Nous ouvrons aujourd'hui les travaux de la mission d'évaluation et de contrôle sur un thème nouveau : la gestion des ressources humaines au ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire – le MEEDDAT.
Je remercie Mme Hélène Jacquot-Guimbal, directrice générale du personnel et de l'administration du MEEDDAT, M. Vincent Motyka, chef du service des effectifs et du budget, M. Yves Malfilatre, sous-directeur des personnels techniques d'exploitation et contractuels et M. Benoît Piguet, conseiller au secrétariat général, d'avoir répondu à notre invitation.
Je salue M. Jean Launay, qui partage la fonction de rapporteur avec M. Michel Piron, aujourd'hui excusé de même que M. Georges Tron, co-président de la MEC.
Cette réunion intervient alors que le processus d'organisation du ministère né du regroupement de plusieurs composantes ministérielles n'est pas complètement achevé. Elle est pour nous l'occasion de mesurer les efforts menés tant en matière de cohésion que d'économies. Ce travail fait du MEEDDAT, d'un certain point de vue, le précurseur d'autres restructurations au sein de différents départements ministériels.
J'ai plaisir à saluer la présence de M. Yves Gleizes, conseiller maître en service extraordinaire à la Cour des comptes.
La MEC est une mission de contrôle au sens où le Parlement dans son ensemble contrôle l'action du Gouvernement. La majorité et l'opposition se partagent la présidence de la mission, mais aussi sa composition et l'élaboration de ses rapports.
Un élu béarnais, on l'imagine, ne peut qu'entretenir des relations difficiles avec le MEEDDAT. Soyez cependant rassurés : en tant que président, je saurai m'abstraire des réalités locales et des multiples raisons que mon département et le ministère ont de s'opposer.
En tant que député du Lot, quant à moi, j'ai été convié mardi dernier à rencontrer à Cahors le Président de la République à l'occasion de son déplacement sur le thème de la réforme de l'administration territoriale de l'État. Le Président a salué l'expérimentation menée dans notre département pour regrouper des services de l'État travaillant sur des politiques proches, le regroupement le plus significatif étant celui des directions départementales de l'équipement – DDE – et de l'agriculture – DDA – pour donner la direction départementale de l'agriculture et de la forêt – DDAF. Le Président de la République a exprimé la volonté de créer des directions régionales du développement durable et du logement afin de prendre en compte cette orientation de façon plus marquée dans l'ensemble des politiques concernées.
On le voit, la question de la gestion des ressources humaines au MEEDDAT est un sujet dont certains d'entre nous ont pu mesurer l'importance et la réalité sur le terrain.
Grâce au dossier que vous nous avez confié et aux informations que vous allez nous communiquer, Madame la directrice générale, la représentation nationale pourra, par notre intermédiaire, être éclairée non seulement sur les buts à atteindre, mais aussi sur le déroulement du processus en cours, ses difficultés et ses avancées.
Lorsque le sujet de la mission d'évaluation et de contrôle a été choisi par notre commission, l'intitulé du ministère était « ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables », ou « MEDAD ». Aujourd'hui, le périmètre s'est élargi et le nouveau sigle est « MEEDDAT » : ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Les changements structurels en cours justifient que nous adoptions une approche extensive de la notion de gestion des ressources humaines. Au sens strict, celle-ci s'inscrit dans le cadre du droit du travail, porte principalement sur le parcours professionnel – recrutement, évolution professionnelle – et les conditions de travail : rémunération, temps de travail, sécurité et santé au travail. Mais il est évident qu'elle est fortement dépendante des structures de l'organisme ou de l'institution, en termes de postes de travail, de responsabilités et d'évolution de carrière notamment.
C'est pourquoi notre étude ne peut manquer de prendre en compte l'évolution des structures du MEEDDAT, et ceci d'autant plus que la création d'un ministère au périmètre aussi large est une première en France, voire dans le monde, et qu'il sera chargé d'arbitrages fondamentaux, par exemple, entre le court et le long terme, entre la demande d'énergie et la lutte contre le changement climatique, entre les besoins de mobilité et la protection de l'environnement, etc.
En accord avec vous, nous avons donc organisé les auditions des représentants de votre ministère en trois séquences.
Dans la première séquence, qui correspond à l'audition de ce matin, nous souhaiterions que vous dressiez, pour le ministère en charge de l'équipement et des transports, un bilan de la première étape des changements structurels lié à la décentralisation.
La deuxième séquence, jeudi prochain, sera menée par M. Michel Piron et portera sur l'évolution des structures du MEEDDAT, tant au niveau des administrations centrales qu'à celui des directions régionales et départementales. Bien que la totalité des détails ne soit pas encore arrêtée, les grandes lignes de ces réformes sont connues et la publication du décret d'organisation est prévue en mai prochain.
Enfin, la troisième séquence, qui aura lieu le jeudi 15 mai, sera consacrée au coeur de notre sujet, à savoir la gestion des ressources humaines proprement dite dans des structures profondément modifiées.
Pour terminer ces quelques mots d'accueil, je voudrais introduire notre sujet du jour, les conséquences et les résultats de la première phase de la décentralisation au sein du MEEDDAT.
