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Commission des affaires étrangères

Séance du 8 décembre 2010 à 9h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

Audition de M. Cyrille Rogeau, sous-directeur d'Afrique du Nord, et de M. Jean-François Casabonne-Masonnave, sous-directeur des conventions et de l'entraide judiciaire, au ministère des affaires étrangères et européennes, et de Mme Anne Girel, chargée de mission à la division des affaires communautaires et internationales de la direction de la sécurité sociale, auprès des ministères chargés du travail, de la santé et des comptes publics, sur la convention de sécurité sociale entre la France et le Maroc.

La séance est ouverte à neuf heures cinquante.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

La semaine dernière, sur le rapport de notre collègue Didier Julia, nous avons décidé de reporter notre vote sur le projet de loi visant à autoriser la conclusion d'une nouvelle convention de sécurité sociale conclue entre la France et le Maroc.

Cette convention n'était pas assortie d'une étude d'impact, obligatoire depuis le 1er septembre 2009 – ce texte a été déposé fin août 2009 – ce qui ne signifie pas, bien entendu, que ce projet n'ait aucun impact.

Or, ce sont justement les conséquences de l'entrée en application de ce texte – qui se substitue nous l'avons compris à toute une série de conventions en vigueur – que nous voudrions connaître avec davantage de précisions avant de voter ce projet de loi qui nous est soumis.

Pour nous éclairer, sont présents parmi nous ce matin M. Cyrille Rogeau, sous-directeur d'Afrique du Nord et M. Jean-François Casabonne-Masonnave, sous-directeur des conventions et de l'entraide judiciaire, au ministère des affaires étrangères et européennes et Mme Anne Girel, qui a été désignée pour remplacer Mme Christiane Labalme, chef de la division des affaires communautaires et internationales de la direction de la sécurité sociale, auprès des ministères chargés du travail, de la santé et des comptes publics.

M. Rogeau pourrait, je pense, nous préciser les flux de population entre la France et le Maroc et de ce fait nous donner une idée de la population concernée par ce texte.

M. Casabonne-Masonnave nous présentera les conditions de négociation de la convention et ses apports par rapport au droit actuel.

Enfin, Mme Girel pourrait nous donner des précisions sur les flux financiers entre la France et le Maroc, résultant de l'application des textes en vigueur et nous indiquer le surcoût éventuel résultant du nouveau dispositif que nous étudions.

Mes chers collègues, je pense que nous aurons ainsi, grâce à la participation de nos intervenants, reconstituer l'étude d'impact qui, incontestablement, nous a manqué sur ce projet.

PermalienJean-François Casabonne-Masonnave, sous-directeur des conventions et de l'entraide judiciaire au ministère des affaires étrangères et européennes

J'espère que nous parviendrons à apporter des réponses suffisamment précises à vos questions.

Il est vrai que la négociation de cette convention a été lancée il y a plusieurs années, dans un contexte où les questions financières, sans être laissées de côté, n'occupaient pas une place aussi centrale qu'aujourd'hui. Les négociations actuelles prennent désormais davantage en compte cet aspect, mais il est vrai qu'il est souvent difficile d'obtenir des prévisions de dépenses aussi exactes qu'on pourrait le souhaiter.

PermalienCyrille Rogeau, sous-directeur d'Afrique du Nord au ministère des affaires étrangères et européennes

De par mes fonctions, je ne suis pas un expert des questions de sécurité sociale, mais je tiens à rappeler en quelques mots la qualité des relations franco-marocaines dans le cadre desquelles la négociation de cette convention s'est inscrite.

La partie marocaine a ratifié la convention depuis longtemps et attend désormais son entrée en vigueur avec une certaine impatience.

Le Maroc est l'un des partenaires de la France les plus proches, les plus fiables et les plus fidèles. L'un des plus hauts diplomates français a ainsi comparé notre relation avec le Maroc à la relation franco-allemande ! Elle est en effet restée d'excellente qualité quelle qu'ait été l'évolution de l'actualité internationale. Le ministère des affaires étrangères et européennes est donc très attaché à ce que cette convention puisse être rapidement ratifiée par la France.

Le président Axel Poniatowski. Je vous remercie pour cette introduction : la commission a parfaitement conscience de l'excellente relation bilatérale, qui n'est absolument pas en cause ici, mais souhaite avoir des informations claires sur des points précis.

PermalienAnne Girel, chargée de mission à la division des affaires communautaires et internationales de la direction de la sécurité sociale, auprès des ministères chargés du travail, de la santé et des comptes publics

Je représente ici la division de la direction de la sécurité sociale chargée de négocier les conventions internationales de sécurité sociale. Sa responsable n'a pas été en mesure de répondre elle-même à l'invitation de la commission, étant en déplacement à l'étranger dans le cadre de négociations bilatérales.

La convention signée en octobre 2007 consolide une série de textes en vigueur, le premier d'entre eux étant la convention bilatérale de sécurité sociale signée en 1965. Il s'agissait alors de faciliter les flux migratoires de main d'oeuvre en levant les obstacles à l'ouverture des droits sociaux pour les travailleurs migrants. La convention de 1965 ouvrait aux travailleurs marocains le droit à la sécurité sociale française, selon les règles de droit commun, c'est-à-dire lorsqu'eux mêmes et leurs ayants droit résidaient en France. En 1973, un premier avenant a visé à tenir compte de l'absence de sécurité sociale obligatoire au Maroc en prévoyant que la sécurité sociale française prenne en charge les frais des soins de santé dispensés au Maroc au bénéfice des ayants droit restés au pays et des travailleurs migrants rentrés chez eux pendant leurs congés payés. Ces stipulations sont reprises dans la nouvelle convention.

