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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Séance du 6 octobre 2010 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • débudgétisation
  • emprunt
  • extrabudgétaire
  • épargne

La séance

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La Commission entend M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, sur un rapport demandé à la Cour des comptes, en application de l'article 58-2° de la LOLF, relatif aux interventions de l'État dans l'économie par des moyens extra-budgétaires.

PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

J'ai le plaisir d'accueillir en votre nom M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, que je remercie pour sa disponibilité.

Nous poursuivons nos auditions préparatoires à l'examen du projet de loi de finances, et le grand nombre de ces auditions est bien le signe du resserrement des relations entre la haute juridiction financière et le Parlement, favorisé à la fois par la LOLF et par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.

Ce qui nous réunit aujourd'hui est la présentation du rapport que nous avions demandé à la Cour sur les interventions de l'État dans l'économie par des moyens extrabudgétaires. Ce rapport avait fait l'objet d'une note d'étape le 20 janvier, juste avant l'examen du premier collectif budgétaire de 2010 et de ses dispositions relatives au grand emprunt. Aujourd'hui, le rapport complet dresse un panorama très intéressant par sa précision, son exhaustivité et sa pertinence.

La Cour devait progresser sur un terrain par définition mouvant. Elle a dressé une cartographie de grande qualité, qui est en soi un excellent instrument d'analyse. J'en citerai pour exemple le graphique de la page 37, dans lequel la Cour répertorie les interventions de l'État dans l'économie en fonction de leur effet de levier, tout en précisant la « distance » des financements mobilisés par rapport au budget.

Nous trouverons d'autres sources de réflexion dans votre analyse de la mécanique d'endettement liée aux financements hors-budget, ainsi que dans les risques de « fuites » que subit la norme de dépenses.

Nous sommes sensibles à l'attention portée aux travaux de notre mission d'information sur la mise en oeuvre de la LOLF, la MILOLF ; elle transparaît dans les pages 81 et suivantes du rapport, et les propos de la Cour reflètent la convergence de nos analyses.

PermalienPhoto de Didier Migaud

Je vous remercie d'avoir invité la Cour des comptes à présenter son rapport sur les interventions de l'État dans l'économie par des moyens extrabudgétaires. Je suis accompagné pour ce faire du président Christian Babusiaux, président de la première chambre de la Cour, de M. Claude Lion, conseiller référendaire, et de M. Thibault Dornon, auditeur.

Ce rapport, demandé le 2 décembre 2009, vous a été remis le 15 septembre, monsieur le Président, conformément au calendrier décidé en commun. Nos procédures habituelles de contradiction ont été respectées et étendues : la direction du budget, la direction générale du Trésor, l'agence des participations de l'État, la Caisse des dépôts et consignations, le fonds stratégique d'investissement, Oséo et le commissariat général à l'investissement ont été entendus. Leurs remarques et réponses ont été intégrées au texte du rapport. La version finale qui vous a été remise est issue de ce travail complexe pour lequel je remercie le rapporteur, son équipe et la première chambre.

Comme je vous l'avais annoncé voici quelques semaines lors de la remise du rapport sur le plan de relance, ces conclusions sur les interventions extrabudgétaires de l'État permettent de compléter nos rapports précédents. Les travaux que la Cour a menés en 2010, en grande partie sur votre demande, encadrent et décrivent de manière désormais très approfondie l'utilisation des fonds publics par l'État : après les rapports obligatoires portant sur la situation et les perspectives des finances publiques ainsi que sur la régularité de la gestion budgétaire, après le rapport sur le plan de relance, voici une nouvelle étude qui, je le crois, comble un manque. C'est aussi, d'une certaine manière, le troisième volet de l'analyse des mesures de soutien de l'activité prises par le Gouvernement en réaction à la crise économique depuis 2008 : le rapport sur le plan de soutien aux établissements de crédit, celui sur le plan de relance, et ce dernier rapport forment un triptyque que nous avons la faiblesse de penser assez complet.

Plus généralement, en nous demandant cette enquête, votre commission a ouvert de très vastes perspectives : nous espérons que ce rapport apportera une contribution durable à la réflexion sur un sujet de toute première importance, celui des modes d'intervention économiques de l'État par des moyens extrabudgétaires. Ces moyens recouvrent les interventions ne s'accompagnant pas d'un flux de crédits budgétaires mais aussi celles qui, bien que se traduisant par un flux de crédits, permettent de s'affranchir des grands principes budgétaires d'annualité, d'unité et d'universalité. Jugez plutôt : fin 2009, la dette garantie par l'État atteignait 150 milliards d'euros, les encours garantis par la COFACE et la Caisse centrale de réassurance dépassaient 83 milliards et la valeur nette des concessions figurant à l'actif du bilan de l'État représentait plus de 131 milliards. En termes de flux, les dispositifs extrabudgétaires d'apport en fonds propres aux entreprises représentent plus de 2 milliards d'euros, et les investissements effectués par l'intermédiaire d'opérateurs de l'État plus de 6 milliards. Et cela, sans compter les ressources que l'emprunt national apportera, soit un flux annuel de 4 à 5 milliards.

La Caisse des dépôts et consignations est un moyen ancien d'interventions extrabudgétaires. Avant l'adoption de la nouvelle règle de partage des bénéfices avec l'État, elle consacrait en moyenne 700 millions d'euros par an à des missions d'intérêt général. Elle a été fortement mobilisée lors de la crise financière et sa contribution au plan de relance s'est élevée à 5,5 milliards d'euros.

Des considérations de deux ordres ont pu présider à votre demande : d'une part, l'impression que l'État a multiplié ces dernières années les interventions dans l'économie par des canaux extrabudgétaires ; d'autre part, les interrogations portant sur les conditions d'exercice du contrôle parlementaire sur ces modalités d'intervention, anciennes ou nouvelles.

Sur ces deux points, le rapport apporte des éléments de réponse, puisqu'il dresse l'inventaire des interventions extrabudgétaires et qu'il établit un bilan nuancé de leur mise en oeuvre en en présentant une typologie budgétaire et comptable.

En accord avec vous, nous avons tout d'abord délimité le champ de l'enquête et défini les interventions extrabudgétaires. Ainsi, ont été exclus du champ les instruments spécifiques à la politique sociale, les dépenses fiscales ou encore les mesures réglementaires correspondant à l'action générale de l'État.

Une fois ces bases posées, la Cour a procédé à l'analyse des mesures visant à développer l'investissement public ; à stimuler l'investissement privé par des dispositifs en faveur des entreprises ; à encourager l'innovation ; à garantir le financement de l'économie.

À titre liminaire, je tiens à remarquer que l'enquête a porté sur un thème jusqu'ici largement inexploré et qui, par son ampleur, a semblé surprendre l'administration elle-même. Son étude implique de croiser l'analyse budgétaire avec des considérations de comptabilité patrimoniale et de comptabilité nationale.

La notion même d'intervention extrabudgétaire n'est pas très facile à cerner, puisqu'elle est négative dans son expression même, désignant tout ce qui n'est pas budgétaire, ce qui est « hors du budget ». La multiplicité des dispositifs et la grande variété des intervenants rendent difficile d'en donner une définition générale. Toutefois, comme indiqué précédemment, nous avons retenu les mesures ne s'accompagnant pas d'un flux de crédits budgétaires ou, si ces flux budgétaires existent, les mesures permettant de s'affranchir des principes d'annualité, d'unité et d'universalité. Au-delà de cette catégorisation, seul un recensement méthodique permet de prendre la mesure des interventions extrabudgétaires puis de les analyser. La Cour a procédé à ce recensement, que nous avons établi pour la première fois.

L'intervention de l'État dans l'économie par des moyens extrabudgétaires est loin d'être nouvelle. Qu'il s'agisse des modalités concrètes, des acteurs concernés ou des moyens mobilisés, cette intervention est extrêmement diverse : l'État peut financer des infrastructures, agir en faveur du développement des entreprises, promouvoir la diffusion de l'innovation ou, plus globalement, assurer le financement de l'économie en cas de défaillance du marché. Les dispositifs évoqués dans le rapport constituent un ensemble hétérogène dont la cohérence n'apparaît pas toujours de manière évidente.

Certains dispositifs, tels ceux gérés par la Caisse des dépôts et consignations, sont anciens. De même, les dispositifs de soutien financier des exportations ont été mis en place depuis plusieurs décennies, tout comme la réassurance par la Caisse centrale de réassurance avec la garantie de l'État ou encore le mécanisme des concessions auquel l'État a eu recours depuis plusieurs décennies. D'autres sont plus récents et originaux, tels les véhicules créés ad hoc pendant la crise financière pour apporter des concours financiers aux établissements de crédit, ou les dispositifs retenus dans le cadre de l'utilisation du produit de l'emprunt national. Le recours à ces mécanismes peut être justifié par la recherche d'une plus grande efficacité et d'un meilleur retour sur investissement. De fait, certains mécanismes ont été institués précisément pour pouvoir bénéficier de la spécialisation des organismes chargés de les mettre en oeuvre et afin de mieux mesurer la rentabilité économique des investissements réalisés.

L'objectif peut aussi être de rechercher un effet de levier en suscitant des co-financements par des partenaires privés, par exemple pour des financements d'infrastructures ou pour développer l'apport de fonds propres aux entreprises par l'intermédiaire de fonds partenaires. L'analyse des interventions économiques de l'État par des moyens extrabudgétaires soulève cependant des difficultés d'ordre méthodologique attachées au concept même d'interventions économiques. Celles-ci peuvent viser plusieurs objectifs, comme l'aide aux entreprises, le financement d'infrastructures ou l'aménagement du territoire, et s'effectuent par l'intermédiaire d'outils très divers. L'extrême diversité des interventions conduit à croiser plusieurs axes et outils d'analyse. Ainsi, le soutien à la recherche et au développement peut être considéré comme un investissement, et c'est d'ailleurs souvent le cas ; pourtant, au sens strict de la comptabilité nationale, ce n'est pas un investissement, parce qu'il n'y a pas, en l'espèce, de « formation brute de capital fixe ».

Ces difficultés d'ordre méthodologique rendent impossible toute construction d'un agrégat unique représentatif de l'ensemble des interventions économiques extrabudgétaires de l'État et uniquement de celles-ci. On ne peut par exemple chercher à totaliser les dépenses des opérateurs, les garanties accordées, les partenariats public-privé, les concessions, les interventions de la Caisse des dépôts et ce qui sera financé par l'emprunt national. Il n'existe pas de dispositif de comptabilisation susceptible de regrouper sous un même indicateur les données quantitatives se rapportant à un ensemble d'actions aussi hétérogènes. La comptabilité générale dont dispose désormais l'État permet certes d'avoir une approche patrimoniale d'ensemble des actifs immobilisés, des passifs financiers et non financiers et des engagements hors bilan, mais elle ne permet pas de totaliser l'ensemble des interventions extrabudgétaires.

Pour lutter contre les conséquences de la crise économique, le Gouvernement a eu recours de façon massive au mécanisme de la garantie, précédemment devenu résiduel, ainsi qu'à d'autres types d'intervention extrabudgétaire comme les partenariats public-privé, les concessions, ou les investissements par des entreprises publiques. In fine, il ressort de la dernière crise une impression de fort accroissement des moyens extrabudgétaires au détriment des moyens budgétaires plus conventionnels, d'habitude privilégiés quand on veut relancer l'activité. Cette impression est tout particulièrement liée à la mobilisation des garanties dans le cadre du dispositif de concours financiers aux établissements de crédit. Si le recours à ce procédé ancien tendait à diminuer jusqu'aux derniers mois de 2008 avec les premiers impacts de la crise financière, l'année 2009 a marqué une rupture avec, notamment, un fort accroissement du montant des dettes garanties.

D'une manière générale, les éléments conjoncturels liés au plan de relance de l'économie ont également contribué à accroître, en principe de façon temporaire, le recours à des dispositifs extrabudgétaires, dans le triple but d'augmenter le volume des investissements publics, de garantir le financement des petites et moyennes entreprises et de soutenir les exportations.

Mais si l'on fait abstraction du recours massif aux garanties lors de la crise financière et de la mobilisation de dispositifs d'interventions extrabudgétaires dans le cadre non pérenne du plan de relance, les éléments réunis au cours de l'enquête ne permettent pas de penser qu'il y ait une tendance avérée à l'accroissement du champ des interventions extrabudgétaires dans l'économie. Contrairement au sentiment que l'on peut parfois avoir, nous n'avons pas constaté de multiplication tendancielle des dépenses extrabudgétaires à finalité économique.

Ce jugement doit cependant être complété par trois remarques. Premièrement, cette appréciation est avant tout qualitative et exprime un ordre de grandeur, en raison de l'absence d'un instrument unique de mesure pour l'ensemble des modes d'intervention extrabudgétaire. Deuxièmement, le caractère conjoncturel de l'accroissement des dispositifs extrabudgétaires, lié à la crise, ne sera pleinement avéré que si l'on assiste bien à un reflux à brève échéance. Troisièmement, la prise en compte de l'emprunt national peut également conduire à nuancer l'appréciation : les dispositifs retenus pour utiliser le produit de cet emprunt ne relèvent pas d'une action ou d'une logique conjoncturelle et se traduiront par des décaissements de l'ordre de 4 à 5 milliards d'euros par an entre 2010 et 2014, les 35 milliards de l'emprunt comprenant 15 milliards de « dotations non consomptibles » produisant intérêts et 20 milliards de dotations dont la consommation s'étalera sur plusieurs années. Les investissements d'avenir, qui sont d'un niveau légèrement supérieur au montant des investissements civils de l'État financés sur ressources budgétaires, permettront de doubler le montant total de ces investissements sur la période et ne transiteront plus par le budget de l'État.

