COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 1er juin 2011
La séance est ouverte à dix heures.
(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission)
La Commission des affaires sociales examine pour avis sur le rapport de MM. Gérard Cherpion et Jean-Pierre Door, les articles 8 et 22 du projet de loi de finances rectificative pour 2011 (articles 8 et 22) (n° 3406).
Article 8 : Instauration d'un « bonus-malus » sur la taxe d'apprentissage et création du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage »
Cet article s'inscrit dans un ensemble de mesures qui visent à développer les formations en alternance.
Alors que la situation de l'emploi des jeunes n'est pas satisfaisante, l'alternance sous statut de travail, en plus d'apporter aux jeunes concernés un revenu salarial qui leur permet de financer leurs études, est l'une des voies les plus efficaces pour l'insertion dans l'emploi.
Les analyses du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ) relatives à l'insertion des jeunes sortis du système de formation montrent qu'à niveau de diplôme égal, ceux qui sortent de l'apprentissage ont un réel avantage par rapport à ceux qui sont restés dans le système scolaire : trois ans après la fin de la formation, ils connaissent un taux d'emploi globalement supérieur de dix points ; leur chance d'occuper un emploi à durée indéterminée est, elle aussi, supérieure de dix points ; enfin, les jeunes issus de formations de l'enseignement supérieur perçoivent un salaire supérieur de 175 euros au salaire médian.
En outre, et c'est un élément déterminant d'insertion, les ex-apprentis ont souvent la chance d'être embauchés dans l'entreprise où ils ont suivi leur apprentissage. Nous sommes en droit de penser que l'alternance en entreprise, en proposant des formations et des compétences parfaitement adaptées, contribue à mieux satisfaire les besoins de main d'oeuvre. Alors que de nombreuses offres d'emploi restent non pourvues, l'alternance est sans doute l'instrument le plus efficace pour former les salariés dont ont besoin les entreprises.
Des mesures significatives ont récemment été prises pour l'alternance : des mesures d'urgence, en 2009, dans le contexte de la crise financière, ainsi que des mesures structurelles, notamment dans le cadre de la loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.
Le 1er mars dernier, à Bobigny, le Président de la République a tracé les grandes lignes d'une mobilisation accrue pour l'alternance. Certaines des mesures annoncées, qui appelaient une traduction législative, figurent dans la proposition de loi que j'ai rédigée avec mes collègues Bernard Perrut et Jean-Charles Taugourdeau et que je vous présenterai la semaine prochaine.
D'autres mesures, de nature réglementaire, sont d'ores et déjà appliquées, notamment grâce à la publication d'un décret du 16 mai dernier qui crée une aide pour les embauches supplémentaires de jeunes en alternance dans les entreprises de moins de 250 salariés.
S'y ajoutent des annonces de nature financière qui ne se traduiront pas par des textes législatifs ou réglementaires, comme l'affectation de 500 millions d'euros à des investissements en faveur de l'apprentissage dans le cadre du « grand emprunt » ou encore la nouvelle génération de contrats d'objectifs et de moyens (COM) sur l'apprentissage, contrats qui engageront à parité l'État et les régions.
Parallèlement, les partenaires sociaux se sont engagés dans une négociation sur l'emploi des jeunes qui a déjà conduit à deux accords, l'un prévoyant, en 2011 et 2012, un accompagnement individuel renforcé pour 90 000 jeunes ayant des difficultés d'accès à l'emploi, l'autre destiné à faciliter l'accès des jeunes au logement, principalement à travers la participation des employeurs au dispositif « Action logement », c'est-à-dire du « 1 % logement ».
L'article 8 s'inscrit dans cet ensemble : ses dispositions doivent figurer dans une loi de finances pour deux raisons : tout d'abord, en application du principe du « monopole fiscal » que nous avons inscrit dans le projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques que notre assemblée a adopté le 10 mai dernier ; ensuite parce qu'il crée un compte d'affectation spéciale ce qui, selon l'article 19 de la loi organique du 1er août 2001, doit se faire en loi de finances.
Cet article porte l'objectif d'emplois en alternance de 3 à 4 % de l'effectif global des entreprises de plus de 250 salariés. La contribution des entreprises n'atteignant pas cet objectif sera légèrement augmentée et son taux sera modulé, dans un souci d'équité et d'encouragement. Cet objectif chiffré et cette contribution étaient déjà prévus dans la loi pour l'égalité des chances du 31 mars 2006 qui avait fixé le quantum d'alternants à 1 % des effectifs en 2006, 2 % en 2007 et 3 % à partir de 2008.
La contribution supplémentaire de 0,1 % sur la masse salariale affiche un rendement annuel d'environ 67 millions d'euros et 80 % des entreprises de plus de 250 salariés y sont assujetties. Selon les évaluations annexées au présent projet, le rendement supplémentaire consécutif aux modifications proposées sera limité la première année – de 5 à 10 millions d'euros – car un grand nombre d'entreprises présentent un taux d'alternants compris entre 1 et 3 % et ne verront pas changer le taux de leur contribution.
Par ailleurs, un dispositif d'affectation de recettes garantira que le surplus de ressources ainsi dégagé sera bien affecté à des aides au développement de l'alternance dans les entreprises de plus de 250 salariés, dans une optique de « bonus-malus ». L'actuel Fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage (FNDMA) sera transformé en compte d'affectation spéciale, afin de garantir que les fonds serviront bien à l'apprentissage, car la loi organique relative aux lois de finances comporte des dispositions destinées à protéger ces comptes contre la tentation toujours présente de prélèvements au profit du budget général.
Au-delà des seuls calculs financiers, ce dispositif d'incitation fiscale a pour objet de créer une dynamique, afin de convaincre les entreprises qu'il est important pour leur développement, leur image et l'affirmation de leur responsabilité sociale d'accueillir au moins 4 % d'alternants. Ce dispositif doit intervenir en complément – et non en concurrence – des engagements contractuels que les branches ou les grandes entreprises pourraient prendre dans ce domaine.