Les lois de décentralisation du 13 décembre 2000 et du 13 août 2004 ont permis le transfert aux collectivités territoriales des services ferroviaires régionaux de voyageurs, des 18 000 kilomètres de routes nationales d'intérêt local, des ports d'intérêt national et de certaines voies navigables. Il s'agit d'un changement majeur dans l'organisation administrative des transports de notre pays. Pour faire le bilan de cette réorganisation, nous disposons certes d'informations préalables. Je citerai en particulier les analyses de M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial de la commission des Finances sur les crédits des transports terrestres, fluviaux et maritimes, et le rapport de la mission d'audit de modernisation, daté de juillet 2007, préparé par l'inspection générale des finances, le conseil général des ponts et chaussées et l'inspection générale de l'administration.
Mais votre vision des transformations intervenues dans l'organisation territoriale de l'État, Madame la directrice générale, et votre appréciation des succès et des difficultés rencontrées seront précieuses pour établir les recommandations qui concluront notre travail.
M. le Président, M. le Rapporteur, il n'y a pas lieu de nous remercier d'avoir répondu à votre invitation : il est prioritaire, pour un fonctionnaire, d'accéder à une demande du Parlement. Je me félicite de ce que les auditions ont été organisées en plusieurs journées, car nous ne pourrions vous rendre compte en détail de l'action de notre administration en une ou deux heures seulement.
Par-delà les documents déjà transmis à la mission d'évaluation et de contrôle, par-delà la froideur des circulaires, je vais m'efforcer de mettre un peu de chair sur ce qui s'est passé depuis 2004. Je consacrerai plus particulièrement mon propos aux routes, qui constituent le principal aspect de la décentralisation en termes de financements et de personnel.
Dans ce domaine, les processus se sont déroulés sur deux niveaux : la fin de la décentralisation de 1993 et la nouvelle décentralisation des routes nationales. Le fait que l'on ait traité ces deux questions en même temps a parfois jeté de la confusion dans certaines discussions.
Si, de 1982 à 1993, on n'est pas parvenu à pratiquer la décentralisation des routes, c'est à cause d'un blocage au sujet de la gestion des personnels. L'État et les collectivités n'avaient pas réussi à se mettre d'accord sur l'organisation du transfert des personnes concernées. La loi de 1993 a permis de mettre structurellement les services à disposition et d'organiser éventuellement des transferts de personnel en matière de maîtrise d'oeuvre. Ce système a été jugé assez satisfaisant pendant une dizaine d'années mais s'est révélé délétère : aussi bien les conseils généraux que l'État ont rencontré des difficultés croissantes pour le gérer. En 2002 et 2003, il est apparu que l'on pouvait faire un pas de plus en séparant les responsabilités. La loi de 2004 a permis d'instaurer un droit d'option permettant de prendre en compte les agents sous contrat et de prendre une position sur le maintien du service actif. Ce dernier point est très important pour les agents qui en bénéficient, car le travail à l'extérieur après l'âge de cinquante-cinq ans présente des risques : en particulier, les réflexes face aux dangers de la circulation ne sont plus forcément aussi rapides.
Par ailleurs, comme les négociations n'étaient pas suffisamment avancées, le traitement des parcs de l'équipement a été repoussé à une date ultérieure.
La loi avait également prévu un décret d'homologie organisant le transfert en mise à disposition et ouvrant le droit d'option dans des conditions correctes, en précisant que les agents de tel corps ont vocation à intégrer tel autre statut d'emploi, avec tel niveau et tel échelon.
Toujours en ce qui concerne les routes, la fin de la mise à disposition des services pour la gestion des voies départementales a été assurée au nom et sous l'autorité du président du conseil général. Par ailleurs, le transfert de 17 330 kilomètres de routes nationales s'est accompagné du transfert des personnes qui les géraient ainsi que des bureaux d'études, comme cela avait été le cas en 1993 pour les routes départementales. C'est un sujet dont il a été beaucoup question en commission consultative sur l'évaluation des charges – la CCEC.
Le pilotage de ce chantier, qui s'est révélé très lourd et très dur, a porté en parallèle sur l'organisation des transferts et sur la gestion du personnel. Il fallait en effet s'assurer de ne pas provoquer un déséquilibre d'un côté lorsque de l'autre l'on faisait un pas en avant. Il était impossible de prendre des engagements envers les agents sans être couvert par un accord avec l'assemblée des départements de France – ADF –, de même qu'il était impossible d'avancer sur un sujet avec l'ADF sans en étudier les conséquences pour les agents. Nous avons donc essayé d'associer l'ADF, la commission nationale de conciliation, la CCEC, la direction générale des collectivités locales, et bien entendu la direction générale des routes, chargée de concevoir l'organisation des services qui allaient récupérer la gestion du réseau routier non décentralisé. Il fallait parvenir à répartir les mêmes agents entre les anciennes DDE, les directions interdépartementales des routes et les conseils généraux.
Les préfets ont eu un rôle essentiel dans le dispositif. Ils ont déployé beaucoup d'efforts pour obtenir des accords locaux. Les commissions tripartites associant conseils généraux, syndicats et administration ont été très efficaces. La CCEC a validé les modes de calcul sans acrimonie, ce qui prouve que l'on peut travailler ensemble même lorsque l'on n'est pas d'accord sur tout…
Nous nous sommes efforcés d'identifier le plus localement possible les points de blocage et de réfléchir aussitôt à des solutions. Certains étaient tentés par un pilotage centralisé, mais comment reconstituer depuis Paris le fonctionnement d'une DDE en 2001 ou 2002 et la répartition du personnel selon les types de tâches ? On se serait sans doute contenté d'une règle de trois, alors qu'il est indispensable de tenir compte de la différence entre départements de plaine et de montagne, entre départements touristiques ou non, etc.