Outre cela, l'utilisation accrue de moyens extrabudgétaires pourrait devenir une tentation en raison du contexte budgétaire tendu dans lequel nous nous trouvons, caractérisé par un déficit et un endettement très importants. Dans ce contexte, il peut être tentant de recourir à une débudgétisation : débudgétisation dans l'espace, consistant à recourir à des véhicules se situant en dehors du budget, ou débudgétisation dans le temps, consistant à différer l'impact budgétaire de certaines mesures. Il en serait ainsi en cas de recours massif à des partenariats public-privé. Si, actuellement, les investissements de l'État financés par ce biais représentent le montant relativement modeste de 3 milliards d'euros, un recours croissant à ce mode de financement pourrait s'avérer coûteux pour les finances publiques.

Le développement éventuel de nouveaux dispositifs requiert par conséquent d'être particulièrement vigilant sur les risques de contournement de la norme de dépenses et sur la création de véhicules faisant sortir certaines dépenses de la dette publique consolidée au sens du Traité de Maastricht. Dans les circonstances actuelles, il ne faudrait pas que la mécanique extrabudgétaire conduise à accroître l'endettement global des administrations publiques.

Il doit être souligné que les interventions extrabudgétaires dans l'économie ne font pas l'objet d'une politique globale conduite par l'État et qui obéirait à une stratégie prédéfinie. Le recours aux divers modes d'intervention dépend avant tout des circonstances et ne semble pas relever d'une doctrine ou d'un dessein particulier. Bien que la direction du budget estime avoir une visibilité sur l'ensemble des moyens d'interventions mentionnés, il est clair pour la Cour que les interventions extrabudgétaires dans l'économie manquent de lisibilité et font l'objet d'une évaluation insuffisante. À cet égard, les documents budgétaires remis au Parlement sont, en règle générale, peu éclairants, ce qui est quelque peu contraire à l'un des objectifs principaux de la LOLF, la transparence financière.

Certes, ces interventions visent toutes, d'une manière ou d'une autre, à améliorer la performance de l'économie française, mais on peut regretter l'absence de réflexion sur une possible rationalisation de l'utilisation de ces différents instruments. Dans bien des cas, par exemple dans le domaine des aides aux entreprises, les pouvoirs publics peuvent combiner un financement budgétaire, des interventions extrabudgétaires et une politique fiscale. Cependant, une réflexion globale fait défaut et il est aujourd'hui impossible de savoir quelle combinaison de ces trois modes de financement est optimale en termes économiques. Pour le dire plus simplement, le manque d'évaluation des interventions extrabudgétaires rend impossible leur comparaison avec les autres moyens d'intervention de l'État. Il est nécessaire de prolonger la réflexion, ce qui appelle aussi des recherches approfondies sur la mesure de l'impact économique véritable des outils à disposition du Gouvernement. Vaste sujet que celui-là.

Du point de vue des finances publiques, ces interventions, bien qu'elles soient en tout ou partie extrabudgétaires, ne sont pas neutres : elles ont des incidences budgétaires. Certains dispositifs affectent directement l'équilibre de la loi de finances – les taxes affectées par exemple, qui sont un non recouvrement de recettes évitant la consommation de crédits budgétaires. D'autres, telles les dotations en capital, conservent la nature de charges budgétaires au sens de la LOLF. Plusieurs sont porteurs de risques ou susceptibles d'induire des charges futures ; il en est ainsi de la mise en jeu des garanties consenties, ou encore des financements innovants.

Les enjeux financiers liés à ces interventions sont cependant très inégaux, de même que les risques qui leur sont associés. Si les risques associés aux dispositifs extrabudgétaires en vigueur apparaissent limités, notamment en raison des « collatéraux » associés aux dettes garanties, le recours à ces modes d'intervention mérite une attention particulière compte tenu de l'impact différencié qu'ils peuvent avoir sur la norme de dépenses et l'évolution de la dette publique. La typologie de leur impact budgétaire et comptable, que décrit le tableau de la page 73 du rapport, met en évidence l'intérêt que peuvent présenter des modes d'intervention fondés sur des actifs créateurs de valeur. Certains, pourtant, s'accompagneront de charges futures ou se traduiront par un surcroît d'endettement.

Si on le compare à d'autres dispositifs, l'ordre de grandeur de certaines interventions budgétaires est relativement modeste. À titre d'exemple, les soutiens aux entreprises accordés par des moyens extrabudgétaires, soit 2 milliards d'euros d'apports de fonds propres et 800 millions d'euros d'aide à l'innovation en 2009, représentent une part très minime – à peine plus de 4 % – de l'ensemble des aides de l'État aux entreprises, évaluées à 45 milliards par la direction du budget. Ils ne sont pas négligeables pour autant.

La question de la gouvernance et de l'évaluation de ces dispositifs est centrale.

Pour la Cour, le défaut majeur des interventions extrabudgétaires de l'État est de déroger aux grands principes du droit budgétaire, notamment ceux de l'annualité, de l'unité et de l'universalité. Certes, la mise en place de ces dispositifs résulte, en règle générale, de décisions soumises à l'approbation du Parlement. Cependant, une fois approuvées, ces interventions permettent de s'affranchir en partie de toute autorisation parlementaire. Leur multiplication prive le Parlement de l'exercice de ses missions de contrôle sur des dispositifs qui s'accompagnent bien souvent de la création de nouvelles structures de gestion et qui échappent aux dispositifs de performance instaurés par la loi organique. La transparence de l'action publique en est forcément affectée.

Des progrès majeurs ont certes été accomplis ces dernières années. Ce disant, je pense à l'adoption d'une comptabilité patrimoniale qui permet une meilleure connaissance des actifs et des passifs, ou encore aux dispositions de la LOLF relatives aux garanties, qui imposent désormais une autorisation préalable du Parlement. Mais il faut encore, me semble-t-il, renforcer les dispositifs d'évaluation et de contrôle. C'est notamment le cas pour les modes d'intervention extrabudgétaire les plus récents que sont la Société de prises de participations de l'État et les dispositifs associés à l'emprunt national ; ils se sont traduits par un endettement important et ils ne pourront être appréciés qu'en fonction de l'effet de levier et du retour sur investissement obtenus. En complément d'une évaluation renforcée, une approche consolidée est indispensable. Plus l'État développe des mécanismes ayant pour effet de sortir des dispositifs de son budget ou de s'affranchir de règles budgétaires, plus il doit avoir une vision consolidée de ses risques.

Certes, la comptabilité nationale assure en partie une vision consolidée, mais incomplètement, en raison de l'absence de comptes consolidés englobant l'État, ses opérateurs et les diverses entités qui dépendent de lui. Par ailleurs, cette consolidation doit s'étendre à l'harmonisation des méthodes utilisées pour sélectionner les investissements et mesurer leur rentabilité. Les procédures d'évaluation et de contrôle mises en place dans le cadre de l'emprunt national fournissent à cet égard un exemple intéressant. Il faudra, le moment venu, examiner leur portée.

L'enquête de la Cour ouvre ainsi de vastes perspectives de réflexion et de travaux, tant pour elle-même que pour le Parlement, dans plusieurs directions. Quatre me semblent prioritaires : le renforcement du contrôle parlementaire ; une meilleure appréciation des risques associés aux interventions extrabudgétaires ; une consolidation accrue des comptes ; une réflexion sur l'organisation administrative et ministérielle. Ce dernier sujet me paraît d'une importance particulière, car de nouvelles actions entraînent parfois la création de nouveaux ministères, ou de hauts-commissariats peut-être appelés à se pérenniser.

PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Je vous remercie, monsieur le Premier président. Votre communication souligne la nécessité de préciser la gouvernance des financements extrabudgétaires, qui dérogent à des principes fondamentaux. À titre d'exemple, le rapport de la Cour souligne la très grande latitude dont dispose le Commissaire général à l'investissement pour modifier le cas échéant l'affectation des moyens du grand emprunt. On déroge ainsi aux règles minutieuses de la LOLF sur les changements d'affectation des crédits du budget, dont l'adoption avait fait l'objet d'un consensus parfait. Cette situation vous paraît-elle acceptable ? Faut-il la modifier et si oui, de quelle manière et selon quel calendrier ? Le rapport de la Cour appelle aussi à garantir la qualité de l'information dont dispose la représentation nationale sur ces financements. Il signale la grande faiblesse des indicateurs de performance et le caractère très superficiel de l'annexe jaune sur l'effort en faveur des PME. Que suggérez-vous pour remédier à ces carences ?

Enfin, en multipliant les emplois prévus pour le fonds d'épargne, dont la gestion est confiée à la Caisse des dépôts, ne menace-t-on pas son équilibre à terme ? Ne menace-t-on pas, aussi, le respect des ratios de fonds propres prévus par l'accord « Bâle II » ? Surtout, préserve-t-on le financement du logement social ? Le rapport suggère sur ce point des réponses préoccupantes. Je ne doute pas que ces sujets inspireront des remarques à M. Michel Bouvard, qui, en sa qualité de président du conseil de surveillance de la Caisse des dépôts, joue un rôle de vigie dont je le remercie.

PermalienPhoto de Gilles Carrez

Je tiens à souligner une nouvelle fois tout l'intérêt qu'il y a pour notre commission à travailler avec la Cour des comptes. Nous en avons eu une nouvelle démonstration hier lors de la présentation par M. Christian Babusiaux de la communication de la Cour relative aux conditions d'une stabilisation en valeur de la masse salariale de l'État. Les conclusions de ce rapport d'un extrême intérêt nous ont permis de mesurer exactement ce que signifierait la mise en oeuvre concrète de l'objectif d'augmentation nulle, en valeur, des 85 milliards d'euros que représente cette masse salariale.

Pour ce qui concerne la débudgétisation, nous avons beaucoup progressé au cours de la dernière décennie. Ainsi avons-nous rendu obligatoire, dans le cadre de la LOLF, le fait que toute affectation de taxe ou d'impôt à un tiers doit être justifiée par l'existence d'une mission de service public. Nous avons aussi tordu le cou aux taxes parafiscales. Nous avons encore rendu obligatoire le vote annuel, en loi de finances uniquement, des rétrocessions à des opérateurs. Outre cela, la garantie de l'État ne peut plus être donnée qu'après autorisation du Parlement. Puis nous avons mené le combat, à l'initiative de M. Michel Bouvard, sur le contrôle des effectifs des opérateurs – car nombre de mesures de débudgétisation se font par le biais des opérateurs. Enfin, exception faite de la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, et de la Société de financement de l'économie française, la SFEF, les opérateurs ne pourront dorénavant plus s'endetter au-delà d'un an.

Ce faisceau de mesures très positives ne donne que plus de relief à une question taraudante : qu'en est-il de la gouvernance de la gestion de l'emprunt national ? La structure qui a été définie à cette fin est un objet très particulier au regard du renforcement du contrôle de la débudgétisation poursuivi avec ténacité au cours des dix ans écoulées : 35 milliards d'euros lui ont été délégués en une seule fois, mais la gestion pluriannuelle de ces fonds échappe au contrôle du Parlement. Le Commissariat est certes doté d'une commission de surveillance où siègent plusieurs d'entre nous, mais nous devrons être d'une particulière vigilance quant aux affectations car, comme la Cour le souligne, le Commissaire général à l'investissement a une très grande latitude dans la répartition des crédits. Le Parlement doit d'autant moins être dessaisi de ses prérogatives de contrôle que ces 35 milliards constituent la rare marge de manoeuvre dont nous disposons en matière de dépenses d'avenir.

PermalienPhoto de Didier Migaud

S'agissant de la gouvernance, la Cour des comptes cerne le sujet ; il est ensuite de votre responsabilité de définir les solutions que vous jugez bonnes. Pour ce qui est singulièrement de la gestion de l'emprunt national, la structure de gouvernance a été votée par le Parlement sur proposition du Gouvernement. Ce que dit la Cour, c'est qu'à partir du moment où l'on s'écarte des procédures budgétaires ordinaires, il faut renforcer les dispositifs de contrôle.

PermalienPhoto de Didier Migaud

C'est ce qui nous a conduits à formuler des observations et des recommandations. Cette question rejoint celle de la qualité de l'information, et c'est pourquoi nous évoquons la recension dans un seul jaune de l'ensemble des moyens extrabudgétaires. Il faudrait vraisemblablement aller au-delà, mais ce peut être le minimum : qu'il y ait au moins cela… à condition que cet inventaire soit complet et utilisé par le Parlement.