L'expérience du « quota » d'emplois de 6 % de travailleurs handicapés, initié en 1987 et renforcé en 2005, montre qu'il est efficace d'associer un objectif chiffré, des incitations fiscales fortes et un système de « bonus-malus ». L'application, en 2005, de pénalités financières aux administrations a eu un effet immédiat, puisque le nombre des travailleurs handicapés a augmenté de 13,4 % – soit 22 000 personnes – dans les trois fonctions publiques de fin 2004 à fin 2006. L'emploi des personnes handicapées dans les entreprises de moins de 20 salariés a également progressé, bien qu'elles ne soient pas soumises à l'obligation d'emploi.
La création par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 d'une pénalité financière pour les entreprises de plus de 50 salariés qui ne sont pas couvertes par un accord collectif ou un plan d'action relatif à l'emploi des seniors montre que ce type de dispositions législatives favorise le dialogue social. Les services statistiques du ministère du travail ont recensé, entre juin 2009 et septembre 2010, 34 200 accords collectifs ou plans d'action dans ce domaine. En quelques mois, plus de 36 000 entreprises y ont souscrit et au moins 80 % des salariés des entreprises de plus de 50 salariés ont été couverts. En utilisant à bon escient l'instrument fiscal, la loi, loin d'être incompatible avec le dialogue social, peut au contraire y inciter les entreprises. Pour toutes ces raisons, je vous invite à donner un avis favorable à l'article 8 tel qu'il vous est présenté.
Nous connaissons les engagements du Président de la République en matière d'apprentissage. La situation de l'emploi des jeunes et les performances françaises en la matière, inférieures à la moyenne européenne, exigent que nous prenions les mesures qui s'imposent afin de développer l'alternance et l'offre de formation et de mieux accompagner les entreprises.
En tant que rapporteur de la mission « Travail et emploi », j'ai souligné que le plan d'urgence pour l'emploi, s'il est une arme contre la crise, ne peut porter ses fruits que s'il est prolongé par des mesures à moyen et long terme.
Chaque année, les entreprises de moins de 50 salariés enregistrent près de 80 % des entrées en apprentissage. Les entreprises les plus importantes, en particulier celles de plus de 250 salariés, participent peu à l'effort en direction des jeunes. L'instauration d'un « bonus-malus » rendra le système davantage incitatif et beaucoup plus transparent, puisque les recettes et les dépenses seront portées par un compte d'affectation spéciale. Le Parlement sera mieux informé, lui qui jusqu'à présent n'avait aucun regard sur les moyens mis en oeuvre par l'État pour promouvoir l'alternance.
Le malus sera certes revu à la hausse, mais il sera modulé en fonction des efforts accomplis par l'entreprise. Quant à celles qui dépasseront les obligations légales, elles bénéficieront d'un bonus – dont les modalités seront fixées par décret.
Je souhaite que cette incitation ne soit pas envisagée uniquement sous l'angle de la quantité, mais aussi sous celui de la qualité : cela implique que nous disposions de centres de formation adaptés, susceptibles de dispenser les formations correspondant aux métiers de demain. Les chambres de commerce et d'industrie, mais aussi les chambres des métiers, souvent en lien avec des missions locales, ont déjà engagé des actions importantes en faveur de l'apprentissage.
Si j'ai bien compris, le débat sur le développement de l'apprentissage aura lieu la semaine prochaine, celui de ce matin ne portant que sur son financement. Mais, est-il vraiment nécessaire de complexifier davantage un dispositif déjà extraordinairement complexe ?
Vous proposez de porter le quota d'alternants de 3 à 4 % de l'effectif global de l'entreprise, mais nous nous interrogeons toujours quant à l'efficacité d'un tel mécanisme. Qui plus est, le « bonus-malus » ne visera que les entreprises de plus de 250 salariés, qui ne représentent que 10 % des apprentis. Il faut bien comprendre que l'accueil d'apprentis nécessite une adaptation de l'organisation du travail des entreprises. Il ne suffit pas de fixer des obligations dans la loi pour qu'elles s'impliquent davantage.
Le mécanisme actuel est injuste, car que l'entreprise soit à 0,2 % ou à 2,9 %, elle paiera la même contribution supplémentaire. Proposer un barème plus fin est donc un progrès. Mais, j'ai rencontré les représentants d'une grande entreprise nationale qui, pourtant fortement engagée dans l'alternance, ne parvenait pas à atteindre tout à fait le quota de 3 % : ils ont jugé plus simple de payer la contribution supplémentaire que de mettre en place le dispositif nécessaire pour passer quelques contrats en alternance supplémentaires. C'est, me semble-t-il, la limite des dispositifs de cette nature.
Pouvez-vous, monsieur le rapporteur, m'apporter quelques précisions techniques concernant le Fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage (FNDMA), que l'on supprime pour le recréer sous une autre forme ? L'apprentissage représentant globalement 7 milliards d'euros, dont 1,2 milliard provenant de la taxe d'apprentissage, ne convient-il pas de relativiser la portée financière de la mesure que vous nous proposez, qui ne représente finalement que 10 millions d'euros ?
Le quota de 4 % prend en compte à la fois les contrats d'apprentissage et les contrats de professionnalisation. Le bonus de 400 euros concerne-t-il également les deux contrats ?
Sur quoi repose par ailleurs l'estimation de 135 000 alternants supplémentaires qui seraient obtenus grâce à cette mesure ?
Le président Méhaignerie est conscient de la nécessité de la négociation entre les partenaires sociaux. Celle-ci a été précipitée. Elle s'est terminée hier sans qu'un accord ait été signé, mais il semble qu'ils pourraient s'accorder sur un dispositif prévoyant une négociation au sein de chaque branche, celle-ci s'engageant sur un objectif d'emploi d'apprentis. S'ils n'y parviennent qu'après le 3 juin, sera-t-il trop tard pour en tenir compte ?