Nous avons donc identifié au niveau local les emplois concernés, en totalité ou en partie, et pourvus au 31 décembre de l'année de référence. Il a fallu aussi revenir en arrière pour déterminer si l'État n'avait pas trop diminué les effectifs, si l'on devait des postes ou non, quels étaient les postes vacants… Ce travail de fourmis a été largement couronné de succès. Une dizaine de cas seulement sont remontés à la CCEC, où ils ont d'ailleurs été tranchés sans difficulté. La signature de conventions ou la publication d'arrêtés précisant les modalités de la mise à disposition ont généralement rencontré un accord réel, sinon formel – certains n'ont pas voulu que l'on rende public leur accord –, des présidents de conseil général.
En effet. Parfois, il s'agissait de mettre en cause le principe même de calcul. Il y a eu aussi des erreurs de calcul, que nous avons reconnues et rectifiées. Nous avons même capitulé en rase campagne dans une affaire où l'enjeu était 0,03 équivalent temps plein ! Les deux ou trois blocages que nous avons rencontrés tenaient plutôt, me semble-t-il, à des prises de position politique. Le travail de terrain se faisait derrière.
À l'automne 2005, nous avons traversé une période qui n'était pas très saine et les présidents de conseil général ont dû commencer à nous soupçonner de nourrir des arrière-pensées. La communication devenait difficile. Le ministère de l'intérieur a alors mobilisé les préfets pour remettre les choses en place. Visiblement, les explications livrées par les préfets sont apparues beaucoup plus claires que les nôtres. Il s'agit de toute façon plus d'une clarification que d'une reprise en main. Il a pu exister des tensions en CCEC, mais pas chez nous.
Avant le transfert du personnel, le conseil général a dû exposer sa nouvelle organisation en publiant un organigramme prévisionnel, de même que la DDE, réduite à la partie hors-routes, et la direction interdépartementale des routes en construction. Nous avons ensuite proposé à chaque personne de se positionner sur ces organigrammes. Il ne s'agissait pas d'organiser une bourse aux emplois mais de proposer un poste à chacun. C'est ainsi que nous avons pu affecter les agents et publier les arrêtés de mise à disposition, avec un taux de recours en commission administrative paritaire de seulement 2 %, sur un total de 60 000 personnes repositionnées.
L'inquiétude des agents étant vive, nous avons beaucoup travaillé sur des ateliers de transformation associant plusieurs niveaux hiérarchiques et plusieurs métiers, ce qui a permis d'expliquer le processus. Nous avons adressé des communications périodiques aux réseaux professionnels des directeurs, des métiers, des secrétaires généraux, des conseillers de gestion et de management, ainsi qu'aux systèmes sociaux. Les informations ont été également diffusées à l'occasion des formations de prise de poste de la filière des ressources humaines. Elles se retrouvent sur un site intranet.
Sur le plan social, nous avons mis en place des cellules d'écoute et organisé un suivi par les bureaux d'action sociale. Un comité national de suivi est chargé d'examiner avec les syndicats les éventuelles difficultés sur le terrain. L'État nous a fourni une aide en accordant une indemnité spécifique de mobilité, qui lui a coûté moins de 20 millions d'euros, pour le déplacement, je le rappelle, de 60 000 personnes.
Il n'est pas certain que cela marche une seconde fois : nous avons beaucoup mobilisé les syndicats et ceux-ci nous ont considérablement aidés à porter cette réorganisation qu'ils comprenaient, même si, officiellement, ils l'ont combattue. Nous avons, en quelque sorte, « usé » la capacité des agents à supporter toute cette tension. Quoi qu'il en soit, on n'a pas beaucoup entendu parler de grèves de l'équipement durant la décentralisation.
J'en viens aux résultats. Nous avons transféré 27 400 personnes, soit 27 000 emplois. Les agents ayant opté au 31 août 2007 pour un transfert de paye au 1er janvier 2008 sont au nombre de 19 123. Sur cet effectif, 15 512 ont demandé à être intégrés. Ce taux important montre que, contrairement aux prévisions, les agents n'ont pas attendu pour se décider. Le versement des compensations aux conseils généraux s'est fait le plus possible en gestion, sans attendre la loi de finances rectificative. On a pu ainsi transférer les crédits de fonctionnement, notamment ceux destinés à la formation, à l'hygiène et la sécurité, à l'action sociale. Ce sont donc 90 millions d'euros dans l'année qui se sont ajoutés au milliard d'euros de transferts décidé en loi de finances initiale.
Je vous remercie. Nous allons maintenant essayer de mettre la question des ressources humaines en perspective et de la relier à la problématique de la bonne utilisation des fonds publics. Les structures centralisées et décentralisées du MEEDDAT fonctionnent-elles mieux qu'auparavant ? Quelle est l'efficacité locale de ces dispositifs ?
Enfin, existe-t-il encore un ministère en province ?
