– Nomination de parlementaires pour siéger au Partenariat avec l'Académie des Sciences –
Notre réunion a deux objets. En premier lieu, je vous soumets pour approbation la liste des treize parlementaires devant participer les 10 et 11 mai prochain, au Partenariat avec l'Académie des Sciences :
M. Philippe Adnot, sénateur de l'Aude;
Mme Françoise Cartron, sénatrice de la Gironde.
M. Jean-Louis Léonard, député de Charente-Maritime;
M. Jean-Sébastien Vialatte, député du Var;
M. Michel Lejeune, député de la Seine-Maritime;
M.Olivier Jardé, député de la Somme;
Mme Laurence Dumont, députée du Calvados;
M. Guy Lefrand, député de l'Eure;
M. Maxime Gremetz, député de la Somme;
Mme Catherine Courtelle, députée de la Vienne;
M. Jean-Charles Taugourdeau, député du Maine et Loire;
M. Jean-Pierre Brard, député de la Seine-Saint-Denis.
M. Arnaud Robinet, député de la Marne
Notre réunion a aussi pour objet la présentation de l'étude de faisabilité de nos collègues députés Alain Claeys et Jean-Sébastien Vialatte sur l'exploration du cerveau et les neurosciences.
– Présentation de l'étude de faisabilité, par MM. Alain Claeys et Jean-Sébastien Vialatte sur «l'impact et les enjeux des nouvelles technologies d'exploration et de thérapie du cerveau »
Cette saisine s'inscrit dans le cadre des débats initiés par l'OPECST, lors d'une audition publique de mars 2008 « Exploration du cerveau, neurosciences : avancées scientifiques, enjeux éthiques » organisée dans le cadre de l'évaluation de la loi de bioéthique. Nous proposons de traiter quatre points: la description et le fonctionnement de ces nouvelles technologies, les besoins thérapeutiques des populations au niveau neurologique et psychiatrique, les possibilités d'y répondre, les dérives possibles de leur utilisation en dehors de la sphère médicale ou scientifique.
Depuis une vingtaine d'années, la cartographie cérébrale utilisant l'Imagerie par Résonance Magnétique (IRM), mais aussi l'IRM fonctionnelle (IRMf) et la Tomographie par Emission de Positrons (TEP), s'est développée. Ces techniques permettent d'obtenir des images anatomiques et fonctionnelles du cerveau et de comprendre des processus cognitifs (calcul, langage, mémoire). Ces appareils fournissent des images permettant de traiter certaines pathologies par des implants délivrant du courant à haute fréquence, et de mettre en oeuvre des systèmes d'interface hommemachine.
Les dysfonctionnements du cerveau sont l'une des premières causes de maladie ou de handicap. Ils ont un retentissement économique et social considérable. Selon les statistiques de l'OMS, ils seraient à l'origine de 35 % des dépenses liées à la maladie. En France, plus d'une personne sur 500 après 50 ans, est directement concernée par une maladie neurodégénérative, et les études épidémiologiques chez l'adulte témoignent de la forte prévalence des affections psychiatriques dans ce domaine.
La mission s'intéressera au fonctionnement et à l'accès aux technologies d'exploration en analysant les structures de recherches, les enjeux industriels, le rôle des partenariats public privés. Les équipements sont-ils en nombre suffisant ? Sont-ils fiables ? Les modèles mathématiques et statistiques mis en oeuvre sont-ils pertinents ? La complexité des matériels implique une grande vigilance des personnels formés à différentes disciplines ; faute de quoi, les risques d'erreurs ou de manipulation ne sont pas négligeables.
La mission se propose de traiter de l'impact de ces technologies sur les personnes et de traiter des enjeux juridiques et sociétaux impliqués. Les progrès des neurosciences soulèvent des questions d'ordre éthique classiques telles que le déroulement des expérimentations ou le consentement éclairé des personnes atteintes de maladies neurologiques recrutées pour des essais scientifiques. L'information que suppose le consentement éclairé sera-t-elle comprise par des patients atteints de maladies qui altèrent leur discernement ?
Les possibilités ouvertes récemment par la recherche démultiplient ces usages dépourvus de finalité médicale. Il s'agit de corréler l'activité du cerveau avec les états psychologiques, ce qui pose la question de la responsabilité. Lors de l'audition publique de 2008, nous nous posions la question « que lit-on ? » sans y répondre directement. Décode-t-on le mensonge ?