Une fois de plus, on nous demande de légiférer dans la précipitation et en ajoutant un nouveau texte à ceux qui existent déjà !
De nouveaux dispositifs ont déjà été institués en dehors du cadre de la loi de finances et nous allons être une nouvelle fois contraints de modifier la loi. Les partenaires sociaux sont exaspérés par cette façon d'agir, d'autant que nous débattons à quelques jours seulement de la fin des négociations. En outre, cet article modifie le code du travail, alors que la majorité s'était engagée à ne pas le faire sans en informer au préalable les partenaires sociaux.
Cela dit, monsieur le président, je retire les amendements AS 1 et AS 2.
J'ai fait en sorte que nous examinions ces articles le plus tard possible pour laisser aux négociations contractuelles le temps de déboucher sur un accord, mais si nous voulons que certaines dispositions législatives soient appliquées avant le 1er septembre, il faut que la proposition de loi soit adoptée avant le 14 juillet. Cela dit, je partage l'idée selon laquelle il faut préférer le contrat à la loi.
Alors que chacun s'accorde sur la nécessité de l'alternance et sur la pertinence des dispositifs, rien n'a évolué depuis vingt ans : il faut toujours utiliser la contrainte pour inciter les entreprises à recourir à l'alternance !
Ce texte va naturellement dans le bon sens. Toutefois si le malus est défini avec précision, les entreprises qui dépasseront le seuil de 4 % se verront-elles attribuer un vrai bonus, et comment sera-t-il calculé ?
Même s'il rapporte peu, le principe « bonus-malus » pourrait inciter certaines entreprises à aller au-delà de leurs obligations.
Non, monsieur le rapporteur, l'apprentissage n'est pas la panacée en matière d'emploi des jeunes. Il peut certes avancer l'âge de l'insertion professionnelle, mais en aucun cas il ne créera des emplois.
Je suis généralement défavorable aux politiques de quotas, que je juge négatives, voire dévalorisantes pour celles et ceux qui en bénéficient, mais force est de constater qu'elles permettent de régler un certain nombre de difficultés et de faire évoluer les comportements. Si nous voulons que les choses avancent, il faut des mesures coercitives.
Il convient, en effet, d'accroître le nombre des jeunes alternants. Tout d'abord, parce que l'alternance est une formation d'excellence – il suffit d'observer ce qui se passe chez nos voisins, par exemple en Allemagne où 80 % des ingénieurs travaillant chez Mercedes ont suivi une formation en alternance. Ensuite, parce que, dans l'immense majorité des cas, la formation en alternance débouche sur un emploi durable. Un certain nombre de structures éducatives y ont recours, y compris depuis peu dans le cadre de quelques masters, ce qui montre à quel point elle est appréciée, tant par les formateurs que par les étudiants.
Parce que je ne puis me résoudre à vivre dans un pays où 25 % des jeunes sont au chômage, je soutiens cet article.
On peut continuer à se lamenter, comme nos collègues socialistes, sur l'emploi des jeunes et leur difficulté à trouver un premier emploi. Mais, on peut aussi améliorer ces deux aspects de l'emploi des jeunes que sont le contrat d'apprentissage et le contrat de professionnalisation. C'est ce que propose la majorité.
S'il est vrai que l'incitation pure et simple n'a pas donné les résultats que nous escomptions, la disposition prévue ici permettra d'insuffler une nouvelle dynamique à l'apprentissage. Mais, il faut aller plus loin et réhabiliter son image dans notre pays. Malgré quelques exemples de réussite de jeunes ayant choisi la professionnalisation, l'Éducation nationale se montre très timide, voire réticente. Il est urgent de vaincre ce tabou.
Du chemin a déjà été parcouru pour réhabiliter l'apprentissage, mais les enseignants et les familles craignent encore qu'il limite l'horizon professionnel des jeunes. Aussi, j'aimerais que le rapporteur nous indique ce qui a été fait dans les autres pays pour jeter des ponts entre l'apprentissage et l'enseignement supérieur – écoles d'ingénieurs et universités. Je sais que les Allemands ont fait beaucoup en ce sens.
L'apprentissage est, en effet, une voie d'excellence parmi d'autres, et il le sera d'autant plus qu'il permettra aux apprentis de réintégrer l'enseignement supérieur. L'Allemagne nous montre un certain nombre de pistes. Malheureusement, la passerelle créée par Philippe Séguin en 1987 n'a jamais été vraiment utilisée et il est rare de voir un apprenti devenir ingénieur.
Je ne suis pas non plus favorable aux quotas, mais force est de constater que le nombre d'entrées annuelles en apprentissage est passé de 125 000 en 1992 à près de 300 000 aujourd'hui.
Il est exact que le système de « bonus-malus » comporte des seuils, mais ce texte permettra de les lisser. Ainsi, une petite entreprise approchant le seuil de 2 % d'apprentis ne sera pas pénalisée car le système prendra en compte l'effort qu'elle aura accompli.
Quant au bonus, il est de nature réglementaire, je ne peux donc pas vous dire quelles en seront les modalités.
Je ne suis pas en mesure de vous répondre, mais le décret du 16 mai 2011 relatif à l'aide à l'embauche d'une personne supplémentaire en alternance concernant à la fois les contrats d'apprentissage et les contrats de professionnalisation, j'imagine que le bonus s'appliquera également aux deux.
D'après mes informations, les partenaires sociaux s'apprêtent à signer un accord. Le protocole mis en place par l'Assemblée nationale pour obliger le Parlement à consulter les partenaires sociaux sur les propositions de loi a bien été respecté, d'ailleurs tous les partenaires sociaux ont répondu au courrier.
Les amendements AS 2 et AS 1 sont retirés.
La Commission donne un avis favorable à l'adoption de l'article 8.
