Audition de M. Jean-David Levitte, conseiller diplomatique et sherpa du Président de la République sur la présidence française du G20 et du G8
La séance est ouverte à dix-huit heures quinze.
Monsieur le conseiller, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation à venir évoquer les priorités et les objectifs de la France, qui assurera l'an prochain la présidence du G8 et du G20.
Vous avez participé, en qualité de sherpa, au sommet de Séoul, les 11 et 12 novembre, sommet dont la plupart des analystes ont souligné que les conclusions ont été assez modestes. Cela atteste la difficulté, pour les principales économies de la planète, de trouver des réponses aux désordres que nous venons de connaître et qui pourraient se reproduire si des mesures de régulation ne sont pas prises au niveau mondial.
Sur le plan diplomatique, de nombreux commentateurs ont évoqué la partition jouée à deux par les États-Unis et la Chine et la difficulté de l'Europe à faire entendre sa voix dans ce concert d'un format nouveau. Parallèlement, les puissances émergentes semblent défendre des priorités claires et poursuivre une stratégie avec laquelle il faudra compter à l'avenir. On peut, au bout du compte, se demander si les Européens n'ont pas été les perdants de ce sommet.
Les priorités de la présidence française du G8 et du G20 sont connues : réforme du système monétaire international, lutte contre la volatilité du prix des matières premières et amélioration de la gouvernance mondiale. Il serait cependant intéressant que vous nous précisiez quel sera l'agenda respectif du G8 et du G20, car le Président de la République, qui avait indiqué ces priorités lors de la conférence des ambassadeurs tenue cet été, a évoqué hier soir, lors de son intervention télévisée, un partenariat avec l'Afrique qui devrait, semble-t-il, relever du G8.
M. Jean-David Levitte, conseiller diplomatique et sherpa du Président de la République.
Présentant hier à New York avec M. Ban Ki-moon, Secrétaire général des Nations unies, les résultats et les perspectives des sommets de Séoul et de Cannes, j'ai commencé par rappeler que le Président de la République, s'exprimant au nom des 27 pays membres de l'Union européenne, avait le premier lancé depuis la tribune des Nations unies, une semaine après la chute de Lehman Brothers, l'idée de convoquer un sommet pour faire face dans l'unité à la crise qui venait de survenir, afin d'éviter une catastrophe comparable à celle des années 1930.
Après cinq sommets – de celui de Washington, deux mois après l'appel du Président de la République, à celui de Séoul qui s'est tenu la semaine dernière –, nous avons obtenu des résultats qui auraient été impensables voilà seulement deux ans.
Nous avons tout d'abord sauvé le système financier mondial, qui était au bord de l'effondrement lors de la chute de Lehman Brothers. Nous ne sommes pas passés loin d'une catastrophe absolue, mais aujourd'hui, malgré certaines difficultés comme celles que rencontre actuellement l'Irlande, il n'est plus question d'un tel effondrement, même s'il reste beaucoup de travail à faire.
Il faut, en second lieu, saluer la capacité du G20 et de l'ensemble des pays du monde à résister à la vague protectionniste, à la différence du « chacun pour soi » qui avait prévalu dans les années 1930. À quelques exceptions marginales près, la volonté de résister à cette tentation a été unanime. Même si le cycle de Doha n'est pas achevé, l'OMC suit au jour le jour le respect des règles du jeu.
Troisième observation, le monde est sorti de la crise plus vite que prévu. Malgré une situation très inégale – les pays émergents ayant à peine ressenti la crise à laquelle nous sommes confrontés – ce constat est vrai aussi pour les pays européens, comme le montrent les prévisions du Fonds monétaire international.
En quatrième lieu, nous avons procédé à un renforcement décisif et sans précédent des institutions financières internationales. La réforme de la Banque mondiale a été faite entre les Sommets de Pittsburgh et de Toronto et nous avons obtenu à Séoul un résultat majeur, pourtant très peu cité par les commentateurs : la plus importante réforme du Fonds monétaire international depuis sa création. Au-delà d'une nouvelle répartition des quotas, il s'agit d'un renforcement des responsabilités de cette institution. Pour ce faire, une nouvelle répartition des sièges des pays européens était inévitable, les pays émergents demandant leur part – laquelle s'accompagne, du reste, de responsabilités. Le capital du Fonds a été doublé et cette institution s'impose véritablement comme un organe de surveillance, d'animation et d'aide aux pays en difficulté, ce qui consacre la vision française de son rôle.
Nous avons, enfin, commencé à sortir du trou noir du système financier international. Lorsque le Président de la République a déclaré pour la première fois, lors du sommet de Washington, qu'il fallait s'attaquer aux paradis fiscaux, ce propos n'a suscité aucun écho. Aujourd'hui, les paradis fiscaux ont dû signer quelque 500 conventions organisant la transparence : c'est le début de leur fin. La régulation s'est ensuite étendue, entre autres, aux agences de notation, aux hedge funds et aux bonus des traders.
