Audition de M. Christian Masset, directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats au ministère des affaires étrangères et européennes sur la présidence française du G20 et du G8
La séance est ouverte à dix heures.
Nous auditionnons ce matin M. Christian Masset, directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats au ministère des affaires étrangères et européennes.
La Commission tient ce matin sa deuxième séance consacrée aux prochains sommets du G8 et du G20, qui seront tous deux placés sous présidence française. Je souhaite en effet qu'elle soit tenue informée en continu des travaux qui seront menés et des décisions qui seront prises dans ce cadre, notamment dans la perspective du débat qui sera organisé en séance publique au cours du premier trimestre 2011. L'intervention de Jean-David Levitte, la semaine dernière, a principalement porté sur le G20 et le bilan du sommet de Séoul. Peut-être pourriez-vous aborder aujourd'hui, monsieur le directeur général, le dossier du G8 et celui de l'organisation concrète de la double présidence française.
Le Président de la République l'a rappelé, le G8 reste pour la France une instance de discussion essentielle mais doit évoluer pour éviter toute redondance avec le G20. En plus des sujets de coopération classiques concernant la sécurité, comme le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive et le Moyen-Orient, plusieurs thèmes ont été proposés à nos partenaires. Ainsi la France souhaite-t-elle faire avancer le partenariat entre le G8 et l'Afrique en promouvant le principe de redevabilité mutuelle. Quels sont les détails de cette proposition ? Comment s'articule-t-elle avec les discussions du G20, qui s'intéresse dorénavant au développement ? Quelle sera la place de la Chine, qui mène une politique particulièrement agressive sur ce continent ? De manière générale, le G8 pourrait-il être un lieu approprié pour discuter du cas chinois ? Quelles questions nos partenaires seraient-ils disposés à aborder dans ce cadre ? Enfin, quels sont les résultats recherchés par la France sur les sujets nouveaux qu'elle a proposés, comme la régulation d'Internet, l'évolution des flux migratoires ou l'innovation au niveau mondial ? Ces sujets pourront-ils tous être abordés en un an ? Enfin, concrètement, comment la France compte-t-elle s'organiser pour mener à bien en parallèle les discussions du G8 et du G20 ?
C'est pour moi un très grand honneur de venir vous parler de ce sujet qui nous accapare tant, accompagné de M. Cyrille Pierre, directeur adjoint de l'économie globale et des stratégies de développement, et de M. Mathieu Peyraud, chargé de mission pour le G8 et le G20.
Au sommet de Séoul, outre que nous avons engrangé des résultats, nous sommes passés d'un G20 de crise à un G20 de construction, qui travaille sur un temps plus long et s'attaque aux réformes structurelles. C'est la conséquence de la décision prise à Pittsburgh : institutionnaliser le G20 et suivre une sorte de rythme de croisière, avec un sommet annuel à partir de 2011. La présidence française est la première à affronter ce défi de front, avec l'agenda très ambitieux fixé par le Président de la République.
La méthode est extrêmement importante car le G20 est un groupe large – plus de vingt membres autour de la table – et constitué de pays hétérogènes en termes de niveau de développement, de perception du monde et d'aspirations, même si tous partagent la volonté de coopérer et la capacité, compte tenu de leurs poids économique et démographique, de peser sur les affaires du monde. En outre, contrairement au G8, ce groupe n'a qu'une expérience extrêmement récente du travail en commun. Il faut donc passer par différentes phases de travail : partage d'un constat, discussion, examen des propositions puis décision. Cela explique l'importance des séminaires – comme celui que le Président de la République souhaite voir organisé en Chine sur les questions monétaires – ainsi que celle des mandats donnés aux organisations internationales pour produire les rapports qui serviront de base de travail. De ce point de vue, nous avons atteint l'objectif que nous nous étions fixé à Séoul : le G20 s'est approprié les priorités fixées par le Président de la République en confiant au Fonds monétaire international (FMI), à la Banque mondiale, à l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (Food and Agriculture Organization, ou FAO) et à quantité d'autres institutions des mandats sur les différents sujets qui nous intéressent. Vous aurez aussi noté que plusieurs plans d'action pluriannuels ont été adoptés à Séoul ; il est clair que tout ne sera pas réglé en une année.