Sa négociation a procédé de la même logique que celle qui avait conduit à la « refonte » de la convention de sécurité sociale avec la Tunisie, en 2003 : outre la reprise de l'acquis, sont prévues quelques évolutions visant à tirer les conséquences de l'évolution législative et des situations dans les deux pays. Ainsi, depuis 2006, le Maroc a mis en place une assurance-maladie obligatoire : la France a décidé d'accompagner cette évolution positive. Elle a aussi souhaité adapter le droit au fait qu'un nombre important de pensionnés de la sécurité sociale française retourne vivre au Maroc. Ainsi, en 2009, sur les 85 000 pensions de base française servies à des personnes résidant au Maroc, 63 000 ont été calculées sur la seule base des trimestres d'assurance cotisés en France, sans qu'il ait été nécessaire de recourir à d'éventuels trimestres cotisés au Maroc. La nouvelle convention leur permettra de bénéficier de la prise en charge des soins reçus au Maroc, par la sécurité sociale française. Il s'agit là d'une mise à niveau qui s'imposait, susceptible en effet de se traduire par une augmentation du coût de la dépense en matière de soins de santé remboursés par la France au Maroc.

Il faut néanmoins avoir à l'esprit que, sur les 370 millions d'euros de flux financiers sociaux de la France vers le Maroc constatés en 2009, 94 % correspondaient au versement de pensions de retraites de base et complémentaires à un total de 147 000 bénéficiaires, le solde consistant en allocations familiales et, marginalement, en soins de santé.

L'autre évolution qui pourrait accroître les flux financiers, toujours en matière de soins de santé, est la prise en charge des soins d'immédiate nécessité pour les ayants droit résidant au Maroc à l'occasion d'un séjour temporaire en France. Dans la mesure où la couverture maladie marocaine est désormais obligatoire et où seuls les soins d'immédiate nécessité sont concernés, le surcoût pour la France devrait être limité.

Il faut enfin signaler que la nouvelle convention prévoit que la prise en charge des soins de santé ne se fera plus au forfait mais au coût réel, sur présentation des factures. La convention avec la Tunisie prévoyait aussi ce changement, que l'on retrouve dans tous les pays européens. Actuellement, le forfait annuel est évalué à partir des tarifs pratiqués dans le secteur hospitalier public marocain, en considérant une famille moyenne de cinq personnes (sans compter le salarié) : ainsi, en 2008, le remboursement des soins de santé au Maroc s'effectue sur la base de 100 euros par travailleur et 166 euros par famille. On tient ensuite compte du nombre de familles de travailleurs exerçant en France – lui-même estimé à partir de celui des prestations familiales versées multiplié par un coefficient correcteur – pour obtenir le montant remboursé au titre du forfait.

Les dépenses en matière de soins de santé se sont élevées à 1 million d'euros en 2005, 800 000 euros en 2006, 980 000 euros en 2007, 740 000 euros en 2008 et 735 000 euros en 2009, à rapprocher, donc des 370 millions de flux financiers totaux.

Il est difficile d'évaluer précisément au stade actuel le coût supplémentaire qu'induira la prise en charge des soins donnés en France aux familles y séjournant temporairement et des soins donnés au Maroc pour les pensionnés y résidant. On peut néanmoins, à titre de comparaison, regarder l'évolution des dépenses constatées avec la Tunisie, depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle convention conclue sur le même modèle : avant son entrée en vigueur, les dépenses de soins de santé étaient du même ordre qu'aujourd'hui au Maroc, pour les travailleurs et leurs familles ; elles sont depuis passées à environ 4 millions d'euros, pensionnés inclus. Il faut souligner que cette dépense correspond encore à l'application du forfait, le passage aux frais réels n'étant pas encore effectif. Mais cette évolution permettra une maîtrise des flux financiers grâce à la possibilité de contrôler les factures. Il sera notamment possible d'effectuer des recoupements avec les soins donnés en France à la même personne, pour éviter, par exemple, des doubles paiements.

Pour résumer, les surcoûts éventuels proviendront principalement d'une part de la prise en charge des soins reçus au Maroc par les pensionnés, soit 63 000 bénéficiaires supplémentaires au maximum – mais l'expérience montre que seule une partie des bénéficiaires potentiels se fait enregistrer et peut ainsi être effectivement couverte –, et d'autre part de l'évolution du coût moyen de ces soins, résultant du passage du forfait au coût réel, soit d'une fourchette de 100 à 150 euros moyens à environ 300 euros, si l'évolution constatée en Tunisie se répète au Maroc.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Pour résumer, la nouvelle convention apporte donc deux modifications essentielles : d'une part, la population couverte ne sera plus seulement constituée des travailleurs marocains et de leurs familles mais également des pensionnés relevant d'un régime français et résidant au Maroc, ainsi que de leurs ayants droit. D'autre part, les prestations d'assurance maladie prises en charge ne le seront plus de manière forfaitaire à 166 euros par famille mais « au réel », ce qui pourrait représenter quelque 300 euros par famille.

PermalienAnne Girel, chargée de mission à la division des affaires communautaires et internationales de la direction de la sécurité sociale, auprès des ministères chargés du travail, de la santé et des comptes publics

Le montant de 300 euros correspond en fait, à titre d'illustration, au montant versé par famille en vertu de la convention similaire en vigueur avec la Tunisie, à cette nuance près que les versements à la Tunisie sont forfaitaires et non encore fondés sur les frais réels.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Le coût global de la mise en oeuvre de la convention avec le Maroc passerait donc de moins d'un million d'euros à quelque 4 millions d'euros ?