Si l'urgence face à la catastrophe nous a facilité la tâche – au bord du précipice, on s'aide mutuellement pour ne pas tous tomber –, la présidence française sera confrontée à la tentation qui se fait jour, alors que le risque s'est éloigné, de se borner à contrôler la mise en oeuvre des décisions déjà prises. Le Président de la République estime que cette pente conduirait à la fin du G20, groupe qui a pour principale légitimité son efficacité. Si le G20 n'était pas capable de prendre des décisions et de les mettre en oeuvre, d'autres institutions, plus légitimes car rassemblant tous les pays du monde, tenteraient de les remplacer. Du reste, les décisions adoptées par le G20 à propos du FMI ont dû être soumises aux instances dirigeantes et aux assemblées du Fonds, conformément aux procédures normales. Pour rester légitime, le G20 doit donc avoir l'ambition de réaliser de grands chantiers qui sont en panne depuis de longues années.
Contrairement à une impression trop répandue, il s'est passé à Séoul des choses très importantes – comme la réforme du FMI, que je viens d'évoquer –, mais l'attention s'est polarisée sur le bras de fer engagé à propos de la limitation des excédents et des déficits à 4 %. On a vu alors se nouer une alliance entre la Chine et l'Allemagne. Les Américains ont voulu aller trop vite, trop loin, trop fort.
Je suis frappé de constater, au fil des G20 auxquels je participe, qu'on trouve autour de la table des pays qui n'ont pas l'habitude de travailler ensemble. Après deux guerres mondiales, les Européens ont appris qu'en dépassant un peu, pour le bien commun, la défense de l'intérêt national stricto sensu, on gagnait plus ensemble que ce que chacun mettait au pot. Cette logique n'est pas celle que pratiquent spontanément les États-Unis ni, a fortiori, celle avec laquelle la Chine, l'Inde ou le Brésil abordent la négociation. Il y faut tout un apprentissage, pour lequel nous avons besoin d'institutions telles que le Fonds monétaire international.
Face au blocage, la France a demandé au FMI de préparer des critères et des paramètres d'évaluation permettant de savoir qui fait quoi, pourquoi et comment en matière commerciale. Ainsi, un déficit de 4 % dans un pays émergent qui investit dans ses infrastructures pour l'avenir n'a pas la même signification que le déficit des États-Unis, qui consomment d'une manière excessive et n'épargnent pas assez. Comment demander aux Chinois de ne pas épargner autant qu'ils le font ? Si l'épargne représente en Chine 30 % à 40 % du PIB, contre 17 % en France et 3 % à 5 % aux États-Unis – où l'on était à zéro voici peu –, c'est parce que les Chinois doivent financer leurs retraites, leur système de santé et les études de leurs enfants. Pour réunir tous ces paramètres, le FMI présentera un grand tableau qui permettra de mieux comprendre les situations, et d'ouvrir une discussion fructueuse. On découvrira alors que les questions de parité des monnaies et de déficit doivent être envisagées sous un angle plus large et à moyen terme, et que la Chine doit, comme les États-Unis, progressivement réorienter son modèle de croissance.
Les engagements pris ont été tenus à Séoul. Il s'agit d'abord de la réforme du Fonds monétaire international, dont les ressources ont été multipliées par trois depuis le début de la crise, avec également un transfert de 6 % des droits des pays les mieux dotés – notamment européens, mais pas seulement – et un mandat élargi.
Le sommet a également adopté les étapes nouvelles de la régulation financière dans le cadre de la négociation de l'accord de Bâle III fixant les règles prudentielles pour les banques. Je rappelle à ce propos que la crise a éclaté alors que commençait à être mis en oeuvre l'accord de Bâle II, qui avait été négocié pendant dix ans et n'était pas encore appliqué par les Etats-Unis. L'accord de Bâle III, quant à lui, a été négocié en deux ans, et nous engageons dès maintenant le processus de sa mise en oeuvre. Surtout, il s'agit du premier accord mondial dans ce domaine, qui triple notamment les exigences de fonds propres des banques.
En matière de changes, la décision de mettre en place un mécanisme de surveillance est positive. Un gros travail reste à faire sur ce point.
La présidence française du G20 s'attachera aux trois priorités que vous avez rappelées, monsieur le président, et que le Président de République a évoquées le 25 août devant les ambassadeurs. La première est la réforme du système monétaire international. Si l'annonce de cette réforme a pu susciter certaines interrogations, plus personne n'en remet aujourd'hui en cause le bien-fondé et nous avons reçu mandat d'aller de l'avant pour « construire un système monétaire plus stable et plus résistant ». Nous demandons donc au FMI de nous faire des propositions en ce sens.
Nous disposons déjà de trois pistes. La première est celle de la coordination des politiques de change, mais il nous faut définir l'enceinte dans laquelle il convient d'en parler. De fait, cette question était jusqu'à présent évoquée dans le cadre du G7 « finances », mais il n'y a désormais plus de sens à le faire sans la Chine. Quant au G20, c'est un cadre trop large. Il conviendrait d'inventer un groupe qui s'y prêterait, mais la France n'entend pas imposer de solution.
La deuxième piste est celle de la protection. Depuis dix ans, 42 crises ont frappé les pays émergents – d'abord le Mexique et l'Argentine, puis la Corée et l'Indonésie. Comme aujourd'hui au Brésil, le mécanisme commence avec un afflux de capitaux. Cette arrivée massive provoque une hausse du réal, suscitant l'inquiétude des Brésiliens, car ces capitaux peuvent disparaître du jour au lendemain, au risque de créer un choc dans l'économie brésilienne. Ne pourrait-on envisager une sorte d'assurance qui éviterait aux pays émergents de devoir accumuler des réserves importantes pour faire face à ces chocs ? Une action mondiale en ce sens relève du FMI, mais des réponses régionales sont également possibles : cela a été le cas dans la zone euro, où 750 milliards ont été prévus à cette fin, et les pays asiatiques s'engagent aussi dans cette voie depuis la crise des années 1998-1999. Sans vouloir imposer de règles, nous souhaitons donc mettre également sur la table la question de la protection.