Article 22 : Indemnisation des victimes du benfluorex
Cet article a pour seul objet et pour seule ambition d'apporter une réponse rapide à un problème urgent en créant un mécanisme d'indemnisation rapide des victimes du Mediator®.
Ce collectif budgétaire, dont nous ne sommes saisis que pour avis, n'est pas le véhicule législatif approprié pour débattre des responsabilités des laboratoires Servier, des acteurs de santé, de la chaîne de pharmacovigilance et de l'État dans l'affaire du Mediator® : pour cela, nous avons créé une mission d'information, dont notre collègue Gérard Bapt est le président. Avec les travaux d'Yves Bur sur les agences sanitaires et les Assises du médicament, nos conclusions pourront utilement éclairer la discussion du projet de loi de réforme du pilotage national du système de santé que le Gouvernement a annoncé.
De même, s'il fallait modifier en profondeur les règles d'indemnisation des risques sanitaires établies par la loi Kouchner du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, ce serait à l'occasion de la discussion de ce futur projet de loi et non au détour de ce collectif budgétaire.
L'article 22 propose simplement d'adapter le dispositif administratif d'indemnisation amiable des dommages corporels, pour tenir compte des spécificités du litige lié au benfluorex. Ce dispositif est celui des commissions régionales de conciliation et d'indemnisation (CRCI), créées par la loi Kouchner en vue de déjudiciariser l'indemnisation des dommages résultant des risques sanitaires.
Même s'il s'agit d'une question très technique, j'insiste sur un point qui prête parfois à confusion : le dispositif des commissions régionales est un guichet et rien d'autre. Ce n'est pas un régime spécifique de responsabilité. Elle intervient pour les victimes dont l'indemnisation relève aussi bien de la solidarité nationale que de la responsabilité de tel ou tel acteur de santé. Elle se contente d'organiser les discussions transactionnelles entre les victimes et les responsables potentiels sans préjuger des responsabilités que seuls les juges pourront établir définitivement. Le bilan des commissions est très positif : elles permettent de régler environ 70 % des litiges et, surtout, d'indemniser les victimes rapidement ou, en tout cas, beaucoup plus rapidement que par la voie judiciaire. En outre, la procédure devant elles est gratuite pour la victime. Tout ce que propose le projet de loi est d'offrir aux victimes du Mediator® une procédure de ce type.
Pourquoi les victimes ne saisiraient-elles pas directement les commissions régionales ? La réponse est simple : les règles de procédure fixées par la loi Kouchner ne sont pas adaptées techniquement aux spécificités d'un contentieux de masse, comme les litiges liés au Mediator®. Ainsi, les CRCI ne sont pas compétentes pour l'indemnisation des dommages dont le fait générateur est antérieur au 5 septembre 2001 – le Mediator® a été commercialisé à partir de 1976. Elles ne sont pas non plus compétentes pour les dommages entraînant un taux d'invalidité inférieur à 24 %. Or, si l'on applique le barème réglementaire de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), la plupart des troubles vasculaires liés au médicament, de grade 1 et 2, seraient considérés comme inférieurs à ce seuil, alors qu'ils pourraient constituer une forme courante de dommage lié au benfluorex. Ces victimes seraient dès lors exclues de la procédure amiable et ne pourraient être indemnisées que par la voie judiciaire. Enfin, troisième difficulté, on ne sait pas combien de victimes utiliseront le dispositif public d'indemnisation amiable qu'il nous est proposé de créer, mais ce nombre risque d'être très élevé au regard des capacités des CRCI : elles traitent 5 000 dossiers par an, alors que 5 millions de personnes ont pris du Mediator®, dont près de 3 millions durant plus de trois mois…
Pour toutes ces raisons, il est proposé d'instituer une procédure d'indemnisation amiable, calquée sur celle des CRCI, avec deux différences principales.
Pour garantir un traitement égal de toutes les victimes, le dispositif est centralisé entre les mains de l'ONIAM, un collège national d'experts assurant les fonctions remplies par les CRCI dans la procédure de droit commun.
Contrairement à la procédure devant les CRCI, le texte proposé permet de mettre en place un ordre de priorité dans l'appel des responsables : c'est Servier qui sera systématiquement mis en cause en premier et les autres acteurs de santé ne le seront qu'à titre exceptionnel, par exemple s'ils ont prescrit du Mediator® de façon manifestement déraisonnable. En effet, les médecins qui ont prescrit du Mediator® et les pharmaciens qui en ont délivré n'ont aucune raison d'être inquiétés, car ils ne pouvaient pas connaître la dangerosité du médicament, puisque celui-ci bénéficiait d'une autorisation de mise sur le marché.
Pour le reste, le texte reprend le droit commun issu de la loi Kouchner. Il ne modifie pas le régime de responsabilité applicable ni n'institue de dispositif d'indemnisation de plein droit. Ce choix me semble pleinement justifié, dans la mesure où tout donne à penser qu'il y a un responsable, les laboratoires Servier, exploitants du médicament, qui se doit d'indemniser les victimes du Mediator®. Il n'y a aucune raison pour que la collectivité nationale paie à la place du responsable.
Si j'adhère pleinement à l'orientation de ce texte, je propose quelques aménagements visant à le renforcer.
En premier lieu, des amendements visent à améliorer l'information des caisses d'assurance maladie sur les procédures d'indemnisation, afin de leur permettre de se retourner contre Servier pour se faire rembourser les prestations qu'elles ont prises en charge. Il s'agit du dispositif habituel de recours contre tiers, qui ne lèse en rien les victimes et pourrait permettre aux caisses de récupérer environ 400 millions d'euros.
Je crois ensuite utile de réaffirmer que la nouvelle procédure doit respecter le principe du contradictoire, ce qui est dans l'intérêt de toutes les parties.
Il importe également que le collège d'experts ait toutes les compétences juridiques nécessaires pour évaluer les responsabilités. Afin de rendre plus crédibles ses avis, je vous propose de confier sa présidence à un magistrat, comme pour les CRCI.
