Salle de la commission des Finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
La séance est ouverte à onze heures.
Évaluation de la mise en oeuvre du principe de précaution inscrit à l'article 5 de la Charte de l'environnement : examen du projet de rapport d'information de MM. Alain Gest et Philippe Tourtelier
Nous allons tout d'abord examiner les conclusions du travail de nos deux co-rapporteurs, Alain Gest et Philippe Tourtelier, sur la mise en oeuvre du principe de précaution inscrit à l'article 5 de la Charte de l'environnement.
Je vous rappelle que le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a procédé, le 18 mai dernier, à l'examen d'un premier rapport d'étape sur le sujet et qu'un séminaire parlementaire, faisant intervenir des députés et des experts, s'est tenu le 1er juin. Par ailleurs, un débat sur le principe de précaution a eu lieu le 22 juin dans le cadre de la semaine de contrôle, dans des conditions doublement innovantes, ce premier examen en séance plénière d'un rapport du CEC ayant été organisé en salle Lamartine, et non dans l'hémicycle. Tous les participants ont estimé que le débat avait été plus vivant et plus intéressant ; je ne doute pas que cette nouvelle procédure s'avérera, de surcroît, plus fructueuse.
Philippe Tourtelier et moi-même parlerons d'une seule voix, dans la mesure où nous sommes parvenus à des conclusions communes.
Nous avions présenté, le 18 mai dernier, un rapport d'étape visant, à l'issue des auditions que nous avions menées, à soulever plusieurs questions. Le séminaire du 1er juin et la séance publique du 22 juin ayant apporté de nouveaux éléments de réflexion, nous sommes aujourd'hui en mesure de vous présenter un certain nombre de réponses.
En premier lieu, nous ne souhaitons ni l'abrogation, ni la modification de l'article 5 de la Charte de l'environnement ou de l'article L. 110-1 du code de l'environnement. Certaines personnes extérieures à l'Assemblée ont cru pouvoir lire dans nos travaux une remise en cause du principe de précaution ; mais poser la question, ce n'est pas nécessairement répondre par l'affirmative !
Il reste que nous avons constaté un certain nombre de dysfonctionnements. Ainsi, le principe de précaution est parfois invoqué et utilisé de manière impropre ; en outre, il concerne presque exclusivement le secteur de la santé, ce qui n'était pas prévu par le texte constitutionnel.
C'est pourquoi nous vous proposons de concevoir une procédure globale, en quatre étapes, de sorte que le principe de précaution soit mis en oeuvre de manière plus réfléchie et plus rigoureuse, et que le juge puisse, le moment venu, contrôler sa bonne application d'une manière moins approximative que par le passé – même si les rares cas de jurisprudence en la matière concernent surtout l'implantation des antennes relais de téléphonie mobile.
Première étape : un organisme aurait pour tâche d'identifier le risque, de décider s'il y a lieu d'appliquer la démarche de précaution et, dans cette hypothèse, de désigner un référent indépendant. Eu égard à la multiplicité des organismes existants, nous avons souhaité ne pas en créer un de plus. Le Comité de la prévention et de la précaution, qui relève actuellement du ministère du développement durable, a déjà été amené à prendre position sur ces questions. Il nous est apparu que, sous réserve qu'il soit placé sous l'égide du Premier ministre et que l'on modifie sa composition et son périmètre d'intervention, il pourrait être chargé de ces missions.
Deuxième étape : il conviendrait de garantir l'expertise scientifique, dont l'indépendance est, aujourd'hui, trop souvent mise en doute. La nouvelle agence de sécurité sanitaire, issue de la fusion de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) et de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset), pourrait en être chargée, tout comme, dans son domaine de compétence spécifique, le Haut conseil des biotechnologies.
Il nous semble en outre indispensable, pour une meilleure information des pouvoirs publics, d'associer une expertise économique et sociale à l'expertise scientifique classique, suivant en partie l'exemple du Haut conseil des biotechnologies. C'est pourquoi nous proposons que la nouvelle agence dispose d'un conseil scientifique sociétal – ce vers quoi elle semble d'ailleurs s'orienter.
L'ensemble des informations obtenues durant ces deux premières étapes serait ensuite soumis au débat public, par l'intermédiaire d'instances telles que la Commission nationale du débat public (CNDP), le Conseil économique, social et environnemental (CESE) ou l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). Il appartiendrait au référent de choisir, suivant le cas de figure, l'organisme le plus approprié.
