COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Lundi 12 juillet 2010
La séance est ouverte à onze heures.
(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)
La Commission des affaires culturelles et de l'éducation entend M. Rémy Pfimlin, dont la nomination en qualité de président de la société France Télévisions est envisagée par le Président de la République
Nous avons le plaisir d'accueillir M. Rémy Pfimlin, dont la nomination est envisagée par le Président de la République en qualité de président de la société France Télévisions.
Monsieur Pfimlin, je vous souhaite la bienvenue. Notre Commission va procéder à votre audition dans le cadre d'une procédure prévue par l'article 13 de la Constitution, mais aussi par une loi organique et par une loi ordinaire relatives à la communication audiovisuelle, toutes deux promulguées le 5 mars 2009.
Le président de la société France Télévisions est désormais nommé par décret du Président de la République pour cinq ans, après avis conforme du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et avis des deux commissions parlementaires compétentes, qui peuvent s'opposer à la nomination par un vote négatif des trois cinquièmes des suffrages exprimés.
Le CSA s'est réuni jeudi et a rendu ce matin un avis conforme. Notre Commission a souhaité organiser ses travaux en deux temps. Après vous avoir auditionné, nous nous prononcerons demain à 10 heures, par scrutin secret, sur le projet de nomination.
Cette audition n'est en rien formelle. Les réponses que vous voudrez bien apporter à nos questions nous permettront de mieux appréhender la manière dont vous entendez relever les défis d'une télévision publique en pleine mutation.
Vous n'ignorez pas le grand intérêt que porte la Commission à l'audiovisuel public depuis sa création. Nous avons notamment rencontré par deux fois M. de Carolis et son équipe, dont je veux saluer aujourd'hui le bilan, et nous avons organisé une table ronde sur le bilan d'une année de réforme de l'audiovisuel public.
Comme vous le savez, nous avons également constitué sur la suppression de la publicité en journée un groupe de travail, que je copréside avec M. Copé et auquel MM. Kert, Herbillon, Riester et plusieurs de nos collègues participent.
Or, lors de votre audition devant le CSA, vous avez affirmé vous inscrire dans l'optique d'une suppression de la publicité en journée. Demanderez-vous dans ce cas une compensation complémentaire intégrale de l'État, à hauteur de 350 millions d'euros ? Nous considérons qu'il s'agit là d'un point majeur, compte tenu de la situation des finances publiques.
Par ailleurs, la suppression de la publicité en journée aura-t-elle un impact sur l'offre éditoriale ? Patrice Duhamel a expliqué ici même que ce ne serait pas le cas, contrairement à ce qui s'est passé en soirée, où elle a pu favoriser et conforter le virage éditorial.
L'objectif du législateur, lors de la discussion de la loi du 5 mars 2009, était de garantir à France Télévisions des ressources pérennes, grâce à la compensation intégrale de la suppression de la publicité en soirée et à l'indexation de la redevance sur l'inflation.
Il ne fait pas de doute que l'entreprise unique est aussi un moyen de bénéficier de synergies, et potentiellement même d'économies. Souhaitez-vous aller au-delà des synergies aujourd'hui recherchées ? Si oui, quels secteurs doivent-elles concerner en priorité ?
Comment ces économies se traduiront-elles concrètement ? Induiront-elles par exemple des réductions d'effectifs ? Poursuivrez-vous le plan de non-remplacement des 900 départs à la retraite lancé par l'équipe actuelle ?
Avez-vous des objectifs d'audience ? Si oui, lesquels et pour quelles chaînes ? Vous avez dit votre souhait de la rajeunir, en particulier pour ce qui est de France 2. Comment pensez-vous y parvenir ?
Par ailleurs, vous n'avez pas donné de précisions au CSA sur l'équipe dirigeante que vous souhaitez constituer. Il s'agit pourtant d'une question essentielle, à laquelle je souhaiterais que vous puissiez répondre aujourd'hui.
Enfin, concernant les implantations régionales de France 3, pouvez-vous nous dire quelles évolutions vous jugez nécessaires ? Souhaitez-vous, par exemple, développer le temps d'antenne des régions à des heures de grande écoute ?
Je suis très heureux d'avoir l'opportunité de présenter à votre commission ma vision de la présidence de France Télévisions pour les cinq années à venir, et je serais infiniment honoré d'accéder à cette importante responsabilité si vous en décidiez ainsi.
Les mutations, considérables, qui se produisent depuis plusieurs années dans le monde des médias, vont se poursuivre : de nouvelles offres et de nouvelles pratiques apparaissent, les modèles économiques évoluent. Cela est particulièrement vrai pour la presse écrite qui doit s'adapter aux nouveaux modes de diffusion et s'efforcer de conserver ses lecteurs. S'agissant de la télévision, l'abandon de la diffusion analogique en novembre 2011 offrira à nos concitoyens une grande offre de chaînes et favorisera l'émergence de groupes qui seront de nouveaux challengers pour l'audiovisuel public. Parallèlement, des groupes internationaux puissants tels que Google ou Apple se préparent à proposer une offre télévisuelle afin de capter la publicité.
Ces bouleversements du paysage audiovisuel représentent une opportunité considérable pour l'audiovisuel public, appelé à différencier son offre tout en remplissant la mission qui lui a été confiée par la loi.
Ma vision s'inscrit dans le cadre de valeurs républicaines, qui constituent le fondement d'un « pacte de confiance » entre la télévision publique et les citoyens, entre la télévision publique et la Nation. Ce sont des valeurs de tolérance, de respect et d'ouverture, des valeurs liées à la diversité. Je serai très attentif à la question de la diversité et veillerai à ce que l'offre de programmes corresponde à la réalité de notre pays et reflète les racines culturelles de l'ensemble de ses habitants.
Ce projet s'inspire aussi des valeurs de la création et de l'innovation. Le service public doit savoir se renouveler pour appartenir à son temps : prendre des risques pour répondre aux aspirations des plus jeunes, s'ouvrir aux modes d'expression modernes et promouvoir les nouveaux talents.
Enfin, la télévision publique doit être marquée du sceau de l'indépendance, et de ses corollaires, la rigueur et la fiabilité. Le service public doit mériter la confiance des citoyens, qu'il s'agisse de l'information ou des programmes.
À mes yeux, l'entreprise doit offrir des programmes et une information de qualité, pour tous et sur tous les écrans – y compris sur ceux de demain. Être accessible à tous, c'est être partout. S'offrir à tous, c'est être là où nos concitoyens regardent l'information, échangent des programmes, participent à leur élaboration.