La troisième piste est celle de la diversification des monnaies de réserve. Alors que, de Bretton Woods aux années 1970, le système monétaire était fondé sur le dollar, nous vivons aujourd'hui dans un non-système monétaire, où les monnaies évoluent les unes par rapport aux autres – avec des exceptions comme celle du lien entre le yuan et le dollar. Lorsque la crise a éclaté, il a semblé opportun d'émettre 250 milliards de droits de tirage spéciaux supplémentaires. Ne faut-il par revisiter cette mesure prise dans l'urgence ? Les DTS du FMI auront-ils un rôle accru ? Le yuan ne devrait-il pas entrer dans ce système ?
La seconde priorité de la présidence française est de remédier à l'excessive volatilité des prix des matières premières, notamment des prix agricoles et énergétiques. Nous avons vu le baril de pétrole passer de 40 à 140 dollars, avant de redescendre à 70 dollars, pour atteindre aujourd'hui 80 dollars. La situation est encore pire pour les matières premières. L'été dernier, la sécheresse en Russie a provoqué une hausse de 65 % du prix du blé, alors qu'aucune crise ne se faisait sentir : les stocks existaient. Après le marché des dérivés financiers, ne pourrions-nous pas réguler aussi celui des dérivés de matières premières agricoles et énergétiques ? Aujourd'hui, les transactions représentent 40 fois la valeur de la production mondiale de blé !
Par ailleurs, il faut remédier au manque de transparence. Où sont, au niveau mondial, les stocks de blé, de riz, de maïs, de soja ou de pétrole ? Peut-on mieux organiser la transparence et faire connaître plus régulièrement et plus rapidement les chiffres ? Si cela avait été le cas pour le blé l'été dernier, peut-être aurions-nous évité l'augmentation rapide des prix à laquelle nous avons assisté.
Nous souhaitons également mettre en place des outils assuranciels au bénéfice des pays importateurs. Je rappelle qu'Haïti ou le Sénégal ont connu voilà deux ans des émeutes de la faim lorsque les prix ont flambé, les commerçants stockant dans l'attente de nouvelles hausses, ce qui aggravait encore le phénomène, et les États manquaient des fonds nécessaires pour acheter au prix du marché. La Banque mondiale ne pourrait-elle mettre en place un système d'assurance permettant aux pays les plus pauvres de faire face à de telles situations ?
Le troisième sujet, que j'évoquais hier à New York avec les 192 États membres de l'Assemblée générale de l'ONU, est l'amélioration de la gouvernance mondiale. La question concerne d'abord le secrétariat du G20 : faut-il un secrétariat permanent ? Quelles règles pour les invités ? Comment mieux organiser le travail entre le G20 et les organisations internationales ?
La question la plus lancinante et la plus difficile reste néanmoins celle de la réforme des Nations unies. Le monde globalisé dans lequel nous vivons a besoin d'un système multilatéral en bon état de marche. Après avoir réformé la Banque mondiale, nous avons donné un nouvel élan, de nouvelles responsabilités et une nouvelle gouvernance au Fonds monétaire international. Pouvons-nous faire de même avec les Nations unies – Assemblée générale, Conseil de sécurité et institutions spécialisées ? Qui, par exemple, gérera le dossier des produits agricoles, auquel nous allons nous attaquer, si la FAO n'est pas en état parfait de marche ? Un travail important reste à faire pour cette institution, sans parler de toutes les autres. Or, chaque paragraphe des conclusions du sommet de Séoul attribue des tâches à ces institutions spécialisées et il serait problématique qu'elles ne soient pas en mesure de nous aider.
Les trois priorités définies par le Président de la République ne nous dispensent pas d'achever le travail engagé lors des cinq précédents sommets.
Deux sujets ont été lancés à Séoul. Le premier est le développement – qui, jusqu'à présent, ne relevait pas du G20. Les Nations unies ont objecté que la question était de leur compétence mais comment reprocher aux pays les plus riches et les plus puissants de la planète de vouloir aider les plus pauvres ? Nous devrons donc nous organiser pour travailler ensemble, et la France se réjouit de cette évolution vers des règles du jeu que chacun devra respecter. Il n'y aura pas de croissance durable si le continent africain et les pays les plus pauvres ne s'engagent pas à leur tour sur ce chemin.
Dans ce cadre ont été définies deux priorités : le financement des infrastructures et la sécurité alimentaire, à quoi la France a ajouté les financements innovants, dont l'apport massif est indispensable pour compléter l'aide publique au développement.
La France a encore inscrit à ce programme la lutte contre la corruption, qui coûte chaque année plus de mille milliards de dollars à l'économie mondiale. Notre pays a signé toutes les conventions des Nations unies et de l'OCDE, mais d'autres pays, qu'il s'agisse d'États européens ou des États-Unis, ne respectent pas les règles strictes que nous nous imposons, comme nous le constatons lorsque que nous partons à la conquête de marchés. Le respect de ces règles par tous fait partie de ce que nous appelons la moralisation du capitalisme, au même titre que la lutte contre les paradis fiscaux ou la régulation financière.