Je le pense.
Forts de votre expérience parisienne et, pour ce qui me concerne, de mon expérience provinciale, nous aurons l'occasion de confronter nos points de vue sur ce sujet. Si nous vous avons remerciée d'être venue, Madame la directrice générale, c'est que nous avons souvent du mal à rencontrer votre ministère en province.
Quel est le bilan actuel des recours contre les décisions de transfert du réseau routier national d'intérêt local et contre les compensations financières accordées ?
À l'exception de certains départements d'outre-mer – pour des raisons complexes de « détricotage » du réseau – et de la Seine-Saint-Denis, où le processus a été décalé d'un an, tous les transferts ont été réalisés au 1er janvier 2006. Le décret initial a fait l'objet de douze recours en annulation puis de quatre autres recours. Le Conseil d'État les a tous rejetés. Nous avons rencontré le cas intéressant de départements déposant un recours tout en signant une convention, ce qui montre que certains conseils généraux ont estimé que le fait d'attaquer le processus au fond n'empêchait pas de continuer à essayer de gérer malgré tout le système.
Pour quel linéaire de routes nationales le choix reste-t-il à faire entre un département ou une commune ?
Nous avons déjà déclassé 500 kilomètres de ces routes – souvent des petites portions – et il reste 380 kilomètres. Le déclassement exigeant un accord de toutes les parties, il est possible que nous soyons obligés de passer de façon autoritaire par un décret en Conseil d'État. Ce n'est pas dans nos habitudes et nous nous efforcerons de l'éviter : nous préférons négocier.
À l'époque du transfert des routes nationales, on a insisté sur la nécessité de maintenir la cohérence du réseau national restant, tant du point de vue des itinéraires qu'en ce qui concerne les liens avec le réseau autoroutier. Il aurait dû s'agir d'un réseau structurant. Or il me semble qu'il reste encore quelques incohérences : certaines routes nationales restent en impasse. Est-il politiquement correct d'ouvrir ce dossier ? Comme se l'est demandé M. le Président, trouvera-t-on encore un interlocuteur sur ces questions d'aménagement et de maillage du territoire ? De plus en plus, les conseils généraux essaient de raisonner par itinéraires. Qu'en est-il au niveau national ?
Je le répète, nous privilégions la négociation. De ce fait, il est possible que les tronçons que vous évoquez résultent de négociations, donc d'accords politiques et non pas techniques.
Nous nous écartons certes de la gestion des personnels, mais vous comprendrez que les élus de terrain aient ces préoccupations. Quelle est désormais la capacité du ministère à entretenir les axes restés sous son autorité ? Prenons la nationale 134, qui relie la France à l'Espagne et qui intéresse quatre députés : Jean Lassalle, François Bayrou, Martine Lignières-Cassou et moi-même : tous les maires de communes de plus de 3 500 habitants situées sur son tracé ont été battus, de quelque bord qu'ils soient. Vous avez perdu une partie de vos effectifs. Le personnel assurant les capacités d'intervention se raréfie, de même que celui qui pourra analyser en amont les projets susceptibles d'améliorer le confort et la sécurité sur ces liaisons.
Par ailleurs, quels sont les critères retenus pour justifier le maintien de portions de routes dans le portefeuille de l'État ?
Ces questions s'écartent de celle des ressources humaines mais, au fond, elles n'en sont pas si éloignées : la décentralisation n'a-t-elle pas été trop poussée, au point que vous ne puissiez plus aujourd'hui intervenir sur ces voies ?
Je suis d'accord avec vous, M. le Président : nous nous écartons de la question des ressources humaines et je ne suis pas responsable des questions routières au sein du ministère. Mon sentiment de gestionnaire est qu'il ne faut pas confondre le fait d'être responsable d'un secteur et le fait d'assurer directement cette responsabilité.
Plutôt que l'exemple de la route du Somport, qui me semble un peu fragile, je prendrai celui de la route nationale reliant l'Autoroute blanche au tunnel du Mont-blanc. Cette voie, qui relie un axe international à une autoroute concédée, ne peut être départementale : il est normal qu'elle revienne à l'État. Cependant, comme elle dessert aussi Chamonix, elle n'est pas payante et ne peut être concédée. Nous avons pour le moment maintenu sur place les agents qui assurent l'entretien, les travaux d'amélioration et de sécurité, le déneigement, le blocage de l'accès en cas de risque d'avalanche, etc., mais on peut tout à fait imaginer de passer un accord d'entretien et d'exploitation, sous notre surveillance et notre responsabilité, avec les responsables de l'Autoroute blanche. La responsabilité de l'État et l'utilisation de ses moyens ne sont pas en cause : à terme, on sait bien que le maintien en exploitation directe n'est pas rentable.
Sans préjuger de ma qualification sur ces questions, je pense que ma réponse est techniquement correcte.
Ce qui nous amène à évoquer l'activité des directions interdépartementales et le dispositif que votre ministère met en place pour le suivi de ces différentes routes.
Avant cela, si vous le permettez, je souhaite aborder la question des effectifs des services centraux. D'après les conclusions de la mission d'audit, la décentralisation s'est accompagnée d'une forte réduction des effectifs déconcentrés du ministère, sans que, pour autant, les effectifs des services centraux aient diminué. Sans méconnaître l'ampleur des tâches normatives et techniques de ces services et leurs missions de contrôle et de régulation, quelles conséquences peut-on attendre de la décentralisation à ce niveau, en particulier à la direction générale du personnel et de l'administration, à la direction générale des routes et dans les services déconcentrés ?