C'est un projet ambitieux que je me propose de bâtir avec des équipes que je connais, et avec lesquelles j'entretiens une relation de confiance. C'est un chantier passionnant et considérable, mais à la mesure de France Télévisions.
Tout en veillant à installer partout l'innovation le courage et la ténacité, il conviendra de décliner cette vision sur chaque chaîne en renforçant l'identité de chacune.
France 2 est celle qui rassemble, celle qui diffuse les grands événements politiques, culturels, sportifs. Cependant, l'âge moyen de son public étant d'environ 55 ans, contre 45 à 47 ans pour les grandes chaînes généralistes concurrentes, je souhaite rajeunir son audience grâce à des programmes innovants faisant appel à la création contemporaine et à des expressions culturelles susceptibles d'attirer et de fédérer une population plus jeune.
France 3 et RFO s'enracinent dans le tissu local, dans les cultures régionales. Dans un monde où s'uniformise la culture et où se généralise une offre formatée, leur existence est plus que jamais justifiée. La proximité ne signifiant pas nostalgie et fermeture sur soi, ces chaînes doivent être ouvertes et inscrites dans leur temps. Le passage au tout numérique et la baisse des coûts de diffusion qui s'ensuivra devraient permettre d'allonger le temps d'antenne consacré aux programmes de proximité. Quant aux territoires de référence, ils pourraient être redéfinis afin de gagner en pertinence : je compte y travailler, avec les équipes, en m'appuyant sur les rapports disponibles.
France 4 est la télévision des nouveaux formats, des talents émergents, de l'innovation, de la valorisation des initiatives, de l'expérimentation.
La mission de France 5 est indiscutablement de décrypter notre univers et de mettre le téléspectateur en relation avec le monde de l'enseignement et de la recherche.
Enfin, France Ô a vocation à assurer la présence dans l'Hexagone des productions ultramarines, ce qui permet une ouverture sur les cultures du monde et, en particulier, sur celles de ces départements et territoires.
Étant donc entendu que leur identité sera renforcée, toutes ces chaînes devront continuer d'assumer une mission essentielle : informer. À cet égard, le service public doit être la référence en termes de qualité et de fiabilité. Je suis profondément convaincu que l'information doit être produite par des journalistes, dont c'est le métier et la formation. Très attaché à la rigueur et à la déontologie – que je place au même niveau que la nécessaire indépendance –, je serai particulièrement attentif à leur respect, et en particulier au recoupement de l'information et à la vérification des sources. Je travaillerai d'emblée avec l'ensemble des équipes de l'information sur ce point essentiel.
Comme les autres contenus, l'information doit être présente sur l'ensemble des supports. L'organisation optimale des rédactions doit être recherchée dans la perspective du virage numérique, comme s'y emploient aujourd'hui tous les grands groupes de médias, en particulier les télévisions publiques européennes. Je souhaite que nous y consacrions rapidement beaucoup d'efforts.
Vous l'aurez compris, le numérique doit devenir la colonne vertébrale de l'entreprise, qu'il s'agisse des contenus ou de la diffusion. France Télévisions doit rattraper son retard, notamment dans les échanges vidéo pratiqués sur les réseaux sociaux et dans la télévision de rattrapage : le portail de télévision de rattrapage de France Télévisions n'a été ouvert que le 2 juillet, alors que plus de dix millions de personnes consomment déjà régulièrement la télévision de rattrapage.
Comment France Télévisions peut-elle devenir un acteur majeur et un laboratoire de l'innovation dans l'univers du numérique ? La responsabilité du numérique doit être confiée à un collaborateur, qui, à mes côtés, déterminera les objectifs en termes d'investissements, de développement d'offres et d'initiatives. Il faudra ensuite travailler sur l'« éditorialisation » des contenus afin que soit traitée, dès la conception des programmes, la question de leur diffusion sur l'ensemble des supports, chacun réclamant une forme différente. Nous devrons aussi relever deux autres défis : celui du temps réel, avec des sites événementiels à l'image du site dédié au Tour de France 2010 ; celui des réseaux sociaux et des sites de partage de vidéo, en donnant aux internautes la possibilité de « réagréger » des programmes, afin de se constituer leur propre offre – ce dernier point est crucial, s'agissant d'attirer les plus jeunes vers le service public.
Pour atteindre ces objectifs, nous devons poursuivre la mise en oeuvre de la nouvelle organisation en développant, dans le cadre de l'entreprise unique, les synergies entre services communs. Cependant, chaque antenne doit avoir à sa tête une personne qui assume la responsabilité du projet et rende compte de sa réalisation. Je voudrais que, comme Radio France, France Télévisions soit une société unique avec des services communs, mais avec des responsabilités et des objectifs d'antennes différenciés.
La gestion financière de l'entreprise doit s'inscrire dans les plans existants, notamment le plan d'affaires qui contient, Madame la présidente, le plan de départs volontaires qui est indispensable. Je souhaite néanmoins qu'un diagnostic soit posé à mon arrivée afin de valider ces plans. Nous devons disposer de ressources suffisantes, pérennes et dynamiques, mais surtout prévisibles, afin d'atteindre les objectifs ambitieux que nous nous fixons.
En répondant au CSA sur la publicité, je m'inscrivais dans le cadre d'une loi que vous avez votée, dont l'esprit est de promouvoir une télévision indépendante, qui ne craigne pas les pressions des publicitaires, qui ne soit pas soumise à des contraintes d'audience et qui s'adresse, non plus au consommateur, mais au citoyen.
La situation actuelle, qu'il vous appartient d'évaluer, peut amener à reporter la suppression totale de la publicité. Je le dis clairement : s'il devait y avoir le moindre doute sur la possibilité de compenser cette suppression, je préférerais, et de loin, le maintien de la publicité dans la journée, afin de disposer de ressources assurées. Il me semblerait alors indispensable que France Télévisions, forte d'un chiffre d'affaires publicitaire de 400 millions d'euros, conserve sa régie publicitaire afin de pouvoir contrôler sa politique commerciale comme le fait tout grand média disposant d'un tel niveau de ressources publicitaires.
La gestion des ressources humaines doit être replacée dans la perspective stratégique du numérique. Nous devrons élaborer une gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences, travailler sur des plans de formation et de mobilité, afin d'adapter à notre projet la grande diversité des compétences qui existent à France Télévisions.