PermalienAnne Girel, chargée de mission à la division des affaires communautaires et internationales de la direction de la sécurité sociale, auprès des ministères chargés du travail, de la santé et des comptes publics

Les seules données certaines sont les suivantes : les prestations d'assurance maladie payées par la France au Maroc représentent aujourd'hui 740 000 euros par an ; avec la Tunisie, ce coût est passé d'une somme comparable à 4 millions d'euros, calculé non pas selon les frais réels mais seulement au forfait, depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle convention.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Les populations concernées ne sont pas les mêmes non plus. Ainsi, alors que 63 000 pensionnés résidant au Maroc relèvent d'un régime français, ils sont probablement bien moins nombreux en Tunisie. Quoi qu'il en soit, les montants globaux dont nous parlons demeurent objectivement très limités.

PermalienPhoto de Serge Janquin

Personne ne conteste l'utilité de la mise à jour d'accords bilatéraux comme ceux que nous évoquons ce matin, qui nous lient au Maroc. À cet égard, les éléments fournis par la représentante du ministère de la santé sont satisfaisants. Une convention similaire est en vigueur depuis 2007 avec la Tunisie ; qu'en est-il avec l'Algérie ? Si une mise à jour était nécessaire dans ce cas également, il faudrait y procéder sans tarder car nous n'avons pas besoin à l'heure actuelle de donner le sentiment que nous traiterions moins bien l'Algérie que ses voisins.

PermalienAnne Girel, chargée de mission à la division des affaires communautaires et internationales de la direction de la sécurité sociale, auprès des ministères chargés du travail, de la santé et des comptes publics

La convention entre la France et l'Algérie en matière de protection sociale date de 1980 mais certaines dispositions spécifiques de coordination remontent elles aussi aux années soixante. Elle présente la particularité d'être complétée par un protocole relatif aux soins de santé, en vertu duquel l'Algérie rembourse à la France des soins prodigués dans notre pays à des assurés algériens après autorisation préalable de la caisse algérienne de sécurité sociale. Cela résulte d'une époque où certains soins ne pouvaient être administrés en Algérie, ce qui est beaucoup moins vrai aujourd'hui. Telle est la raison pour laquelle, depuis 2005 déjà, nous travaillons à une mise à jour de ce protocole franco-algérien, afin de mieux encadrer le mécanisme d'autorisation préalable par la caisse algérienne et les échanges avec les équipes soignantes françaises, comme d'élargir le champ de ce protocole.

PermalienPhoto de Michel Terrot

Personnellement, je m'abstiendrai au moment du vote sur le projet de loi. J'ai quelque connaissance du sujet pour avoir été, il y a de cela une quinzaine ou une vingtaine d'années, le conseil de plusieurs organismes de sécurité sociale. Je me souviens de notre étonnement d'alors devant l'absence de contrôle sur les prestations versées dans ces pays ; je me souviens de bénéficiaires qui étaient curieusement fort nombreux à être plus que centenaires ! Le problème provient de ce que les organismes français de sécurité sociale ne sont pas habilités à procéder à des contrôles à l'étranger, pas davantage d'ailleurs pour les prestations d'assurance maladie que pour les pensions d'invalidité ou pour les rentes d'accidents du travail. Ce sont des médecins étrangers qui apprécient un taux d'invalidité servant de base au calcul de prestations liquidées en France, sans contrôle possible. Je me rappelle ces cas où, lorsqu'un contrôle a posteriori avait pu être mené, nous découvrions qu'un homme devenu prétendument tétraplégique suite à un accident du travail était en fait un authentique chef de village, dont la descendance s'était accrue depuis son accident…

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Je vous rappelle que la pension moyenne annuelle d'un retraité marocain s'élève à 2 500 euros environ, ce qui est très modeste. Néanmoins, la question portant sur les contrôles est pertinente ; comment la partie française s'assure-t-elle, par exemple, de ce que les bénéficiaires des prestations qu'elle verse sont bien en vie ?

PermalienAnne Girel, chargée de mission à la division des affaires communautaires et internationales de la direction de la sécurité sociale, auprès des ministères chargés du travail, de la santé et des comptes publics

Nous sommes bien conscients des possibles abus du système. Pour les éviter, il existe des procédures classiques, comme par exemple les certificats de vie qui valent pour tout pensionné. S'agissant des contrôles que nous devrions diligenter à l'étranger, je souligne qu'il existe en amont un principe de confiance présidant aux relations bilatérales entre États contractants, de même qu'il existe un principe d'entraide administrative et de coopération mutuelle. Cela étant, en sus des dispositions habituelles des conventions en matière de contrôles médicaux, des commissions de médecins marocains peuvent se réunir, en tant que de besoin, afin d'établir des rapports d'expertise médicale en cas de contentieux en matière de maladies professionnelles. Si de nouvelles difficultés apparaissent, de nouvelles solutions seront trouvées lors des rencontres annuelles pour le suivi de la convention.

La préoccupation relative au contrôle à l'étranger est justement à l'origine d'une expérimentation actuellement en cours avec la Tunisie : les postes consulaires, sur avis du Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale, peuvent, dans ce cadre, agréer des personnes physiques ou morales aux fins de vérification sur place du bien-fondé du service de prestations versées par les organismes français. Si cette expérimentation est concluante, son extension au Maroc et à l'Algérie pourra être envisagée.