Enfin, à l'issue de cette procédure, il reviendrait aux autorités publiques de prendre les décisions qui s'imposent.
Nous souhaiterions maintenant que le Gouvernement réagisse à nos propositions ; à nous de voir, ensuite, s'il y a lieu de prendre une initiative parlementaire complémentaire. Je ne vous cache pas que nous considérons qu'il serait insuffisant, au regard de l'exigence de mieux encadrer la jurisprudence, de s'en tenir à une disposition réglementaire ou à un texte indicatif.
Par ailleurs, la question de l'application du principe de précaution au secteur de la santé devra être tranchée : faut-il l'en exclure, conformément au souhait initial du législateur, ou adapter le texte à la pratique, en se rapprochant, au besoin, du droit communautaire ?
Au préalable, je voudrais féliciter nos co-rapporteurs pour leur travail remarquable sur ce thème difficile.
L'un des principaux problèmes réside dans l'utilisation abusive et inappropriée de la notion de « principe de précaution ». Un exemple nous en a été donné récemment par la version définitive, non encore rendue publique pour cause de délai réglementaire, du rapport de la commission d'enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A (H1N1), rapport qui, en dépit des efforts de certains d'entre nous, place, d'une façon tout à fait inappropriée, cette vaccination sous le « parapluie » du principe de précaution, alors qu'il s'agissait d'une question de prévention. Tant que l'on n'aura pas clarifié ce point, on se heurtera à des difficultés.
Les propositions d'Alain Gest et de Philippe Tourtelier me paraissent quant à elles tout à fait appropriées.
D'abord, nos deux rapporteurs sur les autorités administratives indépendantes apprécieront tout particulièrement que l'on fasse appel à des organismes existants, plutôt que d'en créer de nouveaux !
Ensuite, il est essentiel que la procédure débouche sur un débat public. Ainsi, s'agissant de la vaccination contre la grippe A (H1N1), l'opinion publique a été embrouillée par des messages de toutes sortes, qui ont pu se propager parce qu'il n'existait aucune communication structurée, complète et pouvant être perçue comme sincère. Nous devons veiller à ce que le public puisse être informé, de façon objective, sur ces questions.
Enfin, je ne suis pas sûr qu'il faille attendre que le Gouvernement nous dise ce qu'il pense de nos travaux. Si nous estimons qu'une proposition de loi est nécessaire, déposons-la ! Le Gouvernement pourra ensuite prendre position.
Je tiens également à vous remercier, messieurs les co-rapporteurs, pour votre travail.
Le principe de précaution existe en dehors du fait que nous l'avons inscrit dans la Constitution au regard des questions environnementales. Cela soulève cependant une difficulté car, si le recours à cette notion reste possible en toutes circonstances, il ne peut être fait référence à la loi fondamentale que s'il est question d'environnement.
Par ailleurs, vous notez dans vos conclusions que l'article 5 de la Charte de l'environnement est d'application immédiate et qu'il existe une légère divergence entre les définitions du principe de précaution dans le code de l'environnement et dans le texte constitutionnel. Cela peut-il avoir des conséquences dans l'hypothèse d'une question prioritaire de constitutionnalité ?
Nous avions évoqué dans le rapport d'étape les différences entre les deux textes. La référence dans la Charte de l'environnement à la notion de mesures « proportionnées » peut toutefois être considérée comme recoupant celle de « coût économiquement acceptable ».
Dans le domaine de l'environnement, excepté la question des OGM, qui a été également traitée au niveau communautaire, nous estimons que les choses sont claires. C'est dans le domaine de la santé qu'il y a un problème. Notre idée est de définir une procédure valable quel que soit le domaine d'application du principe de précaution.
Je suis un peu réticent face à la notion d'expertise contradictoire et indépendante. En général, l'opinion considère que l'expert est indépendant s'il est d'accord avec l'opposant.
Dans le secteur nucléaire, il existe une autorité de sûreté, un appui scientifique – l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) – et un exploitant ; les prises de décision résultent de la confrontation des avis de ces trois acteurs.
Il convient d'être prudent en matière d'expertise indépendante : ma grand-mère possédait une cocotte-minute, mais cela n'en faisait pas pour autant un expert indépendant en autocuiseurs !