Les accords d'entreprise et le contrat collectif des journalistes devront être négociés avant le 8 février 2011, le contrat collectif des autres catégories de personnel avant le 8 octobre 2012. Une fois les objectifs stratégiques de l'entreprise clairement définis, je souhaite que nous puissions rapidement avancer avec les partenaires sociaux sur les questions clés de la définition des métiers et de l'organisation du travail, afin de ne pas perdre de temps sur les questions secondaires.
Nous voilà définitivement entrés dans l'ère du numérique, qui offre d'extraordinaires opportunités pour la circulation et pour le partage de l'information et des oeuvres, mais qui a aussi son revers : un risque de domination des plus puissants et de confusion des valeurs. La télévision publique a la grande chance de pouvoir offrir des programmes et une information de qualité, mais aussi de pouvoir nourrir et raviver le contrat de confiance qui la lie aux citoyens, sur des valeurs constitutives du vivre-ensemble républicain, qui fondent notre culture française et européenne.
Développer ce projet est une tâche exaltante, collective, une mission d'intérêt général. Grâce à l'abandon de la publicité, qui nous permet de nous adresser au concitoyen et non plus au consommateur, et grâce au numérique, nous pouvons proposer une télévision de pointe, ouverte à la culture, citoyenne et respectée, comme doit l'être une télévision publique. C'est un grand honneur que d'avoir pu vous présenter cette ambition, que je souhaite porter au cours des cinq prochaines années. Je sollicite votre confiance pour mener à bien ce projet.
Nous sommes ici nombreux à être impliqués dans le débat sur les relations entre télévision publique et publicité ; la commission que j'ai présidée il y a deux ans, composée de personnalités de toutes sensibilités, a dressé une feuille de route très ambitieuse, sans s'immiscer dans les questions qui relèvent de la gestion de la société. Notre souci est seulement de veiller au respect de la loi que nous avons votée, s'agissant notamment des clauses de rendez-vous.
Vos propos concernant la suppression de la publicité, tels que rapportés par la presse, ne donnaient pas une idée très précise de votre position. Votre exposé liminaire permet toutefois de résumer ainsi votre pensée : sans compensation intégrale de la suppression, vous préféreriez que la publicité soit maintenue dans la journée. Nous avons la même position.
Mais, dans les deux cas de figure, que ferez-vous de la régie publicitaire ? En cas de suppression, elle pourrait s'occuper du parrainage et de la diversification, une question sur laquelle vous ne vous êtes pas beaucoup exprimé. À cet égard, le bilan de France Télévisions est très en deçà de celui des autres chaînes françaises et étrangères et j'aimerais donc connaître votre point de vue sur le sujet.
Je n'ai pas bien saisi votre schéma d'organisation. Combien y aura-t-il, par exemple, de directeurs généraux ? S'agissant de l'entreprise unique, la presse a rapporté certains de vos propos que je trouve quelque peu inquiétants. Nous sommes pour notre part attachés à ce concept qui, tout en préservant l'identité des lignes éditoriales, doit favoriser les synergies et la mise en commun des moyens. C'est un sujet important pour les députés attentifs au vote des crédits de France Télévisions que nous sommes : ainsi pourrions-nous nous réjouir de ce que France 3, par exemple, puisse enfin disposer d'un système informatique semblable à celui des autres chaînes.
Comment comptez-vous organiser l'information ? Y aurait-il, par exemple, un patron commun aux rédactions ? Imaginez-vous de fusionner les services ? Quelle place donnerez-vous aux émissions politiques ? Enfin, il est heureux que France Télévisions soit un support majeur du financement de la création cinématographique en France, mais je serais heureux de connaître vos orientations en la matière.
Vous avez exactement traduit mon propos sur la publicité : compensation totale ; sinon, maintien dans la journée, pour assurer les moyens nécessaires. Je n'y reviendrai donc pas.
Aujourd'hui, les recettes de la diversification sont de l'ordre de 4 millions d'euros. La commission que vous avez présidée avait évoqué un potentiel de 10 à 30 millions. Sans prendre modèle sur les chaînes privées, qui ont beaucoup développé ces services, nous devons nous inscrire dans une dynamique et, en complément du travail de régie, développer un travail commercial. Le service public dispose de marques bien reconnues qui pourraient donner lieu à la commercialisation de produits associés. Il nous faudrait pour cela avoir une responsabilité globale des recettes commerciales.
Il ne fait aucun doute que les services supports – les ressources humaines, l'informatique, la paye, les finances – doivent se rapprocher et mettre leurs outils en commun pour réaliser des économies. Mais, parallèlement, il me semble que nous devons favoriser la dynamique propre à chaque antenne, en leur fixant des objectifs en matière d'innovation et d'audience et en leur accordant une certaine autonomie pour mener tout cela à bien. Ainsi, chaque antenne doit pouvoir piloter ses projets, passer ses commandes aux unités de programme et avoir sa dynamique propre. L'exemple de Radio France est, me semble-t-il, intéressant à cet égard : les services sont communs ce qui permet des synergies, mais la gestion de l'antenne de France Culture n'a rien à voir avec celle de France Info.
Pour ce qui est de l'information, je suis convaincu que nous devons préserver des lignes éditoriales spécifiques à chaque rédaction. Un journal, quel qu'il soit, doit avoir des objectifs et des valeurs auxquels se référer afin de hiérarchiser son information. À ce titre, on pourrait par exemple envisager la création d'un journal européen, pour lequel donc la référence serait l'Europe et non plus le pays.
En revanche, dans la perspective du passage au numérique, nous devons réfléchir à une mutualisation des moyens, en vue d'une utilisation optimale des compétences, des savoir-faire et des moyens techniques, pour diffuser nos contenus sur les différents supports.
Les émissions politiques sont indispensables. Les chaînes du service public en diffusent un grand nombre, de qualité dans l'ensemble. Il faut bien sûr les maintenir, en renouveler certaines et, probablement, essayer d'avoir une émission emblématique qui serait le grand rendez-vous politique du service public.
Les deux filiales cinéma ont une fonction essentielle : favoriser la diversité. Leurs productions sont d'ailleurs reconnues par la profession, puisque récompensées lors des festivals. Elles doivent continuer sur la voie de la diversité et de l'ouverture, et faire des choix équilibrés, avec le souci de l'antenne. Je m'inscris donc dans la ligne suivie jusqu'à présent, s'agissant de remplir les obligations qui nous sont faites dans ce domaine.