Enfin, n'oublions pas le principe de réciprocité inscrit dans ces accords bilatéraux : les autorités marocaines, tunisiennes et algériennes sont elles aussi confrontées à des difficultés, lorsque par exemple un médecin français décide que des soins sont nécessaires et qu'ils excèdent, par leur durée ou par leur ampleur, ce qui avait été agréé par l'autorité étrangère dans le cadre de l'autorisation préalable, et que cette dernière doit néanmoins rembourser ces soins.

PermalienPhoto de Jean-Paul Bacquet

Nos échanges de ce matin justifient l'intérêt que nous portons aux contrôles dans le champ des prestations d'assurance maladie. À cet égard, me voilà plutôt rassuré d'apprendre que 94 % du coût de la convention franco-marocaine concerne la liquidation de pensions de retraite. Les 6 % restants recouvrent donc à la fois des allocations familiales et des prestations de maladie. Sur ce dernier point, je veux bien croire qu'il existe un principe de confiance lorsque, comme en France, les prestations émanent de médecins conventionnés, donc régulièrement contrôlés. Mais tel n'est pas le cas au Maroc ! Je vous rappelle les cas déjà évoqués lors de notre réunion de la semaine dernière : la fraude aux arrêts de travail au retour de congés, constatée en région lyonnaise dans les années 1990, ou les cas fictifs de miliaire tuberculeuse qui étaient autant d'escroqueries au système d'indemnisation des accidents du travail. Cela étant, si les sommes en cause représentent moins de 6 % du total des dépenses, il n'est peut-être pas opportun de diligenter des contrôles qui risqueraient de coûter plus cher qu'ils ne rapportent.

PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Je m'interroge sur les effets, potentiellement pervers, de cette convention à l'avenir : les progrès de la médecine marocaine se poursuivant et les retours vers le Maroc s'amplifiant en parallèle, ne peut-on craindre pour ce pays des dérives s'apparentant au « tourisme médical », avec pour conséquence éventuelle le remboursement par la France de soins prodigués au Maroc alors qu'ils ne seraient pas autorisés en France ?

PermalienPhoto de Alain Néri

Les anciens combattants sont titulaires d'une « retraite du combattant » qui n'a pas légalement le caractère d'une pension de retraite. Bénéficieront-ils néanmoins du régime de la convention franco-marocaine ou bien devront-ils souffrir une fois de plus d'être traités de façon inique et précaire, à l'image du triste sort qui est le leur à Bordeaux, dans la propre ville du ministre chargé des anciens combattants ?

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Le projet de loi ne concerne que les travailleurs ayant cotisé en France.

PermalienAnne Girel, chargée de mission à la division des affaires communautaires et internationales de la direction de la sécurité sociale, auprès des ministères chargés du travail, de la santé et des comptes publics

La question de la décristallisation des pensions d'anciens combattants d'origine nord-africaine est un autre sujet. Même si depuis les années quatre-vingt la plupart des pensions ou rentes ont été décristallisées, il s'agit d'une réelle préoccupation que nous n'ignorons en aucun cas mais pour le traitement de laquelle la convention franco-marocaine de sécurité sociale n'est pas du tout le cadre approprié.

PermalienPhoto de André Schneider

L'accord existant, datant de 1965, nécessitait-il vraiment d'être mis à jour ? Par ailleurs, pourquoi ne pas envisager, en lieu et place des accords bilatéraux sur le même thème avec les pays du Maghreb – mais aussi plus lointains comme le Cameroun –, un accord multilatéral ?

PermalienAnne Girel, chargée de mission à la division des affaires communautaires et internationales de la direction de la sécurité sociale, auprès des ministères chargés du travail, de la santé et des comptes publics

La négociation d'une mise à jour d'une convention existante est toujours le fruit de la volonté des deux parties en cause. S'agissant de l'extension éventuelle à d'autres pays africains de cette nouvelle convention comme un accord type alors qu'elle est en fait normée sur les spécificités et les attentes franco-marocaines, je ne crois pas qu'une telle volonté ait été officiellement manifestée par ces pays et je ne crois d'ailleurs pas qu'il s'agisse d'une bonne approche pour des Etats parfois très différents quant à leur système de sécurité sociale et quant à leurs besoins et leurs attentes vis-à-vis de la France et de son système.

PermalienPhoto de Hervé de Charette

La convention comporte-t-elle des clauses de suivi ? des clauses de sauvegarde ? Il serait utile en l'occurrence que l'administration française soit dotée d'un dispositif de vérification de l'absence de fraude. Par ailleurs, j'ai accueilli avec intérêt les informations chiffrées qui nous ont été fournies : plus l'avalanche de chiffres est verbale et plus elle impressionne ! Pour garantir le sérieux du travail de la commission, un rapport écrit et préalable émanant du Gouvernement eût été certainement préférable.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Il faut rappeler que cette convention n'a pas fait l'objet d'une étude d'impact, celle-ci n'ayant été rendue obligatoire que quelques semaines après le dépôt du projet de loi. L'audition d'aujourd'hui a précisément vocation à suppléer cette absence.

PermalienPhoto de François Rochebloine

Si j'ai bien compris, seuls 6 % des 370 millions d'euros versés par des régimes de sécurité sociale français à des Marocains ne concernent pas les pensions de retraite. Les changements induits par la nouvelle convention ne portent donc que sur 740 000 euros pour les prestations de santé.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Qui risquent, on l'a vu, de passer à un montant bien supérieur, entre 3 et 10 millions d'euros.

PermalienPhoto de François Rochebloine

C'est donc bien de cette évolution qu'il était question.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Oui, on nous a présenté les chiffres d'une projection faite pour le Maroc sur la base de l'expérience tunisienne.

PermalienPhoto de Henriette Martinez

Et ça ne comprend même pas l'évolution des coûts liée au remboursement sur facture !