Le Président de la République a également beaucoup insisté, dans sa conférence de presse de clôture du sommet de Séoul, sur l'importance du dialogue et de l'écoute, bien au-delà de nos partenaires. Il faut mener des consultations avec l'Organisation des Nations unies (ONU) – Jean-David Levitte est allé s'exprimer devant l'Assemblée générale des Nations unies et Michèle Alliot-Marie a reçu son président il y a quelques jours – mais aussi avec les organisations régionales, comme l'Union africaine, au sommet de laquelle le Président de la République se rendra en janvier, et les autres groupes de pays, à commencer par l'Organisation internationale de la francophonie, qui a débattu, à Montreux, de nombreux sujets connexes à ceux traités par le G20, sans oublier le Global Governance Group (3G), constitué de pays à revenu intermédiaire de tous les continents, n'appartenant pas au G20 mais dont les économies se portent bien. Cet exercice de consultation est absolument essentiel et, au-delà des États et des organisations internationales, s'étend au demeurant à la société civile. Je salue à ce propos le travail de M. le député Roubaud, avec qui nous avons animé tout un programme de dialogue avec des entreprises, des syndicats, des organisations non gouvernementales (ONG) et des collectivités territoriales, en France et à l'étranger.
Lorsque la France s'est vue confier la présidence des sommets du G20 et du G8, à Pittsburgh, le Président de la République a consulté ses homologues pour vérifier s'ils souhaitaient le maintien du G8. D'abord, à l'heure où l'interdépendance commande une action collective accrue, l'acquis considérable du G8 en termes de travail en commun représente un capital précieux. Ensuite, les pays du G8 ont des traits et des aspirations communs ; ce sont des économies avancées, confrontées à des défis communs qui ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux des grands pays émergents. Au moment où ceux-ci se rassemblent dans le groupe BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) ou, pour ce qui est du climat, dans le groupe BASIC (Brésil, Afrique du Sud, Inde et Chine), il est parfaitement naturel que les économies avancées se concertent, non pas pour faire bande à part ou se positionner bloc contre bloc mais pour traiter de leurs propres problèmes et éventuellement prendre des initiatives qui pourront ensuite faire tache d'huile.
Mais ce G8 ne ressemble pas aux précédents. Conformément au souhait des chefs d'État et de gouvernement, le sommet de cette année, à Muskoka au Canada, a été beaucoup plus informel, comme une sorte de retour aux sources. Par ailleurs, il ne doit pas être redondant et faire doublon avec le G20, enceinte principale de la coopération économique. Enfin, les pays extérieurs au G8 n'accepteraient pas que celui-ci soit vu comme le directoire du G20.
Nous sommes en train de soumettre à nos partenaires – une réunion des sherpas se tient en ce moment même à Montréal – des propositions sur un ordre du jour resserré autour de trois blocs.
Le premier bloc concerne les sujets politiques habituels du G8 – sachant que le G20 ne traite pas des questions politiques – comme le processus de paix au Proche-Orient, la lutte contre le terrorisme ou la non-prolifération. Une question nouvelle, d'une actualité brûlante, sera à l'ordre du jour et fera l'objet d'une réunion ministérielle élargie, au printemps, avec des représentants de pays concernés : les nouvelles routes de la drogue, en particulier du trafic de cocaïne entre Amérique latine et Caraïbes, Afrique de l'Ouest et Europe.
Le deuxième thème est celui du partenariat avec l'Afrique. La France, qui a inventé ce partenariat, désire naturellement le renforcer durant sa présidence de 2011. C'est d'ailleurs le souhait de tous nos partenaires du G8 comme de nos partenaires africains. Lors du sommet, ce partenariat prendra la forme d'une réunion avec les représentants du continent africain, quelques grands États ainsi, bien sûr, que le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD) et l'Union africaine. Les sujets traités seront tout d'abord les questions politiques régionales, que nous avons l'habitude d'aborder avec nos amis africains, comme le renforcement des capacités ; nous pourrons éventuellement y ajouter le volet africain du dossier des nouvelles routes de la drogue. Il sera aussi question, c'est plus nouveau, de la croissance économique en Afrique, notamment de l'intervention du secteur privé. Sur ce sujet, nous comptons bien nous servir de la dynamique lancée lors du sommet Afrique-France de Nice. Le continent africain connaît en effet maintenant une croissance forte, très inégale mais incontestable ; le partenariat du G8 avec l'Afrique en 2011 doit accompagner ce mouvement émergent.
Vous avez parlé, monsieur le président, du principe de redevabilité, mis en évidence au sommet de Muskoka. Il fait suite à un certain nombre de critiques car, si le G8 a accompli beaucoup de choses – il a par exemple fait reculer l'analphabétisme ou permis la création du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (FMLSTP) –, il convient de suivre très précisément tous les autres engagements qu'il a pris dans de nombreux domaines. Le premier ministre éthiopien Meles Zenawi, en qualité de président du NEPAD – qui peut être considéré comme la branche économique de l'Union africaine –, déposera de son côté un rapport de redevabilité. Signe fort de partenariat, nous allons donc croiser nos engagements réciproques pour améliorer à la fois notre exercice de la responsabilité et l'efficacité de l'aide. Nous comptons aborder dans ce cadre la question de la contrefaçon des médicaments – thème de l'appel de Cotonou –, car les faux médicaments tuent environ 200 000 Africains par an et compromettent les immenses efforts que nous accomplissons en matière sanitaire.