Le Président de la République a enfin voulu ajouter au legs de Séoul la dimension sociale de la mondialisation, qui fera l'objet d'une réunion des ministres de l'emploi et du travail au même titre qu'une réunion des ministres de l'agriculture sera consacrée aux produits agricoles.
Pour ce qui est du commerce, qui devrait également être traité dans le cadre du G20, il n'est pas certain que le Congrès des États-Unis soit prêt à aller de l'avant dans ce domaine. Washington serait enclin à conclure le cycle de Doha en modifiant complètement la règle fixée au départ. Au lieu de deux catégories – les pays riches et les pays en développement –, les États-Unis demanderaient d'en distinguer trois : les pays riches, les pays pauvres et les pays émergents, lesquels ne devraient pas bénéficier des mêmes privilèges que les pays d'Afrique. À la veille de conclure, au terme de dix années de négociations menées avec un mandat assez différent, il n'est pas certain que cette position américaine, si elle se confirmait, permette d'achever le cycle de Doha durant la présidence française du G20.
Bien que le climat ne figure pas, en principe, à l'ordre du jour, le G20 pourrait s'intéresser au financement des conséquences du réchauffement climatique, apportant ainsi une incitation forte à achever la négociation sur le climat à Durban, quinze jours après le sommet de Cannes.
En termes de méthode, notre mot d'ordre est d'écouter tout le monde. À Montreux, où il participait au sommet de la francophonie, le Président de la République a été à l'écoute de tous les participants, comme il le sera fin janvier au sommet de l'Union africaine. Il en va de même à tous les niveaux, et tel était d'ailleurs le sens de mon déplacement à New York hier. Cette écoute concerne d'abord les membres de notre groupe car nous ne parviendrons à rien sans consensus.
Les chantiers ouverts dureront plusieurs années. Cependant, si tout va bien, à force de volonté – et même de volontarisme –, nous aurons fait d'ici au sommet de Cannes, dans un an, de premières avancés sur ces chantiers de moyen terme que sont la réforme du système monétaire, la régulation du prix des matières premières et la gouvernance globale.
Un mot maintenant du G8 – dont la plupart des pays du G20, qui n'en sont pas membres, considèrent qu'il n'a plus de raison d'être. Le Président de la République a constaté, après avoir sondé ses sept partenaires, que tous souhaitaient son maintien – non pas pour traiter les mêmes sujets que le G20, mais pour aborder des questions qui ne sont pas traitées dans un autre cadre. Ainsi, l'Internet n'est évoqué nulle part, alors qu'il s'agit d'un sujet majeur qui comporte de nombreuses entrées, comme la protection de la vie privée, le droit à l'oubli, la protection de la propriété intellectuelle, la fiscalité ou la cybersécurité.
Le partenariat avec l'Afrique reste d'actualité car, si le G20 traite du développement dans le monde entier, le G8 a développé depuis des années un partenariat particulier avec l'Afrique et représente 80 % de l'aide publique au développement à l'échelle mondiale. Les Africains ne veulent pas qu'on les oublie. Une session de travail sera donc organisée, comme chaque année, avec les représentants du continent africain.
Le G8 permettra enfin d'évoquer d'autres sujets, comme l'Iran ou le processus de paix au Proche-Orient.
La présidence française devra également se positionner sur diverses propositions émanant de nos partenaires. Quelle est la position française sur l'idée américaine d'un plafonnement des excédents ou des déficits des comptes courants ?
Comment la France se situe-t-elle, par ailleurs, face à l'idée allemande d'une stratégie coordonnée d'abandon des mesures de relance ?
Quelle est, au-delà du changement de pied des États-Unis après les dernières élections, la position française sur le souhait de plusieurs pays émergents de conclure dès 2011 le cycle de Doha ? L'architecture actuelle de l'accord ne pose-t-elle pas de problèmes aux Européens, notamment dans le domaine agricole ?
Comment, enfin, la diplomatie française reçoit-elle la proposition inattendue de Robert Zoellick, président de la Banque mondiale, de rendre un certain rôle à l'or dans le système monétaire international ?
On observe au G20 une division entre pays démocratiques et – pour le dire par euphémisme – non-démocratiques.
Malgré quelques allusions au G20 et aux otages français, la politique étrangère a donné lieu à bien peu de questions dans l'intervention télévisée d'une heure et demie qu'a faite hier le Président de la République – mais cela tient sans doute à la faiblesse des trois journalistes qui l'interrogeaient. J'ai cependant été très choqué d'entendre le Président de la République déclarer que Mme Aung San Suu Kyi avait été libérée grâce au président chinois. Et il n'a pas répondu aux journalistes qui lui demandaient ce qu'il avait fait en faveur du prix Nobel chinois emprisonné.
Il faut absolument travailler avec la Chine, mais comment faire pour ne pas évacuer la question des droits de l'homme ?