PermalienPhoto de François Rochebloine

A 3 millions d'euros, la hausse serait acceptable. Si l'on parle de 8 ou 10 millions, des dispositions pourraient être prises pour mieux contrôler le système, malgré la confiance qui règne entre nos deux pays.

PermalienPhoto de Jacques Myard

Certes, pacta sunt servanda est la règle de base des relations internationales, mais il ne faut pas être naïf ! L'Etat français repasse le bébé aux organismes de sécurité sociale mais, s'agissant d'un accord international, c'est la République qui en cause, et l'Etat devrait donc se réserver un pouvoir de contrôle. Un acte du Parlement devrait d'ailleurs préciser ce point, sous forme d'une résolution par exemple.

Je souhaiterais avoir des éclaircissements sur l'article 31 de l'accord, qui évoque les pensions de réversion. Permet-il leur versement à plusieurs épouses d'un même homme ?

PermalienAnne Girel, chargée de mission à la division des affaires communautaires et internationales de la direction de la sécurité sociale, auprès des ministères chargés du travail, de la santé et des comptes publics

Concernant l'évolution de la prise en charge des soins, j'ai évoqué, dans un premier temps, le principe de confiance entre les deux Etats, mais j'ai également mentionné la possibilité d'effectuer un certain nombre de contrôles sur place. Par ailleurs, j'ai également évoqué l'existence d'un projet de coopération mené en Tunisie afin de développer le contrôle des organismes de sécurité sociale sur place. Je rappelle aussi que le passage à un remboursement sur facture permet de faciliter le contrôle des dépenses. Enfin, nous organisons des commissions mixtes annuelles qui réunissent notamment les organismes des deux Etats et sont chargées d'étudier l'évolution du droit interne des deux pays, mais aussi les conditions d'application de la convention et l'exécution des normes qu'elle contient.

Sur le second point, la convention précise les modalités d'application du droit français dans l'ordre juridique d'un autre Etat. La situation est comparable entre le Maroc et l'Algérie, dont certaines dispositions de la législation interne s'appliquent à des travailleurs se trouvant en situation de pluralité d'épouses selon le droit local.

La France liquide une seule pension de réversion, qu'elle transfère à la caisse marocaine qui se charge de la verser, en la partageant, si besoin est, en cas de pluralité d'épouses.

PermalienAnne Girel, chargée de mission à la division des affaires communautaires et internationales de la direction de la sécurité sociale, auprès des ministères chargés du travail, de la santé et des comptes publics

C'est la réalité des faits, mais ces cas sont très résiduels : ils ne concernent qu'environ 900 hommes par an.

PermalienPhoto de Jacques Myard

C'est inadmissible ! En plus, si la dernière épouse a vingt ans, on se retrouve à payer pendant des décennies !

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Je vous rappelle que la convention n'apporte rien de nouveau s'agissant des pensions de réversion, mais qu'elle modifie la situation s'agissant de la couverture maladie, désormais étendue aux pensionnés rentrés au Maroc.

PermalienPhoto de Didier Julia

En France, la pension de réversion est partagée en fonction de la durée de mariage entre les époux successifs. Au Maroc, dans les cas sus-mentionnés, la part versée à chaque épouse est identique. La pension de réversion versée par la France reste inchangée au total. N'existe-t-il pas un risque que la caisse marocaine conserve les sommes qui auraient dues être versées à celles des épouses qui sont décédées ?

PermalienAnne Girel, chargée de mission à la division des affaires communautaires et internationales de la direction de la sécurité sociale, auprès des ministères chargés du travail, de la santé et des comptes publics

Ces situations sont extrêmement réduites en nombre, même si je comprends tout à fait le problème de principe qu'elles soulèvent. Toutefois, la pension de réversion est un avantage qui résulte des cotisations versées par le travailleur. Dans le cadre de la convention actuelle, la France verse à la caisse marocaine une somme calculée selon les critères de la législation française, au titre de l'assuré décédé, et cette somme ne change pas car elle correspond à des droits acquis.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Je reprends la question du rapporteur : que se passe-t-il en cas de disparition d'une ou plusieurs épouses ?

PermalienPhoto de Henriette Martinez

Quelle est l'évolution en pourcentage des dépenses du fait du passage au remboursement sur facture ? A-t-on fait un calcul prévisionnel ?

Quel est le montant des flux financiers du Maroc vers la France en application de cette convention qui repose sur le principe de réciprocité ?

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

On nous a déjà dit qu'il n'y avait pas de projection à l'heure actuelle mais qu'on attendait davantage de contrôles et donc une meilleure maîtrise des soins pris en charge.

On se doute bien que les flux financiers vers la France sont résiduels.

PermalienAnne Girel, chargée de mission à la division des affaires communautaires et internationales de la direction de la sécurité sociale, auprès des ministères chargés du travail, de la santé et des comptes publics

La somme est effectivement minime, autour de 2 à 3 000 euros.

PermalienPhoto de Henriette Martinez

Autant dire qu'il n'y a pas de réciprocité !

PermalienPhoto de Lionnel Luca

Je trouve que les réponses apportées manquent singulièrement de clarté.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Je ne peux pas vous laisser dire cela ; Mme Girel a répondu à chacune de nos interrogations de manière très précise.

PermalienPhoto de Lionnel Luca

J'ai hâte de lire le compte rendu de ces débats car je n'ai pas pu comprendre ces réponses, n'étant pas expert des finances sociales, et n'ayant pas à ma disposition de support écrit reprenant ces informations. De manière générale, notre commission n'est pas spécialiste des affaires sociales. Je ne comprends pas pourquoi nous n'avons pas demandé à la commission des affaires sociales de nous donner un éclairage sur cette convention !