Le troisième point porte sur les nouveaux sujets. Le Président de la République a voulu que le G8 s'occupe de questions de société marquées par l'interdépendance et touchant directement les citoyens des pays avancés. Il propose ainsi à ses partenaires de mettre à l'ordre du jour la question de l'Internet, qui représentera 20 % du PIB mondial en 2030 – dans certains des pays avancés, ce taux est déjà atteint. L'Internet permet d'accroître la compétitivité et l'efficacité des services, principaux créateurs d'emplois ; l'enjeu économique est donc considérable. Différents aspects sont à régler. Il y a d'abord des enjeux technologiques, avec la question du développement du haut débit et des infrastructures, actuellement engorgées. Il faut aussi traiter de l'accès de tous à Internet, du principe de la neutralité d'Internet et du moyen d'éviter les positions dominantes ou les distorsions de concurrence. Viennent ensuite des questions relatives à la propriété intellectuelle, par exemple celle des droits d'auteur. D'autres enjeux sont de nature fiscale : Internet ayant donné lieu à des phénomènes de délocalisation, il faut définir les assiettes taxables pour parvenir à une répartition équitable de l'imposition dans la chaîne de valeur. Les aspects ayant trait à la liberté et à la protection des droits sont tout aussi importants, avec notamment la protection des données personnelles ou le droit à l'oubli, notion que nous essayons de développer. Enfin, les questions de sécurité sont primordiales, concernant par exemple la riposte aux attaques, parce que ces infrastructures sont maintenant essentielles, ou la cybercriminalité. Nous défendons tous ces sujets devant nos partenaires afin de décider si l'action publique peut être utile et selon quelles modalités.
Pour ce qui est du déroulement des opérations, le Président de la République a annoncé qu'il tiendra une conférence de presse, en janvier, afin de préciser l'ensemble des priorités retenues au terme de ses consultations. Se dérouleront ensuite toute une série de visites, tant du Président de la République que du ministre des affaires étrangères ou d'autres ministres, puis des séminaires, des réunions de groupes de travail, des réunions de sherpas et des réunions ministérielles. Pour le G20, les ministérielles porteront sur les finances, l'agriculture et enfin l'emploi et le travail, plus peut-être une réunion des ministres du développement – compte tenu de l'importance accordée à ce volet dans le G20, la question est en suspens. Pour le G8, elles porteront sur les affaires étrangères et, dans un format élargi, je vous en ai parlé, sur les routes de la drogue. Bref, ce calendrier de travail convergera vers le G20 de Cannes des 3 et 4 novembre et le G8 de la fin du printemps, en un lieu qui n'est pas encore fixé.
Le ministère des affaires étrangères et européennes, qui est bien entendu complètement mobilisé dans cette entreprise – Michèle Alliot-Marie a dit l'importance qu'elle y attachait –, a créé une task force spécifique. Pour ce qui est du G8, c'est nous qui assurons la coordination interministérielle. Quant au G20, nous jouons pleinement notre rôle aux côtés du ministère des finances, puisqu'un certain nombre de sujets, comme le développement, le commerce, la lutte contre la corruption ou évidemment la gouvernance, sont de compétence partagée. Nous sommes pleinement engagés dans toutes les actions de dialogue avec les Nations unies et la société civile, le réseau diplomatique nous servant à la fois d'informateur et d'agent d'influence. Enfin, d'un point de vue budgétaire, c'est nous qui avons la responsabilité du programme 332, « Présidence française du G20 et du G8 », dont vous avez voté la création.
J'informe les membres de la commission que la première audition de Mme le ministre des affaires étrangères et européennes aura lieu le mercredi 15 décembre prochain après les questions d'actualité.
Compte tenu de l'institutionnalisation du G20, pensez-vous que nous nous orientons vers la constitution d'un secrétariat permanent ?
Au regard de l'état actuel des discussions, quelles sont les chances d'aboutissement des priorités fixées par le Président de la République ?
Puisque la priorité est donnée au développement de l'Afrique, qu'en est-il de la question des financements innovants, en particulier de la taxe sur les transactions financières, en faveur de laquelle la France s'est engagée ? Donnera-t-elle l'exemple ?
Par ailleurs, le renforcement des capacités des États, priorité à laquelle je souscris évidemment, est-il compatible avec le système de l'aide internationale, notamment avec la verticalité de l'aide multilatérale, qui passe par des canaux parallèles aux États ?