S'agissant des directions interdépartementales des routes, qui ont désormais la responsabilité de l'exploitation du réseau routier non transféré, est-il possible de dresser un bilan ?
L'évolution des effectifs de l'administration centrale peut en effet surprendre, mais elle n'est pas forcément fonction de ce qui se passe sur le terrain. Depuis deux siècles, les cantonniers sont gérés au niveau départemental. Le ministère ne fait que décider du nombre d'agents dans chaque département. C'est le département qui assure le recrutement, la paye, la gestion, les mutations, les promotions, les sanctions, les mises à la retraite. Les circulaires de transfert nous ont donné beaucoup de travail et nous avons aussi examiné quelques recours. Au total, le transfert nous a plutôt compliqué la vie. L'administration centrale a perdu peu de cadres car ceux-ci étaient déjà partis en nombre en 1993. La direction générale du personnel n'a pas eu à déplorer – ou à saluer – une diminution de charge.
La direction générale des routes, quant à elle, n'a jamais eu pour rôle de passer des marchés ou de gérer au jour le jour le travail des DDE, mais de répartir des crédits dans le cadre d'une programmation et d'intervenir sur les décisions techniques. Si l'ADF et le Gouvernement ont considéré qu'il fallait transférer une grande partie des routes nationales d'intérêt local, c'est qu'ils considéraient que l'État ne s'y intéressait pas assez. Les tâches de programmation de la direction générale des routes, qui mobilisent un personnel restreint, n'ont pas diminué. De toute façon, il s'agit pour nous d'une petite structure : deux cents personnes, pour une administration centrale qui pilote autant d'investissements, ce n'est pas beaucoup.
Cette direction a augmenté ses effectifs pour deux raisons : on lui a demandé de gérer plus étroitement les concessions et les appels d'offres – le dernier rapport public de la Cour des comptes a formulé des recommandations fortes en ce sens – et on l'a chargé d'accueillir des inspecteurs généraux et des ingénieurs généraux des Ponts responsables d'audits techniques au Conseil général des Ponts et Chaussées. Le but de ce transfert de personnel est d'assurer une démarche de qualité permettant au maître d'ouvrage de piloter directement le processus. Pour ces raisons, l'augmentation de quarante agents en quelques années n'est qu'apparente.
Le réseau que le ministère a conservé sous sa compétence recueille 40 % du trafic quotidien alors qu'il ne représente que 1 % du linéaire national. C'est pourquoi le traitement par itinéraires s'imposait. Le temps de réaction aux incidents et les dispositifs de prévention se sont améliorés.
L'entretien des routes, qui faisait déjà l'objet de marchés, devrait continuer à fonctionner de la même manière. En revanche, nous avons beaucoup mutualisé les fonctions support, après les avoir mises en place comme on crée un service ex nihilo. À la différence de ce qui se passe dans le reste du ministère, les secrétariats généraux de ces directions ont été directement dimensionnés sur la commande de prestations et la gestion de proximité des agents, le back office étant transféré vers les secrétariats généraux des directions régionales de l'équipement. Tout en nous épargnant des dépenses inutiles, cela nous a permis d'éviter de nommer des agents sur certains postes alors que nous savions que nous engagions un processus de mutualisation très importante du back office.
Peut-on déjà tirer des enseignements de l'expérience de fusion des DDE et des DDA dans certains départements, dont celui du Lot ? Dans son discours de mardi, le Président de la République en a annoncé l'extension à toute la région Midi-Pyrénées. Comment avez-vous vécu les choses de votre côté et comment prévoyez-vous une éventuelle généralisation ?
Il me serait difficile de commenter les propos récents du Président de la République. La première fois que j'ai eu à travailler sur un projet de fusion entre DDE et DDA, c'était en juillet 1990. À l'époque, on considérait que c'était un enjeu très important. Nous avons presque réussi en 1996. Quand des perspectives d'expérimentation se sont à nouveau présentées, on s'est dit tant du côté de l'agriculture que du côté de l'équipement qu'on allait enfin y arriver. Ayant commencé ma carrière dans une DDE, je sais d'expérience que ces deux directions départementales, après avoir exercé des activités très différentes dans les années 1950 et 1960, période où leurs ingénieurs et leurs techniciens reconstruisaient la France, se sont de plus en plus souvent retrouvées sur des sujets communs – c'est ce qui s'est passé, par exemple, pour la police de l'eau ou pour la tenue des digues. Les formations initiales des agents sont complémentaires. Il était donc navrant que la structure de l'État nous oppose au plan local, alors que chacun sentait bien que les compétences devaient être réunies.
Même si les agents adhéraient intellectuellement à cette idée, la mise en oeuvre a soulevé de multiples questions, sans qu'il y ait pour autant de révolte. Nous avons fait le point sur les huit fusions il y a quelques mois et, hier encore, une réunion s'est tenue avec les syndicats pour discuter de la généralisation de la fusion en 2009 et 2010. Il reste encore beaucoup de points à résoudre en matière de gestion. Par exemple, l'agriculture organise deux cycles de mutations par an tandis que l'équipement en organise trois : quel système retenir, chacun estimant que le sien est le meilleur ?