PermalienPhoto de Lionnel Luca

Ce n'est pas rassurant. Par ailleurs, je partage entièrement le point de vue de Jacques Myard concernant la situation des veuves, et je réserve mon vote sur ce texte de ce fait.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Je ne partage pas votre avis sur le rôle de notre commission. Nous avons examiné des dizaines de conventions fiscales sans avis de la commission des finances, de même que nous n'appelons pas la commission du développement durable à l'aide pour les conventions à dimension écologique. La commission des affaires étrangères est par nature compétente pour tous les actes intéressant les relations bilatérales de notre pays avec d'autres Etats.

PermalienPhoto de Marie-Louise Fort

Pourquoi avoir retenu le chiffre de cinq pour la composition moyenne des familles ? En France, peu de familles sont composées de cinq personnes, surtout celles de personnes retraitées. Il y a un déséquilibre.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Dufau

La législation française, en cas de pluralité d'épouses dans le temps, prévoit un principe de calcul de la pension de réversion au prorata temporis. Au Maroc, même si l'on voit persister des situations de polygamie très regrettables, l'application de la convention conduirait donc, si j'ai bien compris, à ce que chaque épouse reçoive une part égale ?

PermalienPhoto de Chantal Bourragué

Je tiens personnellement à me féliciter de ce que la France aide les pensionnés marocains à assumer leurs dépenses de santé. Je souhaite réagir aux propos tenus par Alain Néri concernant les conditions d'accueil des anciens combattants marocains à Bordeaux. Ses affirmations sont scandaleuses. J'ai accueilli certains de ces anciens combattants à Bordeaux et j'affirme qu'ils sont accueillis dignement. Il y a eu des difficultés dans le passé, car les arrivées ont pu être très nombreuses, mais l'action menée depuis, y compris par le maire de Bordeaux, a porté ses fruits.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

La question posée est la suivante : la France continue-t-elle de verser la totalité de la pension de réversion jusqu'à la disparition de la dernière épouse, ou bien cette somme diminue-t-elle en fonction des décès d'ayants droit ?

Je conçois que vous ne puissiez pas nous répondre immédiatement, aussi je vous demanderai de nous répondre précisément par écrit dans les meilleurs délais afin que ces éléments d'explication puissent être annexés au rapport.

PermalienPhoto de Didier Julia

Je souhaiterais faire une remarque à l'adresse de Mme Girel. Je tiens à vous remercier pour les explications fournies et à vous assurer que je ne mets pas en cause vos compétences. Mais il ne faut pas négliger le fait que dans le contexte d'augmentation des frais de santé en France, les conséquences financières de la présente convention pourraient contribuer à accroître le déséquilibre des comptes de la Nation. Il est donc légitime que l'on s'y intéresse. Je tiens à m'assurer que le gouvernement va suivre l'application de la convention.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Je tiens à remercier MM. Rogeau, Casabonne-Masonnave et Mme Girel. Leurs développements ont été instructifs. Nous attendons néanmoins un retour d'expérience sur ce qui se passe concrètement entre les caisses françaises et marocaines pour le reversement des pensions de réversion.

Vote sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc (n° 2560)

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Monsieur le Rapporteur, après cette audition, je vous donne la parole.

PermalienPhoto de Didier Julia

Monsieur le Président, mes chers collègues, vous avez eu l'information à la source. Il vous revient à présent de choisir. Les réponses de la représentante compétente présentent un intérêt certain. Cette discussion aura l'avantage d'être publiée. Notre vote aura été éclairé par les débats qui ont eu lieu. Sous réserve d'un suivi et de précisions d'une part, sur les contrôles des maladies et des post-maladies, et, d'autre part, sur les droits des veuves, je me prononce en faveur de l'adoption du présent projet de loi. Néanmoins, il faut organiser un suivi de l'application de la convention et nous assurer que les caisses marocaines ne conservent pas les sommes qui auraient dû être versées à celles des épouses qui sont décédées.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Cette séance de travail a été utile et intéressante. A une ou deux incertitudes près, beaucoup de réponses ont été apportées aux questions soulevées. C'est une bonne façon d'examiner dans le détail un projet de loi autorisant l'approbation d'une convention. Notre rôle sera néanmoins de suivre l'application de cette convention.

Cette séance aura aussi certainement un impact important sur les administrations, et notamment sur leur préparation des auditions à l'Assemblée nationale et des études d'impact des projets de loi. Le fait que nous entrions désormais dans le détail des textes soumis à notre approbation traduit cette évolution positive à laquelle les services doivent s'adapter. Au sujet des pensions de réversion, il est indispensable que nous obtenions une réponse précise sur cette question délicate. Il semblerait que d'après l'article 31 de la nouvelle convention, le montant total de la pension de réversion soit constant et que, dans l'hypothèse de l'application du droit français, sa répartition entre les veuves évolue en faveur des survivantes au fur et à mesure de la disparition des autres.

PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Je tiens à féliciter la représentante du ministère de la santé pour son sang-froid, et souligner qu'il est normal qu'elle ait eu quelques difficultés à répondre sur des questions d'ordre purement politique. Je suis satisfait de voir que la Commission se livre à ce genre d'exercice.

Pour ce qui est de l'approbation de cet accord, il faut faire attention à la façon dont on aborde la question de la pluralité d'épouses. On parle des droits acquis par des personnes ayant travaillé. La notion de « veuves » correspond à la conception française.