Les trafics de drogue constituent une économie parallèle qui soutient la criminalité organisée et le terrorisme. En outre, par effet de masse, ils sont calamiteux pour la santé mondiale. L'expression « routes de la drogue » est certes imagée, mais j'aimerais que nous parlions aussi de santé au niveau mondial et peut-être que nous évoquions les alternatives à proposer à ces économies fondées sur la production des produits de base. Pour la gouvernance mondiale en marche, c'est un projet majeur.
En tant que rapporteure pour avis du programme 332, j'ai auditionné le secrétaire général de la présidence du G8 et du G20, qui ne m'a pas caché la difficulté de sa mission mais a témoigné de sa ferme volonté de respecter son enveloppe. Malgré une gestion efficace et les économies d'échelles que permettra la mutualisation des deux sommets, ne craignez-vous pas qu'il soit difficile de ne pas dépasser les 80 millions d'euros prévus ? Le budget consacré par le Canada au seul G20 de l'an dernier était dix fois supérieur.
Les ministres de l'économie et les gouverneurs des banques centrales doivent se rencontrer, mi-février, à Paris. Est-il envisageable d'inscrire la taxation des flux financiers à leur ordre du jour ?
La nouvelle cohabitation aux États-Unis ne risque-t-elle pas de perturber voire de scléroser une partie des discussions, si le président Obama et la chambre des représentants défendent des positions divergentes ?
Est-il envisagé, dans le cadre du G8 ou du G20, de réfléchir à une évolution du système monétaire international, plus précisément des institutions issues des accords de Bretton Woods ?
En vue de maîtriser les flux migratoires, la question du co-développement doit-elle être évoquée ? Convient-il d'associer les nouveaux pays émergents à cette discussion ?
Comment le G20 et le G8 articulent-ils les travaux avec les groupes comme le BRIC ou le BASIC ?
Jean-David Levitte nous a indiqué que l'administration américaine remettait en cause les modalités de l'accord de Doha, notamment les deux catégories d'États retenues : pays riches et pays en développement. Les États-Unis, assez légitimement, voudraient introduire la catégorie des pays émergents et ne pas faire bénéficier ceux-ci des mêmes privilèges que les pays en développement. La France déplore-t-elle cette nouvelle attitude américaine, la trouve-t-elle trop tardive, ou, au contraire, y voit-elle une occasion de remettre à plat les règles du jeu du commerce international ?
Quelle est la composition de la task force du quai d'Orsay ?
Même si cette question s'écarte un petit peu du sujet de notre réunion, pouvez-vous, à la lumière de votre expérience, nous faire un bilan de la création de votre direction générale, réforme de structure très importante de M. Kouchner ?
Par ailleurs, monsieur le président, serait-il concevable de créer au sein de notre commission un comité de suivi des discussions et négociations internationales menant aux réunions du G20 et au G8 ? La commission doit s'efforcer de se forger son opinion et de peser, certes pas sur les travaux internationaux mais au moins sur les prises de position françaises. Nous avons naguère agi de la sorte pour influer sur l'attitude française à l'égard de l'adhésion de la Turquie ; tout le monde n'en a peut-être pas un bon souvenir mais cela avait bien fonctionné.
Enfin, la venue future de Mme Alliot-Marie, bien qu'un peu tardive, est une excellente nouvelle. Mais peut-être conviendrait-il de conférer un peu de solennité, et donc de temps, à cette première visite. Pour la nouvelle ministre, l'objet de cette audition ne doit pas être de nous exposer son sentiment à propos de l'actualité immédiate, mais plutôt de nous expliquer quelle politique étrangère d'ensemble elle compte conduire, afin que nous puissions mieux apprécier sa continuité et son évolution.
Il est bien dans l'intention de la ministre de se livrer à cet exercice, nous en avons discuté.
La présidence française veut s'attaquer à des réformes structurelles en matière de développement et de commerce. Que pensez-vous de la solidité des bases financières des économies avancées du G8 ?
Est-il possible que la présidence française, dans le cadre de la réforme du système bancaire, parvienne à imposer une séparation distincte entre banques d'affaires et de dépôt ?
Comme Élisabeth Ière lors de l'embarquement des marins anglais pour le Nouveau Monde, je vous dis : « Salut aux chercheurs d'aventures ! » Le successeur de votre successeur n'en aura pas encore fini avec les problèmes que vous avez évoqués. Puisque nous sommes dans le temps long, des résultats probants ne sauraient être attendus sur chaque thème mais il fallait commencer et je vous souhaite bon courage.