Par ailleurs, je ne suis pas sûr que le Haut conseil des biotechnologies soit un bon exemple, dans la mesure où ses deux comités, le comité scientifique et le comité sociétal, ont eu en général du mal à aboutir à un avis commun. Les scientifiques, moins nombreux, étaient toujours battus ! Du coup, Catherine Bréchignac, la présidente du Haut conseil, a décidé de ne plus communiquer un avis unique, mais deux avis – un pour son comité scientifique et un pour son comité économique, éthique et social – pensant qu'il appartenait ensuite au Gouvernement de faire la part des choses, d'autant que le nombre de membres des deux comités en question n'est pas identique.
Je suis heureux de voir que ma suggestion d'instaurer un conseil sociétal a été reprise, mais j'aimerais que, dans le courant de l'automne, on puisse donner une suite favorable à ma proposition de loi !
Enfin, le débat public sur les nanotechnologies a montré les limites de la procédure de la CNDP. La commission particulière du débat public (CPDP) était présidée par un grand serviteur de l'État, ancien directeur général d'EDF et président de la SNCF, que l'État a « laissé tomber » : Jean Bergougnoux. Il suffit d'être bien organisé et de taper sur des casseroles ou sur des lessiveuses pour empêcher toute discussion ! Quant au débat sur internet, il n'a pas été très nourri.
Je souhaiterais que l'on réfléchisse à de nouvelles méthodes.
Je salue à mon tour la qualité du travail effectué.
Nos co-rapporteurs proposent de remodeler le Comité de la prévention et de la précaution, de le rendre interministériel et de le rattacher au Premier ministre. En nous dotant d'une instance qui instruirait à charge et à décharge, cette excellente mesure contenterait ceux qui sont rétifs à une approche exclusivement environnementale.
Il faudra veiller à ce que l'expertise scientifique ne soit pas menée dans une perspective unidisciplinaire. Quant à l'expertise sociétale, elle mérite d'être poussée, mais il convient de préciser dès le départ ce que l'on en attend.
Enfin, nous devrons progresser en matière de débat public. Comme l'a souligné Claude Birraux, la procédure de la CNDP a des limites, liées à l'intérêt qu'elle peut ou non susciter auprès de la population. Nous devrions également solliciter ce grand média public qu'est LCP et organiser des débats contradictoires décentralisés.
La mission du Comité d'évaluation et de contrôle suscite un grand intérêt et de réelles espérances dans le monde de la recherche scientifique et industrielle. Nos travaux sont observés de très près. Pour les raisons développées par les intervenants, ils seront certes très difficiles à conclure, mais le séminaire a démontré qu'il y avait eu lieu de rechercher des solutions.
Dans certains domaines, les conséquences de la mise en oeuvre du principe de précaution sont sérieuses et peuvent être qualifiées ainsi. La discussion avec les chercheurs se traduit toujours par l'expression d'inquiétudes, et l'on ne peut considérer comme anodin le fait que toute expérimentation de végétaux génétiquement modifiés en plein champ ait disparu en France en quelques années alors que ces cultures se développent dans tous les autres pays.
Les jeunes de notre pays se détournent de la recherche en biogénétique : le sentiment dominant est que la précaution est de mise, et donc qu'il existe des effets négatifs, voire, pour reprendre le vocabulaire inadéquat et, par certains de ses aspects, manipulateur, de certains militants convaincus, un danger d'empoisonnement. Cela correspond-il à la réalité ? à un juste équilibre ? à l'intérêt national ? Ce sont là de vraies questions.
Si les conséquences, j'y insiste, sont sérieuses pour la biogénétique et les biotechnologies, la menace se dessine en ce qui concerne les nanomatériaux. Dans ces deux domaines essentiels pour l'avenir de notre pays, nous sommes dans une situation unique et dangereuse.
Le rapport peut également faire apparaître la dimension internationale de ces questions. Les Français sont peut-être plus intelligents que les autres, plus prévoyants que les autres, mais si, à l'heure de la mondialisation, ils s'excluent de certains domaines, cela aura des conséquences considérables sur notre avenir commun. Nous ne pouvons pas dresser des murs infranchissables autour de notre pays, y compris en matière d'expertise et de débat public.
Nous avons lancé une évaluation des autorités administratives indépendantes. Je ne doute pas que le rapport du CEC aboutira également à des propositions audacieuses. Nous devrons donc veiller à la cohérence des conclusions des deux rapports.
