il nous faut retrouver l'optimisme, la confiance dans nos propres forces et dans le dynamisme de l'économie européenne. Pour le reste, l'élargissement conduit nécessairement à l'approfondissement.
Je le répète, la Pologne est très favorable à un renforcement de la défense européenne, bien que certains, prisonniers de stéréotypes tels que celui du cheval de Troie, en doutent. Il vaut mieux avoir deux polices d'assurance qu'une seule, compte tenu des coupes dans le budget américain de la défense et du retrait des États-Unis de certaines zones.
Pour ce qui est des questions viticoles, je crains d'être incompétent. La Pologne, hélas, n'est pas une puissance viticole.
En matière immobilière, sauf erreur de ma part, il n'y a plus de restriction à l'achat d'une maison ou d'un appartement par un ressortissant communautaire et la période de transition vient de s'achever en ce qui concerne les terrains. Je ne peux donc que vous encourager vivement à acheter de vastes terrains pour réimplanter le vignoble en Pologne ! Dans certaines régions, par exemple la Basse-Silésie, le climat y est tout à fait favorable. La poésie médiévale révèle que l'on cultivait des orangers dans la vallée de la Vistule, et beaucoup de toponymes font référence à la vigne, preuve que le climat au Moyen Âge était plus doux et plus favorable à cette culture.
S'agissant de la subsidiarité, nous souhaitons nous aussi que les décisions soient prises à un niveau moins élevé. Néanmoins, le revers de la médaille est que l'on perd en économies d'échelle. Il est parfois de notre intérêt d'être représentés collectivement. Dans les négociations avec les États-Unis, la Chine ou la Russie, nous obtenons de bien meilleures conditions du fait que nous avons transféré certains éléments de souveraineté en matière commerciale.
Il en va de même pour l'ensemble de la politique étrangère. Bien que le PIB de la France soit trois fois supérieur à celui de la Pologne, votre pays reste une puissance moyenne à l'échelle mondiale tandis que l'Europe est une superpuissance. Pour nous, le projet européen n'est plus simplement négatif – éviter de nouvelles guerres – : il est également positif. L'Europe doit avoir le plus de sens possible dans un monde où des puissances émergentes obéissent à des principes différents. D'où notre action en faveur d'une politique commune dans les opérations extérieures.
Ayant moi-même signé l'accord sur le bouclier antimissile avec les États-Unis, je peux vous affirmer que le système proposé par l'administration Bush n'était pas dirigé contre la Russie. La portée minimale des missiles proposés à l'époque était de 3 000 kilomètres, ce qui les rendait inaptes à atteindre les missiles russes. Qui plus est, la Pologne a proposé de son propre chef à la Russie – et cette proposition tient encore – d'installer des caméras dans ces bases et d'y mener des inspections poussées et quasi quotidiennes, de manière à vérifier que les installations ne servent qu'aux objectifs fixés. En outre, l'accord avec les États-Unis a été publié sur internet, y compris dans ses détails techniques.
Cela étant, les délais se sont allongés. Le projet sera réalisé au plus tôt en 2018, plus probablement en 2020, ce qui nous laisse une décennie pour nous mettre d'accord sur les conditions auxquelles la Russie serait disposée à participer au système : nous aurions ainsi accès au flux complet des données et la combinaison du dispositif de l'OTAN et du dispositif russe permettrait de supprimer les menaces pesant tant sur la Russie que sur l'OTAN.
Au surplus, le bouclier antimissile est un système de l'OTAN et non plus un système américain. Cela signifie que votre pays lui a donné son accord dans le cadre de l'alliance. Il est faux de parler de projet « polono-américain » construit en Europe.
J'en viens au débat budgétaire. Nous n'ignorons pas que nos intérêts divergent légèrement. La France est un payeur net et la Pologne restera encore, pendant une certaine période, un bénéficiaire net. Mais, compte tenu des données de notre croissance et des perspectives d'élargissement, nous devrions devenir ensuite payeurs.