Vous n'avez pas parlé de l'Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN), annuaire téléphonique d'Internet, entièrement placé entre les mains américaines, et même sous la tutelle du Department of Commerce. Les Américains ont donc la possibilité de couper complètement les liaisons d'un État, ils l'ont d'ailleurs fait pour la Libye – vous me rétorquerez que nous nous fichons de ce pays. C'est comme si une société américaine pouvait régir vos numéros de téléphones portables ! Face à ce problème majeur, la réaction des Chinois a été violente. J'espère qu'il est dans les intentions françaises de mieux contrôler l'ICANN, car il n'est pas acceptable que cet organisme reste sous juridiction américaine.
J'ai le sentiment que nous sommes passés du G20 au G2 : Séoul n'a-t-il pas été une bataille économique et monétaire entre Washington et Pékin ?
Eu égard aux activités du G8 et du G20, quel sera le rôle de l'ONU dans le futur ?
Les réformes structurelles imposées à l'Afrique ont été désastreuses, entraînant davantage de pauvreté et de dépendance, voire très souvent des déstructurations économiques. Qu'entendez par l'expression « réformes structurelles », et quelles stratégies entendez-vous mettre en oeuvre ?
L'intérêt porté à l'Afrique par le G8 est évidemment très bienvenu. Est-il envisagé d'élargir la représentation de l'Afrique au sein du G20 ?
Parmi les grandes rubriques, la France propose au G20 de travailler à la réforme du système monétaire international. Mais compte-t-elle, même à terme, défendre l'idée d'un serpent monétaire international, afin de limiter les fluctuations des grandes devises entre elles, ou celle d'un panier de monnaies, placé sous l'égide du FMI et comprenant les grandes devises, à l'intérieur duquel les taux de change seraient déterminés en fonction des fondamentaux économiques ? Si la France ne met pas ce genre de proposition sur la table, aucun autre État ne le fera.
Enfin, le G20 envisage-t-il de lutter vraiment contre les paradis fiscaux, d'interdire les ventes à découvert, bref de prendre des initiatives de nature à réguler réellement les marchés financiers, alors que tous les spécialistes s'accordent pour dire que nous sommes encore à la merci d'une réplique du séisme qui ne cesse de secouer le monde depuis deux ans ?
Deauville est toujours candidate pour les sommets internationaux. Nous nous félicitons d'ailleurs du succès du récent sommet tripartite avec l'Allemagne et la Russie.
Existe-t-il des possibilités de coordination entre le G20 et le G8 ? Au fond, bien que leurs attributions respectives soient spécifiques, ces deux instances ont beaucoup en commun : la question de la drogue, par exemple, implique celle du développement, désormais du ressort du G20. À quel échelon des synergies sont-elles envisageables ?
Quelle logique donner à la double stratégie de la France, au sein de l'Union européenne et dans la gouvernance mondiale ?
Qu'avez-vous voulu dire en affirmant que le G20 ne traite pas de questions politiques ? Cela signifie-t-il que ce n'est qu'une instance de prospective ? Les sujets à l'ordre du jour me semblent pourtant éminemment géopolitiques !
M. de Charette a déjà évoqué la question de l'implication des parlementaires, particulièrement des membres de notre commission. L'exécutif, jusqu'à présent, avait pour tradition d'écarter le plus possible les parlementaires au moment des grands sommets, y compris pour ce qui est des relations France-Afrique. Certaines anomalies récentes nous ont heurtés, au point que le président de notre groupe a écrit au président de l'Assemblée nationale pour suggérer que les parlementaires soient associés, d'une façon ou d'une autre, mais au-delà de l'excellent travail de notre commission, aux événements de la présidence française.
Le bureau de la commission a souhaité suivre de près la présidence française du G20 et du G8, j'insiste sur ce point. Nous y consacrons aujourd'hui une deuxième séance et ce travail de la commission se poursuivra tout au long de la double présidence française. En outre, un débat sera organisé dans l'hémicycle au cours du premier trimestre. Je saisirai le bureau de la commission pour déterminer s'il convient de mettre en place un groupe de travail permanent mais je reste réservé : lorsque nous en avons créé, dans les années passées, sur des sujets importants, les choses se sont un peu enlisées ; seuls quelques collègues continuent à travailler sur le sujet, qui n'est plus évoqué au niveau de la commission.
Je n'ai aucunement mis en cause le travail et le programme de la commission, au contraire. Mais l'exécutif devrait associer un député de chaque groupe ou vous-même, monsieur le président, ou vos vice-présidents, aux manifestations à venir.
Je prends note, mais cela soulève le problème plus général de la diplomatie parlementaire.