J'attache une importance particulière au débat sociétal et éthique ainsi qu'au débat public. Il n'est pas aujourd'hui un seul expert qui ne soit remis en cause, non pour ses compétences – si cela arrive, cela est rare –, mais pour son indépendance. Le problème devient grave : toute parole est suspectée d'être de parti pris. Or la même question peut se poser au sujet de certains intervenants dans le débat sociétal. Si une autorité est nécessaire pour « labelliser » l'indépendance des experts, elle doit aussi garantir la représentativité de ces intervenants en s'assurant qu'ils ne parlent pas tout seuls ou qu'ils n'appartiennent pas à un milieu sectaire. Dans le domaine des antennes de radiotéléphonie mobile, par exemple, la presse reprend régulièrement les déclarations d'une association qui a des dispositifs d'apparence sectaire.
L'aspect économique (bénéficesrisques ou coûtsbénéfices), la dimension sociologique, la dimension consumériste, doivent entrer en ligne de compte. Cela étant, le débat, à mon sens, doit aboutir à un avis unique, faute de quoi le pouvoir politique accommodera le principe de précaution à la sauce la plus édulcorée possible.
Enfin, j'approuve entièrement la nécessité de mettre de nouveaux outils, tel internet, au service du débat public. On a toujours intérêt à ouvrir la discussion. Le danger est que celle-ci soit ensuite trop brève. Globalement, les gens sont honnêtes et l'on se rend compte que, lorsqu'une discussion dure longtemps, elle rapproche les points de vue, les avis marginaux finissant par se dissoudre dans l'avis majoritaire.
Mes remarques porteront sur le fond et sur la méthode.
Sur le fond, je partage entièrement les propos qui ont été tenus. Le rapport éclairera beaucoup notre réflexion.
L'exemple des OGM et des nanotechnologies illustre le grave problème que pose l'interprétation du principe de précaution dans les choix gouvernementaux. De ce point de vue, la démarche du CEC est très intéressante. Lors de la discussion du Grenelle 1, j'avais exprimé la plus vive inquiétude au sujet de la question des OGM. Il apparaît aujourd'hui que nous avons tué la recherche française : nous avons dissuadé nos meilleurs chercheurs de continuer de travailler en France à force de les culpabiliser dans la manière dont nous présentions leurs travaux.
Comme toujours en pareil cas, il y a des effets pervers : le grand gagnant est la multinationale américaine Monsanto, qui se trouve confortée dans sa position de monopole, se contentant de faire des affaires ailleurs qu'en France. Le résultat est donc l'inverse de celui que l'on visait ! La même remarque vaut pour les nanotechnologies, comme vous l'avez à juste titre souligné, monsieur le Président.
Nous avons des choix de politique publique à opérer. Or le CEC doit précisément servir à cela, ce qui me conduit à une considération de méthode.
Si chaque rapport du Comité devait constituer un « énième rapport », comme cela peut être le cas de ceux de certaines missions parlementaires d'information, notre démarche se solderait par un échec. C'est pourquoi je milite pour que l'on considère le CEC comme la synthèse transversale des commissions, au rôle au moins équivalent, même si son travail est de nature différente : ses rapports doivent bousculer la pratique publique !
Aussi ce premier rapport – dont vous avez vous-même choisi le sujet, monsieur le Président – doit-il faire jurisprudence. Deux ans après le lancement du Grenelle, il s'agit d'interpeller l'exécutif et de marquer notre souhait que les conclusions auxquelles nous arrivons se traduisent par une évolution de l'action gouvernementale. Si tel n'était pas le cas, nous ravalerions notre rôle d'évaluation et de contrôle.
C'est à juste titre que vous faites le lien avec la mission consacrée aux autorités administratives indépendantes, pour lesquelles nous devons reprendre les compétences que nous avons, par une erreur historique et institutionnelle, abandonnées au fil des années.
En somme, que faisons-nous du trésor que constitue ce rapport ? J'invite pour ma part à la « prise de bénéfices » !
Philippe Tourtelier et moi-même avons en quelque sorte « essuyé les plâtres ». Nous nous sommes parfois demandé jusqu'où nous devions aller. Du point de vue méthodologique, les choses se sont également révélées délicates. Nous avons néanmoins souhaité qu'un texte d'initiative parlementaire puisse s'inscrire dans la continuité du rapport.