Il convient par ailleurs d'intégrer au collège d'experts un représentant de l'Ordre des médecins, en partie pour compenser l'amendement précédent qui remplace un médecin par un magistrat à la présidence du collège, et parce que l'Ordre est le garant de la déontologie médicale – il pourra notamment se pencher sur la question des prescriptions légitimes ou non.
Afin de garantir aux victimes une indemnisation rapide, je propose aussi de rendre explicite le délai imparti à l'ONIAM pour leur faire une offre d'indemnisation, lorsque l'office se substituera au responsable du dommage.
Enfin, pour définir de façon partenariale la politique d'indemnisation de l'ONIAM, je propose de renforcer la place du conseil d'orientation de l'office qui définira la procédure que devront suivre les dossiers. Il convient donc d'adapter la composition de ce conseil qui, je le rappelle, représente notamment les associations concernées, et de prévoir des déclarations publiques d'intérêts pour ses membres, comme pour ceux du collège d'experts.
Le groupe SRC rejoint les intentions exprimées par le rapporteur : la justice pour les victimes du Mediator®, médicament toxique ; une indemnisation rapide ; l'organisation d'un mécanisme centralisé assurant une même indemnisation pour des dommages équivalents, laquelle serait plus difficile à obtenir dans le cadre d'une procédure décentralisée ; la pénalisation, enfin, des laboratoires Servier, premiers responsables, s'ils refusent de donner suite à la proposition émise par le collège des experts. L'avocat des laboratoires Servier a agité la menace d'une question préalable de constitutionnalité contre la disposition prévoyant une pénalité pouvant atteindre 30 %. Mais, je pense qu'elle n'aurait peu de chance de prospérer au vu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Les amendements du rapporteur rejoignent aussi nos préoccupations, comme celles des associations de victimes. Toutefois, monsieur le président, je ne comprends pas pourquoi certains de mes amendements ont été jugés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution. Quelle est par exemple l'incidence budgétaire de ma proposition de remplacer les mots « causés par l'administration » par les mots « liés à la prescription », d'autant que le mot « administration » est réservé à l'injection d'un produit ou à des cas très particuliers de substances vénéneuses» ?
Je n'ai fait qu'appliquer les décisions que le président Jérôme Cahuzac a prises sur des amendements identiques déposés devant la commission des finances.
C'est donc à ce dernier que je demanderai des explications.
Je tiens toutefois à présenter l'intention qui avait présidé à mes amendements.
Il s'agissait tout d'abord de lier la question de l'Isoméride, c'est-à-dire de la dexflenfluramine, à celle du Mediator®, c'est-à-dire du benfluorex : souvent, en effet, la prise de Mediator® a succédé à celle de l'Isoméride après son retrait du marché. De plus, des victimes de l'Isoméride, dont le diagnostic a été fait plus tardivement, n'entrent dans le cadre de la mise en place des CRCI qu'à compter de septembre 2001 : pour certains ayants droit, la procédure pourrait être facilitée, d'autant que les laboratoires Servier n'ont été condamnés, après sept à huit ans de procédure, que dans trois affaires liées à l'Isoméride. De tels délais font renoncer de nombreuses victimes. Il est regrettable que le cas de l'Isoméride n'ait pas été aussi bien argumenté que celui du Mediator®.
Je suis, par ailleurs, en désaccord avec le collègue, membre de la mission d'information, qui a affirmé que l'État devrait payer tant que la décision de justice concernant la responsabilité des laboratoires Servier, notamment pour tromperie aggravée, ne serait pas rendue.
L'article 22 est nécessaire, car il est indispensable de prévoir un fonds d'indemnisation des victimes du Mediator® permettant à la fois une indemnisation rapide et la prise en compte des patients ayant consommé le produit avant septembre 2001, l'ONIAM ne pouvant traiter que des dossiers postérieurs à cette date.
Sur ce drame de santé publique qu'est le Mediator®, la mission que préside Gérard Bapt et dont Jean-Pierre Door est le rapporteur, rendra prochainement ses conclusions : elle a permis de révéler des dysfonctionnements majeurs, voire caricaturaux, dans la chaîne du médicament. Nous devons rétablir la confiance dans le médicament, d'autant que, tout médicament efficace ayant des effets pervers, il convient de prendre en considération le rapport entre les bénéfices et les risques.
La chaîne du médicament est, en principe, très encadrée en France, afin d'assurer le suivi sanitaire : commission d'autorisation de mise sur le marché, rôle des experts, commission de la transparence et pharmacovigilance. Mais, je le répète, dans le cas du Mediator®, les dysfonctionnements dans cette chaîne sont avérés.
Les complications les plus importantes sont des cas d'hypertension artérielle pulmonaire et de valvulopathie, ayant entraîné des décès dont le nombre est encore approximatif. Les responsables doivent indemniser rapidement les victimes.
Il est logique de confier à l'ONIAM, dont c'est la mission, le rôle central en la matière et de demander à un collège d'experts nationaux de se prononcer sur l'imputabilité et la proposition d'indemnisation qui devra reposer, je le souhaite du moins, sur un référentiel unique.
En cas d'offre insuffisante des responsables, l'ONIAM indemnisera et se retournera contre les responsables, le juge étant autorisé à fixer une pénalité pouvant atteindre 30 % de l'indemnité qu'il alloue. Cette indemnisation n'empêchera pas par ailleurs les poursuites au pénal.
En dehors du problème que pose le nombre des personnes concernées – 5 millions de consommateurs, dont 3 millions durant plus de trois mois – plusieurs autres restent en suspens, qui tiennent à l'imputabilité : autant elle était facile à prouver dans le cas de l'amiante – il suffisait d'avoir travaillé dans une entreprise utilisant l'amiante et le mésothéliome est une complication très particulière dans laquelle on retrouve des fibres d'amiante –, autant il sera difficile de prouver la prise de Mediator® pour un malade qui ne possède plus ses ordonnances et qui a consommé le médicament il y a plus de trente ans. Les caisses d'assurance maladie ne conservent les données que pendant les deux années précédant l'année en cours et il n'est pas certain que les pharmaciens puissent remonter beaucoup plus loin. Comment les experts pourront-ils confirmer la prise de Mediator® ?