La formule que je propose comporte forcément des avantages et des inconvénients. En tout cas, elle ne vise ni à se substituer à notre bureau, qui fait son travail et envers lequel je n'ai aucune critique à formuler, ni à priver notre commission permanente de ses responsabilités, mais au contraire à éclairer ses travaux. Il m'a par exemple été donné d'animer un groupe de travail, composé de membres de la majorité et de l'opposition, chargé de suivre les négociations d'adhésion de la Turquie. Il ne s'agit pas de prendre parti mais de mener une réflexion collective, pour que nous ne nous contentions pas d'être une sorte de club de pensée. Un groupe de travail de ce type n'agresserait pas les mécanismes traditionnels de fonctionnement de nos instances. En outre, il ne resterait actif que pendant un an, durée de la présidence française du G20.
Monsieur Roubaud, l'agenda du G20 s'élargit, des plans d'action sont fixés et il faut suivre l'application des décisions adoptées. La présidence en cours peut-elle assumer tout ce travail ou bien convient-il de le confier à un secrétariat administratif ? La question est sur la table : nous allons identifier les différentes fonctions concernées et examiner, en écoutant ce qu'en pensent les uns et les autres, si la constitution d'une structure de secrétariat s'impose réellement.
Quelles sont les chances d'aboutissement des priorités du G20 ? Il faut déterminer les orientations, lancer les chantiers, élaborer des plans pluriannuels puis prendre des décisions. Débattre des résultats possibles sur chacun des sujets à l'ordre du jour nous prendrait des heures.
Madame Martinez, le thème du développement a effectivement connu une avancée énorme à Séoul puisqu'il a été inscrit à l'agenda du G20. Dans ce cadre, nous comptons bien aborder la question des financements innovants, présentée par le Président de la République comme l'une de ses priorités. Nous avons d'ailleurs commencé à le faire à Séoul, notamment à propos de l'adaptation au changement climatique.
Le renforcement des capacités d'intervention et la mise en place de fonds verticaux sont au rang des priorités. Environ 20 % des dépenses du FMLSTP sont ainsi consacrées au renforcement des capacités sanitaires. L'initiative pour une mise en oeuvre accélérée du programme « Éducation pour tous » (Fast-track Initiative, ou FTI) va également dans ce sens.
Madame Fort, la question des trafics a déjà été abordée au G8 et elle le sera au G20, à travers la lutte contre la corruption et les trous noirs de la finance, qui doit contribuer à moraliser le capitalisme.
Madame Colot, les crédits inscrits pour le G8 et le G20 – 80 millions – sont bien inférieurs à ce qu'avait dépensé la présidence canadienne. Cela dit, la présidence française entend être efficace et autonome. À ce stade, aucun dérapage n'est anticipé : nous entendons bien rentrer dans l'enveloppe allouée ; même si ce sera difficile, nous prenons toutes les mesures pour y parvenir.
Monsieur Menuel, la taxation sur les transactions financières était à l'ordre du jour du sommet consacré aux objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Le Président de la République en a parlé aux sommets du G20 de Toronto et de Séoul. Par ailleurs, le G20 a donné aux ministres des finances mandat d'examiner le rapport des premiers ministres éthiopien et norvégien Meles Zenawi et Jens Stoltenberg, relatif au financement de la lutte contre les changements climatiques, qui, parmi d'autres options, cite la taxation des transactions financières. Enfin, au niveau européen, le sujet est suivi par le conseil des ministres de l'économie et des finances et, le 9 décembre, il sera examiné par les ministres chargés du développement. Ce sujet est difficile, il ne fait pas l'unanimité, mais nous aimerions bien le pousser en avant, tout comme les autres familles de financement innovant.
Monsieur Guibal, le Président de la République a mis sur la table le sujet de la réforme du système monétaire international et les membres du G20 se le sont approprié : ils ont décidé de s'en occuper et le Fonds monétaire international (FMI) a reçu mandat de produire un rapport d'analyse à ce sujet.
Le G20 ne traitera pas des flux migratoires car cela sort de ses prérogatives naturelles – il est avant tout un forum de coopération économique et financière – et son agenda a déjà été beaucoup élargi. La question est toutefois susceptible d'être abordée par le G8 si tous ses membres en sont d'accord.
Monsieur Souchet, nous souhaitons naturellement, à l'instar des Américains, que les marchés des émergents s'ouvrent à mesure de leur développement. L'ouverture doit être réciproque, d'autant que des pays connaissent des évolutions économiques fulgurantes. Nous sommes néanmoins très attachés, Jean-David Levitte vous l'a déjà dit, à ce que l'équilibre global atteint en 2008 soit conservé, car nous ne pouvons aller au-delà des concessions consenties, notamment en matière agricole.
Monsieur de Charette, la task force du ministère des affaires étrangères est constituée de vingt-cinq personnes environ, provenant de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats (DGM) et d'autres directions : la direction de la communication et du porte-parolat ; la direction générale des affaires politiques et de sécurité, en particulier sa direction des Nations unies, des organisations internationales, des droits de l'homme et de la francophonie, l'agenda du G8 comprenant un bloc politique ; la direction de l'Union européenne.