Cette mission intervient à un moment crucial, car deux projets de loi et une proposition de loi en cours d'examen la concerne : le projet de loi relatif à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, la proposition de loi relative aux recherches sur la personne humaine, et le projet de loi relatif à la bioéthique adopté en première lecture par l'Assemblée nationale et par le Sénat le 9 avril dernier, qui à ce stade reprend les recommandations de l'Office et préconise une veille du Comité national consultatif d'éthique et de l'Agence de la biomédecine sur les neurosciences, et en régule et l'usage.
Lors des visites à NeuroSpin et à l'Institut du cerveau et de la moëlle épinière (ICM), nous avons constaté que des fonds publics et privés ont été engagés pour mener à bien des recherches, avec des avancées notables. Ainsi près de 350 000 patients atteints de maladie de Parkinson ont été implantés, mais ces traitements par implants sont susceptibles de modifier le comportement des patients, induisant des addictions. Même si cela est réversible, la responsabilité des praticiens peut-être engagée, ce qui les inquiète.
Ces avancées technologiques rendent possibles les utilisations des neurosciences hors des laboratoires, poursuivant alors des logiques sociétales, ici, de course à la performance, là, à la certitude de demande sécuritaire. Certains médicaments développés pour la dépression ou les troubles du sommeil pourraient être détournés de leur usage primaire en vue, par exemple, d'améliorer « chimiquement » la coopération entre les individus au sein d'un groupe ou d'augmenter les périodes d'éveil chez les militaires en maintenant les capacités d'attention et de concentration. Cette situation oblige à une réflexion approfondie pour prévenir de possibles dérives.
Il sera intéressant de s'informer sur les pratiques à l'étranger. En France, l'audition publique sur les sauts technologiques en médecine, organisée par l'OPECST, a fait apparaître un hiatus entre médecins et physiciens, notamment sur la protonthérapie. Certains médecins sont parfois agacés par l'intervention d'autres professionnels.
Par ailleurs, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) préconise d'éviter la multiplication de l'usage des technologies, notamment les scanners, qui délivrent à chaque usage des doses de radiation importante, mieux vaut recourir aux IRM et éviter la tomographie à émission de positron. Mais en restreignant par trop, on risque de ne pas découvrir certaines pathologies.
- L'impact des maladies neurodégénératives est important, il a un coût appelé à augmenter dans une population vieillissante. Jusqu'où faut-il aller dans l'acharnement thérapeutique ? La multiplicité des examens par IRM est une pratique fréquente des CHU, elle est néfaste. Le dopage technologique par nano implant mérite une analyse approfondie.
Ces technologies permettent d'augmenter les capacités de sujets sains en améliorant des performances cognitives individuelles, attention, mémoire, vision nocturne, ce qui peut engendrer des dérives. Qui y aura accès ? Un système à deux vitesses n'est pas exclu.
En outre, le recours à la neuroimagerie chez le sujet sain n'est pas anodin sur le plan éthique : que lui dit-on en cas de découvertes inopinées de pathologies incurables ? Quel peut en être l'impact sur lui et son entourage ?
Le taux de 5% de personnes atteintes de maladies neurodégénératives après 50 ans est impressionnant. Comment ces nouvelles technologies sont-elles utilisées en dehors des indications médicales ?
On constate une véritable course au gigantisme et parfois le recours à des technologies délivrant des doses de radiation inutilement élevées alors qu'il est possible d'utiliser des appareils délivrant des doses moins importantes.
Les données des neurosciences et de la neuroimagerie bénéficient aujourd'hui d'un intérêt croissant en matière judiciaire et sécuritaire, pour la détection du mensonge, la prescription de traitements neuropharmacologiques, la lutte contre les addictions, la prise d'antipsychotiques et de sédatifs imposée à certains criminels.
Des pays comme les États-Unis, le Canada ont recours aux neurosciences dans leurs tribunaux. La neuroimagerie y est recevable, en tant que preuve, elle est utilisée par les compagnies d'assurance.
- A l'unanimité, l'OPECST approuve les lignes directrices de l'étude de faisabilité et décide d'autoriser la poursuite de l'étude de MM. Alain Claeys et Sébastien Vialatte sur « l'impact et les enjeux des nouvelles technologies d'exploration et de thérapie du cerveau ».