S'il est prévu que le montant de la pension de réversion, liquidé en France pour une veuve et réparti au Maroc, le cas échéant, entre plusieurs veuves, est versé dans son intégralité jusqu'au décès de la dernière d'entre elles, c'est une façon de ne pas reconnaître la polygamie.

S'il est à l'inverse prévu que ce montant de la pension de réversion diminue avec la disparition progressive des épouses auxquelles il était versé par fractions, c'est une façon de reconnaître la polygamie.

Enfin si la totalité du montant de la pension de réversion est versé aux caisses marocaines, et que celles-ci tiennent compte de la disparition progressive des épouses pour n'en attribuer qu'une fraction aux épouses survivantes, et en garder le reliquat, la situation serait fâcheuse.

PermalienPhoto de Didier Julia

Je pense pouvoir répondre à l'interrogation que j'ai moi-même soulevée. Après relecture de l'article, il apparaît que, dans la nouvelle convention, les règles françaises de répartition s'appliquent aux pensions acquises en France et que donc, comme le Président vient de le dire, le montant versé à chaque veuve évolue à la hausse en fonction de la diminution de leur nombre.

PermalienPhoto de François Rochebloine

Je tiens moi aussi à remercier la représentante du ministère de la santé ainsi que le Rapporteur.

Je souhaiterais savoir si ce principe de versement et de répartition de la pension de réversion à plusieurs épouses s'applique dans d'autres pays. Qu'en est-il en Tunisie, par exemple ?

PermalienPhoto de Didier Julia

La polygamie est interdite en Tunisie ; la question ne se pose donc pas.

PermalienPhoto de Hervé de Charette

En matière de ratification de conventions, le principe qui prévaut en séance plénière, c'est que le texte est à prendre ou à laisser.

En revanche, en commission, nous pouvons faire un certain nombre d'observations. Le Président de la commission peut ainsi écrire en notre nom pour se plaindre ou pour demander plus d'informations.

Sur la question de la pluralité d'épouses, je pense qu'il ne faut pas que nous commettions d'erreur susceptible de blesser les pays concernés. Ce qui se passe chez eux les concerne seuls. Ce qui se passe chez nous, nous concerne seuls.

Qu'en serait-il si un travailleur étranger venait travailler en France avec plusieurs épouses ? Il bénéficierait de plusieurs allocations familiales ? de plusieurs logements sociaux ? Cette situation-là serait scandaleuse.

Mais il s'agit ici du versement de pensions à des personnes ayant travaillé en France et prenant leur retraite au Maroc. Cette situation n'est pas scandaleuse, d'autant que les montants impliqués sont dérisoires.

PermalienPhoto de Jacques Myard

La convention est claire. L'article 31 alinéa 2 dispose que « la prestation acquise est répartie également et définitivement entre les épouses survivantes ». Autrement dit les caisses françaises vont verser la totalité du montant de la pension de réversion jusqu'au décès de la dernière épouse. Ce texte pose le problème de la polygamie. Il est contraire à notre ordre public. Et il serait contraire à la Constitution qu'on l'adopte.

On ne peut approuver un tel brûlot politique.

Certes, en France, on reconnaît depuis un arrêt de la Cour de cassation de 1938, les enfants nés de couples polygames, mais il est inadmissible que l'on reconnaisse la polygamie en tant que telle.

C'est pourquoi je voterai contre le projet de loi autorisant l'approbation de cet accord.

PermalienPhoto de Henri Plagnol

Il n'y a pas de bonne solution sur la pension de réversion et prévoir une diminution progressive du montant de la pension de réversion au gré des décès des épouses, ce serait de facto une reconnaissance de la polygamie. Par ailleurs, imaginer que le montant de la pension de réversion serait versé en totalité aux caisses marocaines jusqu'au décès de la dernière épouse, et que ces dernières n'en reverseraient qu'une partie aux épouses survivantes en conservant la différence constituerait une solution totalement intolérable pour nos concitoyens. Il y aurait là un sujet explosif !

PermalienPhoto de Henri Plagnol

En tout état de cause, le débat a été passionnant et tout à l'honneur de notre commission.

Il faudra à l'avenir se pencher sur la reconnaissance par la France des effets dans notre pays des lois des pays anciennement colonisés, notamment des lois qui régissent leur état civil. Si on reconnaît les effets des règles de l'état civil et des pratiques propres à ces pays, la situation risque de devenir inextricable en France. On le voit avec les logements sociaux. Je sais que notre commission n'est pas compétente sur cette question, mais il n'est pas normal que, si longtemps après la décolonisation, on continue d'intégrer dans nos dispositifs les règles des pays anciennement colonisés et leurs effets.

PermalienPhoto de Robert Lecou

Alors que cette convention aurait pu être adoptée simplement et passer quasi-inaperçue, elle a conduit à des débats de fond. On parle de polygamie, de la souveraineté des Etats, et de la non-immixtion dans leur ordre juridique interne.

Une troisième séance sur ce sujet serait bienvenue. On n'a pas besoin de développements sur ce qui se fait « normalement », mais sur ce qui se fait « clairement » en pratique.

Je suis curieux de connaître le compte rendu qui sera fait de cette séance. Les sujets qui y ont été abordés doivent être rendus publics et nécessitent une grande clarification.

PermalienPhoto de André Schneider

L'essentiel est dit. Pour emboîter le pas à M. de Charette, je tiens à souligner que, comme plusieurs de mes collègues, je fais partie d'associations, comme la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme, et je ne vois pas comment on peut justifier l'acceptation de certaines situations. On est ici à la commission des affaires étrangères, et il faut que l'on trouve un chemin médian qui ménage nos valeurs tout en préservant nos relations avec le Maroc.