Monsieur le conseiller, j'avais en vous écoutant l'impression d'assister tantôt à un cours d'économie à la faculté de Rouen, tantôt à un cours d'économie marxiste à l'école du parti communiste, place du Colonel Fabien. Nous avons des bases communes, mais lequel de nous deux est le plus utopiste ? Vous entendre parler de « moralisation du capitalisme » et de « dimension sociale de la mondialisation » est un régal ! Même à l'échelle européenne, cette dimension sociale est cependant encore loin d'être une réalité.
Pour que votre démonstration soit crédible, elle devrait évoquer les agences de notation. Quel est le rôle de ces forces obscures de l'économie ? À vous entendre, il semblerait que le pouvoir politique, le pouvoir des États, maîtrise la situation, mais la crise a démontré qu'il n'en était rien. Peut-on réellement agir sur les forces invisibles et négatives de l'économie ?
Il est inévitable que la communication qui entoure un sommet soit positive. Cependant, bien qu'on nous dise en France que la crise est derrière nous, la croissance escomptée par le sommet du G20 ne correspond pas aux analyses du FMI, qui a par ailleurs formulé des observations sur les politiques macro-économiques mises en place dans les pays pour réduire le déficit de moitié d'ici 2013.
Nous ne sommes plus au stade des grandes décisions qui se prenaient au bord du précipice, mais plutôt à celui des voeux pieux. Comment assurer une croissance et un développement durables alors que l'Europe, si elle a sauvé le système bancaire, n'a pas investi dans les infrastructures nécessaires ?
Par ailleurs, l'évolution de la position américaine en matière de commerce ne risque-t-elle pas de faire obstacle à la gouvernance mondiale que vous évoquez ? Il semble bien qu'au-delà de l'affichage, on en revienne à la défense des intérêts nationaux. Ainsi, l'accord militaire franco-britannique n'est pas une initiative européenne. Quant à la régulation dans le secteur bancaire, je rappelle que l'accord de Bâle III ne prendra effet qu'en 2019 : quelles mesures peut-on prendre dès aujourd'hui dans ce secteur ?
Vous présentez la situation sous un jour flatteur, ce qui est compréhensible. On peut toutefois penser que rien n'a changé depuis deux ans, malgré la violence de la crise et les tentatives d'action au plan international. Quelles chances y a-t-il que la présidence française du G20 ne soit pas qu'un simple outil de politique intérieure ? Selon un de vos prédécesseurs, que l'on peut supposer bien informé, l'exercice se résume à une photo : l'essentiel se réglera entre la Chine et les Etats-Unis, le reste n'étant que du bavardage. Qu'en pensez-vous ?
J'aimerais savoir où sont les forces positives. Je suis très heureux que la France préside le G20, et je trouve excellents les objectifs que vous avez énumérés, mais force est de constater que nous sommes face à une Amérique qui se croit la première puissance mondiale pour toujours et face à une Chine convaincue que l'avenir lui appartient. De son côté, l'Europe n'a plus de croissance, sa monnaie est surévaluée, et elle est considérée comme une sorte de musée par ses partenaires. À cela s'ajoutent des solidarités de troc Sud-Sud, qui se multiplient de façon autonome. Compte tenu de la divergence des intérêts, où sont les forces poussant à un accord ? Sur quoi repose votre optimisme ?
Selon vous, nous serions sortis de la crise. Or, une crise peut en cacher une autre. La situation ne pourra s'améliorer que grâce à une bonne gouvernance du système bancaire : il n'y aura de croissance durable que si les banques, qui se sont lancées dans une spéculation hasardeuse et des prêts aberrants au cours des dernières années, respectent des règles de déontologie. Quelles sont les possibilités d'action au sein du G20 à l'égard du monde bancaire, en grande partie responsable de la situation que nous avons connue ?
Quand on connaît un peu le système international, on ne peut que soutenir la démarche engagée par la France, même si on en mesure les difficultés.
Je me félicite de la dimension sociale de la mondialisation, qui n'est pas qu'un simple concept, monsieur Lecoq. L'Organisation internationale du travail (OIT), qui regroupe l'ensemble des pays, défend avec beaucoup d'intelligence cette dimension nécessaire.
La France est une force entraînante en Europe, mais la solidarité européenne n'est pas nécessairement là. A la veille de Lisbonne, comment faire en sorte que l'Europe soit au rendez-vous en matière de gouvernance ? Comment réussir à être beaucoup plus européen dans les domaines les plus variés, comme l'Afrique, que vous avez évoquée, en même temps que français ?
Vous avez dressé un tableau si passionnant du G20 qu'on peut se demander ce qui reste du G8, mais vous avez répondu à cette interrogation. Si j'ai bien compris, l'Afrique relève du G8 pour l'aspect partenarial, et du G20 en ce qui concerne la volatilité des matières premières.
Ma question concerne la taxe sur les transactions financières. Vous avez évoqué les financements innovants. Outre l'énergie déployée par la France et sa puissance d'entraînement, quels sont les éléments pouvant nous conduire à l'optimisme dans ce domaine ?
Il faut regarder la situation en face. Nos difficultés résultent de la financiarisation totale de la société internationale. Qu'il s'agisse des matières premières ou des problèmes monétaires, les politiques ont abdiqué face aux marchés. Les banquiers ont crié au secours quand ils se sont sentis affaiblis, mais ils n'ont plus peur aujourd'hui, et on voit bien que le Congrès américain ne veut plus rien entendre. Quand les États auront-ils le courage de pendre enfin quelques banquiers pour remettre de l'ordre dans la maison ? Quand décideront-ils de reprendre le pouvoir ?