Dans une lettre commune avec d'autres payeurs nets, la France a demandé que l'évolution du budget européen ne dépasse pas le niveau de l'inflation. La Pologne, pour sa part, souhaiterait un budget plus ambitieux. Nous n'en pouvons pas moins tomber d'accord sur la nécessité de respecter les traités et la procédure communautaire. Il n'est pas conforme à l'esprit de l'Union de parler des résultats des négociations avant que celles-ci ne commencent. La Commission présentera son projet dans quelques jours et proposera des priorités. Les négociations auront lieu sur cette base. La Pologne, durant sa présidence, sera la gardienne des traités et des procédures. Ce n'est que plus tard que viendront les désaccords, avant que nous n'arrivions, comme je l'espère, à un compromis.
Soit dit en passant, nous ne sommes pas hostiles à la recherche de nouvelles sources de financement. Nous savons que plusieurs idées se font jour ici même.
S'agissant du partenariat privilégié avec la France, monsieur de Charrette, le dialogue politique est très intense. Les relations personnelles entre le Président de la République française et le Premier ministre de Pologne sont excellentes. Plus généralement, le triangle de Weimar doit jouer tout son rôle. Un moteur qui ne serait composé que de deux pays dans un ensemble de vingt-sept n'est pas tout à fait suffisant. La Pologne est le plus grand des nouveaux pays membres et elle a montré sa capacité à les mobiliser autour de certains projets. Elle est donc très désireuse de jouer le rôle de « troisième piston » dans le moteur.
Après la visite du Président Obama, la presse regorge d'articles consacrés aux garanties de souveraineté. Pourtant, le Président n'a fait que confirmer ce qu'énonce déjà l'article 5 du traité de Washington : son propos ne peut excéder la position adoptée par le Congrès. Cela dit, l'histoire montre que c'est au moment où apparaissent les menaces que les alliances – y compris franco-polonaises – sont testées. Les parchemins restent des parchemins : ce qui compte est la capacité à respecter ce qu'ils contiennent. C'est pourquoi nous suivons si attentivement la présence américaine en Europe et attachons autant d'importance à la rédaction des objectifs de l'OTAN pour défendre notre région.
Enfin, nous sommes ravis que la société Total ait obtenu une concession pour la recherche de gaz de schiste en Pologne. Il serait néanmoins dommage qu'elle exploite un gisement en Pologne sans pouvoir le faire en France ! Selon les données disponibles, notre pays a les premières réserves de gaz de schiste en Europe et le vôtre les deuxièmes. Il faut bien entendu surveiller les conséquences sur l'environnement, mais je suis persuadé que nous trouverons une solution pour extraire cette richesse de notre sous-sol.
Ce serait une chance pour la lutte contre le changement climatique, car ce gaz est un combustible intermédiaire idéal entre le charbon et les énergies sans émission de CO2.
Ce serait aussi une chance pour la sécurité énergétique de l'Europe. Nous devons tirer les enseignements de la crise du gaz entre la Russie et l'Ukraine et de la coupure de l'approvisionnement en pétrole libyen. Si jamais une crise intervenait en Algérie, nous serions confrontés à de sérieux problèmes.
L'Europe dispose de réserves gigantesques dont l'exploitation créera de l'emploi et donnera un élan à notre croissance. Il faut tout mettre en oeuvre pour amorcer cette exploitation de façon sûre pour l'environnement.
Je vous remercie sincèrement, monsieur le ministre, d'avoir répondu à l'ensemble de nos questions en toute franchise et en toute transparence.
Nomination de deux députés au conseil d'administration de France expertise internationale
En application de l'article 4 du décret n° 2011-212 du 25 février 2011, la commission a désigné M. Jean-Paul Bacquet et Mme Henriette Martinez au conseil d'administration de France expertise internationale.
La séance est levée à dix heures cinquante-cinq.