S'agissant des équipes dont je souhaite m'entourer, la légitimité que votre décision pourrait me conférer, personnellement, me semble essentielle pour diriger cette entreprise. Il existe au sein de celle-ci, des équipes de qualité avec lesquelles je souhaite travailler. Il peut y avoir, pour un certain nombre de fonctions, des renouvellements ou des apports de compétences auxquels je souhaiterais procéder en privilégiant l'expérience, le professionnalisme et la capacité à innover. Je souhaiterais le faire de façon progressive, sans provoquer de big bang.
Votre passé plaide pour vous. Le plaidoyer pour l'écrit lorsque vous étiez aux DNA ou à l'Alsace, le travail que vous avez effectué à France 3, où vous avez su négocier avec les syndicats et avec les journalistes, votre expérience à Presstalis où vous avez fait vos preuves comme gestionnaire malgré les difficultés : tout cela est en votre faveur. Et aux yeux des socialistes, vous avez même deux atouts supplémentaires : vous ne portez pas de Rolex et vous êtes « anti-bling-bling ».
Toutefois, je ne pense pas qu'il appartienne aux parlementaires – ou aux conseillers de l'Élysée, d'ailleurs – de se prononcer sur vos qualités professionnelles. Notre rôle est de vérifier que le service public sera renforcé sous votre gouvernance, de nous informer sur les orientations que vous comptez prendre et de vous recevoir ensuite pour faire le point régulièrement dans le cadre de cette Commission.
Je crains que la modalité de cette nomination ne pèse sur votre action et ne laisse accroire que celle-ci est placée sous tutelle. À tort ou à raison, je ne souhaite pas que l'on vous fasse les mêmes reproches qu'au président de Radio France : le service public ne s'en trouverait pas grandi. Ces soupçons sont sans doute immérités, mais le système choisi par le Président de la République et par la majorité est malsain. C'est la raison pour laquelle les membres du groupe socialiste ne participeront pas au vote.
Venons-en maintenant à quelques questions. Vous vous êtes exprimé clairement sur la suppression de la publicité. Mais le parrainage n'est-il pas une façon de la faire rentrer par la fenêtre ? Concernant la régie, vos propos sont sans ambiguïté : elle n'a pas de raison d'être si la publicité diurne est supprimée ; en cas contraire, vous souhaiteriez en garder la maîtrise.
S'agissant du maintien des rédactions locales, régionales et ultramarines, j'ai confiance en vous : tout a été fait en ce sens lorsque vous étiez à France 3. J'espère aussi que les économies que vous allez chercher à réaliser, notamment sur France 3, n'entameront pas l'identité forte des chaînes, ce qui deviendrait alors un prétexte pour leur suppression.
Je me réjouis que vous rejetiez l'idée de guichet unique. Le pluralisme et la diversité guideront-ils à nouveau le choix des fictions, des documentaires et des programmes jeunesse ? D'autre part, interrogé par un membre du CSA sur l'éventualité de créer une chaîne « jeunesse », vous avez fait preuve d'une certaine frilosité. « Oui » à une forme de média global, « non » au global media. Si c'est là l'idée que vous souhaitez défendre, je serai d'accord avec vous.
Il faut, bien sûr, s'efforcer de rajeunir l'audience, mais pas à n'importe quel prix. La marge, souvent, est étroite. Je me souviens d'un débat que nous avions eu à France 3, lorsque j'étais administrateur et que vous dirigiez la chaîne, sur le fait de savoir si l'émission C'est mon choix desservait ou non le service public. Nous étions alors d'accord pour dire que la vulgarité constituait la frontière à ne pas dépasser. Vous allez vous retrouver devant le même type de problématique à France Télévisions : jusqu'où irez-vous dans la téléréalité ?
Pour ce qui est de l'information, le pluralisme va de soi. Toutefois, il ne serait pas inutile que vous prêtiez une attention particulière aux modes qui sévissent actuellement dans les rédactions : simplification, spectacularisation, émotion, et vérification lacunaire des sources.
Vous ne vous êtes pas prononcé clairement sur le maintien des moyens consacrés à la production cinématographique. Or, aujourd'hui, seuls le service public et Canal Plus permettent au cinéma d'exister.
Nous refusons de voter ; cela ne nous empêche pas de vous souhaiter bonne chance.
Légèrement en baisse en 2009, le parrainage apporte quelque 80 millions d'euros à l'entreprise, dont une trentaine collectés après vingt heures. Cette ressource est indispensable et il nous faut la maintenir. Toutefois, je n'ignore pas qu'il existe un débat sur cette question. Comment présenter le parrainage en soirée sans recréer des tunnels qui peuvent donner l'impression que la publicité est maintenue ? Je serais favorable à des programmes courts, thématiques, notamment sur l'Europe. Nous devons, sur la question du parrainage, élaborer une charte.
Qu'est-ce que le service public ? C'est le fait que tout le monde puisse accéder au même type de programmes et d'information. Il serait anormal que l'information de proximité ne concerne que les grandes villes riches et soit absente des villes petites et moyennes. C'est bien ce qui a amené France 3 à ouvrir des rédactions locales, et qui doit conduire à les maintenir.
Pour ce qui est des programmes, il faut la plus grande diversité et le plus grand pluralisme, non seulement parce que ce sont des valeurs que le service public doit promouvoir, mais aussi parce que c'est la clé pour accéder à des publics qui aujourd'hui ne regardent pas nos écrans.
La question du rajeunissement est d'ailleurs liée à la question de la variété des publics, entendue au sens socioéconomique mais aussi culturel. J'ai en effet le sentiment que notre télévision touche en priorité un public formé aux cultures traditionnelles et patrimoniales. Je ne méconnais nullement l'importance de celles-ci – il y a là des valeurs communes qu'il faut transmettre –, mais la télévision de la nation doit aussi atteindre des populations plus jeunes, ou ayant d'autres références culturelles. Cela suppose des choix, de l'innovation, qui feront l'objet de débats. D'où l'importance de la réflexion sur nos valeurs et ma volonté de prendre un peu de temps pour les définir. Il est fondamental que nos programmes correspondent à ces valeurs et intéressent des populations qui ont tendance à déserter le service public.
Enfin, pour ce qui est du cinéma, les investissements de l'entreprise résultent d'obligations. Je suis favorable à ce principe et heureux que le dernier contrat d'objectifs et de moyens ait accru ces obligations. Là encore, qu'il s'agisse de la défense de la diversité ou de la promotion du cinéma d'auteur, France Télévisions continuera à faire ce qu'elle fait déjà fort bien.