L'objectif de la réforme, notamment de la création de la DGM, était de prendre acte des évolutions liées à la mondialisation, qui crée une interdépendance internationale : le changement climatique, la stabilité économique et financière, l'énergie, la sécurité alimentaire, l'accès aux ressources, la santé et la lutte contre la corruption, devenus des sujets majeurs de sécurité collective et de protection du citoyen, font maintenant partie intégrante de la politique étrangère. De nombreux ministères des affaires étrangères ont créé des entités similaires, chargées de couvrir tous ces dossiers, mais notre DGM présente l'originalité de relier trois problématiques : la régulation, le développement et la diplomatie de dialogue et d'influence.
S'agissant du développement, nous assurons la cotutelle de l'Agence française de développement (AFD) et nous avons modernisé le pilotage de notre action, notamment avec les documents cadres stratégiques. Le président du comité d'aide au développement de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), référence internationale en la matière, nous a d'ailleurs adressé une lettre de satisfecit pour le travail entrepris depuis deux ans.
Quant à la politique d'influence, essentielle dans un contexte de multipolarité compétitive, conséquence de la mondialisation, vous lui avez donné un nouveau départ avec la loi du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État. Il nous appartient maintenant de mettre sur pied les établissements publics que vous avez décidé de créer. Tout cela est en bon ordre : l'enthousiasme et la conviction sont au rendez-vous et le calendrier sera respecté.
En réunissant ces trois aspects – régulation, développement et influence –, nous sommes en mesure de mieux peser dans les grands enjeux internationaux, de mieux éclairer la réflexion, de mieux négocier, de mieux mettre en oeuvre nos politiques et de mieux défendre nos valeurs. De ce point de vue, la DGM apporte une contribution utile à l'action extérieure de la France.
Monsieur Dupré, le Président de la République a voulu que le G20 traite de la question de la solidité des bases financières internationales. La réforme bancaire a déjà été effectuée avec Bâle III, qui multiplie par trois le niveau des réserves obligatoires pour éviter une faillite en cas de choc. C'est un pas immense, accompli en deux ans, alors que Bâle II avait mis dix ans à aboutir. Et plusieurs autres mesures ont été prises, concernant notamment les hedge funds et les agences de notation. Il convient de prendre tout cet ensemble en considération.
L'un des défis communs auxquels les pays du G8 sont confrontés est d'accroître notre potentiel de croissance, alors que nos populations vieillissent et que nos dettes ont augmenté. Cela rend cruciaux des dossiers comme ceux d'Internet, de l'innovation et de la croissance verte, que nous mettons sur la table.
Monsieur Myard, nous entrons dans un nouveau monde, celui du XXIe siècle. Le chantier est immense, nous ne réaliserons pas tout en un an.
La gouvernance d'Internet est un sujet majeur, sur lesquels nous travaillons depuis longtemps. Nous verrons comment faire une place à ce sujet dans l'agenda.
Monsieur Labaune, Washington et Pékin se parlent parfois en tête à tête mais il n'y a eu de G2 ni à Copenhague ni à Séoul, sommet au cours duquel les discussions entre les deux pays ont même été particulièrement délicates. Peut-être cela arrivera-t-il un jour mais, pour l'instant, les États-Unis et la Chine ont des intérêts divergents et ne coopèrent pas de façon approfondie. Compte tenu du poids des deux parties, le dialogue sino-américain est évidemment important mais il n'y a pas de G2, les discussions cruciales ont lieu au G20.
La France considère qu'il est primordial d'impliquer l'Organisation des Nations unies (ONU), son secrétaire général, ses conseillers et l'ensemble de ses agences – par exemple sur les questions de sécurité alimentaire et de développement – dans toutes les discussions importantes du G20. Mais il faut aussi que les Nations unies avancent dans la réforme de ses agences, comme les institutions financières internationales – Banque mondiale et FMI – ont su le faire. C'est possible puisque la FAO a déjà institué, l'an dernier, une formation élargie du comité de la sécurité alimentaire mondiale, forum chargé d'identifier les priorités de l'agriculture dans le monde ; mais elle doit aller au-delà, notamment en se dotant d'un pilier d'expertise. J'ajoute que les commandes de rapports et d'études sont généralement collectives, afin d'obliger les organisations internationales à travailler ensemble, qu'elles appartiennent à la sphère de Bretton Woods, comme la Banque mondiale ou le FMI, qu'elles dépendent des Nations unies ou qu'elles relèvent de fonds verticaux ; c'est important parce que la prolifération et la fragmentation des organisations internationales constatées ces vingt dernières années ont entraîné une déperdition d'énergie et une baisse d'efficacité.