En attendant que l'on pende les banquiers, que fait l'Europe ? Existe-t-il une dimension européenne dans le processus de décision et d'action du G20 et du G8, ou bien notre perspective est-elle purement française ?
Comment s'organise-t-on, par ailleurs, au sein de l'exécutif pour assurer la double présidence actuelle ? Ma question ne porte pas tant sur les rapports entre le Président de la République et le Premier ministre, car nous sommes habitués au fait que le Premier ministre soit peu actif en matière de questions internationales, que sur l'organisation des relations entre la Présidence de la République et les ministères concernés, en particulier ceux de l'économie et des affaires étrangères. Quelles sont les personnes clefs ? Comment le travail se déroule-t-il ? Quel est le calendrier retenu pour la préparation des prochains sommets ?
Le plafonnement des excédents et des déficits peut être un objectif, monsieur Souchet, mais pas une décision : comment demander aux Allemands de fermer des usines au-delà d'un certain montant ? Comme je l'ai indiqué, les Américains avaient peut-être raison, mais ils ont fait preuve d'une certaine impatience. Le travail qui va commencer sous la présidence française et qui se poursuivra sans doute au-delà, consistera à faire prendre conscience que nous n'obtiendrons une croissance forte, durable et équilibrée que si chacun accepte de faire évoluer son propre modèle de développement pour le rendre compatible avec la croissance des autres. Les Américains commencent à comprendre que leur économie devra évoluer en profondeur : ils s'inquiètent sans doute de leur dépendance financière à l'égard de la Chine, et les foyers américains souffrent beaucoup de l'absence de stabilisateurs que nous connaissons en Europe.
Je rejoins Jacques Myard sur un point : quand j'étais en poste aux États-Unis, j'ai rencontré des employés qui s'endettaient sur quarante ans pour s'acheter une maison, ayant été convaincus par des courtiers malhonnêtes que les taux d'intérêt allaient certes augmenter, mais que leur salaire suivrait la même pente. Avec l'éclatement de la bulle immobilière, leur capital a été amputé de moitié, alors qu'ils n'ont bien souvent ni assurance santé ni assurance retraite. Pour ceux qui en ont une, les retraites étant alignées sur la bourse, leur montant a baissé. Le modèle de croissance américain doit donc être repensé, car il a atteint ses limites. Le président Obama est tout fait lucide à ce sujet ; il a la vision nécessaire pour faire évoluer la société américaine, mais il n'a peut-être pas le pouvoir de le faire.
La direction chinoise a également très bien compris quelles étaient les faiblesses du système actuel : la protection de l'environnement, la précarité… Les dirigeants chinois sont conscients que leur modèle de croissance a atteint ses limites et qu'un rééquilibrage s'impose. Mais cela ne se fera pas en un jour.
Nous avons décidé de parler ouvertement de tous ces sujets dans le cadre du G20. Il faudra sans doute plusieurs années pour que chacun accepte de mettre tous ses problèmes sur la table et de dialoguer avec les autres pour faire évoluer la situation ensemble, mais nous nous engageons dans cette voie sous l'oeil du FMI, chargé d'évaluer chaque pays pour lancer la discussion. Il s'agit d'abord de définir un cadre.
J'en viens à la proposition d'abandonner les mesures de relance. Chaque pays est un cas particulier. Certains connaissent une contrainte budgétaire extrême, en particulier dans le cadre de la zone euro. Chacun doit donc réagir comme il le peut et comme il l'entend. On a tendance à dire que les Allemands exportent trop et ne consomment pas assez. Or, la croissance allemande, qui est rapide cette année, est davantage fondée sur la consommation. Il convient donc de rester nuancé.
S'agissant de Doha, nous avons atteint les limites de ce que nous pouvions concéder au plan agricole – ce n'est pas seulement la position de la France que j'exprime, mais aussi celle de l'Union européenne. C'est maintenant aux autres pays de voir. Notre conviction est que le cycle de Doha ne pourra pas s'achever s'il n'y a pas une inflexion du système actuel de négociation. Pour aboutir à une conclusion qui devrait renforcer la croissance de l'économie mondiale, il faudra une intervention des chefs d'État, en particulier ceux du G20. Cela suppose une vision claire de ce que veulent vraiment les Américains et de ce que les Chinois sont prêts à accepter. Je rappelle que l'Europe est aujourd'hui le principal partenaire économique de la Chine, devant les États-Unis.
Nous trouvons très intéressantes les propositions de Robert Zoellick, exception faite de sa proposition sur l'or. Mais j'ai l'impression qu'il a abordé ce sujet surtout pour faire « briller » davantage son propos.
Je peux témoigner, Monsieur Loncle, que le Président de la République a évoqué la question des droits de l'homme avec le Président Hu Jintao. Ce dernier accepte volontiers d'en parler, et il est le premier à reconnaître que la situation n'est pas parfaite en Chine. Par ailleurs, nous pensons vraiment que le Président Hu Jintao a joué un rôle personnel important en ce qui concerne Aung San Suu Kyi. Les généraux birmans n'ont cure de ce que pensent les dirigeants européens ; ils sont prêts, en revanche, à écouter les Indiens et les Chinois. Le Président de la République en a donc parlé à M. Hu Jintao, et celui-ci nous a fait savoir que le message avait été transmis ; on a vu qu'il avait été entendu. C'est bien la preuve que la Chine peut aider au règlement de certains cas.