Par ailleurs, le rapport indique clairement que le sujet présentant les principales difficultés est celui des OGM. Personnellement, je ne suis pas certain que les problèmes ne se seraient pas posés de la même manière quand bien même le principe de précaution n'aurait pas eu valeur constitutionnelle. Il ressort des auditions que nous avons conduites et du débat du 22 juin que le fond du problème est la confusion entre prévention et précaution, ce dernier terme étant passé dans le langage public et médiatique.
Pour ce qui est des nanomatériaux, M. Bergougnoux nous a indiqué que seules deux réunions sur les dix-neuf organisées par la CNDP avaient fait l'objet de véritables manifestations interdisant de les poursuivre. De tels mouvements sont bien entendu inacceptables, mais le débat a néanmoins pu globalement avoir lieu.
Par ailleurs, nous établissons une nette distinction entre l'avis scientifique et l'avis sociétal d'une part, et le débat public qui se fonde sur lesdits avis d'autre part. Au risque de caricaturer, je dirai que l'association de protection de la nature du secteur concerné n'est pas associée à l'analyse scientifique du problème : elle intervient au stade du débat public. L'ouverture de différents moyens, dont la Chaîne parlementaire, est tout à fait possible, sachant que le débat public correspond au dernier temps de la procédure et qu'il constitue un élément d'appréciation en vue de la décision, qui revient aux pouvoirs publics, et à eux seuls.
Si le Haut Conseil des biotechnologies publie deux avis, c'est qu'il y est tenu par la loi. Cela dit, on observe un rapprochement entre les idées des deux comités qui le composent.
En dépit de sa présence dans de nombreux textes juridiques, y compris européens, nous sommes bien conscients de la relativité de l'adjectif « indépendante » dans l'expression « expertise scientifique contradictoire et indépendante ». Reste que la mise en cause permanente de l'avis de personnes censées en savoir un peu plus que les autres sur tel ou tel sujet est un problème majeur, auquel j'ai été confronté notamment en préparant mon rapport consacré aux incidences éventuelles de la téléphonie mobile sur la santé. C'est bien pour cette raison qu'il faut soigneusement distinguer l'analyse scientifique et le débat public.
La question des nanomatériaux est différente de celle des OGM. Non seulement le débat public a eu lieu, mais les nanomatériaux sont présents en quantité dans la vie courante.
Certes, mais cette présence est de nature différente et l'on ne peut soutenir que la recherche en matière de nanomatériaux ait déjà subi un réel coup de frein.
Quant à la labellisation préconisée par le Président Accoyer, on la retrouve dans l'idée de référent que nous mettons en exergue. Il s'agit d'arriver à quelque chose d'incontestable, même si l'exercice est périlleux.
Une fois la décision prise de rédiger un rapport d'étape, vous avez suggéré, monsieur le Président, d'organiser d'abord un séminaire – qui correspond peu ou prou à une expertise –, puis un débat de nature plus politique. Cette démarche a beaucoup enrichi notre rapport et a facilité l'émergence des conclusions.
Je partage l'analyse d'Alain Gest au sujet des OGM : c'est non pas le principe de précaution qui est en cause, mais un refus sociétal. Ce refus est-il justifié ? Je n'entrerai pas dans le débat, me contentant de remarquer que personne n'a remis en cause les OGM dans le domaine du médicament et que la recherche en biotechnologie, en dehors des OGM, reste importante.
La question se pose dans les mêmes termes pour les nanomatériaux : si certaines nanotechnologies peuvent soulever des problèmes, ce n'est pas le cas pour d'autres. La mise en cause globale résulte de la confusion des termes dans laquelle nous nageons depuis cinq ou dix ans. Nous espérons que les vertus pédagogiques de notre démarche permettront de sortir de cette façon globalisante de présenter les problèmes.
En matière d'expertise, les termes « contradictoire et indépendante », mentionnés dans notre projet de conclusions, sont maintenant consacrés. Peut-être faudrait-il ajouter « transparente ». On sait bien qu'un expert n'est jamais indépendant. Ce qui importe est la transparence de ses liens passés ou présents au moment où il rend son expertise.
Claude Birraux a insisté sur la nécessité d'avoir deux niveaux d'expertise.
L'expertise scientifique est forcément interdisciplinaire et l'agence le sera également, puisque les disciplines sont en train de se mélanger.