Autre problème lié à l'imputabilité, il faut prouver que la complication est liée au Mediator®. Certes, l'hypertension artérielle pulmonaire et les fuites valvulaires sont des complications liées à ce médicament mais, comme l'a souligné Gérard Bapt, les patients ont pu également prendre de l'Isoméride ou d'autres médicaments. L'imputabilité sera difficile, là encore, à prouver.
La responsabilité des laboratoires Servier pose une autre difficulté. Sans aucun doute, Servier est le principal responsable. Le rapport de l'IGAS indique qu'il a « roulé tout le monde dans la farine » depuis la sortie du médicament, s'agissant notamment de la molécule, qui est un dérivé des amphétaminiques, et dont le métabolisme est très proche de la molécule présente dans l'Isoméride. De plus, le Mediator® semble avoir été prescrit comme coupe-faim, notamment en Italie, alors que le laboratoire affirme que tel n'était pas le cas en France.
Il faut également prendre en considération la nature des prescriptions – certains évoquent entre 20 % et 80 % de surprescriptions – et le rôle, à cet égard, des visiteurs médicaux.
Songeons également au fait que la France n'a pas retiré ce médicament à la suite de l'Italie et de l'Espagne : Servier semble avoir tout fait pour retarder les études complémentaires.
Toutefois, comment faire porter à Servier seul la responsabilité et donc l'intégralité de l'indemnisation, alors que la mission a clairement démontré un dysfonctionnement grave des agences, notamment au moment de l'autorisation de mise sur le marché ? Comment se fait-il que les experts n'aient pas alors remarqué que la molécule était proche des amphétamines, ce qui aurait, sans aucun doute, interdit toute mise sur le marché ? Le rôle des experts dans les commissions est de la responsabilité des agences : était-il normal qu'ils ne se retirent pas lors des votes ? Il s'agit là d'un vrai problème, comme le fait que le médicament n'ait pas été retiré du marché après que le professeur Girard, directeur de la santé, l'eut retiré des préparations officinales. Est-il également normal – je l'ai rappelé – que l'agence ne se soit pas émue de son retrait en Espagne et en Italie ou qu'elle soit restée indifférente à dix-sept signalements ? Comment nier, dans ces conditions, toute part de responsabilité des agences dans la poursuite de la prise du médicament, donc dans le nombre des complications ?
Que Servier ait une part de responsabilité ne saurait dédouaner les agences, donc l'État. Avoir laissé un tel médicament sur le marché durant trente ans sans avoir réagi me paraît assez étonnant. Tout imputer à Servier serait injuste. Une répartition 50-50 de l'indemnisation serait-elle juste ? Je ne me prononcerai pas. Il serait en tout cas normal qu'elle soit partagée.
Je noterai, enfin, que la pénalité de 30 % est justifiée pour inciter le laboratoire à faire des propositions satisfaisantes. Toutefois, peut-on passer du taux de 15 %, que prévoit le droit actuel, à 30 %, sans l'étendre à tous les cas ? La question est posée.
Monsieur Préel, le Mediator® étant un produit soumis à inscription dans un ordonnancier écrit – l'informatique n'avait pas encore envahi les officines –, que les pharmaciens sont contraints de conserver, la traçabilité des patients est assurée.
L'article 22 est assimilable à une mesure d'exception en raison de l'importance du drame de Mediator®. Il conviendra toutefois d'améliorer l'indemnisation des patients ayant subi des aléas thérapeutiques. Un document n'est jamais anodin : il ne faut pas laisser sur le bord de la route des personnes qui ont pu souffrir de la prise de quinolone, sont atteintes du syndrome de Lyell ou de Stevens-Johnson, ainsi que les victimes potentielles du vaccin de l'hépatite B.
À cet égard, je tiens à rappeler que, depuis le 1er février 2008, deux laboratoires sont mis en examen pour tromperie aggravée sur la balance bénéfices-risques du vaccin de l'hépatite B, Sanofi Pasteur Aventis et GlaxoSmithKline : or, à l'heure où je vous parle, personne ne sait où en est la procédure judiciaire et les victimes atteintes de maladie auto-immunes, comme la sclérose en plaques, attendent toujours de recevoir une réponse.
J'ai assisté hier à la restitution des Assises du médicament à la Pitié-Salpêtrière : si l'indemnisation des malades qui ont subi des aléas thérapeutiques ne concerne pas directement l'article 22 du projet de loi de finances rectificatif, cette question devra toutefois être prise en considération dans le projet de loi de réforme du pilotage national du système de santé. Ne nous limitons pas à une loi d'exception ! Ne nous satisfaisons pas d'une émotion passagère !
Ce sujet pose des questions relatives à la fois à la chaîne du médicament, à sa consommation, aux prescriptions et aux aléas thérapeutiques, puisqu'il n'y a pas de vie en collectivité ni de consommation sans risques.
Il convient tout d'abord d'établir la cohorte exacte des victimes réelles du Mediator® – le mot imputabilité a été employé – en fonction de la nature et de la durée du traitement et de la prise effective du médicament. Il convient ensuite de définir l'imputabilité liée aux complications propres du Mediator® en fonction de différents critères : monothérapie, terrain propre du patient, réaction à la polymédicamentation.
C'est un sujet délicat qui a provoqué une forte crise de confiance. Il est difficile d'imaginer que l'indemnisation se fera rapidement : aussi, méfions-nous des effets d'annonce. La méthode doit consister à prendre des décisions, voire des décrets, modifiant la prescription, la consommation, le suivi et l'évaluation des médicaments. Rétablissons la confiance dans la réparation et cessons de crier à chaque fois à la responsabilité de l'État.