Comme Dominique Souchet, j'ai vécu en Chine de 1972 à 1974. Celle-ci a bien changé depuis : il y a aujourd'hui plus d'internautes dans ce pays qu'aux Etats-Unis ! Un droit à l'expression existe, même s'il est trop encadré, et il y a une création artistique remarquable à Pékin. Le niveau de vie augmente, et les Chinois viennent en masse chez nous : ils sont 500 000 touristes à venir en France, et leur nombre augmente considérablement chaque année.
Même si je dois passer pour un utopiste aux yeux de M. Lecoq, je crois que la moralisation du capitalisme est en marche. Les résultats obtenus dans la lutte contre les paradis fiscaux en témoignent. Le chemin sera encore long, mais le Président est déterminé à tordre le coup aux paradis fiscaux. Ceux qui nous entourent ont déjà été obligés de lâcher du lest, et c'est également le cas des autres, notamment ceux des Caraïbes. Nous allons adopter l'an prochain les premières sanctions contre les pays figurant sur la liste noire. Afin d'éviter leur perte, les paradis fiscaux s'efforcent donc de sortir de cette liste. J'ajoute que nous appliquons les bonus et les malus, et pas seulement en France. Des progrès sont donc en cours. Ils restent insuffisants, mais ils vont continuer.
Je rejoins Nicole Ameline sur la dimension sociale de la mondialisation. Il importe que les huit normes fondamentales de l'OIT s'appliquent. Ce n'est pas une exigence excessive. La présidence française va demander que l'OIT obtienne le statut d'observateur à l'OMC : pour que ces normes fondamentales s'appliquent, elles doivent être prises en compte dans ce cadre. Nous souhaitons, par ailleurs, que la Banque mondiale ne puisse plus octroyer de prêts aux pays ne les respectant pas.
Les agences de notation sont régulées : nous avons adopté de nouvelles règles, et elles sont respectées. Sans chercher à remplacer le système capitaliste, nous nous efforçons de l'améliorer afin de ne pas retomber dans la crise que nous avons connue. Il y aura naturellement d'autres crises, mais le G20 nous a permis de tirer des leçons et d'imposer les règles nécessaires pour que la crise de l'automne 2008 ne se reproduise plus.
Je ne pense pas, monsieur Bascou, que la notion de croissance durable et équilibrée soit un voeu pieux. Il faudra toutefois du temps pour que des États qui n'ont pas l'habitude de travailler ensemble acceptent de le faire. On dit parfois que la Chine est une puissance égoïste ; mais les autres pays le sont également. La différence est que nous avons appris en Europe qu'il y a parfois un intérêt à travailler ensemble et à partager la souveraineté – je pense par exemple à l'euro. La Chine n'en est pas là.
Quand on dit aux Chinois qu'ils sont devenus riches, ils nous répondent que leur pays compte 800 millions de pauvres et 80 millions d'handicapés. La communauté internationale aide le Burkina Faso, mais qui aidera les Chinois ? Ils doivent donc s'occuper eux-mêmes de leurs pauvres. Ils sont, en revanche, d'accord sur l'idée qu'il faut oeuvrer ensemble dans le domaine de l'environnement afin d'éviter une catastrophe dont ils seraient aussi les victimes. La Chine « verdit » son économie à un rythme époustouflant – ce qui fait le bonheur d'Areva : la Chine est devenue le principal marché mondial de l'électronucléaire. Il ne faut pas non plus oublier le développement du TGV, ni celui du « charbon propre », pour lequel les Chinois demandent une aide. Nous allons ainsi vers une croissance plus équilibrée, même si cela prendra du temps.
Tout change à vive allure, Monsieur Mathus. À la question de savoir si tout se réglera entre la Chine et les Etats-Unis, je suis tenté de répondre oui et non. La plupart des propositions de réformes, je veux le souligner, viennent de l'Europe, parce qu'elle a beaucoup plus la pratique du jeu collectif.
Je réponds ainsi à Monsieur Boucheron, qui m'interrogeait sur les « forces positives » : elles sont en Europe. Bien que les Américains demeurent le numéro 1 au plan mondial – leur économie représente 14 000 milliards de dollars, c'est-à-dire trois fois plus que la Chine : ils se posent beaucoup de questions. Les Chinois ont, au contraire, le sentiment que l'avenir leur appartient. Même si les Etats-Unis ont une forte capacité de rebond – j'ai confiance en leur avenir –, force est de constater que notre modèle social européen a mieux résisté. Je n'ai donc pas l'impression que l'Europe soit un musée. Grâce à nos stabilisateurs sociaux, des millions d'Européens ont échappé à la dureté des temps que connaissent aujourd'hui les Américains.
Alors que certains pays du G20 ont le sentiment d'avoir le vent en poupe, comme la Chine, le Brésil ou l'Inde, la situation de la Russie est plus incertaine : elle veut donc se moderniser avec notre technologie et nos financements. Il est frappant de constater à quel point le monde peut changer en une génération : à l'époque du président Carter, l'avenir semblait appartenir à l'empire du soleil levant, qui rachetait Hollywood et l'Empire State Building. Un rebond a eu lieu sous Reagan et Clinton, et les Etats-Unis sont revenus au sommet, avant d'être à nouveau confrontés, avec la crise, aux limites de leur modèle.