Les fusions déjà réalisées étant récentes, il est difficile d'évaluer leurs résultats en termes d'amélioration des politiques publiques. Certains retours laissent néanmoins apparaître que nos partenaires ont remarqué des progrès, notamment en ce qui concerne les avis de l'État en matière urbanistique. Les prémices sont donc positives.
Les parcs de l'équipement, en tant que services à caractère industriel et commercial des DDE, assurent diverses prestations comme la gestion et la maintenance de véhicules ou d'engins de travaux ou bien encore des travaux routiers. Au motif que les commandes de l'État ne représenteraient plus qu'un quart de leur activité, leur transfert aux départements semble s'imposer.
La loi du 13 août 2004 n'a pas prévu ce transfert, dont l'échéance approche pourtant – la date du 1er janvier 2009 est-elle toujours d'actualité ? Quels sont les avantages et les inconvénients d'une telle solution ? Quelle évolution peut-on anticiper ?
Pendant tout le premier semestre 2007, nous avons sollicité l'avis de chacun des départements, sur l'avenir du parc local. En effet, chacun des parcs agit différemment. Alors qu'en Bretagne, ils travaillent beaucoup pour les communes, ailleurs, ils ne travaillent que pour l'État, ou le conseil général, voire les deux. Nous avons voulu mettre en place un transfert minimum, avec la possibilité de prendre en compte un éventuel accord local.
Au final, beaucoup de conseils généraux ont souhaité recevoir une partie des parcs plus importante que le minimum prévu.
Nous avons également travaillé sur le statut des agents, qui ne sont ni des contractuels, ni des fonctionnaires, pour créer une sorte de statut commun entre la partie collectivité et la partie État. Ces personnes ont en effet souvent reçu une formation technologique, et leur profil ne correspond pas aux concours classiques.
J'espère que cette idée continuera à prospérer, et que l'on pourra tenir le calendrier du 1er janvier 2009.
Après la décentralisation, les directions départementales de l'équipement étaient appelées à se recentrer sur quatre activités fondamentales : l'aménagement du territoire et l'urbanisme, l'habitat, le logement et les constructions publiques, l'environnement et les risques, enfin les transports, l'ingénierie et la gestion des risques.
Pouvez-vous confirmer ces orientations ?
Que se passe-t-il sur le terrain ? Quel bilan peut-on dresser du recentrage des activités des DDE ? Qu'en est-il en particulier de l'ingénierie concurrentielle, que le ministère devrait abandonner ?
Dans le domaine de la sécurité, quels types d'interventions les DDE sont-elles conduites à réaliser sur le réseau routier national ?
S'agissant des quatre activités fondamentales que vous venez de rappeler, les résultats montrent que ces choix étaient les bons. Bien sûr, on pouvait toujours faire de l'urbanisme ou de l'habitat pour le plaisir, mais il est préférable de le faire dans le cadre d'une politique de développement durable.
Il ne faut pas confondre l'ingénierie concurrentielle et l'ingénierie tout court. L'ingénierie concurrentielle a permis à nos entreprises privées, depuis une cinquantaine d'années, de se structurer. Au début, seul l'État détenait les compétences. Peu à peu les agents de l'État ont intégré des entreprises privées ou en ont créé. Le réseau technique a continué à faire profiter les services de l'État, les collectivités et les entreprises privées d'améliorations techniques. Si la France compte des entreprises privées qui sont parmi les premières mondiales en BTP, ce n'est pas par hasard. Il est évident aujourd'hui que nous sortons de ce domaine d'intervention. Nous remplissons davantage des missions d'assistance à maîtrise d'ouvrage que de maîtrise d'oeuvre.
Il faut distinguer trois niveaux dans l'ingénierie publique. Tout d'abord, elle permet de porter assistance aux petites communes qui n'ont pas d'entreprise privée à qui faire appel, ou qui hésitent à en contacter parce qu'elles craignent des surcoûts. Tant que la loi ne nous l'interdit pas, nous continuons l'ATESAT (assistance technique de l'État pour la solidarité et l'aménagement du territoire).
À l'autre extrémité, l'ingénierie permet de valider les calculs ou de composer la structure d'ouvrages comme le pont de Normandie. Nous avons aussi besoin d'une ingénierie de haut niveau, ne serait-ce que parce que les entreprises privées françaises s'appuient sur nous et sont très porteuses sur le plan international.
Reste, entre les deux, l'ingénierie concurrentielle classique, qui, reconnaissons-le, ne nous donne pas beaucoup de travail, aussi l'autorisation politique de nous désengager de ce secteur est-elle bienvenue, car nous subissions les pressions de l'AMF d'un côté, et des entreprises privées de l'autre. Bien sûr, nous accompagnerons les élus dans cette transition, par exemple en les aidant à faire venir des représentants de quelques entreprises privées si nécessaire. Dans ce cas, une part des gens qui accomplissaient ce travail sera rendue à l'État, et une autre pourra être redéployée en fonction des besoins du ministère.