Ce sont les laboratoires Servier qui sont responsables. Ceux qui ont fait des études médicales savent aussi que ce laboratoire a fourni en grande quantité des documents dans lesquels les étudiants se sont instruits. Pour être honnête et juste, il faut tout prendre en considération.
La mission sur le Mediator®, dont je suis membre, a surtout permis de révéler des non-dits.
Ainsi, parmi les personnes auditionnées, certaines disent qu'elles savaient tout de la nocivité du Mediator® : ces « chevaliers blancs » ne l'auraient jamais prescrit ! D'autres en revanche, notamment les administratifs – je rejoindrai Jean-Luc Préel à leur sujet –, disent qu'elles ne savaient rien en dépit de leurs responsabilités et n'ont appris que par la presse, en 2009, que le Mediator® était dangereux. Ils n'auraient jamais lu aucun rapport ni eu connaissance d'aucune remontée en ce sens !
Le premier problème est celui du nombre des victimes, sur lequel règne le plus grand flou, comme Jean-Pierre Door l'a rappelé : le nombre évoqué oscille, en effet, entre 350 et 2 000, voire plus si on suit le professeur Even.
Le deuxième est celui de la responsabilité de Servier : il faut déterminer dans quelle mesure le laboratoire a menti.
Le troisième est celui de la responsabilité de l'administration, qui a donné l'autorisation de mise sur le marché du Mediator®. Servier a peut-être menti, mais comment se fait-il que les enquêtes complémentaires demandées par les administrations concernées n'aient pas été effectuées ou que leur suivi n'ait pas été assuré ?
Je suis médecin : il ne faut pas non plus occulter la responsabilité des médecins prescripteurs. L'autorisation de mise sur le marché avait autorisé le Mediator® pour certaines indications. Or, ces dernières semblent avoir été dépassées, d'aucuns affirment à 80 %. Quelle est, là aussi, la responsabilité de Servier ? Ses représentants médicaux ont-ils, par voie orale, mensongèrement présenté le Mediator® comme un coupe-faim ? Il appartiendra à la justice de l'établir.
Dans l'état actuel des choses, les questions demeurent plus nombreuses que les réponses.
Il faut évidemment rétablir la confiance dans le médicament. Toutefois, l'article 22 du projet de loi de finances rectificative a une portée différente.
Jean-Luc Préel a évoqué l'imputabilité. C'est au collège d'experts, prévu à l'article 22, qu'il appartiendra de la déterminer en fonction des informations dont il disposera.
S'agissant de la responsabilité des autorités et des agences, il reviendra aux juges de l'établir sur les indications fournies, notamment, par les rapports des missions d'information.
En ce qui concerne le taux de pénalité de 30 %, il vise à dissuader l'exploitant de refuser des transactions rapides.
Il faudra sans doute apporter des améliorations à la loi Kouchner du 4 mars 2002, madame Lemorton, mais pas dans le cadre de ce collectif budgétaire. Attendons plutôt le projet de loi de réforme du pilotage national du système de santé.
J'indique à Simon Renucci que le Gouvernement n'a jamais dit qu'il exonérait l'État et l'AFSSAPS de toute responsabilité. Au juge de répondre !
La mission d'information sur le Mediator® et la pharmacovigilance dont vous êtes membre, cher Jean Bardet, n'achèvera ses travaux qu'à la fin du mois de juin. Elle n'a donc pas encore rendu ses conclusions. Dans le cadre du collectif budgétaire, il s'agit de parer au plus pressé – à savoir indemniser le plus rapidement possible les personnes, déjà au nombre de 1 400, qui ont saisi la justice.
L'imputabilité reste un vrai problème. L'ONIAM va faire une proposition d'indemnisation et se retournera contre les responsables en cas d'absence de paiement. Mais qui seront ces responsables ? Au sens du texte, il ne peut s'agir que de Servier, car l'ONIAM ne se retournera pas contre l'État, quand bien même les responsabilités sont partagées. Par ailleurs, tant que les juges n'auront pas tranché, l'ONIAM ne pourra pas se retourner contre Servier. Comment résoudre ce problème ?
L'article 22 confie au conseil d'orientation de l'ONIAM, qui réunit des personnalités diverses – associations, experts – le soin de définir les documents à fournir, les responsabilités, les liens de causalité… Faisons-lui confiance ! Une fois que le principe de l'indemnisation de la victime sera acquis, l'ONIAM se tournera vers Servier.
Laissez le collège d'experts se prononcer ! Il appartiendra ensuite à la solidarité nationale d'indemniser, puis l'ONIAM se retournera contre les responsables. Les tribunaux auront certes déjà été saisis dans l'année qui vient, mais l'indemnisation doit intervenir en moins de douze mois – contre quatorze à quinze, sinon plus, devant les CRCI.
Je m'étonne que l'État n'ait pas porté plainte et laisse la CNAMTS agir seule. M. Mattei, ancien ministre, a tout de même émis l'hypothèse de la corruption devant la mission d'information… S'il estime avoir été trompé, l'État pourrait donc porter plainte contre X et se constituer partie civile.
La Commission examine l'amendement AS 3 de M. Gérard Bapt.
L'ONIAM ne remplit pas une mission de bons offices ou de facilitation : il doit régler le litige. Cet amendement vise donc à remplacer le terme « faciliter » par le terme « procéder au ».
Avis défavorable. La loi Kouchner charge expressément les CRCI de « faciliter le règlement des litiges ». Le projet de loi ne fait que reprendre cette expression.
La Commission rejette l'amendement AS 3.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS 15 de M. Jean-Luc Préel.
Je l'ai déjà dit, l'État est en partie responsable des complications dont les patients ont été victimes. Cet amendement vise donc à permettre à l'ONIAM de se retourner contre les agences sanitaires.