Les questions de gouvernance se posent avec une acuité croissante. La Cour a constitué une formation inter-chambres présidée par M. Alain Pichon, chargée d'établir un premier bilan de la LOLF ; il vous sera remis au deuxième semestre 2011. Par ailleurs, en vous remettant, en juin prochain, notre rapport sur l'exécution du budget, nous vous ferons part de nos observations sur l'utilisation des crédits.

La mobilisation des fonds d'épargne a fait l'objet d'une insertion au rapport public annuel de la Cour en février dernier. Une conjoncture particulière a pu entraîner la nécessité d'une utilisation particulière de ces fonds, mais nous avons considéré qu'un problème d'équilibre pouvait se poser à trois ans et qu'il fallait redoubler de vigilance à ce sujet – ce que votre Commission des finances est bien placée pour faire, par le contrôle qu'elle exerce sur la Caisse des dépôts.

PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Je suggère que lors de l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances, un amendement de la Commission tende à garantir la qualité d'un jaune spécifique.

PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Je salue la qualité du rapport qui nous a été présenté et j'observe que la Cour des comptes ne remet pas en cause l'utilité de la débudgétisation dès lors que deux critères sont réunis : l'urgence liée à une situation particulière et une participation privée à l'investissement public.

Pourriez-vous, monsieur le Premier président, préciser votre opinion sur la transparence de l'information : certaines des interventions extrabudgétaires dont le rapport dresse la liste pourraient-elles être mieux contrôlées que d'autres par l'Assemblée nationale, et si oui, lesquelles ?

Par ailleurs, quel est votre point de vue sur le principe de l'affectation des ressources ?

PermalienPhoto de Dominique Baert

Je tiens à souligner tout l'intérêt de la très éloquente communication faite hier à notre commission par M. Christian Babusiaux sur les conditions d'une stabilisation en valeur de la masse salariale de l'État. Tout aussi remarquable est la communication que nous venons d'entendre.

Lors de l'installation, hier, du Comité de surveillance des investissements d'avenir dont j'ai été nommé membre, nous avons appris que 25 milliards d'euros ont déjà été transférés aux opérateurs et que les 10 milliards restants le leur seraient avant la fin de l'année – si ce n'est que ces milliards ne sont pas réellement versés aux opérateurs chargés de la gestion de ces fonds mais fléchés à cette fin dans les comptes du Trésor pour leur être transférés progressivement, certaines sommes donnant lieu à versement d'intérêts, d'autres non. J'ai demandé si ces intérêts s'ajouteraient aux sommes destinées aux programmes d'investissement d'avenir, et je n'ai pas eu la complète certitude qu'il en serait ainsi : la réponse qui m'a été faite est que ces intérêts viendraient en atténuation de la dette de l'État… Que pensez-vous, monsieur le Premier président, de ces versements théoriques qui se traduisent en réalité par des décaissements progressifs ?

Vous avez par ailleurs évoqué l'augmentation très significative, crise aidant, de la dette garantie par l'État. Or, les dispositions de la « loi Galland » qui a instauré des ratios limitant les conditions d'octroi des garanties par une collectivité à des sociétés de droit privé ne s'appliquent pas à la garantie de l'État. Que pensez-vous de cette envolée ?

D'autre part, dans la fonction publique hospitalière, les partenariats public-privé sont de plus en plus fréquents. La Cour s'est-elle préoccupée de cette évolution ? A-t-elle chiffré les recettes à venir de ces investissements ?

Enfin, vous avez plusieurs fois appelé notre attention sur le fait que la débudgétisation met à mal les grands principes budgétaires d'annualité, d'unité et d'universalité. Mais, monsieur le Premier président, les dispositifs dont la Cour a dressé la liste ne sont-ils pas de nature à altérer aussi la sincérité du budget de l'État ?

PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Je partage l'inquiétude exprimée par le président de notre Commission sur le devenir du fonds d'épargne de la CDC et sur la multiplication de ses affectations, et sa préoccupation légitime quant à l'allocation de ses ressources à son affectation en principe prioritaire : le financement du logement social.

Il me semble par ailleurs nécessaire d'analyser de manière poussée l'évolution de l'Agence nationale de la recherche. L'idée qui a présidé à la création de l'Agence était de décloisonner les crédits de recherche et de renforcer les appels à projets hors les structures existantes. Or, j'ai le sentiment que la définition des programmes donne l'occasion aux grandes institutions de reprendre le dessus dans la gestion de l'Agence. La Cour pourrait utilement se pencher sur ce sujet.

J'en viens au manque général de lisibilité des interventions extrabudgétaires, dû à la multiplication des outils et des fonds. Manquent cruellement la concertation et la mobilisation nationale sur le suivi de ces dispositifs. Au temps du Commissariat général du Plan, les commissions de modernisation étaient le lieu de cette concertation. Le Commissariat général n'est plus, et le Conseil économique, social et environnemental, en retrait, ne joue pas ce rôle. Or l'absence de concertation lors de la définition des enjeux est le signe d'une crise profonde de la démocratie économique et sociale.

PermalienPhoto de Didier Migaud

Avant même les mesures prises en raison de la crise, la Cour avait considéré excessive la diversification des recours aux fonds d'épargne en dehors du logement, par des décisions prises au coup par coup, sans cadrage clair. La crise ayant accentué cette tendance, nous devrons suivre cette question de très près. Des précisions à ce sujet figureront dans le prochain rapport de la Cour sur l'exécution du budget. La débudgétisation peut se justifier dans certaines situations exceptionnelles ; la Cour n'en critique pas le principe, car les interventions extrabudgétaires peuvent avoir des effets positifs, mais elle juge qu'il ne faut pas en abuser et que des éléments d'information suffisants doivent permettre au Parlement de suivre chacun de ces dispositifs. À partir du moment où l'on sort des moyens budgétaires, une vigilance exacerbée s'impose sur l'information, la transparence et le contrôle des crédits ainsi affectés. C'est ce qui nous conduit à recommander la rédaction d'un jaune exhaustif. Le premier bilan de la LOLF, dont l'esprit et les dispositions sont d'une certaine manière contournés par les interventions extrabudgétaires, sera aussi pour la Cour l'occasion de procéder à une analyse fouillée de cette question.

Quant aux ressources affectées, la Cour estime avec constance qu'il y en a beaucoup, sans doute trop, et que, à ce sujet aussi, une vigilance sans faille s'impose.

Aujourd'hui, la garantie de l'État s'exerce principalement par le biais de la SFEF, et elle doit a priori se résorber. Mais des garanties nouvelles sont apparues après la création de mécanismes communautaires de concours aux États européens dont l'économie a été fragilisée par la crise. Ces garanties-là ne se résorberont pas aussi vite que celles de la SFEF, et il faudra surveiller de près l'évolution de la situation.

La Cour se penche actuellement sur la recherche et l'innovation, et ce travail fera l'objet d'une insertion dans le rapport public annuel qui sera présenté au Parlement en février 2011. Nous traiterons du CNRS, sur la base du suivi d'un contrôle effectué au cours des années précédentes, et de l'Agence nationale de la recherche.

PermalienPhoto de Michel Bouvard

Je suis en mesure d'apporter des compléments en tant que président de la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations. La débudgétisation, par nature dangereuse, doit être strictement encadrée, et tout dispositif de ce type doit faire l'objet d'un contrôle étroit du Parlement. On retrouve dans la communication de grande qualité qui nous a été faite les observations qui figuraient dans le dernier rapport de la MILOLF à propos du financement des universités, à présent éclaté entre le « fonds EDF » destiné à financer le plan Campus, l'emprunt national et des crédits budgétaires, et caractérisé par l'absence de pilotage global et d'indicateurs cohérents qui entraîne un manque de lisibilité pour le Parlement. Le travail de la Cour est éminemment utile.

Je remercie la Cour pour l'appréciation portée sur le rôle joué par la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts dans l'information du Parlement. Mes collègues Jean-Pierre Balligand et Arlette Grosskost et moi-même veillons en effet à ce que la transparence soit totale. Dans le cadre du contrôle des entreprises publiques, la Cour rend des rapports qui concernent directement la Caisse. L'avant-dernier de ces rapports particuliers portait sur les fonds d'épargne et j'avais indiqué au Président de notre commission ne voir que des avantages à ce que tous ceux qui le souhaitent puissent en prendre connaissance, car tous les aspects évoqués ne sont pas repris en détail dans le rapport annuel. Récemment, un autre rapport particulier consacré par la Cour aux participations aux sociétés d'économie mixte a permis d'améliorer grandement la gouvernance de la Caisse des dépôts dans ce domaine – même s'il ne s'agit que de 1% des encours et donc d'un volet limité des engagements de la section générale. Les rapports de la Cour des comptes concernant la Caisse sont systématiquement présentés en Commission de surveillance et donnent lieu à un droit de suite de sa part.

L'une de mes premières préoccupations après mon installation à la présidence de la Commission de surveillance a été de mettre un terme aux mécanismes de débudgétisation multiples qui pouvaient obérer à terme la capacité d'investissement de la Caisse. Toutes les conventions entre la Caisse et l'État sont désormais soumises à l'examen de la Commission de surveillance, ce qui n'était pas le cas auparavant. Cela nous permet de vérifier qu'il ne s'agit ni de subventions ni de la prise en charge, à perte, de dépenses qui reviennent à des ministères. Nous pouvons apporter du savoir-faire – ainsi pour la dématérialisation des procédures pour la Chancellerie – mais nous ne pouvons subventionner la Chancellerie, car cela ne fait pas partie des missions de la Caisse. Nous avons aussi mis fin à la bonification d'intérêts sur la section générale, qui n'était qu'une autre forme de subvention. Enfin, nous avons clarifié les règles pour en finir avec les prélèvements « sauvages » observés quand la Caisse faisait état de résultats exceptionnels. À cet égard, j'ai le souvenir de la promesse faite au ministère du Logement que deux versements de 100 millions lui seraient accordés pour l'ANRU, sans que jamais notification ait été faite de cette promesse ni au directeur général de la Caisse ni à la Commission de surveillance.

Le fonds d'épargne de la Caisse s'élève à 223 milliards d'actifs dont une partie de fonds propres et 100 milliards d'actifs financiers. Il n'y a donc aucun problème de financement du logement social et de la politique de la ville, deux politiques définies comme prioritaires dans la loi de modernisation de l'économie, et cela même si les besoins progressent régulièrement. À ce jour est en vigueur un dispositif transitoire concernant l'épargne réglementée, ainsi conçu que le montant centralisé à la Caisse de la ressource issue du Livret A et du livret de développement durable est fixé à 160 milliards. En 2012, le dispositif transitoire viendra à son terme, et les observations de la Cour à ce sujet sont parfaitement fondées ; nous aurons besoin d'un engagement du Parlement visant à améliorer le taux de centralisation. Les engagements hors bilan actuels relatifs à la politique du logement et à la politique de la ville représentent 12 milliards supplémentaires en 2014 et 48 milliards supplémentaires en 2020, il faudra en revenir à un taux de centralisation supérieur à 70 % de la collecte du livret A et du livret de développement durable, pour respecter le ratio plancher défini par la loi, soit 125 % du montant des prêts.

S'agissant des nouveaux emplois du fonds d'épargne de la Caisse, il faut relativiser : ils portent sur 15 milliards d'euros, un montant très raisonnable au regard des 223 milliards du Fonds. Une partie de ce montant, qui a servi de crédit relais en préfinancement de la SFEF, a été remboursée dans les deux mois. Il y a aussi des engagements de plus long terme : 12 milliards pour des prêts d'infrastructures, qui correspondent aux missions du fonds d'épargne, et 2 milliards correspondant au financement du plan Hôpital 2012. Ce que je tiens pour le plus critiquable, et qui a été décidé avant mon arrivée, c'est le prêt de 1,5 milliard accordé aux agences de l'eau. C'est une somme que les agences distribuent en subventions – et qu'elles prétendent pouvoir rembourser au motif que, demain, elles auront moins de financement à assurer mais qu'elles continueront à percevoir la taxe d'assainissement…

PermalienPhoto de Michel Bouvard

Les nouveaux emplois du fonds d'épargne n'ont pas vocation à s'étendre. Je rappelle enfin que les propositions de nouveaux emplois sont faites par la ministre de l'économie et soumises à la Commission de surveillance.

PermalienPhoto de Marc Goua

Dans sa communication, la Cour fait état de « l'importante trésorerie de l'ANRU », qu'elle évalue à plus de 710 millions fin 2010. Et pour cause : les retards de paiements sont d'environ 18 mois ! On peut comprendre que la trésorerie de l'Agence soit abondante ! Par ailleurs, alors que ses engagements sont bien supérieurs à ses ressources, un nouveau hold-up se prépare à son détriment, une ponction de 260 millions d'euros étant prévue sur le chiffre d'affaires des organismes de logement social. Voilà qui confirme l'observation de la Cour selon laquelle la sécurité du financement de l'ANRU, comme celle d'autres opérateurs, n'est pas garantie.

PermalienPhoto de René Couanau

Nous sommes très sensibles à la veille qu'exerce la Cour des comptes sur l'orthodoxie budgétaire. Mais, au-delà, devrait aussi s'exercer une veille sur l'impact des interventions budgétaires et non-budgétaires de l'État sur la croissance et sur l'emploi. Quels outils seraient nécessaires à cette fin ? La question est d'importance : ne s'agit-il pas de déterminer précisément à quoi sert l'argent public ?