Se pose aujourd'hui la question du maintien de l'État dans le contrôle des installations classées. Le débat sur le transfert au privé de l'analyse des dossiers d'installations classées n'a pas encore été tranché. Combien de personnes seraient concernées par l'abandon de cette mission ? Des craintes ont-elles été exprimées par les industriels concernés ?
Cette question est très éloignée de mon champ de compétences, et je ne pourrai pas vous donner de chiffres. Je ne connais pas davantage la position du ministère sur ce sujet, mais à titre personnel, en tant qu'ingénieur, je ne serais pas rassurée de voir le contrôle des installations classées intégralement abandonné au privé.
Non car, je vous le rappelle, je suis en charge du personnel. Je peux juste vous dire que, la réorganisation des DDE datant d'un an et demi, elle est en train de prendre. Les postes sont attractifs, et il n'a pas été difficile de les pourvoir.
Même s'il a été traumatisant pour les DDE de perdre les routes, la moitié des agents ne travaillaient pas sur ce sujet mais sur ceux qu'on leur demande d'aborder aujourd'hui, ce qui a facilité la transition. C'est plutôt le déménagement qui les a déstabilisés.
Je comprends bien qu'en tant que directrice des ressources humaines, vous ne puissiez répondre à ces questions, mais nous avons besoin de mesurer l'efficacité de l'action publique sur le terrain.
S'agissant ainsi du recentrage des personnels, les maires des milieux ruraux se plaignent aujourd'hui de perdre une demi-journée de travail chaque fois qu'ils déposent un permis de construire, du fait de la centralisation des services d'instruction des documents d'urbanisme à la préfecture ou la sous-préfecture. Les maires le vivent comme un transfert de responsabilité, car les agents susceptibles de répondre aux administrés ne sont plus sur place. Ils se retrouvent donc à jouer les médiateurs, ce qui demande du temps et des compétences.
S'agissant des DRIRE et des PPRT (plans de prévention des risques technologiques), 400 sites en France sont aujourd'hui susceptibles de faire l'objet d'un PPRT, mais seuls deux ont été acceptés et signés. Si l'on se limite à une discussion sur les effectifs et les ressources humaines, l'on ne pourra pas mesurer la pertinence ou les difficultés d'application des décisions prises par le Parlement. Je souhaite que sur l'ensemble de ces questions, nous recevions des personnes qui puissent nous faire part de leur expérience et nous répondre sur l'efficacité de l'action publique.
S'agissant des conséquences de la réforme du MEEDDAT sur la maquette budgétaire, les différentes activités du MEEDDAT seront-elles regroupées dans une même et unique mission ? Le nombre de programmes et leur périmètre seront-ils modifiés ? Par ailleurs, le développement durable étant la mission centrale du ministère, de nouveaux indicateurs de performance seront-ils mis en place pour mesure les progrès réalisés dans cette direction ?
Nous avons dû construire rapidement le budget 2008 car nous n'avons connu que très tard la structure du ministère. Tout en respectant une certaine continuité de gestion pour pouvoir au moins payer les fournisseurs et les agents, nous avons procédé par étapes communes avec la réorganisation du ministère. Le ministre nous ayant donné des instructions sur les grandes directions, nous avons proposé une maquette dans laquelle les programmes rejoignaient ces thèmes.
À peu de choses près, tout est regroupé dans une seule mission, qui pourrait s'intituler Écologie, développement et aménagement durables. En revanche n'y figurent pas les programmes de recherche qui sont censés se retrouver dans la mission interministérielle de la recherche et de l'enseignement supérieur, non plus que les crédits des comptes d'affectation spéciale ou des budgets annexes. L'on s'interroge sur les missions de régimes sociaux et de retraite : doit-on intégrer la partie SNCF ou reste-t-elle dans le régime de retraite ? En tout état de cause, ce ne serait qu'un déplacement d'écritures, et non un problème de fond.
Cette maquette n'est pas encore validée par le ministre, car des questions de frontières, soulevées par Bercy, se posent encore, mais elles devraient être rapidement résolues.
Le rapport de la mission d'audit de modernisation appelle à une gestion partenariale de certaines ressources entre l'État et les collectivités locales. L'exemple de l'application de la LOLF témoigne du bien-fondé de cette recommandation.
Le programme n° 203 Réseau routier national tend à améliorer le niveau de sécurité et de qualité du réseau routier national, à moderniser ce réseau en maîtrisant les dépenses, à l'entretenir et à l'exploiter au meilleur coût. Neuf indicateurs permettent de jauger l'efficience des actions mises en oeuvre à cet effet.
Après le transfert de 18 000 kilomètres de routes nationales aux départements, on comprend la difficulté devant laquelle la MEEDDAT se trouve pour donner une image complète de l'état du réseau routier dans notre pays et de l'efficience de l'action des pouvoirs publics, nationaux ou territoriaux. L'on peut se demander s'il ne serait pas nécessaire d'inventer de nouveaux indicateurs globaux.
Comment développer des indicateurs synthétiques du niveau de sécurité et de qualité de l'ensemble du réseau routier national et départemental, et d'autres indicatifs relatifs aux coûts de son développement et de sa modernisation ?