Tout en regrettant que, malgré son importance, cette audition n'ait attiré qu'une faible affluence, je veux redire l'opposition du groupe GDR à une nomination fondée sur le choix du Président de la République : unique en Europe, cette procédure constitue une régression sans précédent. Et c'est cette opposition, nullement dirigée contre la personne de M. Pfimlin, qui motive notre refus de participer au vote.
La question de l'indépendance est essentielle : indépendance des rédactions et information publique libre et pluraliste. La loi sur l'audiovisuel public, en modifiant en profondeur le cadre juridique de l'entreprise, a remis en cause le statut des salariés. La suppression de la publicité a, elle, modifié complètement le modèle économique de l'entreprise à un moment où elle a besoin de se développer. Nos concitoyens veulent que l'audiovisuel public « fasse la différence » grâce à des émissions créatives, audacieuses, innovantes et pluralistes.
Comment France Télévisions va-t-elle remplir ses missions de service public ? Par quels moyens envisagez-vous de mettre en oeuvre pour garantir son indépendance, ainsi que le pluralisme ? Où établissez-vous la différence entre l'audiovisuel public et l'audiovisuel privé ?
Vous avez décrit France 5 comme un espace de collaboration et de coopération avec l'éducation nationale, avec l'université et avec les chercheurs. Comment entendez-vous plus précisément renforcer ces liens ?
Lors de votre audition devant le CSA, vous avez parlé d'optimiser les moyens et vous avez exclu de revenir sur la création de l'entreprise unique, qui permet, avez-vous dit, de simplifier les organes sociaux, d'obtenir des synergies et de réaliser des économies sur les services supports. Pouvez-vous détailler votre projet ? Il est bien sûr important de moderniser le service public, mais ces propos inquiètent fortement le personnel, qui demande une véritable politique sociale à l'heure où se développe plus que jamais la précarité dans l'entreprise. Comment prendrez-vous en compte leurs propositions ? Comment concevez-vous le dialogue social à France Télévisions ?
Du point de vue financier, vous préconisez de compenser la suppression des recettes publicitaires par la diversification des ressources. Voilà une expression qui suscite l'inquiétude : elle évoque marchandisation, marketing… À quelles activités faites-vous précisément référence ?
L'indépendance doit être au coeur de nos valeurs. C'est la conviction qui m'anime depuis que je suis dans ce métier. Il y a à cela une raison qui n'est pas que de principe : la mission d'un chef d'entreprise est de faire que l'entreprise se développe, atteigne ses objectifs et prenne de la valeur. Or, la valeur du service public se situe dans sa relation de confiance avec la nation. Si cette relation venait à s'affaiblir, l'entreprise perdrait de sa légitimité, et donc de la valeur pour la collectivité. Ces notions d'indépendance et de confiance sont donc l'« ADN » même de la télévision publique. Elles imprègnent totalement mon analyse des forces de l'entreprise et la conception que j'ai de ma mission. C'est aussi pour cela que j'insiste sur le fait que vous nommez un individu, qui doit être le garant de cette indépendance.
L'abandon de la publicité est un élément de celle-ci. Le Président de la République, en décidant que l'entreprise ne devait plus être un support de publicité, a exprimé clairement son souhait qu'elle soit indépendante. Les programmes devront être conçus, non plus pour toucher des cibles commerciales, mais pour toucher les citoyens : pour les aider à mieux comprendre le monde dans lequel ils vivent, pour les informer en sorte que la démocratie ait un sens – le trop-plein actuel d'informations engendre la nécessité absolue d'une hiérarchisation de ces informations, d'une confiance dans l'informateur. Le service public doit également être le lieu où la créativité puisse s'exprimer dans tous les genres – cinéma, spectacle vivant, etc. Tel est le projet que j'entends défendre.
S'agissant de France 5, je veux en effet renforcer sa collaboration avec le monde de la recherche. Il existe toute une série de sujets, scientifiques notamment, sur lesquels nous pourrions faire oeuvre de vulgarisation en animant, avec le CNRS et, plus généralement, avec l'ensemble des chercheurs, des lieux de débat et d'explication, des lieux qui permettraient d'expliquer notre monde en mouvement. Il me semble que France 5, qui remplit bien cette mission de décryptage, pourrait s'ouvrir plus largement.
Ma conviction, comme ma pratique le montre, est que les entreprises de presse en général, et France Télévisions en particulier, n'existent que parce que leur personnel a les qualifications spécifiques qui permettent de concevoir, de fabriquer et de diffuser des programmes. Mon projet est de faire avancer autant l'organisation que la pratique des métiers de manière à atteindre nos objectifs de modernité et à réussir le basculement vers le numérique. Notre personnel doit absolument se mobiliser, non seulement pour remplir notre mission, mais aussi et surtout parce qu'il doit être à la pointe dans ses métiers. Ainsi le veut la tradition du service public, et c'est cette tradition qui doit être réformée. Les pratiques professionnelles de France Télévisions – et cela inclut France 3 et RFO – doivent s'appuyer sur la maîtrise des nouvelles technologies et sur les modes d'organisation les plus performants.
Cela nécessite bien entendu formation et mobilité. Ces évolutions doivent conduire à des économies qui seront réinvesties dans les nouvelle technologies – une idée qu'on retrouve dans le contrat d'objectifs et de moyens comme dans les travaux de la commission Copé. C'est cette dynamique que nous devons instaurer dans le dialogue social. C'est pour cela que ce dernier doit se concentrer sur l'essentiel : nous avons à relever un défi de mutation, et ce dans le temps qui convient. Je suis frappé par la rapidité avec laquelle nos concitoyens ont su faire usage des nouvelles technologies. Nous devons nous aussi nous adapter au rythme de ces mutations. Si nous prenons trop de temps pour évoluer, nous prendrons du retard, au détriment du bon accomplissement de nos missions.
Enfin, s'agissant de la diversification de nos ressources, il est bien évident qu'un développement outrancier de la marchandisation serait en contradiction avec le principe même d'abandon de la publicité. Ce à quoi il faut travailler, c'est à la constitution d'une gamme de produits annexes aux émissions – documents imprimés, films complémentaires… – qui permettent de valoriser ce que nous faisons. Les chaînes privées le font déjà, souvent avec des produits de grande qualité : les marchands de journaux vendent énormément de DVD ou de produits édités par ces dernières… mais n'en proposent aucun qui vienne du service public. Il y a là matière à réflexion !