Autre chose. L'État n'est pas le seul qui procède à des interventions économiques publiques. Beaucoup sont le fait des collectivités territoriales. La Cour entend-elle en évaluer le volume et les effets sur l'emploi ?

Quand on examine le budget des missions régaliennes, dont celui de la justice, on se rend compte du développement des partenariats public-privé. Ils font certes l'objet d'une évaluation préalable, mais les avantages de ces mécanismes par rapport à l'intervention directe sont décrits de manière plutôt succincte. Pour ma part, je suis persuadé qu'il ne s'agit que d'un report de charges important dans des domaines déterminants, ces dispositifs se développant dans le système hospitalier et le système pénitentiaire. Je n'ignore pas qu'ils évitent à l'État de lourds investissements d'un seul coup mais je me demande si ces montages ne devraient pas constituer l'un des prochains sujets d'étude de notre commission, en liaison avec la Cour. J'apprécie le travail très important que nous pouvons réaliser de conserve.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je tiens à dire mon inquiétude à propos du fonds d'épargne de la CDC. Elle tient à ce que l'on a mal évalué l'insolvabilité possible de certains intervenants de la rénovation urbaine, ce à quoi s'ajoute le risque d'un effet de ciseaux. On investit de plus en plus dans la rénovation urbaine à partir des fonds d'épargne centralisés à la CDC. Or, certaines collectivités voient leurs ressources s'affaiblir en raison notamment de la transformation de la taxe professionnelle en cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, si bien qu'à mon sens un risque réel d'insolvabilité va apparaître d'ici trois à cinq ans.

À cela s'ajoute un autre risque. Aussi longtemps que l'investissement en actions restera peu attrayant, le livret A sera un exutoire naturel au yoyo boursier. Mais si la bourse retrouve un certain dynamisme, elle se substituera à l'épargne réglementée. Or, le livret A étant une épargne liquide, les établissements financiers doivent pouvoir immédiatement disposer des sommes nécessaires pour satisfaire les demandes de retrait des clients. La Caisse doit donc maintenir un niveau de liquidités assez élevé alors même qu'elle prête à quinze ans sinon davantage.

La conjonction de ces deux facteurs – insolvabilité possible de certaines collectivités territoriales ; éventualité d'une décollecte importante au moment de la reprise économique – incite à s'interroger. Outre ce que fait la Caisse, la Cour des comptes ne devrait-elle pas mettre au point des indicateurs aptes à mesurer ces éléments d'instabilité potentielle ? Il serait bon qu'elle se penche sur ces questions.

PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Je partage les préoccupations exprimées par M. Couanau à propos des partenariats public-privé : c'est une débudgétisation qui va coûter beaucoup plus cher qu'un investissement public, car aux intérêts d'emprunts viendront s'ajouter les bénéfices qui me paraissent assez largement attribués aux partenaires privés. J'aimerais que la Cour analyse ce sujet car je crains des lendemains très difficiles. L'addition sera lourde.

Dans un autre domaine, les départements sont systématiquement sollicités pour garantir les prêts HLM. S'il existe un document recensant toutes les garanties données par les départements de France, il doit donner le vertige ; existe-t-il ? Si ce n'est pas le cas, il serait utile de le compiler.

PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Je tiens à souligner la très haute qualité de la communication qui nous a été faite. La Cour, qui met en exergue les questions de gouvernance, dispose-t-elle des outils qui lui permettraient d'analyser l'impact des interventions budgétaires et extrabudgétaires de l'État ? Aujourd'hui, nous naviguons au fil de l'eau et nous sommes bien en peine de mesurer l'impact des interventions économiques extrabudgétaires. Il en est ainsi, notamment, des partenariats public-privé, dont nous sommes incapables de déterminer les coûts à terme. Comment, dans ces deux cas, parfaire l'analyse ?

M. le président Jérôme Cahuzac. Nous pouvons, sur le fondement de l'article 58 2° de la LOLF, demander à la Cour de réaliser une enquête sur les partenariats public-privé. Le bureau de la Commission évoquera cette possibilité.

PermalienPhoto de François Goulard

Je suis très heureux d'avoir entendu le Premier président rappeler les principes essentiels des finances publiques – annualité, unité et universalité –, principes inséparables du pouvoir de contrôle du Parlement. Le recul du respect de ces principes est très préoccupant : ainsi, les modalités choisies pour la gestion du grand emprunt forment un exemple exceptionnel de leur violation, puisque l'on a délégué des fonds sans savoir quand et comment ils seront utilisés.

On a par ailleurs mentionné l'ANRU. J'observe à ce sujet que l'État va piocher dans les ressources destinées au logement de manière tout à fait contestable, en contradiction avec les principes de non affectation des recettes et de saine gestion des finances publiques.

PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

C'est que la Cour ne contrôle pas la technocratie.

PermalienPhoto de Didier Migaud

La Cour a fait part depuis longtemps de ses préoccupations relatives au respect de ces grands principes. Cela étant, je serai plus nuancé en ce qui concerne l'annualité, car une gestion pluriannuelle peut avoir une efficacité réelle.

La Cour répondra à toute demande de votre commission si elle souhaite une enquête sur les partenariats public-privé ; pour l'heure, ces opérations sont en nombre très limité, sauf dans les collectivités territoriales. Je puis seulement observer que si l'État peut emprunter à des taux très bas, un partenariat public-privé, imaginé dans un contexte financier différent, ne se justifie pas.

En liaison avec la Caisse des dépôts, nous avons engagé un travail sur la maîtrise des risques qu'elle court. C'est un sujet essentiel, évoqué plusieurs fois, et nous poursuivrons cette réflexion. L'investissement hospitalier est un exemple de débudgétisation par le biais de la CDC, investissement qui échappe de ce fait au contrôle ordinaire du Parlement. Une vigilance particulière s'impose.

Les dépenses extrabudgétaires se sont développées en raison de la crise. Elles recèlent un danger, même si leur montant est très inférieur à celui de la dépense fiscale. La Cour des comptes et le Parlement doivent être très vigilants.

S'agissant de l'évaluation, nous sommes prêts à examiner certains résultats au cours de l'exercice 2010. À propos du plan de relance, nous avons formulé des observations non pas à partir d'un raisonnement comptable mais à partir d'études conduites par l'OCDE. Nous sommes prêts à continuer ce travail, qui n'est pas simple. En créant la fonction de Commissaire général à l'investissement, vous avez prévu des crédits destinés à lui permettre d'évaluer les mesures qu'il met en oeuvre ; c'est un dispositif intéressant. La Cour devra pouvoir examiner la qualité de ces évaluations et des outils mis en place pour les réaliser. Dans tous les cas, l'évaluation de l'efficacité de la dépense publique s'impose.

PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Monsieur le Premier président, messieurs, nous vous remercions pour cette très intéressante communication.

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 6 octobre 2010 à 9 h 30

Présents. - M. Dominique Baert, M. Jean-Pierre Balligand, M. Claude Bartolone, M. Xavier Bertrand, M. Pierre Bourguignon, M. Michel Bouvard, M. Jean-Pierre Brard, Mme Chantal Brunel, M. Jérôme Cahuzac, M. Thierry Carcenac, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Jérôme Chartier, M. René Couanau, M. Jean-Yves Cousin, M. Richard Dell'Agnola, M. Michel Diefenbacher, M. Jean-Louis Dumont, M. Christian Eckert, M. Henri Emmanuelli, Mme Aurélie Filippetti, M. Jean-Claude Flory, M. Marc Francina, M. Daniel Garrigue, M. Georges Ginesta, M. Louis Giscard d'Estaing, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, M. François Goulard, M. David Habib, M. François Hollande, M. Jean-Louis Idiart, M. Jean-François Lamour, M. Patrick Lemasle, M. Jean-François Mancel, M. Hervé Mariton, M. Jean-Claude Mathis, Mme Marie-Anne Montchamp, M. Pierre Moscovici, M. Pierre-Alain Muet, M. Nicolas Perruchot, M. Jean-Claude Sandrier, M. Michel Sapin, Mme Isabelle Vasseur, M. Michel Vergnier

Excusés. - M. Bernard Carayon, M. Alain Claeys, M. Nicolas Forissier, M. Jean-Michel Fourgous, M. Victorin Lurel, M. Henri Nayrou, Mme Béatrice Pavy, M. Camille de Rocca Serra, M. François Scellier

59213

COMMUNICATION A LA COMMISSION DES FINANCES DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

(art. 58-2 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances)

Les interventions de l'Etat dans l'économie

par des moyens extra-budgétaires

SOMMAIRE

INTRODUCTION 4

PARTIE I : des dispositifs varies, poursuivant des objectifs multiples 7

I. Des dispositifs d'une grande variété 7

A. Les investissements publics 7

1. L'investissement de l'Etat via ses opérateurs 7

2. Les financements privés concourant à l'investissement public 15

3. La prise en compte des investissements des entreprises publiques 17

B. Les interventions en faveur des entreprises et de l'innovation 18

1. Les interventions visant le renforcement des fonds propres des entreprises 18

2. Le soutien extra-budgétaire en faveur de la recherche et de l'innovation 22

C. Les interventions visant à garantir le financement de l'économie 28

1. Les interventions en faveur du financement externe des entreprises 28

2. Les garanties octroyées en faveur de l'exportation 31

II. Des objectifs specifiques 32

A. De legitimes objectifs permanents 33

1. La création de structures publiques dédiées 33

2. La recherche d'un effet de levier 33

3. Faire financer des infrastructures par l'usager 36

B. Des objectifs de nature conjoncturelle, des mécanismes temporaires 36

1. Les concours financiers aux établissements de crédit 36

2. La mobilisation de ressources extra-budgétaires dans le cadre du plan de relance 38

C. L'éventuel contournement de la norme de dépense 44

1. Une faible capacité d'investissement 44

2. La tentation du recours à la débudgétisation 48

Conclusion de la première partie 50

PARTIE II : UN BILAN NUANCÉ, UNE GOUVERNANCE A PRECISER 52

I. Des poids relatifs inegaux et des risques en apparence limités 52

A. Des poids relatifs très inégaux 52

1. Les garanties 52

2. Les dispositifs d'apports de fonds propres et de soutien à l'innovation 58

3. Les investissements publics par des moyens extra-budgétaires 60

B. Des risques en apparence limités 63

1. Des risques différenciés pour des effets d'ampleur variable 63

2. Un risque en apparence limité compte tenu des volumes en jeu et des mécanismes utilisés 65

II. Un impact differencie sur les normes de depenses et de dette publique 67

A. L'impact au regard de la norme de dépense et du solde budgétaire 68

B. L'impact sur le solde des administrations et sur la dette publique au sens du Traité de Maastricht 70

1. L'impact sur le solde public d'une opération en capital dépend de sa contrepartie financière 70

2. Le classement en opération financière dépend des caractéristiques économiques de l'opération 71

3. L'impact des opérations en capital sur la dette publique au sens de Maastricht 71

C. L'impact sur la situation nette de l'Etat 72

1. L'impact immédiat sur la situation nette 72

2. L'impact ultérieur 73

3. Le cas particulier des dotations non consomptibles 73

III. Une gouvernance a preciser 74

A. un risque d'atteinte aux principes budgétaires 74

1. Les réponses de la LOLF au risque de débudgétisation 74

2. Un risque d'atteinte aux principes budgétaires 79

3. Des modalités de contrôles différentes 80

B. Des modes d'intervention qui appellent une reflexion sur les dispositifs de gouvernance 82

1. Un mode de gouvernance centré sur l'évaluation économique 82

2. Une approche consolidée 82

conclusion de la deuxieme partie 83

conclusion generale 85

INTRODUCTION

Par lettre du 2 décembre 2009, le Président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée nationale a fait connaître au Premier président de la Cour des comptes une liste de six sujets sur lesquels la commission demandait la réalisation d'enquêtes, sur le fondement de l'article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances. Le premier thème était intitulé « Evaluation des interventions de l'Etat dans l'économie par des moyens extra-budgétaires (prêts participatifs, avances remboursables, dotations en capital, garanties) ». Sur celui-ci, la lettre indiquait que la commission souhaitait disposer d'informations avant l'examen du premier projet de loi de finances rectificative pour 2010, dont le dépôt était prévu pour le 20 janvier 2010.

Ainsi que l'avait souhaité la Commission, une note d'étape, adressée le 22 janvier 2010, a présenté une typologie large des diverses modalités d'intervention économique de l'Etat. En accord avec le Président et le Rapporteur général de la Commission, la communication finale devait être transmise pour le 15 septembre 2010.

L'enquête a été conduite auprès des services de la direction du budget, de la direction générale du Trésor, de l'Agence des participations de l'Etat, ainsi qu'auprès de la Caisse des dépôts et consignations, du Fonds stratégique d'investissement, d'Oséo et du Commissaire général à l'investissement. Elle s'est également appuyée, comme la note d'étape, sur des travaux publiés par la Cour.

La présente communication a été établie à l'issue d'une procédure contradictoire écrite avec les administrations et organismes précités, complétée par l'audition du directeur du budget et du directeur général du Trésor.