L'expertise sociétale, quant à elle, est complètement différente des avis formulés par les représentants de la société civile. L'objectif est de replacer la question dans son histoire, notamment dans ses éléments sociologiques et psychologiques. Il ne s'agit nullement d'une « expertise du citoyen », mais de l'utilisation des connaissances en sciences humaines sur une question donnée.
Cela étant, je ne suis pas persuadé que l'on arrivera toujours à donner la réponse. Plus les experts discuteront ensemble, plus ils feront émerger les points de débat qui ne seront pas forcément des points de consensus ou des solutions clairement établies. Mais le fait d'avoir écarté les faux débats servira le débat public, qui portera sur les points fondamentaux que l'expertise aura dégagés, et chacun discutera en se référant à ses valeurs, avant que la décision politique n'intervienne.
La labellisation vise à établir la confiance. C'est pourquoi nous préconisons le choix – toujours très difficile – d'un référent identifié par le public et bénéficiant de sa confiance. Certes, lorsque le débat ne prend pas la tournure que voudraient certains groupes de pression, on risque d'assister à des attaques, mais l'élaboration de la confiance n'en reste pas moins un moment indispensable.
Après que les termes du débat sont proposés au public, il appartient au politique de décider.
Nous proposons donc une démarche très structurée, dont on ne doit pas confondre les différents stades : la plausibilité, l'expertise à deux niveaux, le débat public, la décision.
Les travaux de la mission consacrée aux autorités administratives indépendante visent bien à élaborer des propositions pratiques. Nous sommes en train d'en formaliser les conclusions.
Nous aurons du reste un exemple précis à la rentrée : à notre demande, le président de l'Assemblée est intervenu auprès du Gouvernement afin que les textes portant création du défenseur des droits viennent en discussion après la conclusion de nos travaux. Le ministre ayant accepté, le débat profitera des conclusions précises que nous aurons tirées en ce domaine.
Je suis très favorable à ce que le présent rapport débouche sur une proposition de loi cosignée par la majorité et par l'opposition, ce qui lui donnerait davantage de chances de succès qu'aux textes signés uniquement par un seul groupe, majoritaire ou minoritaire.
Il n'est pas inutile de montrer que, dans la poursuite de nos travaux, nous pouvons être en parfaite cohérence sur certains points, même si nous pouvons continuer de diverger sur tel ou tel détail.
L'administration procède à ses « tirs de régulation » avec un fusil à un seul coup. Or, ce qu'il faut au Comité, c'est un fusil à plusieurs coups. En d'autres termes, comme il ne pourra y avoir à chaque fois une proposition de loi, nous devrons assurer le suivi de nos recommandations.
À titre d'exemple, je rappellerai qu'une audition publique consacrée au risque sismique s'est déroulée hier au Sénat pour faire le point sur la préparation de la France après les études que Christian Kert avait réalisées pour l'OPECST. Les interlocuteurs d'il y a trois ou quatre ans sont à nouveau sur le gril. C'est dans la continuité du suivi que l'on obtiendra des résultats.
J'ai consacré près d'une vingtaine de rapports aux questions d'énergie et de sûreté nucléaires. La première fois, on a considéré que le rapporteur passerait avant que l'on n'ait commencé à changer les méthodes. Lorsque je suis revenu l'année suivante, mes interlocuteurs ont dû modifier leurs comportements.
Conformément aux dispositions de l'article 146-3 du Règlement, le Comité autorise la publication du rapport d'information sur l'évaluation de la mise en oeuvre du principe de précaution prévu par l'article 5 de la Charte de l'environnement.
Pour la suite de nos travaux, l'article 146-3 du Règlement de l'Assemblée organise ainsi la procédure :
« Les recommandations du comité sont transmises au Gouvernement. Les réponses des ministres sont attendues dans les trois mois [...].
« À l'issue d'un délai de six mois suivant la publication du rapport, les rapporteurs présentent au comité un rapport de suivi sur la mise en oeuvre de ses conclusions. »
Je transmettrai donc rapidement le rapport final au Premier ministre et aux ministres concernés, en rappelant à ceux-ci qu'ils ont pris des engagements lors de la séance publique du 22 juin et que nous attendons les suites que le Gouvernement entend y donner.
Conformément aux dispositions de l'article 146-3 du Règlement, le Comité demande aux rapporteurs de présenter, au début de l'année 2011, un rapport de suivi qui recensera les initiatives effectivement prises et les points qui restent à traiter. Si les actions engagées par le Gouvernement apparaissent insuffisantes aux rapporteurs par rapport aux conclusions du rapport d'information, ces derniers prépareront une proposition de résolution et, le cas échéant, de loi.