Plutôt que de multiplier, au risque d'aboutir à des incohérences, des textes bilatéraux, peut-être faudrait-il définir dans un cadre multilatéral et au sein d'un protocole des critères généraux susceptibles d'être repris dans des accords bilatéraux.

En tout état de cause, je considère que nous avons besoin d'une troisième séance pour examiner cette convention.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Dufau

Notre débat montre que la question est très difficile et quelle que soit la solution qu'on adopte, on pourra toujours dire qu'on aurait pu en prendre une autre. Si la pension dans son intégralité est versée au Maroc, sans se préoccuper de la situation des épouses, nous ne sommes pas dans la reconnaissance de la polygamie et cette position peut se défendre. Si nous parlons de dotation de la France, s'agissant d'un accord international, nous pouvons négocier ce que notre pays donne. Le prorata dès l'origine peut être une solution à porter au débat, mais est-on certain de ce qui se passe au fur et à mesure du décès des épouses ? Il convient d'être prudent. La même chose se passe-t-elle en France et qu'en est-il des autres Etats européens ? Quelle est leur politique vis-à-vis du Maroc et des autres Etats où la polygamie est légale ?

PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis d'accord avec Hervé de Charette. Il y a un très gros problème chez nous et il n'y a pas de solution idéale. La répartition pro temporis serait une reconnaissance de droit et de fait de la polygamie. Le fait qu'il y ait succession d'épouses, sans divorces, revient à reconnaître la polygamie. Il faut continuer de travailler la question.

PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Il ne faut cependant pas oublier que nous sommes sur un dossier qui concerne des travailleurs qui ont acquis des droits, en matière de santé et de retraite. Il faut l'avoir présent à l'esprit en priorité. Cela étant, sur la question de l'application, il y a effectivement un message politique, comme cela a été dit et il est important de savoir celui qui est acceptable par la société française, à l'heure actuelle. Ce que dit Jacques Myard est vrai : nous avons tous été sollicités par des préfets pour accueillir des familles polygames dans nos communes. J'ai eu à répondre que, chez moi, il n'y aurait pas de problème si, préalablement, le préfet légalisait une délibération du conseil municipal sur l'autorisation de la polygamie ! La question doit être posée ainsi. Est-ce que la polygamie est légalisable ou pas, c'est une question qu'il faut poser. Les travailleurs marocains doivent avoir des droits équivalents mais pas supérieurs. C'est cela qu'il faut régler, même s'il y a ensuite des aspects techniques à prendre en considération. Un autre point porte sur le fait de savoir si l'on considère que le Maroc est un pays qui respecte ses obligations. C'est une autre question sur laquelle j'ai mon opinion : je considère que le Maroc ne respecte pas ses obligations internationales. Tout autre est la question qui porte sur la situation des travailleurs marocains qui ont des droits qu'il faut respecter. Pour cette raison, je suis favorable à l'adoption de ce projet.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

En ce qui concerne notre vote sur ce texte, je note en premier lieu que le rapporteur nous a donné des précisions supplémentaires importantes dont il ressort que ce n'est pas la caisse du Maroc qui s'enrichit selon l'évolution des situations individuelles mais que ce sont les personnes concernées qui en bénéficient directement. En deuxième lieu, nous nous penchons sur cette situation à l'occasion de l'examen de ce projet de loi mais cette règle de partage entre épouses existe depuis longtemps, même si elle est rappelée aujourd'hui. Troisièmement, il est clairement dit que la loi française s'applique aux prestations versées par la France et la loi marocaine à celles versées par le Maroc. Les us et coutumes marocains ne sont pas forcément bienvenus chez nous mais nous devons évidemment les respecter. Je crois que, effectivement, si nous ne votions pas ce texte, nous risquerions d'attirer l'attention sur des aspects qui ne le méritent pas et je suis en revanche tout à fait d'accord sur l'idée de faire des observations ainsi que sur la nécessité de contrôles. Je rappelle enfin que, tous les mois, il y a dans notre ordre du jour une semaine de contrôle : ce pourrait être un sujet de débat dans l'hémicycle si des groupes parlementaires le souhaitent. Je vous invite donc à voter ce projet de loi sans report.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Un par groupe seulement, puisque tout le monde s'est déjà exprimé.

PermalienPhoto de Robert Lecou

On ne peut pas cautionner la polygamie !

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

On ne peut pas refaire tout le débat. On ne peut pas dire que cette convention cautionne la polygamie et nous avons incontestablement besoin des travailleurs marocains en France qui cotisent et acquièrent des droits.

PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Au Conseil de l'Europe, le Maroc est observateur et on y défend des valeurs qui sont contre la polygamie.

PermalienPhoto de Hervé de Charette

Vous nous avez dit que vous feriez des observations au ministre et que ses réponses devraient être communiquées à la commission des affaires étrangères. En ce qui concerne la polygamie, je crois aussi que c'est une question qui doit être mise à l'étude et qu'il faut interroger le ministère pour qu'il en fasse l'inventaire sur le plan du droit.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Dufau

Comme nous n'avons pas eu toutes les explications souhaitées, les députés de notre groupe auront liberté de vote.

PermalienPhoto de Martine Aurillac

Je crois que le problème de la polygamie n'est absolument pas central dans cette convention qui a essentiellement pour effet d'améliorer la situation des bénéficiaires en matière de couverture médicale. Si nous rejetions ce projet de loi, ce serait un signal détestable envoyé en direction du Maghreb tout entier, au-delà du seul Maroc. Nous voterons donc ce projet. Comme il a été dit, il concerne des travailleurs qui ont acquis des droits.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (no 2560).

La séance est levée à onze heures quarante.