La demande d'enquête obéit à deux ordres de considérations : d'une part, l'impression que l'Etat a multiplié ces dernières années les canaux d'interventions extra-budgétaires et, d'autre part, la préoccupation des conditions d'exercice du contrôle parlementaire sur ces modalités d'intervention, anciennes ou nouvelles. Elle mentionne parmi les moyens dits extra-budgétaires des instruments qui se traduisent par une charge budgétaire initiale (prêts participatifs, avances remboursables, dotations en capital) et d'autres instruments (garanties) où la recette peut être immédiate si la garantie est assortie d'une rémunération et la charge budgétaire n'est qu'hypothétique ou différée en fonction du niveau de risque que représente le bénéficiaire de la garantie.

La notion d'interventions extra-budgétaires peut sembler nouvelle alors même qu'elle recouvre des mécanismes utilisés parfois depuis fort longtemps par les pouvoirs publics. Elle n'est pas sans lien avec celle de « débudgétisation », sans se confondre avec elle, car elle renvoie aussi à un ensemble de modalités d'actions auxquelles la puissance publique peut recourir pour démultiplier l'impact de ses mesures de soutien à l'activité économique : recours à des opérateurs auxquels sont affectées des ressources fiscales, garanties octroyées directement ou indirectement à des agents économiques publics ou privés, mobilisation de financements d'organismes publics, tels que le groupe de la Caisse des dépôts et consignations, l'Agence française de développement ou les entreprises publiques, ou de ressources privées, dans le cadre de délégations de service public ou encore de financements innovants, tels que les différents contrats de partenariat public-privé.

Sous cet angle, l'intervention sera extra-budgétaire dès lors qu'elle ne s'accompagnera pas d'un flux de crédits budgétaires. Mais elle sera également extra-budgétaire si elle se traduit par un flux de crédits permettant de s'affranchir, à l'instar du mécanisme retenu pour l'emprunt national, du principe d'annualité ou d'autres grands principes budgétaires tels que l'unité, l'universalité ou la spécialité.

Dans le cadre de la présente enquête, portant sur les interventions extra-budgétaires dans l'économie, le parti a été pris d'analyser les mesures visant à développer l'investissement public, à stimuler l'investissement privé par des dispositifs en faveur des entreprises, à encourager l'innovation et à garantir le financement de l'économie. En conformité avec la demande de la commission des finances de l'Assemblée nationale, cette limitation du champ de l'enquête a pour effet d'exclure les instruments spécifiques à la politique sociale, ainsi que l'analyse des dépenses fiscales ou celle de l'action générale de l'Etat par l'intermédiaire de la réglementation.

A ces mécanismes poursuivant des objectifs de nature pérenne, se sont ajoutées des mesures conjoncturelles, liées à la crise économique et financière, qui ont sensiblement accru l'ampleur des interventions extra-budgétaires de l'Etat dans l'économie. Celles-ci ont également été augmentées dans la perspective de l'utilisation du produit de l'emprunt national qui vise à accroître l'effort d'investissement de l'Etat et à augmenter le potentiel de croissance de l'économie française.

L'analyse des interventions économiques de l'Etat par des moyens extra-budgétaires se heurte à des difficultés d'ordre méthodologique attachées au concept même d'interventions économiques. Celles-ci peuvent poursuivre plusieurs objectifs, comme l'aide aux entreprises, le financement d'infrastructures ou l'aménagement du territoire, et s'effectuent par l'intermédiaire d'outils très divers. L'extrême diversité des interventions conduit à croiser plusieurs axes d'analyse. Ainsi, le soutien à la recherche et au développement peut être considéré comme un investissement alors qu'il est étranger à la notion d'investissement telle qu'elle résulte de la comptabilité nationale sous la dénomination de formation brute de capital fixe. Par ailleurs, le partage qui doit être fait avec les interventions extra-budgétaires dans le domaine social et qui ne relèvent pas du champ de l'enquête souhaitée par le Parlement, comporte inévitablement une part de convention.

Ces difficultés d'ordre méthodologique justifient qu'il ne soit pas tenté de construire un agrégat unique représentatif de l'ensemble des interventions économiques extra-budgétaires de l'Etat et uniquement de celles-ci. Au demeurant, il n'existe pas de dispositif de comptabilisation susceptible de regrouper sous un même indicateur les données quantitatives se rapportant à un ensemble d'actions aussi hétérogènes. La comptabilité générale permet d'avoir une approche patrimoniale des actifs immobilisés, des passifs financiers et non financiers et des engagements hors bilan mais non de totalisation de l'ensemble. Pour autant, il reste possible de situer les différents modes d'intervention les uns par rapport aux autres en fonction de leur poids relatif et de leur impact respectif sur les finances publiques.

Le recours à des mécanismes extra-budgétaires d'intervention dans l'économie peut être justifié par la recherche d'une plus grande efficacité et d'un meilleur retour sur investissement. De fait, certains mécanismes ont été mis en place pour bénéficier de la spécialisation des organismes chargés de les mettre en oeuvre et afin de mieux mesurer la rentabilité économique des investissements réalisés.

L'utilisation accrue de moyens extra-budgétaires peut en revanche devenir une tentation, dans un contexte budgétaire tendu, caractérisé par un déficit et un endettement très importants. Dans ce contexte, une « débudgétisation » dans l'espace, consistant à recourir à des véhicules se situant en dehors du budget, ou dans le temps, consistant à différer l'impact budgétaire de certaines mesures pourrait être recherchée.

Tout bilan des interventions extra-budgétaires se heurte aux mêmes limites que celui relatif aux interventions budgétaires dans l'économie, faute de mesure pertinente de l'efficacité et d'outils d'évaluation ex-ante et ex-post. En outre, la cohérence d'ensemble des dispositifs est difficile à appréhender eu égard à leur diversité et à l'absence de réflexion globale des pouvoirs publics sur ce sujet.

Du point de vue des finances publiques, les incidences budgétaires de ces interventions ne sont généralement pas nulles bien qu'elles soient en tout ou partie extra-budgétaires. Certains dispositifs affectent directement l'équilibre de la loi de finances (taxes affectées, non recouvrement de recettes évitant la consommation de crédits budgétaires, par exemple). D'autres conservent la nature de charges budgétaires au sens de la LOLF (dotations en capital, par exemple). Plusieurs sont porteurs de risques et susceptibles d'induire des charges futures (mise en jeu des garanties consenties, financements innovants…). Enfin, les modalités d'interventions peuvent avoir ou non un effet « déconsolidant » du point de vue de la dette publique au sens du traité de Maastricht.

Il est ainsi possible d'établir une typologie de ces interventions au regard des règles budgétaires et comptables applicables à l'Etat et de les analyser sous l'angle de leur caractère dérogatoire au regard des grands principes budgétaires (annualité, unité, universalité, spécialité, sincérité) et comptables. La mise en place de mécanismes extra-budgétaires doit également être examinée au regard de leur impact sur les autorisations parlementaires et des modalités de contrôle dont dispose le Parlement.

In fine, le développement de mécanismes extra-budgétaires conduit à distinguer entre ceux qui sont porteurs de risques budgétaires ou financiers et ceux qui se caractérisent par une absence de risque. Au regard des premiers, se pose la question des limites et des contrôles à opérer. Mais la nécessité du contrôle est également forte vis-à-vis des dispositifs qui apparaissent comme des instruments de valorisation d'un patrimoine ou d'un droit. En présence de ces derniers, la mise en place d'une organisation différente du contrôle budgétaire et du contrôle de la performance doit être envisagée.

La première partie de ce rapport examine les dispositifs qui se caractérisent par leur grande variété (I), et les objectifs qui leur sont assignés (II).

La seconde partie évalue le poids relatif des différents dispositifs et les risques qui y sont associés (I), examine la traduction budgétaire et comptable de certains d'entre eux (II) et souligne la nécessité d'en préciser la gouvernance (III).

PARTIE1 : des dispositifs varies, poursuivant des objectifs multiples,

Les interventions extra-budgétaires de l'Etat dans l'économie, telles qu'entendues dans le cadre de cette enquête, recouvrent à la fois des actions de nature structurelle qui passent par la mise en place de dispositifs de longue durée, et des actions à finalité conjoncturelle visant à répondre à une situation de récession ou de crise. Les premières tendent au développement d'infrastructures ou d'autres investissements, à l'amélioration de la compétitivité de l'économie ou constituent des mesures de soutien aux entreprises. Les secondes, qui visent à assurer le financement de l'économie et à soutenir l'activité, se sont fortement développées dans la période récente.

Les dispositifs d'intervention extra-budgétaire dans l'économie, qui se caractérisent par leur grande variété (I), poursuivent des objectifs apparaissant légitimes mais dont l'accroissement pourrait devenir une tentation non dénuée de risques (II).

I. Des dispositifs d'une grande variété

La diversité même des dispositifs concernés et l'absence de définition pré-existante de la notion d'intervention extra-budgétaire entraînent qu'il convient de les recenser, de les décrire et de les classer avant toute analyse générale.

Entendu comme ne se traduisant pas par un flux budgétaire ou, en présence d'un tel flux, comme s'affranchissant de la règle de l'annualité budgétaire, l'intervention extra-budgétaire dans l'économie peut concourir à la réalisation d'investissements publics (A), soutenir les entreprises et l'innovation (B) ou, de façon plus générale, garantir le financement de l'économie (C).

A. Les investissements publics

L'investissement public constitue une modalité traditionnelle d'intervention économique des Etats. La notion n'est cependant pas sans ambiguïté dès lors qu'une grande partie des investissements d'infrastructures, qui sont réalisés par des entreprises publiques ou des sociétés privées, n'est pas comptabilisée, en comptabilité nationale, parmi les investissements publics.

Alors que les investissements civils de l'Etat, qui ont représenté 3,6 Md€ en 2008 et 4,8 Md€ en 2009, concernent principalement des bâtiments, les financements d'infrastructures ou à finalité structurante sont assurés de manière extra-budgétaire, par l'intermédiaire des opérateurs de l'Etat (1), des partenaires privés (2) et des entreprises publiques (3).

1. L'investissement de l'Etat via ses opérateurs

Les ressources des opérateurs de l'Etat, qui concourent à la mise en oeuvre des politiques publiques, sont constituées de crédits budgétaires (subventions pour charges de service public, crédits d'intervention, dotations) ou de taxes affectées.

Les crédits budgétaires versés aux opérateurs prennent la forme de subventions pour charges de service public, quasi intégralement affectées à des dépenses de fonctionnement (seulement 4 % d'investissement) et de crédits d'intervention, qui peuvent financer des investissements dans des proportions variables selon les opérateurs. Les subventions pour charges de service public, versées aux opérateurs pour compenser leurs propres dépenses de fonctionnement et d'investissement, se sont élevées en 2009 à 20,1 Md€ de crédits de paiement1. Pour leur part, la même année, les crédits d'intervention versés aux opérateurs se sont élevés à 8,6 Md€.

Les dépenses des opérateurs peuvent aussi être financées, de manière extra-budgétaire, par des impôts et taxes affectés ». C'est le cas, notamment, pour les agences de l'eau, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) ou Voies navigables de France (VNF). Au total, les impôts et taxes affectés à des opérateurs se sont élevés à 8,4 Md€ en 2009. Ils ont connu une forte croissance sur les dernières années (+21 % entre 2006 et 2009). Quelques opérateurs, dont les agences de l'eau et l'ANRU sont autorisés à recourir à l'emprunt.

A titre indicatif, le tableau suivant présente les principaux opérateurs de l'Etat bénéficiant de ressources fiscales affectées :

Source : Jaunes budgétaires annexées au PLF – Opérateurs

[En rose, les opérateurs menant des interventions économiques au sens de ce rapport]

Le recours aux opérateurs permet de spécialiser les intervenants. En ce sens, leur intervention vise un objectif d'efficacité. Lorsque les ressources sont constituées de taxes affectées, le caractère extra-budgétaire se traduit par une économie de crédits budgétaires mais aussi par une perte de recettes pour le budget de l'Etat qui constitue, en outre, une dérogation au principe de l'unité de caisse. Dans un certain nombre de cas, l'affectation de la taxe est présentée comme économiquement proche d'une redevance en ce qu'elle permettrait le financement d'un service public par l'usager ou relèverait de l'application du principe « pollueur-payeur ». Tel serait le cas, selon la direction du budget, avec la création de la « taxe poids lourds ».

a. L'AFITF

L'Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF)2 concourt au financement des grands projets d'infrastructures ferroviaires, routières, fluviales et portuaires, ainsi qu'aux autoroutes de la mer et ferroviaires et à la réalisation des projets inscrits aux contrats de projet Etat régions (CPER). Son financement a été assuré par une dotation en capital de 4 Md€, prélevée sur le produit des cessions de parts de l'Etat dans les sociétés publiques concessionnaires d'autoroutes en 2005. Ayant entièrement consommé cette dotation, l'Agence perçoit actuellement une dotation budgétaire dans l'attente des ressources que lui procurerait l'affectation du produit de l'écotaxe sur les poids lourds empruntant le réseau non concédé. L'instauration de cette taxe conférerait aux dépenses de l'AFITF un statut pleinement extra-budgétaire.