La suppression de la publicité nocturne a largement permis d'amorcer le passage du téléspectateur consommateur au téléspectateur citoyen. Si la publicité diurne devait à son tour être éliminée, et étant entendu que nous ne sommes pas favorables à une augmentation de la redevance, comment pourrait-on imaginer de faire évoluer les programmations en sorte que France Télévisions reste ouverte à tous les publics ?
Dans un tout autre ordre d'idées, et même si leurs familles ont à un moment souhaité une certaine discrétion, pourriez-vous vous exprimer à propos des deux journalistes de France 3 retenus en otages ?
Enfin, la renégociation des conventions collectives suscite quelque inquiétude, en particulier dans les antennes locales de France 3 – celle de Franche-Comté ne compte qu'un cadre et quatre journalistes ! Peut-on envisager une organisation différente, ou pensez-vous à une redéfinition du métier de journaliste ?
Ainsi que M. Françaix l'a déjà dit, nous sommes très hostiles à une nomination par le Président de la République, même si le choix semble en définitive plutôt rassurant : votre passé plaide pour vous, et vos propos laissent entrevoir un avenir intéressant.
Vous avez beaucoup insisté sur le respect de la diversité culturelle. Ce sont des propos fréquents, et généralement sincères, mais qui se heurtent vite aux réalités de la tradition et des intérêts commerciaux. Prenons un exemple qui m'est cher : la musique métal est presque totalement ignorée, quand elle n'est pas diffamée. Elle intéresse pourtant des millions de Français. Le dernier Hellfest par exemple a attiré 72 000 personnes. Le service public n'y était pas présent. Comptez-vous faire en sorte que cette musique soit enfin reconnue ? Votre prédécesseur m'avait répondu que le groupe Metallica était venu une fois à Taratata, une émission que j'apprécie beaucoup parce que c'est la seule où les musiciens peuvent jouer en live. C'est bien, mais c'est un peut court !
Je voudrais d'abord vous interroger sur la démocratisation culturelle. L'un des objectifs de l'abandon de la publicité après 20 heures était à l'évidence d'assurer l'indépendance des programmes. Encore faut-il que cette indépendance fasse une part importante à la culture. Comment comptez-vous renforcer la programmation d'émissions culturelles et de spectacle vivant en prime time, et en particulier favoriser la diffusion d'artistes émergents sur les chaînes de télévision publique, ce qui me paraît essentiel pour vivre avec son temps ? Mais rien ne sert de programmer si l'on ne crée pas le désir chez les téléspectateurs. Comment pensez-vous susciter celui des jeunes éloignés de la culture ? Comptez-vous diffuser davantage d'émissions consacrées aux musiques actuelles telles que le hip-hop, et aux créations liées à l'identité de nos régions ? Par ailleurs, la démocratisation culturelle suppose l'accessibilité. Comment entendez-vous prolonger les efforts déjà faits en faveur des personnes handicapées, en particulier des malvoyants ? Comptez-vous généraliser l'audiodescription pour tous les programmes de première partie de soirée ? Enfin, la démocratisation culturelle doit concerner tous les supports. Comment pensez-vous favoriser le développement des émissions culturelles sur internet ?
Ensuite, vous avez parlé des principes fondamentaux du service public. Vous aviez pris un risque à France 3 en programmant le feuilleton Plus belle la vie. Nous espérons que vous ferez plus belle la vie de la culture à la télévision ! Mais puisque que vous voulez établir un contrat de confiance avec le public, quelle sera la différence avec celui que prônent les chaînes privées, qui aboutit souvent à un nivellement par le bas ? Comment pourrez-vous le concilier avec vos exigences et faire prévaloir l'intérêt à long terme sur la facilité du court terme ?
Vous avez évoqué un pacte de confiance entre la télévision publique et la nation, et déclaré vouloir être le garant de l'indépendance de la première. J'ai envie de vous croire, malgré le doute que fait peser la procédure de votre nomination. Quelles mesures comptez-vous prendre pour garantir l'indépendance des journalistes dans l'exercice de leur métier ? Comment entendez-vous développer ce qui est bien plus qu'un bipartisme : le pluralisme dans le débat sur les questions politiques et sociétales ?
Vous avez parlé de formation du personnel, de mobilité, de réinvestissement dans l'innovation. Allez-vous remplacer les neuf cents salariés qui doivent partir en retraite d'ici à 2012, afin de permettre à l'entreprise publique de poursuivre son développement ?
Vous avez insisté sur l'identité éditoriale. Allez-vous maintenir des rédactions nationales indépendantes à France 2 et à France 3 ?
Comment concevez-vous la contribution de la télévision publique au rayonnement extérieur de la France ?
Comment ferez-vous en sorte que cette télévision publique ne se limite pas à un ou deux sports, mais donne à voir l'ensemble des pratiques sportives de notre pays ?
Je terminerai en ayant une pensée pour les deux journalistes qui sont toujours retenus en otages.
Je salue la façon dont Mme Buffet aborde cette réunion, loin de certaines positions caricaturales. Il est dommage que certains de nos collègues socialistes profitent de l'occasion pour critiquer la procédure de nomination. Il était au contraire bon de sortir de l'hypocrisie. Il est normal que l'État actionnaire nomme le patron d'une grande chaîne publique, et tout aussi normal, s'agissant d'un média, de prévoir des contrepouvoirs et des garanties – celles notamment de l'avis conforme du CSA et des avis des Commissions des affaires culturelles de l'Assemblée et du Sénat.
Vous voulez vous adresser au téléspectateur citoyen, et non plus au téléspectateur consommateur : comment comptez-vous mesurer la performance du groupe France Télévisions à cet égard ?
Nombre de groupes de télévision et de radio de ce pays sont en train de baisser massivement leurs coûts. Ce n'est pas le cas de France Télévisions. Vous avez parlé des ressources, mais que pouvez-vous nous dire sur les dépenses ?
Je ne peux que me réjouir de vos positions sur le passage du groupe au numérique, mais souhaitez-vous développer la télévision mobile personnelle et les web TV, et, si oui, sur quels thèmes ?
Je partage avec M. Roy le souhait que la musique soit davantage présente sur France Télévisions. Quelles que soient les chaînes, cette présence s'est raréfiée. Comment comptez-vous y remédier ?