Les Chinois ont aujourd'hui l'impression que l'avenir leur appartient, mais ils vont devoir affronter dans vingt ou trente ans le choc le plus considérable de l'humanité avec le vieillissement de leur population, qui résulte de la politique de l'enfant unique. De leur côté, les vieux pays européens ont un modèle de société équilibré qui résiste mieux aux chocs. Ils n'ont donc pas de raison d'être pessimistes.
Il faut lutter contre les spéculations hasardeuses, Monsieur Dupré, et intervenir, quand cela est nécessaire, auprès du monde bancaire. C'est ce que nous avons fait, de manière vigoureuse. La France a dû aider ses banques, mais elles ont largement remboursé les aides perçues. Les banques américaines ont également été sauvées, et elles sont en train de rembourser ce qu'elles doivent. Il me semble que les banques ont été punies : la crise leur a coûté très cher, et de nouvelles règles leur ont été imposées. Dans le cadre de Bâle III, les fonds propres des banques vont ainsi passer de 2 à 7 %. Il faudra des années pour appliquer cette exigence, mais il est rassurant de penser qu'elles auront demain de quoi faire face plus efficacement aux difficultés.
La question du Traité de Lisbonne n'est pas à l'ordre du jour, mais je crois pouvoir dire que le traité nous a réservé une bonne surprise : Herman van Rompuy, agit de façon remarquable : il a beaucoup d'autorité, il voit juste, il parle sobrement, il se comporte en véritable patron du Conseil européen. Alors que l'élargissement avait rendu très difficile la gouvernance de l'Europe, la situation est aujourd'hui en net progrès.
L'instauration d'une taxe sur les transactions financières est une des préconisations du groupe consultatif coprésidé par le premier ministre d'Éthiopie, M. Meles Zenawi. Plusieurs autres modalités sont envisageables, telles que la taxe sur les billets d'avion déjà en vigueur, mais aussi une taxe sur le fioul des tankers, proposée par l'Australie, à laquelle nous souscrivons. Le développement des marchés du carbone au plan mondial pourrait également rapporter des montants considérables, dont l'allocation fera l'objet de débats. Une des priorités de la présidence française sera de faire avancer ce dossier, que le Président de la République vient d'évoquer avec Dominique Strauss-Kahn.
Les politiques n'ont en rien abdiqué, Monsieur Myard. Je crois que je viens de vous le montrer. La crise de l'automne 2008 a révélé la faillite d'une libéralisation sans limites. Les États, eux, n'ont pas fait faillite. Le Conseil européen a été réuni presque tous les week-ends à l'Élysée, pendant la présidence française, afin de sauver les banques européennes et l'euro. Nous avons alors inventé le G20, et les Américains ont fini par suivre la solution adoptée au plan européen. Il n'y a donc pas lieu de rougir de la réaction des États à la catastrophe provoquée par les banques, ni de la réaction des Européens : nous avons été leaders dans la sortie de crise.
La dimension européenne du G20 est une vraie question, qui a fait l'objet de débats assez vigoureux. Certains pays estimaient, en effet, que nous étions trop représentés : MM. Barroso et van Rompuy y participent conjointement au titre de l'Union européenne, avec la France, l'Allemagne, l'Italie et la Grande-Bretagne, auxquelles s'ajoute l'Espagne comme invitée permanente. Les Américains, les Argentins et les Australiens ont demandé une modification de la composition du G20, mais les Européens ont rappelé que chacun devait être représenté selon son poids au sein de ce forum économique et financier : l'Europe représente 30 % du PIB mondial, soit presque autant que les Etats-Unis et la Chine réunis ! Il reste que nous devons agir avec finesse : si nous harmonisons trop nos positions, nous risquerions de donner l'impression qu'il existe un rouleau compresseur européen.
Moins qu'on pourrait le croire. Nous nous concertons au sein du Conseil européen avant le G20. Mais nous devons éviter d'opposer des blocs : le « club » européen contre les BRIC – Brésil, Russie, Inde et Chine – ou contre les BASIC –Brésil, Afrique du sud, Chine et Inde. Ce serait la mort du G20.
Les sujets traités par le G20 étant de nature économique et financière, c'est naturellement Christine Lagarde qui est l'acteur principal au niveau gouvernemental, et la direction générale du Trésor est pleinement mobilisée sur ce sujet. Quant au Premier ministre, il joue tout son rôle. S'agissant de l'Élysée, les sujets sont suivis par une petite équipe composée de quatre membres : Xavier Musca et Emmanuel Moulin pour ce qui concerne Bercy, Olivier Colomb et moi-même pour ce qui concerne le quai d'Orsay. Nous travaillons main dans la main, pour le G8 comme pour le G20, le partage se faisant selon que les sujets intéressent Bercy ou le quai d'Orsay.
Au nom de tous mes collègues, je tiens à vous remercier pour cette audition fort intéressante. J'espère que nous pourrons renouveler l'expérience sur ce sujet comme sur d'autres.
La séance est levée à dix neuf heures quarante cinq.