Pour 2010, le montant prévu pour la dotation s'élève à 980,3 M€. Celle-ci revient cependant pour partie dans le budget de l'Etat sous la forme de fonds de concours, dans le cadre du financement des actions du programme 203 « infrastructures et services de transport », pour un montant de 755,3 M€ en AE et 832,3 M€ en CP3. Le positionnement budgétaire de l'AFITF est ainsi paradoxal. Alors que l'Agence a été conçue comme un instrument de nature extra-budgétaire, son mode actuel de financement et son intervention sous la forme d'un fonds de concours lui redonnent une dimension budgétaire.

b. VNF

Voies navigables de France4 fournit un intéressant exemple d'investissements publics financés par des moyens extra-budgétaires combinés. Si l'Etat a contribué aux investissements de l'établissement au moyen de crédits budgétaires, VNF procède à des investissements financés sur ses ressources propres, constituées d'une taxe affectée, auxquelles s'ajoutent des financements en provenance des collectivités territoriales, de fonds européens et de partenaires privés.

VNF est un établissement public industriel et commercial qui assure l'exploitation, l'entretien, l'amélioration et l'extension des voies navigables qui lui ont été confiées par l'État, ainsi que la gestion des dépendances et du domaine terrestre associé. Les ressources de fonctionnement de l'établissement se sont élevées en 2009 à 178 M€ et les ressources d'investissement à 238 M€5.

L'Etat a contribué à hauteur de 129 M€ aux ressources de fonctionnement, par le biais d'une taxe affectée, la « taxe hydraulique »6. Cette taxe est acquittée par les titulaires d'ouvrages de prise d'eau, rejet d'eau ou autres ouvrages hydrauliques destinés à prélever ou évacuer des volumes d'eau sur le domaine public fluvial confié à l'établissement.

L'Etat a contribué aux ressources d'investissement, en versant une subvention de 51,4 M€ en 20097. A cela s'ajoute la capacité d'autofinancement (58 M€) et d'autres financements, essentiellement en provenance des collectivités territoriales, qui s'élèvent à 37,8 M€, complétés par des produits de cessions de terrains (6,3 M€).

En 2008, VNF avait bénéficié de ressources au titre du financement du projet Seine-Nord Europe pour 13 M€. Ce dernier projet, qui a vocation à démultiplier, à l'horizon 2015, l'offre de services fluviaux, est particulièrement illustratif du mode de financement d'une infrastructure de transport par des moyens extra-budgétaires. Son coût prévisionnel de plus de 4 Md€ sera financé pour partie sur ressources publiques (300 M€ de fonds européens, 900 M€ par les collectivités territoriales et 900 M€ par l'Etat via l'AFITF) et pour partie sur ressources privées dans le cadre d'un partenariat public-privé d'un montant de 2,1 Md€. L'effet recherché est un effet de levier.

c. L'ADEME

Les missions de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), en matière de maîtrise de l'énergie et de promotion des énergies renouvelables, revêtent également une dimension structurante. L'évolution de ses modes de financement est riche d'enseignements en termes d'interventions extra-budgétaires de l'Etat, celui-ci alternant au gré des arbitrages un financement par dotations budgétaires et un financement par taxes affectées.

Jusqu'en 1998, l'agence a été financée par des dotations budgétaires et par le produit de cinq taxes fiscales et parafiscales affectées à l'agence. A compter de 1999, la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), qui s'est substituée aux cinq taxes, a été affectée au budget de l'Etat. Les produits correspondants ont alors été remplacés par des dotations budgétaires, le financement de l'Agence redevenant budgétaire.

En 2004, le ministère en charge de l'écologie a mis en place, en complément des dotations budgétaires, un fonds de concours de 135 M€ en crédits de paiement, collecté auprès des agences de l'eau. En 2005, l'ADEME a reçu des crédits attribués sous forme de subvention pour charge de service public. A partir de 2006, l'affectation du produit de la taxe sur les véhicules les plus polluants et du produit de la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel, a constitué une part du financement de l'Agence (pour un total de 189,2 M€ en AE et de 192,8 M€ en CP, en 2006). En 2007, le produit d'une nouvelle taxe sur la consommation du charbon, de la houille et des lignites s'est ajouté aux autres taxes affectées. Les produits de ces taxes sont devenus majoritaires, pour un total de 237,6 M€ en AE et 241,4 M€ en CP. En 2008, le financement sur taxes, stabilisé à 242 M€, a été entièrement porté sur les recettes de TGAP. Ce financement prend la forme d'un montant forfaitaire inscrit en loi de finances.

Enfin, à partir de 2009, la part de TGAP attribuée à l'ADEME en loi de finances initiale a été augmentée de 121 M€ pour atteindre 363 M€. Ce montant est en outre majoré par le produit des nouvelles TGAP mises en place sur les installations d'incinération des ordures ménagères et sur les installations produisant des poussières (estimé à 65 M€).

Le tableau suivant, qui retrace l'évolution des dotations budgétaires (CP) et des recettes affectées à l'ADEME depuis 1998, met particulièrement en évidence la débudgétisation que représente le mode actuel de financement de l'Agence.

Source : ADEME

d. Les agences de l'eau

Au nombre de six, les agences de l'eau, qui sont des établissements publics de l'Etat à caractère administratif, fournissent un autre exemple d'investissements par des moyens extra-budgétaires. Elles peuvent en outre recourir à l'emprunt, ce qui constitue une autre modalité de financement extra-budgétaire.

Ces agences participent, au niveau d'un ou de plusieurs bassins hydrographiques, à la mise en oeuvre des politiques nationales et communautaires de l'eau. Le montant des autorisations d'engagements sur la période 2007-2012 s'élève à 14 Md€8 (soit 1,8 Md€ par an). Les recettes des agences de l'eau sont exclusivement des impôts et taxes affectés, les redevances sur l'eau9, et des remboursements des avances qu'elles peuvent consentir selon les règles fixées par leur programme pluriannuel d'intervention. Les taxes affectées aux agences de l'eau (pour un montant de 2 025 M€ dans le projet de loi de finances pour 2010)10 sont les plus importantes des ITAF perçues par les opérateurs (soit 24 % de celles-ci)11.

Les agences peuvent également recourir à l'emprunt, dont le remboursement s'étalera sur la durée de leur programme. Cette solution est actuellement mise en oeuvre par deux agences (Loire-Bretagne et Rhin-Meuse). Une enveloppe de prêts sur fonds d'épargne de 1,2 Md€ sur la métropole a également été mise à disposition par la Caisse des dépôts et consignations, dans le but d'aider les agences à mettre en conformité les stations d'épuration aux normes communautaires. Deux agences y ont déjà eu recours (Adour-Garonne et Seine-Normandie). Au total, 533 M€ de prêts ont été engagés en comité de crédit et 155 M€ ont déjà été signés.

Pour la période 2007-2012, les prévisions de recettes, s'élèvent, comme celles des autorisations d'engagement, à 14 Md€ dont 11,5 Md€ de redevances, 1,8 Md€ de remboursements de prêts et avances, 413 M€ de prêts CDC et 280 M€ d'autres recettes.

e. L'ANRU

Un autre exemple d'intervention structurante est fourni par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU)12, qui est un établissement public national à caractère industriel et commercial chargé de mettre en oeuvre le Programme National de Rénovation Urbaine (PNRU). L'Agence apporte un soutien financier aux collectivités locales, aux établissements publics et aux organismes privés ou publics qui conduisent des opérations de rénovation urbaine.

Alors que la participation de l'Etat au financement de l'ANRU était jusqu'en 2008 déterminante ou significative, selon les années, un financement extra-budgétaire en provenance du 1% logement l'a remplacé. Si, depuis l'origine du dispositif, les pouvoirs publics ont orienté une partie de ces ressources (4 Md€an) vers des emplois jugés prioritaires, la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, a accentué ce mouvement. La redéfinition des catégories possibles d'emplois des ressources du 1% logement a permis d'accroître de manière importante les financements affectés à la rénovation urbaine. Sur la durée du PNRU (2004 – 2013(13), ce sont 42 Md€ d'investissements qui seront réalisés, avec un financement de 6 Md€ en provenance de l'Etat(14) et de 6 Md€ de l'Union d'économie sociale pour le logement (UESL) au lieu des 12 Md€ auxquels l'Etat s'était engagé initialement (15).

Le tableau suivant présente l'évolution de l'affectation des ressources du 1 % logement aux politiques publiques du logement.

Source : Action Logement, Livre Blanc mars 2010

Note : le PNRQAD est le Plan national de requalification des quartiers anciens dégradés

Sur la période 20042010, la réorientation de ressources du 1% logement vers des politiques publiques a été massive (les crédits du 1% logement affectés à ces actions étant multipliés par plus de 7).

Le décret du 22 juin 2009 et son arrêté d'application du 10 août 2009, prévoient que le 1% logement apportera 770 M€ par an à l'ANRU (avec un échéancier de versement de 595 M€ en 2009, 1100 M€ en 2010, 615 M€ en 2011). Les arbitrages pour la LFI 2011 portent cette contribution à 830 M€ en 2012 et 850 M€ en 2013.

Pour les années 2012 à 2018 un complément de financement important devra toutefois être trouvé. La renégociation du décret sur les règles d'utilisation du 1% logement, qui interviendra en 2012 pourrait être l'occasion d'une mobilisation accrue de cette ressource en faveur de la rénovation urbaine. La mobilisation de l'abondante trésorerie de l'ANRU (717 M€ prévus en fin 2010) est également une des pistes possibles de financement.

Les recettes de l'agence sont donc désormais principalement constituées de contributions de l'Union d'économie sociale pour le logement (UESL) et de subventions de la Caisse des dépôts et consignations. Elle reçoit également des ressources de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) (179 M€ entre 2004 et 2009). Celle-ci versera encore 30 M€ par an jusqu'à extinction du PNRU. Les subventions de l'Etat ne sont plus que marginales (5 M€ par an) et la parité de financement programmée entre l'Etat et l'UESL n'est plus actuellement une réalité.

L'Agence est également autorisée à contracter des emprunts, dans la limite d'un plafond fixé par décret. Ses dépenses sont essentiellement des dépenses d'intervention.

Ce mode de financement, conjugué aux autres sources de financement de l'Agence, confère à cette dernière le caractère d'un dispositif d'investissement de nature extra-budgétaire.

Le graphique ci-dessous illustre bien la décision de réorienter les ressources de l'UESL vers les politiques nationales (en l'occurrence la politique de rénovation urbaine), qui permet à l'Etat de consacrer ses propres financements à d'autres actions.

Source : Rapport du Sénat sur la LFI 2009 (politique de la Ville) citant des données ANRU

Si les données de ce graphique ne sont plus totalement d'actualité, il a le mérite de bien montrer l'importance des financements en provenance du 1 % logement dans les ressources du PNRU et l'ampleur des besoins à partir de 2012.

Les financements en provenance du 1 % logement ne devraient pas suffire à faire face à l'ensemble des besoins de l'ANRU et la question de la réintroduction de l'Etat dans le schéma de financement global de l'Agence est posée à partir de 2012.

La substitution d'un financement par l'intermédiaire du 1 % logement à des dotations budgétaires a été étendue, par la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH)16. Bien que les interventions de cet opérateur n'entrent pas dans le champ des investissements structurants pour l'économie, l'évolution de son mode de financement participe d'une démarche similaire. Depuis 2008, l'agence bénéfice d'avances de trésorerie de l'Agence France Trésor (pour un maximum conventionnel de 240 M€).

La réorientation des ressources du 1% logement vers des politiques prioritaires va dans le sens des remarques répétées de la Cour (Rapports publics annuels 2006,2009 et 2010) en faveur d'une réforme en profondeur de la gouvernance du 1 % logement pour faire de ce dispositif un levier plus puissant pour la politique du logement. Ces rapports avaient notamment relevé l'absence de débats parlementaires sur l'utilisation des crédits du 1% logement. Leur mobilisation massive pour le financement de l'ANRU et de l'ANAH les réintroduit dans des mécanismes de contrôle parlementaire.

Dans le cas particulier du financement de la rénovation urbaine, le passage à une utilisation comme mode de financement extra-budgétaire s'accompagne d'une amélioration des contrôles publics sur une ressource importante.

2. Les financements privés concourant à l'investissement public

Le financement d'investissements au moyen de délégations de service public, et notamment de concessions, constitue un mode ancien d'intervention économique de l'Etat. Il en va de même, pour partie, lorsque l'Etat finance des opérations dans le cadre de contrats de partenariat public privé ou de tout autre mode de financement dit innovant.

a. La délégation de service public

La délégation de service public confie, pour une durée déterminée, la gestion d'un service public à un délégataire public ou privé dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service. La plupart des infrastructures publiques financées à travers des délégations de service public sont régies par des contrats de concession. Les entreprises concessionnaires prennent en charge, à leurs risques et périls, les investissements et l'exploitation du service. Dans cette hypothèse, le financement de l'investissement initial et de l'entretien, de même que celui des charges d'exploitation, s'effectuent sans utilisation de ressources budgétaires17.