Enfin, le multiplex R1, qui diffuse la chaîne parlementaire, connaît depuis quelques mois de graves difficultés financières, liées notamment au départ de France 4. Nous souhaitons qu'on remédie rapidement à ce problème, majeur pour LCP.
Ainsi que l'indiquait la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, nommer un président de chaîne de télévision n'est pas de même nature que nommer le président de toute autre entreprise, en raison de conditions de gestion très différentes. Alain Minc avait annoncé dès avril que le choix du Président s'était porté sur Alexandre Bompard. Le contexte de crise politique et morale que nous vivons a contraint M. Sarkozy à modifier ses plans et nous avons appris votre nomination inattendue lundi dernier. Etiez-vous prêt ?
Notre groupe refuse d'être instrumentalisé dans ce simulacre d'audition qui prend des airs de formalité mondaine, de discussion de salon dont nous savons tous à quoi elle aboutira. Sachant que le groupe majoritaire n'ira pas contre la décision du Président de la République et que la majorité des trois cinquièmes est hors d'atteinte, pourquoi nous consulter ?
Monsieur Pfimlin, votre action, que l'on souhaite malgré tout positive, restera à jamais entachée par les conditions de cette nomination, qui ne peuvent que susciter la suspicion et la méfiance. Et même sans cela, le fait que le Président de la République puisse, par simple décret motivé, vous démettre de vos fonctions à la première décision qui ne lui conviendra pas – un déni total de la liberté des médias ! – fera planer au-dessus de votre tête une véritable épée de Damoclès, ce qui ne peut entraîner qu'autocensure et complaisance. Comment mener les chantiers qui vous attendent sous la menace constante d'une révocation ? Le souci de la démocratie, de la liberté de la presse et de l'honneur de notre institution interdira donc à notre groupe de prendre part à cette procédure. Il ne s'agit pas de contester vos qualités, mais de s'opposer à un mode de désignation qui vous affaiblit avant même que nous ne preniez vos fonctions.
Puisque vous considérez cette audition comme une conversation de salon, je rappelle que c'est à vous qu'il appartient de lui donner la tonalité que vous souhaitez. Si vous déplorez l'absence de questions pertinentes et intéressantes, à vous de les poser. Si vous estimez devoir en rester à des commentaires sans entrer dans le fond du sujet, vous êtes libre, mais n'en tirez pas de conclusion désagréable pour les commissaires qui ont travaillé pour préparer cette audition concernant un poste particulièrement important. Que vous votiez ou non est de la responsabilité de votre groupe, mais j'estime avoir entendu de la part de plusieurs députés des questions très intéressantes pour l'avenir de France Télévisions et je pense que nous en aurions eu encore davantage si d'autres de nos collègues n'avaient été empêchés de nos rejoindre en raison des conditions climatiques.
Quelle est, monsieur Pfimlin, votre vision de la complémentarité entre les chaînes du groupe ? Si France 2 a bien résisté à l'apparition de nouvelles chaînes sur la TNT, France 3 a perdu d'importantes parts de marché. Y remédier fait-il partie de vos priorités ? Selon la presse, vous seriez prêt à consentir une meilleure répartition des compétences entre les directeurs de chaîne. Comptez-vous revenir sur la centralisation mise en place par l'actuelle présidence ?
Les parlementaires, en particulier ceux des zones rurales et de montagne, sont très attachés aux implantations régionales de France 3. Quelles évolutions jugez-vous nécessaires en ce qui concerne celles-ci ? Souhaitez-vous développer le temps d'antenne des régions à des heures de grande écoute ? Nos territoires se sentent de plus en plus abandonnés. Dans les Alpes-de-Haute-Provence en tout cas, France 3 ne vient qu'en cas de catastrophe ou de polémique, jamais lorsque se produisent des événements importants pour la région.
J'apprécie votre position sur la télévision de rattrapage et j'en attends beaucoup. Nous devons pouvoir revoir l'information qui nous est donnée au quotidien, afin de la réinterpréter. Vous êtes également sensible à l'évolution de la société, et surtout au fait que les jeunes regardent de moins en moins la télévision. Il faut donc absolument diversifier nos moyens de communication, en privilégiant le numérique.
Mme Langlade a essayé de faire preuve de sollicitude envers les parlementaires ! Je regrette vraiment l'attitude non constructive de nos collègues socialistes, dont ils s'imprègnent tant et si bien qu'ils en viennent à se demander pourquoi on les consulte. Ils sont tellement persuadés de ne servir à rien qu'il ne faudrait pas grand-chose de plus que la prestation de Mme Langlade pour en être convaincu…
Mais pour en revenir au fond de la discussion, j'ai été sensible, monsieur Pfimlin, au fait que vous insistiez sur l'importance des ressources humaines. Vous voulez gérer l'emploi de façon plus prévisionnelle, bâtir des plans de formation et de mobilité. Il est sûrement possible de rationaliser la gestion des moyens humains de France Télévisions : je pense en particulier à la constitution d'une grande banque de données et d'images, alimentée par l'ensemble des journalistes, quelle que soit leur rédaction, et qui permettrait de nourrir les plateformes événementielles.
J'ai du mal à comprendre comment vous comptez concilier la délégation de responsabilités au niveau de chaque chaîne et la suppression de la politique de guichet unique avec notre volonté d'une entreprise unique. Par ailleurs, envisagez-vous de développer la présence sur les chaînes de sports qui ne font aujourd'hui pas l'objet de retransmissions ?
Je suis très heureux que le Président de la République nous soumette la candidature de M. Pfimlin, que nous connaissons bien et à qui je souhaite bon courage. Qu'il continue à nous proposer un service public d'excellence ! Le groupe n'est pas facile à gérer : il faut assurer la complémentarité de chaînes de qualité, mais qui forment un attelage disparate. Il faut un bon écuyer pour cela, et je suis persuadé que M. Pfimlin est celui-là.