Je suis défavorable à cet amendement pour plusieurs raisons. L'ONIAM est un établissement public. Il ne peut donc pas engager de procédure judiciaire contre un autre établissement public – en l'occurrence, l'AFSSAPS. Il ne peut d'autre part se retourner que contre les personnes appelées dans la cause, et la loi Kouchner a limité cette possibilité aux acteurs de santé, en excluant les agences sanitaires. Ce n'est pas dans le cadre du collectif budgétaire que nous allons la modifier.
Je suis d'accord avec l'esprit de cet amendement, mais compte tenu des observations du rapporteur, je m'abstiendrai.
On conçoit en effet difficilement que l'État puisse se retourner contre lui-même, mais Jean-Luc Préel soulève un vrai problème : les agences sanitaires n'ont pas fait leur travail. Pour reprendre les propos un peu provocateurs d'une journaliste, un laboratoire aurait presque pu mettre de la mort-aux-rats dans des gélules…
Je rappelle que les victimes ont la possibilité de poursuivre ces agences sanitaires en justice – et nous savons qu'elles le feront. Il n'en reste pas moins que l'article 22 s'inscrit dans le cadre de la loi Kouchner.
La Commission rejette l'amendement AS 15.
Puis elle examine l'amendement AS 16 de M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis.
Cet amendement prévoit que l'ONIAM informe les organismes de sécurité sociale d'affiliation des requérants des demandes d'indemnisation qu'il reçoit.
La Commission adopte l'amendement AS 16.
Elle examine ensuite l'amendement AS 17 de M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis.
Il s'agit d'adapter la composition du conseil d'orientation de l'ONIAM, lorsqu'il délibère de l'indemnisation des victimes du benfluorex, pour y intégrer des représentants des associations de victimes, mais aussi un médecin spécialiste du traitement des valvulopathies ou de l'hypertension artérielle pulmonaire.
Je propose également d'obliger les membres du conseil d'orientation et du collège d'experts de rendre publique une déclaration d'intérêts, afin de renforcer la transparence du dispositif.
La Commission adopte l'amendement AS 17.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS 18 de M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis.
Il s'agit de prévoir expressément le caractère contradictoire de la procédure devant le collège d'experts de l'ONIAM.
La Commission adopte l'amendement AS 18.
Elle examine ensuite l'amendement AS 9 de M. Gérard Bapt.
Il s'agit d'éviter que le collège d'experts ne se voit opposer – comme c'est trop souvent le cas – la notion de secret industriel lorsqu'il procède à une investigation.
La Commission adopte l'amendement AS 9.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS 10 de M. Gérard Bapt et AS 19 de M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis.
Afin de conforter la crédibilité de ses avis, notamment dans l'hypothèse d'une procédure judiciaire suite à un refus d'indemnisation, nous proposons que la présidence du collège d'experts soit assurée par un magistrat de la Cour de cassation.
Puis-je vous suggérer de retirer cet amendement au profit du mien, qui élargit le recrutement à tous les magistrats de l'ordre administratif ou judiciaire ? Nous risquons, en effet, de rencontrer des difficultés si nous limitons celui-ci aux seuls magistrats de la Cour de cassation. Du reste, un juge est toujours un juge !
Pour peu que le choix de ce magistrat lui assure toujours l'autorité suffisante, je veux bien retirer mon amendement…
L'amendement AS 10 est retiré.
La Commission adopte l'amendement AS 19.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS 11 de M. Gérard Bapt et AS 20 de M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis.
L'alinéa 22 prévoit que la composition du collège d'experts relève d'un décret en Conseil d'État. Il serait donc préférable que l'alinéa 21 n'en traite pas.
Autrement dit, vous proposez de renvoyer au décret toute la composition du collège. J'y suis défavorable. Je vous propose pour ma part d'intégrer à ce collège un représentant du conseil national de l'Ordre des médecins, garant de la déontologie médicale.
La Commission rejette l'amendement AS 11.
Puis elle adopte l'amendement AS 20.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS 21 de M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis.
Dans la continuité de l'amendement AS 16, je propose d'assurer une information des organismes de sécurité sociale tout au long de la procédure d'indemnisation.
La Commission adopte l'amendement AS 21.
Puis elle examine l'amendement AS 13 de M. Gérard Bapt.
N'ayant pas été entendu, le laboratoire Servier a estimé que le rapport de l'IGAS n'était pas contradictoire. Pour que cet argument ne puisse pas être opposé à l'avis du collège d'experts, cet amendement consacre le principe du contradictoire dans la procédure d'expertise.
L'amendement AS 13 est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement AS 22 de M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis.
Cet amendement vise à faciliter le recours contre tiers des organismes de sécurité sociale.
La Commission adopte l'amendement AS 22.
Elle examine ensuite l'amendement AS 14 de M. Gérard Bapt.
Nous proposons de supprimer ce qui relève d'une clause contractuelle classique dans le droit des assurances. Les contrats d'assurance prévoient en effet toujours des plafonds de garantie.
Je suis défavorable à cet amendement qui me semble contre-productif. Il est nécessaire que la loi précise que cette référence aux plafonds de garantie ne concerne que les assureurs. Il ne faudrait pas que l'exploitant puisse, lui aussi, s'abriter derrière ces plafonds.
Je maintiens l'amendement, sous réserve de vérifications d'ici la discussion en séance publique. Les assureurs que nous avons reçus n'étaient en effet pas unanimes sur ce point.
La Commission rejette l'amendement AS 14.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS 23 de M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis.
Cet amendement vise à raccourcir le délai imparti à l'ONIAM pour présenter l'offre d'indemnisation. La procédure serait ainsi limitée à douze mois, contre quatorze pour les procédures classiques et plusieurs années pour les procédures judiciaires.
La Commission adopte l'amendement AS 23.
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 22 modifié.
La séance est levée à onze heures quarante.