Les biens indispensables à l'exploitation du service sont des biens dits de retour, c'est-à-dire destinés à être remis gratuitement à la personne publique à l'expiration du contrat et réputés appartenir dès l'origine à cette dernière, à la différence des biens de reprise, utiles mais non indispensables à l'exploitation du service, susceptibles d'être transférés à titre onéreux à la personne publique.

La délégation de service public est un instrument de valorisation d'un patrimoine ou d'un droit. Les actifs mis en concession qui, pour la première fois en 2009, ont été comptabilisés à l'actif du bilan de l'Etat représentent une valeur nette immobilisée de 131,5 Md€ au 31 décembre de l'exercice, soit 21 % de l'actif net immobilisé et 17 % de l'actif net total du bilan de l'Etat. Cette valorisation comprend les concessions autoroutières (125,4 Md€), les concessions ferroviaires (4,7 Md€) et les concessions aéroportuaires (1,3 Md€)18. En contrepartie, les droits du concessionnaire sur la durée résiduelle du contrat sont comptabilisés sous la forme d'un passif non financier qui s'élève, à la même date, à 38,5 Md€.

Toutes les concessions de l'Etat ne sont cependant pas encore comptabilisées au bilan de l'Etat. La liste des biens dont la valorisation n'a pas encore été prise en compte figure à l'annexe des comptes de l'Etat. La concession relative au Stade de France fera l'objet d'une comptabilisation en 2010. Le traitement comptable à réserver aux ouvrages de force hydraulique qui sont inscrits à l'actif du bilan des concessionnaires (EDF, CNR,…) pour une valeur brute de 12,4 Md€ et une valeur nette de 6,6 Md€, doit faire l'objet d'une analyse complémentaire.

b. Les partenariats public-privé (PPP)

Les partenariats public-privé (contrats de partenariat et autres montages financiers dits innovants tels les autorisations d'occupation temporaire, les baux emphytéotiques administratifs, les locations avec option d'achat) constituent une autre modalité de financement privé d'investissements publics19.

En contrepartie du paiement d'un loyer (qui est une charge budgétaire) lissant les dépenses sur la durée du contrat, le partenaire privé finance les investissements (matériels ou immatériels) et prend en charge les services associés. A la différence du marché public, pour lequel le paiement différé est prohibé, le PPP permet d'étaler la dépense d'investissement sur l'ensemble de la période contractuelle. L'impact budgétaire de l'investissement est ainsi différé dans le temps. Le partenariat public-privé apparaît donc comme un mode de préfinancement privé des investissements qui majore le coût réel payé par l'Etat à concurrence de la marge du bénéficiaire et du différentiel de taux auquel le partenaire emprunte par rapport à l'Etat.

Le partenariat public-privé permet d'utiliser le levier de la commande publique pour soutenir l'investissement et jouer un rôle contra cyclique, sans consommer immédiatement les ressources budgétaires correspondantes. Cette modalité d'intervention a constitué un des éléments du plan de relance. Une enveloppe de garanties par l'Etat de 10 Md€ a été mise en place par l'article 6 de la loi n° 2009-122 du 4 février 2009, afin de faciliter la mobilisation des financements. La garantie de l'Etat, qui peut être accordée aux contrats de partenariat, aux concessions de travaux et aux contrats de délégation de service public, ne s'applique qu'aux contrats signés avant le 31 décembre 2010. Elle est rémunérée et peut contribuer au financement initial du projet ou à son refinancement. Cette garantie peut être accordée aux prêts, aux titres de créance de la société de projet ou aux titres de créance émis par des établissements de crédit pour financer les contrats, dans la limite de 80 % du montant des prêts ou titres de créances. A ce jour, aucune garantie de l'Etat n'a toutefois été accordée à ce titre.

Une enveloppe de prêts sur fonds d'épargne a été ouverte par le ministre chargé de l'économie pour une durée de cinq ans (2009-2013) pour faciliter la réalisation d'infrastructures, notamment sous la forme de PPP, en apportant aux projets concernés des compléments de financement sur longue durée à des conditions avantageuses. Sur l'enveloppe de 8 Md€, un montant de 7 Md€ est destiné aux infrastructures de transport, le solde ayant vocation à participer au financement du plan Campus pour les universités.

Les prêts, d'une durée maximum de 40 ou 50 ans pour les grands projets d'infrastructures, peuvent être accordés aux collectivités territoriales, dans la limite de 50 % de leurs besoins de financement, et aux sociétés de projet, dans la limite de 25% du montant total à emprunter.

La loi n° 2009-179 du 17 février 2009 pour l'accélération des programmes de construction et des investissements publics et privés permet qu'une partie du financement du projet puisse être apportée par la personne publique, à l'exception de toute participation au capital de la société de projet. Lorsqu'il s'agit d'un contrat d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public local, le financement définitif doit toutefois être majoritairement assuré par le partenaire privé, sauf pour les projets d'un montant supérieur à un seuil fixé par décret (40 M€). Au-dessus de ce seuil et, pour le cas de l'Etat quel que soit le montant du projet, le financement peut être majoritairement public.

La loi, qui prévoit la possibilité d'ajuster le montage du financement des contrats de partenariat après la remise de l'offre finale, généralise des dispositions introduites par la loi n° 2008-735 du 28 juillet 2008 afin d'ouvrir les investissements publics en contrat de partenariat à tous les financements possibles. Outre qu'elles favorisent le bilan coûts avantages qui est une des conditions du recours à un contrat de partenariat, ces dispositions transforment sensiblement la nature de ces contrats en faisant d'un dispositif de financement privé d'investissements publics un mode de cofinancement public privé de ces derniers.

S'agissant de l'Etat, le bilan des partenariats public privé (contrats partenariat, autorisations d'occupation temporaire, locations avec option d'achat) s'établit à 17 contrats signés représentant un montant d'investissement de près de 3 Md€. En termes de flux annuels, les montants d'investissement au moyen de contrats de partenariat au titre de l'année 2009 apparaissent toutefois en retrait par rapport à ceux de 2008, en dépit des dispositifs adoptés pour en favoriser le recours. Pour l'Etat, les investissements par contrat de partenariat se sont élevés à 207 M€ en 2009 contre 377 M€ en 200820.

3. La prise en compte des investissements des entreprises publiques

En raison de leur appartenance au secteur marchand, les investissements des entreprises publiques ne sont pas pris en compte en comptabilité nationale dans les agrégats relatifs aux investissements publics. Cependant, ce sont elles qui réalisent une grande partie des investissements considérés comme publics, notamment les investissements d'infrastructures qui ont un effet structurant important et un effet d'entraînement sur l'activité économique d'ensemble.

Le budget d'investissement de la RATP s'est élevé à 1,4 Md€ en 2009, celui du groupe SNCF à 2,5 Md€. Les investissements de RFF ont atteint 3,4 Md€ en 2009. Pour EDF, les investissements opérationnels en France ont représenté 7,162 Md€21 en 2009, dont 2,15 Md€ d'investissements de production.

Dans le cas le plus général, ces investissements ne peuvent être classés au nombre des interventions extra-budgétaires de l'Etat, dans la mesure où ils répondent avant tout aux besoins des entreprises et sont prélevés sur la marge bénéficiaire dégagée par l'entreprise et sur des financements de marché. Toutefois, l'accélération des programmes d'investissement dans le cadre du plan de relance a pu constituer une intervention de cette nature permettant d'accroître, à des fins conjoncturelles, le volume des investissements publics22 et d'amplifier l'effet des stabilisateurs automatiques.

B. Les interventions en faveur des entreprises et de l'innovation

Dans le cadre de la Stratégie de Lisbonne, l'Union européenne vise un accroissement de la croissance potentielle des Etats membres, chacun d'entre eux étant appelé à décliner cette stratégie dans un programme national de réforme. Différents instruments, destinés à renforcer la compétitivité de l'économie française, visent en particulier à renforcer les fonds propres des entreprises et à investir dans l'enseignement supérieur et la recherche. La volonté actuelle des pouvoirs publics de relancer la politique industrielle de l'Etat s'inscrit également dans ces orientations. Certains de ces instruments correspondent à des mécanismes d'intervention extra-budgétaire.

1. Les interventions visant le renforcement des fonds propres des entreprises

Le renforcement des fonds propres des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire est un facteur essentiel de leur croissance. La mise en place de dispositifs favorisant ce renforcement constitue un enjeu majeur des politiques publiques de soutien économique.

Elle s'effectue selon deux axes, l'incitation à l'apport de fonds par des investisseurs privés et l'apport de fonds propres d'origine publique par l'intermédiaire de prises de participation minoritaires. Dans l'un et l'autre cas, l'intervention extra-budgétaire se caractérise par la recherche d'un effet de levier destiné à démultiplier l'action publique.

a. Le Fonds stratégique d'investissement

Le dispositif France Investissement lancé à la fin de 2006 participe du soutien public au développement de l'amorçage, du capital-risque et du capital développement. A l'origine, il était prévu un apport public de 2 Md€ complété par un apport d'1 Md€ de la part des partenaires privés du dispositif23. La part publique a été relevée à hauteur de 2,4 Md€, de 2006 à 2012, alors que les engagements privés se sont élevés à 300 M€ et ne sont pas susceptibles d'augmenter du fait de la décision des pouvoirs publics d'interrompre le mécanisme d'alimentation de nouveaux fonds de fonds privés.

A la fin 2009, les engagements des partenaires publics et privés de France Investissement s'élevaient à 1,6 Md€. Ils avaient bénéficié à 559 entreprises dont 230 nouvellement créées. Les engagements de ce fonds, géré par CDC Entreprises ont été repris par le Fonds stratégique d'investissement (FSI). Entre le 1er janvier 2009 et le 30 juin 2010, 129 investissements ont été réalisés par CDC Entreprises (Avenir Entreprises et Consolidation Développement Gestion).

Détenu à 49 % par l'Etat et à 51 % par la Caisse des dépôts et consignations, le FSI se positionne comme un investisseur de moyen et long terme. Les investissements, minoritaires en capital, sont choisis pour leur contribution potentielle à la compétitivité du pays et en fonction d'une rentabilité attendue. S'il entend s'impliquer dans la gouvernance des entreprises dans lesquelles il investit, le FSI ne recherche pas la prise de contrôle ou la direction de ces entreprises.

La dotation en fonds propres du FSI est de 20 Md€, apportés à hauteur de 14 Md€ sous forme de participations et 6 Md€ en numéraire24. L'apport de l'Etat en titres de participations est constitué principalement des participations cotées dans France Télécom (13,5 %) et ADP (8 %). La CDC a apporté de son côté une vingtaine de participations minoritaires dans des sociétés cotées, trois participations minoritaires dans des sociétés non cotées ainsi que des participations, parfois majoritaires, dans des sociétés de portefeuille et de capital-investissement.

La contribution en numéraire de l'Etat a été apportée sous la forme de dotations en capital du compte d'affectation spéciale des participations financières de l'Etat (PFE), pour un montant total de 2,94 Md€ dont 1,16 Md€ ont été appelés en 2009. La capacité d'investissement du FSI est comprise entre 1,5 et de 2 Md€ par an.

Les investissements directs du FSI

Le premier investissement direct du FSI a été annoncé le 25 février 2009 et le deuxième le 4 mars. Le FSI a investi en 2009 pour 800 M€ dans 21 entreprises qui se répartissent en 4 grandes entreprises cotées, 5 entreprises de taille intermédiaire de croissance, 11 PME en croissance et 1 entreprise en création. La répartition des participations est de 0,5 Md€ en titres cotés et de 0,3 Md€ en titres non cotés.

Dans la plupart des cas, les investissements ont été réalisés sous forme d'augmentations de capital. Mais certaines prises de participation se sont faites par rachat de titres existants dans des sociétés cotées ou non (Valeo, Gemalto, Nexans, Technip). Certains investissements ont été réalisés sous la responsabilité de l'équipe de la société de gestion CDC Entreprises.

Dans le cadre du programme FSI-PME d'octobre 2009, l'enveloppe réservée aux investissements directs dans les PME a été doublée, pour être portée à 300 M€ sur 20092010. La gestion des investissements directs dans les PME est partagée entre les équipes de CDC Entreprises et celles du FSI.

L'action du FSI par l'intermédiaire de fonds partenaires

Le Fonds de modernisation des équipementiers automobiles (FMEA) a été créé en mars 2009 entre le FSI, Renault et PSA Peugeot Citroën et doté de 600 M€, apportés pour un tiers par chacun des trois investisseurs. Il intervient en fonds propres et quasi-fonds propres dans les entreprises stratégiques du secteur des équipementiers automobile, notamment celles qui seront capables de consolider et moderniser les grands métiers de la filière, dans un contexte de fragilité résultant des surcapacités industrielles exacerbées par la crise.

En février 2010, le FMEA a créé un fonds de 50 M€ avec cinq équipementiers automobiles25 (Valeo, Bosch, Faurecia, Plastic Omnium et Hutchinson). Ce fonds est destiné à apporter des fonds propres et des quasi-fonds propres aux fournisseurs de ces équipementiers. Le FMEA apporte la moitié des investissements.