Je remercie tous les intervenants. J'apprécie par-dessus tout le rapprochement des points de vue dans ces séances où nous entendons un rapporteur de la majorité et un rapporteur de l'opposition. Ce travail très fructueux est réconfortant. Il nous permet de nous ressourcer pour mener le débat partisan et démocratique qui s'impose pour le bien de notre pays.
Validation du cahier des charges de l'accord cadre pour les études demandes à l'avenir par les rapporteurs du Comité
rappelle que, sur sa proposition et celle de Jean Mallot, le Comité a retenu, lors de sa réunion du 25 février 2010, la formule de l'accord-cadre, prévu par l'article 76 du code des marchés publics, pour permettre aux rapporteurs du CEC de disposer d'un volant de prestataires compétents dans le domaine de l'évaluation de politiques publiques. Il présente les principales orientations du projet de cahier des charges de cet accord-cadre :
– la définition des tâches et des compétences attendues des cabinets;
– la décomposition de l'accord-cadre en trois lots (politiques économiques, fiscales ou de développement durable ; politiques sociales au sens large ; gestion publique et politiques régaliennes), pour chacun desquels cinq candidats seront retenus au maximum ;
– le choix et la pondération respective des critères d'attribution de l'accord (50 % pour le prix sur la base d'un barème prévoyant des tarifs pour les fonctions standard des cabinets de consultants du marché ; 50 % pour la valeur des offres) ;
– la durée de l'accord fixée à un an, renouvelable trois fois au maximum.
rappelle également que lorsque le Comité aura décidé la réalisation d'une étude, les cabinets retenus au titre de l'accord-cadre seront mis en concurrence dans le cadre de marchés dits « subséquents », dans des délais courts, quel que soit le montant, permettant ainsi de ne pas ralentir les travaux des rapporteurs. Les Questeurs ont autorisé le lancement de la procédure d'accord-cadre le 30 juin. Si l'appel à candidatures est publié comme prévu d'ici la fin du mois de juillet 2010, les offres seront attendues pour le 11 octobre, et la notification des candidats retenus pourra être faite au début du mois de décembre 2010.
En réponse à une question de M. Jean-François Copé, il est précisé que les crédits annuels prévus n'ont pas été réduits et que les ressources disponibles permettraient de financer au moins 6 études d'importance moyenne dès la première année.
Après une intervention de M. Claude Birraux soulignant le risque potentiel qui pourrait apparaître en confiant des études à des experts externes qui ne sont pas à l'abri de toute influence dans leurs conclusions, puis de M. Jean Mallot précisant que les premières expériences de marchés passés pour le sujet relatif à la politique de la ville montrent que les rapporteurs ont demandé des études limitées et bien encadrées, et rappelant que l'accord-cadre, formule conforme au code des marchés publiques, permet au Comité de conserver la maîtrise des études demandées, le Président Bernard Accoyer conclut en rappelant que les études envisagées demeureront de nature technique ; qu'elles seront réalisées sous l'autorité des deux rapporteurs de chaque thème, associant ainsi étroitement et de manière permanente la majorité et l'opposition ; qu'enfin, ces études n'ont en tout état de cause nullement vocation à se substituer aux conclusions des rapporteurs, qu'elles n'ont pour objet que de contribuer à éclairer.
Le Comité valide les éléments du projet de cahier des charges de l'accord-cadre pour la réalisation d'études par des prestataires externes pour le Comité.
Discussion de la programmation des travaux de la session 2010-2011
Le Président Bernard Accoyer indique que, conformément à l'article 146-3 du Règlement, le Comité doit adopter le programme de ses travaux pour chaque session ordinaire. Pour planifier les travaux du Comité pour la session 2010-2011, il a été proposé d'examiner la programmation des sujets d'évaluation pour la session 2010-2011 dès le 8 juillet 2010.