Je voudrais redire ici ma préoccupation concernant Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier. Je pense beaucoup à eux, ainsi qu'à leurs familles. J'ai vécu une situation semblable en tant que directeur général de France 3 durant les semaines où notre preneur de son, Mohammed Ouathi, a été retenu à Gaza : j'ai alors partagé l'angoisse de sa famille et de sa rédaction. Je connais ces deux journalistes, qui travaillent pour une émission, Pièces à conviction, qui a été mise à l'antenne lorsque j'étais directeur général : ce sont de grands professionnels, qui faisaient leur métier. Je souhaite de tout mon coeur qu'ils soient libérés le plus tôt possible. Si par malheur ils étaient encore détenus lorsque j'entrerai en fonctions, ce serait une des mes priorités immédiates que de faire le maximum pour contribuer à leur libération, et surtout pour entourer leurs familles et leurs proches dans ces moments extrêmes. Aller sur le terrain, expliquer, faire comprendre ce qui se passe : voilà ce qu'est un reportage. C'est donc, au coeur des missions du service public, un élément clef de l'information.
S'agissant de la diversité culturelle, il me semble que notre approche est encore trop patrimoniale : elle se résume aux grandes oeuvres et au répertoire connu. Il est naturellement indispensable de continuer à transmettre cette culture-là et de maintenir l'engagement formidable pris par Patrick de Carolis d'une offre en prime time tous les soirs sur l'une des chaînes, mais il nous faut aussi intégrer dans nos émissions des pratiques culturelles différentes, contemporaines, qu'il s'agisse de la musique métal, de toute forme d'expression théâtrale ou de quoi que ce soit d'autre. Nous devons, même si l'audience n'est pas systématiquement au rendez-vous et même si cela peut donner lieu à controverse, considérer que cela fait partie de nos missions de service public.
C'est avec vous qu'il nous faudra mener un débat crucial afin de définir notre vision de ce que doit être la culture sur la télévision publique. Et c'est là que nous éprouverons ce qui nous distingue des chaînes privées : les publics nouveaux ne seront que faiblement intéressés dans un premier temps et il faudra faire en sorte que cet intérêt grandisse et que – parce que nous serons tenaces – ces émissions agrègent peu à peu des téléspectateurs. Nous prendrons donc des risques, avec des objectifs clairs de diversité d'audience – et c'est sur ces objectifs que nous serons jugés. Nous les mesurerons dans le temps pour voir si les choses progressent. Car la question de l'audience est centrale : le service public doit avoir de l'audience ; il n'est pas question que la ressource publique ne serve qu'à une minorité. En revanche, il faut se donner le temps et prendre des risques pour que cette audience soit la plus large possible.
À propos de publics, vous avez évoqué les personnes handicapées. Les canaux dont nous disposerons bientôt sur la TNT amélioreront de beaucoup les possibilités d'audiodescription, ou de sous-titres écrits plus gros – bref, des dispositifs assurant que la télévision soit réellement accessible à tous.
Pour garantir notre indépendance, nous devons définir d'emblée nos valeurs, nos engagements, les limites que nous imposent la rigueur et la déontologie. Je souhaite en être le garant devant la représentation nationale et devant le CSA parce que la capacité de fournir une information parfaitement indépendante est le fondement du service public et de sa relation avec nos concitoyens.
Le remplacement des neuf cents salariés qui doivent partir doit être discuté dans la perspective d'une gestion des carrières conforme à ce qu'exige l'émergence des nouvelles technologies et de nouveaux métiers. Je ne peux donc pas me prononcer sur cette question aujourd'hui, mais soyez assurés qu'elle sera traitée, en relation notamment avec le plan d'affaires.
Le rayonnement de la France et de la langue française vers l'extérieur est une question clef. Forte de ses programmes et de la puissance de ses réseaux d'information, notre télévision publique doit pouvoir y contribuer, notamment par le biais de collaborations avec d'autres chaînes. Nous devons en particulier jouer un rôle important dans des organismes tels que la Communauté des télévisions francophones, que j'ai eu l'honneur de présider et dans laquelle je souhaite à nouveau m'investir. Mais un rapprochement est également indispensable entre les télévisions publiques européennes pour coproduire et promouvoir ensemble un certain nombre de programmes.
Pour ce qui est du sport, nous devons être très attentifs à des disciplines généralement considérées comme secondaires mais qui rassemblent en fait un nombre de pratiquants très important, certaines étant même fortement implantées dans certaines régions. La télévision régionale que j'appelle de mes voeux, qui verrait ses heures d'écoute augmenter, pourrait jouer un grand rôle dans la diffusion de ces pratiques et dans la popularisation de leurs manifestations.
La réduction des dépenses est au coeur même de notre projet : elle passe par une meilleure allocation des ressources, une plus grande efficacité, une réorientation vers la création et la modernisation – bref, une optimisation des moyens, grâce notamment aux synergies et à l'entreprise unique –, qui nous permettront d'atteindre nos objectifs. Dans la gestion d'entreprise, il faut bien distinguer les objectifs et les moyens d'y parvenir. Si notre finalité est bien celle que j'ai évoquée, si nous partageons ces objectifs, toute l'entreprise doit se mettre en ordre de marche pour les atteindre, et les moyens évoluer en conséquence. La nécessité des synergies et des économies s'imposera alors d'elle-même.
Nous devons évidemment développer la télévision mobile personnelle dès lors que nous voulons une télévision pour tous et sur tous les supports. Cela pose des problèmes de normes technologiques et des problèmes économiques, mais il faut y réfléchir. Quant à la web TV, c'est une bonne solution pour des événements en direct tels que le Tour de France, que j'évoquais tout à l'heure. En revanche, elle ne peut pas se substituer à la télévision « principale ». Elle l'enrichit, la prolonge, la complète mais ne la remplace pas.
J'étudierai la question du multiplex R1, merci de m'y avoir rendu attentif. Quant à savoir si je suis prêt,… je vous en laisse juges.
Pour ce qui est de l'organisation, je confirme que ma vision est bien celle d'une entreprise unique, avec des services communs pour toutes les fonctions supports et une coordination très forte des antennes afin de ne pas diffuser en même temps le même type de programmes pour le même type de public, ce qui irait à l'encontre de notre volonté de toucher l'ensemble de nos concitoyens ; mais je souhaite, dans le même temps, une responsabilisation de chaque chaîne pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés en termes d'identification des programmes. La délégation et la responsabilisation, qui permettent la prise d'initiatives, sont des principes de management que j'applique depuis vingt ans. Certains tendent à centraliser, moi pas.
Enfin, la caractéristique de France 3 est bien d'être la télévision de la région. Il faut donc augmenter les temps d'antenne régionaux, mutualiser les moyens entre certaines régions, trouver une facture et un style différents. France 3 doit s'inscrire dans son temps, mais la proximité est précisément une idée très moderne, j'en suis intimement convaincu.
La séance est levée à 13 heures.