Monsieur Christ, pour les pays présentant un excédant commercial conséquent, les réformes structurelles doivent d'abord consister à orienter leurs économies vers la satisfaction des besoins de leurs populations en matière de protection sociale, de retraites et de santé. De même, pour certains pays avancés, il s'agit de résorber les déficits tout en prenant en compte la dimension sociale ; durant la présidence française, nous comptons bien avancer dans ce sens. Cela n'a donc rien à voir avec les réformes structurelles menées en Afrique dans les années quatre-vingt.
Madame Guigou, l'Afrique est effectivement sous-représentée au G20. Au départ, un seul pays africain y siégeait : l'Afrique du Sud. Le Président de la République, vous vous en souvenez, a exigé, à Washington, que ce continent soit mieux considéré : un représentant de l'Union africaine et maintenant deux y ont été admis, en plus de l'Afrique du Sud. Nous avons donc progressé. La France juge essentielles la représentation africaine mais aussi la prise en compte de l'Afrique dans la définition des priorités collectives. Nous avons d'ailleurs décidé de renforcer le partenariat du G8 avec l'Afrique.
Il faut avancer dans le sens de la coordination monétaire mais la constitution d'un serpent monétaire mondial n'est absolument pas à l'ordre du jour. Par ailleurs, le Président de la République a déclaré qu'il comptait promouvoir l'idée d'une diversification du panier de monnaies, avec notamment un éventuel élargissement des droits de tirage spéciaux (DTS) aux monnaies des principaux émergents, alors que seules sont actuellement prises en compte les principales monnaies occidentales. Cette mesure accompagnerait la tendance à créer des monnaies d'usage international – c'est ainsi que la Chine cherche à libeller un maximum de contrats en yuan renminbi et à développer un marché offshore à Hongkong.
La lutte contre les paradis fiscaux reste plus que jamais prioritaire. Je crois que le mécanisme de surveillance collective placé sous l'égide du Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements en matière fiscale n'aurait pas vu le jour sans la France. Un rapport sera soumis au G20 sous notre présidence ; nous ferons les comptes et nous verrons qui joue le jeu, cela fait partie de nos préoccupations.
Madame Ameline, nous avons en effet le souci de ne pas dupliquer les structures entre le G20 et le G8. La coordination est automatique car les membres du G8 appartiennent également au G20 et chacun d'entre eux est attaché au dialogue avec les émergents. Mais cela n'exonère pas les pays du G8 d'une discussion à propos des modalités du travail avec les émergents, dans une approche toujours coopérative et constructive.
L'Europe a réussi à se faire une place lors du sommet de Washington, sous présidence française de l'Union européenne, ainsi que lors du sommet de Londres, en s'imposant comme force de proposition – à Washington, l'agenda a été très largement agencé selon les propositions formulées par les Européens – et en affichant son unité et sa volonté de faire avancer les chantiers législatifs, notamment en matière de régulation financière, ou les plans de sauvetage de tel ou tel pays. Désunie, l'Europe instille en profondeur le doute au niveau international, nous l'avons vu en mai à propos du cas de la Grèce ; dès qu'elle retrouve son unité, le doute se dissipe. L'Europe est plus que jamais un acteur indispensable de la gouvernance mondiale.
Monsieur Cocquempot, toutes les questions traitées par le G20 sont de nature très politique.
Monsieur Loncle, le président de la commission vous a déjà répondu tout à l'heure. Je n'ai pas tous pouvoirs en la matière.
Nous interrogerons la ministre lorsque nous la recevrons.
Nous vous solliciterons sans doute pour vous recevoir de nouveau dans le courant du premier trimestre 2011, monsieur le directeur général, afin que vous nous fassiez part de l'état d'avancement des discussions sur ces nombreux sujets. En effet, si j'ai bien compris, les discussions avanceront au fil des discussions entre les ministres des affaires étrangères et des finances, mais aucune réunion d'étape entre les chefs d'État et de gouvernement ne se tiendra et les décisions ne seront prises qu'au prochain sommet, au terme de la présidence française.
Même s'il n'y aura pas de sommet d'étape, des décisions pourront être prises en cours d'année. Sur le dossier des paradis fiscaux, par exemple, les ministres des finances pourront très bien juger que tel pays ne joue pas le jeu et décider de sanctions. Durant la présidence coréenne, vous avez pu constater que les ministres des finances ont pris des décisions d'application des grandes orientations adoptées par les chefs d'État et de gouvernement. Les décisions les plus importantes seront actées au cours du sommet, au terme du continuum séminaires, dialogues, réunions de sherpas et réunions de ministres.
Absolument ; la décision finale a été prise au sommet.
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