Le Président rappelle que trois sujets ont été retenus en février dernier mais non encore engagés, dans l'attente de renforts pour le secrétariat. Pour deux d'entre eux, les travaux ont maintenant démarré :
– l'évaluation de l'aide médicale d'État et de la CMU, avec comme rapporteurs M. Claude Goasguen, membre du Comité, et M. Christophe Sirugue, membre de la commission des Affaires sociales, représentant l'opposition ;
– l'étude préalable destinée à déterminer le périmètre précis du sujet souhaité par le groupe SRC et intitulé « politiques publiques et évolution des inégalités sociales », avec comme rapporteurs M. Jean-Pierre Gorges, membre de la commission des Finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire et M. Jean Mallot, membre du Comité, représentant l'opposition.
Le sujet portant sur l'évaluation de l'hébergement d'urgence n'a pas encore été engagé.
Compte tenu de ces sujets déjà décidés, du renforcement des effectifs du secrétariat du CEC intervenu en juin et juillet, de l'arrivée à leur échéance en octobre prochain des sujets sur les autorités administratives indépendantes et les aides aux quartiers défavorisés (cf. calendrier prévisionnel infra), et de la perspective de l'accord-cadre qui permettra de disposer dès la fin 2010 d'un volant de cabinets susceptibles de réaliser des études à la demande des rapporteurs, au moins deux ou trois sujets supplémentaires, outre ceux déjà décidés pour la session 2009-2010, pourraient être inscrits au programme de travail du Comité pour la session 2010-2011.
suggère que le Comité puisse être chargé de suivre l'application, voire d'évaluer les lois qui ont été examinées à l'Assemblée nationale par une commission spéciale, le dispositif prévu par l'article 145-7 du Règlement de l'Assemblée ne prévoyant a priori que les lois examinées par des commissions permanentes. La question pourrait notamment se poser, d'ici quelques temps, en ce qui concerne la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, dont il a été le rapporteur à l'Assemblée nationale au nom de la commission spéciale constituée pour l'examiner, et qui entrera en vigueur pour l'essentiel en octobre.
, s'associant à la question posée, en tant qu'ancien membre de la même commission spéciale, s'interroge par ailleurs sur la transversalité de certains sujets parfois traités par les commissions permanentes.
Le Président Bernard Accoyer indique que cette question importante appelle une réflexion préalable approfondie, d'autant qu'il convient de préserver les compétences propres des commissions permanentes.
La poursuite de l'examen de la programmation des travaux pour la session 2010-2011 sera inscrite à l'ordre du jour de la première réunion de la prochaine session.
Questions diverses : Proposition de loi sur les moyens de contrôle du Parlement
Le Président Bernard Accoyer précise que l'Assemblée nationale a adopté en deuxième lecture, le 28 juin 2010, la proposition de loi tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques, n ° 2081, qu'il a déposée le 18 novembre 2009. Sur la proposition de M. Claude Goasguen, vice-président du Comité, rapporteur de la proposition de loi pour la commission des Lois, et avec l'abstention « positive » du groupe SRC exprimée par M. Jean Mallot, également vice-président du Comité, l'Assemblée a pour l'essentiel rétabli le texte adopté par l'Assemblée en première lecture. Il appartiendra donc au Sénat d'examiner la proposition de loi en deuxième lecture.
Le Président Bernard Accoyer indique également que, dans le prolongement de l'audition par le Comité, le 3 juin 2010, de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, la commission des Lois a désigné comme rapporteur sur le projet de loi portant réforme des juridictions financières (n° 2001), le président de la Commission des Lois, M. Jean-Luc Warsmann, avec la perspective d'une inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée en première lecture à l'automne.
Prochaines réunions
Les prochaines réunions du Comité auront lieu à la rentrée ; elles permettront de traiter les points suivants :
– poursuite de la programmation de nos travaux pour la session 2010-2011 ;
– examen de l'étude préalable de MM. Jean-Mallot et Jean-Pierre Gorges sur le thème « Politiques publiques et évolution des inégalités sociales », avant d'engager officiellement l'étude complète une fois son périmètre ainsi précisé ;
– examen du projet de rapport sur l'évaluation des aides aux quartiers défavorisés –rapporteurs MM. François Goulard et François Pupponi (date prévisionnelle : jeudi 7 octobre) ;
– examen du projet de rapport sur les autorités administratives indépendantes –rapporteurs MM. Christian Vanneste et René Dosière (date prévisionnelle : jeudi 14 octobre).
Ces deux rapports doivent permettre d'éclairer à la fois la discussion du projet de loi de finances pour 2011, et les projets de textes en cours de navette ou à venir.
Les dates précises des réunions seront communiquées ultérieurement.
La séance est levée à douze heures trente.