Le financement FSI-France Investissement concerne 177 fonds nationaux et régionaux partenaires du FSI (plus de cent fonds nationaux et 67 fonds régionaux). L'enveloppe allouée par le FSI, qui était de 200 M€ en 2009, a été portée à 300 M€ en 2010. Cet ensemble de fonds représente, au total, 36 % de l'amorçage et 20 % du capital-risque et du petit capital-développement en France. Les nouveaux financements seront orientés sur les fonds les plus efficaces et les plus actifs, sans oublier les fonds régionaux.

Le Fonds de consolidation et de développement des entreprises (FCDE) a été créé en partenariat avec la médiation du crédit début octobre 2009 dans le cadre du programme FSI-PME, avec pour objectif de venir renforcer rapidement les fonds propres d'entreprises mises en difficulté par la crise. Ce fonds commun de placement à risques (FCPR), doté de 189,9 M€, est financé à hauteur de 89,9 M€ par le FSI, le reste étant apporté par des banques et des compagnies d'assurance.

Le FSI et les principaux laboratoires pharmaceutiques opérant en France, ont signé le 26 octobre 2009 un accord créant un fonds d'investissement dans les biotechnologies, InnoBio. Doté au départ de 140 M€, dont 52 M€ provenant du FSI, ce fonds commun de placement à risques (FCPR) a pour objectif de développer le savoir-faire dans les biotechnologies, d'accroître le potentiel des sociétés françaises et d'accélérer la mise sur le marché de leurs produits.

Le FSI entend également financer directement les entreprises cotées ou matures dans le secteur de la biotechnologie, en prenant des participations minoritaires supérieures à 10 M€, en association avec d'autres partenaires. Enfin il a décidé de renforcer ses investissements dans les nouveaux fonds dédiés aux biotechnologies. Un premier investissement a été réalisé dans ce cadre dans Kurma Fund, qui travaille en partenariat avec l'Institut Pasteur et l'Institut Curie.

Le Fonds Bois a été créé le 13 novembre 2009 par quatre actionnaires que sont le FSI, le Crédit Agricole, le groupe Eiffage et l'Office national des forêts. Il a vocation à contribuer au développement des entreprises du secteur et éventuellement à leur regroupement, afin de faire émerger un tissu de PME de taille suffisante pour structurer la filière et répondre à la demande de produits en bois. Le fonds investit en fonds propres ou quasi-fonds propres et prend des participations minoritaires dans des entreprises situées en France, dont les activités s'exercent notamment dans les secteurs de la scierie, de la fabrication de charpentes et autres menuiseries, de la construction de maisons à ossature bois, et de la production de plaquettes forestières et de pellets.

Créé en octobre 2009 dans le cadre du programme FSI-PME, afin de lever les obstacles liés à l'ouverture du capital et à la valorisation des petites entreprises, l'instrument OC+ est constitué d'une obligation convertible d'un maximum de cinq millions d'euros et d'un bon de souscription d'actions (BSA) qui permet à l'investisseur de participer à la création de valeur réalisée par l'entreprise. Le FSI entend y consacrer 300 M€.

A la suite des états généraux de l'industrie, l'opportunité de mettre en place d'autres fonds sectoriels cofinancés et gérés, à l'image du FMEA, par le FSI et les principaux acteurs des secteurs et filières sera étudiée. Une partie des 300 M€ dédiés aux filières dans l'action « états généraux de l'industrie » de l'emprunt national pourra être investie dans ces fonds. Sur cette enveloppe, des projets structurants pour certaines filières industrielles porteuses de croissance pourront également être cofinancés par l'Etat et des entreprises « têtes de filière » sous la forme d'avances remboursables ou d'interventions en capital.

Mécanisme récent, le FSI constitue ainsi un moyen d'intervention extra-budgétaire qui vise un effet de levier et procède par ramifications successives.

b. L'intervention de la CDC dans le cadre de ses missions d'intérêt général

Le financement des PME constitue une des quatre priorités du plan stratégique Elan 2020 adopté en 2008 par le groupe Caisse des dépôts. Il s'agit de résorber les imperfections du marché qui limitent structurellement le développement de l'offre de financement privé, notamment dans les phases amont de création et de développement des entreprises.

Si les interventions de CDC Capital Investissement, devenue Qualium26 Investissement en janvier 2010, n'entrent pas dans le cadre des missions d'intérêt général mais relèvent du secteur concurrentiel, CDC Entreprises gère pour le compte de la Caisse des dépôts et consignations des actions relevant de l'intérêt général qui sont portées par la société CDC Entreprises-élan PME, filiale à 100 % de la CDC. Les engagements pris par celle-ci s'élèvent à 35,6 M€, notamment dans le secteur des industries culturelles et patrimoniales (fonds Patrimoine & Création 2), d'une part et dans les pays du sud de la Méditerranée, d'autre part (fonds Averroes 2). L'enveloppe annuelle est de 50 M€.

Par ailleurs, le programme « Agir pour l'emploi » renforce également l'implication territoriale du groupe en favorisant la création-transmission de très petites entreprises ainsi que les initiatives locales créatrices d'emploi, dans le domaine de l'économie sociale. Ces soutiens, ainsi que le dispositif NACRE (Nouvel Accompagnement pour la Création et la Reprises d'Entreprises) sont contractualisés avec l'Etat pour ce programme pour un montant total d'environ 40 M€ par an.

c. Les Contrats de Développement Participatif d'Oséo

Le président de la République a annoncé le 5 octobre 2009 un plan de 2 Md€ pour renforcer le haut de bilan des entreprises touchées par la crise. Outre 1 Md€ sous forme d'obligations convertibles simplifiées porté par le FSI, ce plan prévoit 1 Md€ sous forme de contrats de développement participatifs confiés à Oséo.

Ces prêts d'une durée de 7 ans sont consentis sans aucune garantie et sont assortis d'un différé de 2 ans. Leur montant est compris entre 300 000 € et 3 M€. Il en est attendu un effet de levier important dans la mesure où ces prêts doivent être jumelés à un concours bancaire d'un montant au moins du double. Au 16 juin 2010, ce dispositif compte 335 entreprises bénéficiaires pour des apports en fonds propres de 800 M€ (dont 300 M€ en provenance d'OSEO et 500 M€ des banques et investisseurs).

d. Les contributions de l'Etat au développement du capital risque

Le Fonds de fonds technologique 3 (FFT3) est un fonds commun de placement à risque, géré par la société CDC Entreprise qui fait partie du groupe de la Caisse des dépôts et consignations. L'Etat consacre une enveloppe d'un montant plafonné à 50 M€ à son financement, le Fonds européen d'investissement, filiale spécialisée de la Banque européenne d'investissement spécialisé dans le capital risque et la Caisse des dépôts et consignations apportant chacun un financement identique.

Ce fonds a vocation à investir dans les fonds de capital risque qui participent au financement de la création et du développement des PME innovantes. Un autre fonds, le Fonds de promotion pour le capital risque 2000, a vocation à investir dans des fonds de capital risque majoritairement privés.

Dans le cadre de l'emprunt national, le Fonds national d'amorçage (FNA), doté de 400 M€, viendra renforcer les instruments de soutien à l'amorçage.

2. Le soutien extra-budgétaire en faveur de la recherche et de l'innovation

Le soutien public à la recherche et à l'innovation constitue un instrument essentiel de politique industrielle. Celui-ci peut être budgétaire, à l'instar du mécanisme d'avances remboursables à l'aéronautique civile que l'Etat consent dans le cadre du soutien apporté à certains secteurs « de pointe »27. Celles-ci permettent de financer des programmes qui représentent des investissements particulièrement lourds. En 2009, ces avances remboursables ont représenté 134 M€ d'AE et 110 M€ de CP. En 2010, les avances devant être versées s'élevaient à 190,4 M€ en AE et 115,4 M € en CP.

Ces avances sont encadrées par les règles communautaires et par une convention signée entre l'Etat et le bénéficiaire, qui précise notamment les conditions et modalités de remboursement : ceux-ci interviennent dès les premières ventes. Ces remboursements se sont montés à 207 M€ en 2008 et à 210 M€ en 2009.

Mais les politiques en faveur de la recherche et de l'innovation font également appel à des modalités de financement extra-budgétaire. Ceux-ci reposent en partie sur le dispositif des pôles de compétitivité et sur Oséo Innovation. Une part importante du produit de l'emprunt national, dont la gestion s'effectuera dans un cadre extra-budgétaire, sera affectée à cette politique.

Ces modalités d'intervention visent à encourager l'accroissement de l'effort d'innovation et à obtenir un effet de levier significatif, par l'intermédiaire de partenariats et par la recherche de synergies. Elles tendent également à pallier des défaillances de marché en apportant des soutiens publics indispensables au lancement de certaines opérations.

a. Les pôles de compétitivité

Les pôles de compétitivité rassemblent sur un territoire donné des entreprises, des laboratoires de recherche et des établissements de formation pour développer des synergies et des coopérations. Ils visent à développer la croissance et l'emploi sur des marchés porteurs en accroissant l'effort d'innovation, en confortant des activités, principalement industrielles, à fort contenu technologique ou de création, et en améliorant l'attractivité du territoire national. Chaque pôle élabore sa stratégie à cinq ans.

Si des soutiens publics sont accordés par l'Etat, sous forme de dotations budgétaires, selon trois axes (octroi d'aides financières sur la base d'appels à projets via le fonds unique interministériel28, financement partiel des structures de gouvernance des pôles aux côtés des collectivités territoriales et des entreprises, financement d'actions thématiques initiées par les pôles), une part du financement est de nature extra-budgétaire.

Des financements sont apportés par l'Agence nationale de la recherche, Oséo Innovation et la CDC pour des projets de recherche et développement menés par des acteurs des pôles de compétitivité. Les collectivités locales soutiennent également des projets, soit de recherche, soit de plates-formes d'innovation.

Les pôles de compétitivité, dont 71 ont été labellisés à l'origine, ont financé 738 projets sur la période 2005-2008. L'ensemble des financements de l'Etat et de ses opérateurs a représenté 1,46 Md€ sur la période dont 946 M€ par l'Etat correspondant à près de 4 Md€ de dépenses de recherche et développement. Pour la seconde phase de ce dispositif, qui porte sur la période 2009-2011, les ressources publiques affectées s'élèvent à 1,5 Md€ dont 600 M€ du fonds unique interministériel, auxquels s'ajoutent 50 M€ de crédits d'animation et 850 M€ d'interventions de l'Agence nationale de la Recherche (à hauteur de 600 M€) ainsi que d'Oséo et de la Caisse des dépôts et consignations (à hauteur de 250 M€).

Les pôles de compétitivité sont appelés à bénéficier de ressources résultant de l'emprunt national à hauteur de 500 M€. Celles-ci seront gérées par la CDC (200 M€ pour le financement de plates-formes mutualisées d'innovation pour les pôles de compétitivité) et par Oséo (300 M€ pour financer des projets structurants de recherche et développement portés par les partenaires des pôles).

Par ailleurs, les pôles de compétitivité interviendront dans la création des instituts de recherche technologique (IRT) et des instituts d'excellence en énergies décarbonées (IEED) dans la mesure où les projets d'IRT et d'IEED devront être labellisés par au moins un pôle de compétitivité pour être éligibles aux investissements d'avenir. L'enveloppe prévue pour l'ensemble de ces projets est de 3 Md€. Entre quatre et six IRT (pour 2 Md€) et cinq à dix IEED (pour 1 Md€) seront retenus. Les fonds seront gérés par l'Agence nationale de la recherche.

Ces instituts devront conduire à la constitution de campus d'innovation technologique à finalité industrielle de dimension et de visibilité mondiales, en regroupant sur un même site des établissements de formation, des laboratoires publics et privés de recherche appliquée, des moyens de prototypage et de démonstration industrielle, et en recherchant un cofinancement privé de l'ordre de 50 %.

b. Oséo Innovation

Oséo Innovation a pour mission de promouvoir et soutenir le développement industriel et la croissance par l'innovation, notamment technologique, ainsi que de contribuer au transfert de technologies. Les missions dévolues à l'ex-agence de l'innovation industrielle lui ont été transférées. Le contrat de performance 2009-2012 insiste sur la nécessité de pallier les défaillances du marché en soutenant les opérations qui ne pourraient se dérouler sans concours financier public.

Cet opérateur gère principalement deux programmes de soutien à l'innovation relatifs respectivement aux « aides à l'innovation » et à l'« innovation stratégique industrielle ».

Le premier de ces programmes correspond à l'activité historique de l'ANVAR. Il vise à accompagner les projets innovants de l'idée initiale jusqu'au prototype précédant le lancement commercial du produit ou du service innovant. Le soutien financier s'articule entre des subventions en phase amont du projet et des avances à taux zéro, remboursables en cas de succès, lorsque le projet est plus avancé, avant la démonstration de faisabilité notamment. Depuis 2005, l'intervention en faveur de projets collaboratifs ou partenariaux, au travers des pôles de compétitivité et du montage de projets éligibles aux financements européens, est devenue une priorité.

Oséo innovation intervient sur la base de la dotation de l'Etat et sur dotations de partenaires (Commission européenne, collectivités territoriales et direction générale de l'aviation civile notamment). La dotation représentait 388 M€ en 2008 et les interventions sur comptes de tiers 62 M€. Les aides distribuées sur le budget propre de l'établissement sont à