Nous disposons déjà d'indicateurs de qualité de service et de coût économique, qui reposent sur une démarche développée il y a une trentaine d'années pour intégrer dans des indicateurs globalisants la valorisation de l'état réel d'une chaussée ou de l'état réel d'un ouvrage d'art. On peut soit procéder par dépréciation d'amortissement, ce qui n'est pas évident car les ouvrages d'art se vendent très peu, soit évaluer le coût de l'usure au sens de remise au niveau initial, ce qui est techniquement plus réalisable. Il faut cependant tenir compte de l'évolution des méthodes qui permettent aujourd'hui un entretien à moindre coût qu'à la date de construction. Heureusement, nous disposons d'un historique d'une trentaine d'années de l'évolution des chaussées et des ouvrages d'art, et nous avons réalisé avec la Cour des comptes un important travail sur la valorisation du patrimoine et l'évolution de son état.
Nous avons par ailleurs lancé, ces dernières années, des enquêtes de satisfaction auprès des usagers, car un ingénieur peut être content d'une route alors qu'elle ne convient pas aux automobilistes.
S'agissant en revanche des collectivités, qui sont de libre administration, je ne sais pas comment leur faire remplir des indicateurs dont elles ne voudraient pas.
Le réseau scientifique et technique de l'équipement joue un rôle clé pour la sécurité des infrastructures de transport, mais aussi pour l'innovation et le développement de l'expertise nationale dans ce domaine.
Pour améliorer la gouvernance de ce réseau, peut-on envisager le regroupement de ces moyens d'étude au sein d'un établissement public commun à l'État et aux collectivités territoriales ?
Nous avons déjà commencé à travailler avec les collectivités sur les différents modes de co-gouvernance, aussi bien pour les écoles de formation que pour les établissements publics – nous veillons toujours, lorsque nous les créons, à réserver dans les conseils d'administration ou les conseils d'orientation, des places aux représentants des collectivités territoriales.
Cependant les règles européennes de la concurrence ne permettent de s'adresser à un établissement public qu'à condition que l'on en détienne la majorité des intérêts et qu'il travaille majoritairement pour vous. Si l'on doit systématiquement lancer un appel à la concurrence, on perd l'intérêt de la simplicité. Prenons une idée technique à tester, par exemple un nouveau béton : il faut un pont, donc un maître d'ouvrage qui accepte le risque. Si on lance un appel d'offres, les entreprises voudront qu'on leur paye, en plus du pont, la prise de risque ! Il serait beaucoup plus simple de rester en gestion interne.
En revanche, le réseau technique doit être le plus accessible possible à l'ensemble des collectivités. On sait le faire, il n'est pas besoin d'une nouvelle structure. Ainsi, le service d'étude technique des routes et autoroutes a mis en place, depuis vingt ou trente ans, un groupe de travail avec des ingénieurs des villes de France et les directeurs des services techniques des départements, pour travailler sur les problèmes pratiques des routes qui ne sont pas nationales. Nous avons besoin de techniques de réparation et de construction pas trop chères, stables, qui s'inscrivent aussi dans une politique de développement durable (utiliser ainsi des matériaux locaux). Nous y arrivons pour tous les travaux sur les très gros ouvrages, mais nous devons formaliser et élargir davantage ce dispositif.
La question de la productivité des services des collectivités territoriales comparée à celle des services correspondant de l'État est controversée. Certains documents font état d'une productivité inférieure, d'autres non. Certains expliquent la croissance forte des effectifs des collectivités territoriales enregistrée dans les domaines de la voirie et des transports par un retard de productivité. Qu'en pensez-vous ? Quels types de services et quelles fonctions seraient concernés ?
Au-delà de ces appréciations, quelles suggestions pouvez-vous faire, par exemple en matière de formation ou de détachement, pour que les services de l'État et leurs homologues des collectivités territoriales progressent ensemble en technicité et en efficacité ?
C'est une question piège ! Sur la comparaison des taux de productivité, la Cour des comptes dispose sans doute de plus de données que moi. La réponse peut d'ailleurs varier selon que l'on mesure la productivité en actes produits ou en qualité des actes produits. Le contrôle de gestion impose de mesurer, non seulement ce qui a été dépensé, mais aussi la qualité de ce qui a été produit, ce qui est moins évident. Par exemple, lorsque l'on sépare les réseaux routiers, on perd des économies d'échelle, mais on gagne en qualité de service rendu.
S'agissant par ailleurs du détachement de nos agents, ou de la fonction publique territoriale, les recrutements d'ingénieurs ou de techniciens n'ont jamais été dimensionnés en fonction des seuls besoins de l'État. Il a toujours été tenu compte des besoins des collectivités locales ! Si l'on peut continuer à les alimenter, c'est bien parce que l'on continue de recruter !
Quant à la formation, nous avons essayé, voici une quinzaine d'années, de mettre en place un cycle de formation à l'École nationale des travaux publics de l'État pour que des élèves qui se destineraient à la fonction publique territoriale puissent suivre le même cycle que les autres. Malheureusement, la sortie de l'école avait lieu deux ou trois mois après la date du concours, et les ingénieurs TPE, qui avaient besoin de travailler dix mois en attendant de passer le concours, finissaient par intégrer le privé qui les paye davantage. Nous avons donc travaillé avec la DGCL et le CNFPT pour créer un concours prépayé par le CNFPT, une sorte de pré-embauche. Idem pour les techniciens.
Merci, Madame, de vos réponses. Nous avons bien conscience que le thème de travail que nous avons choisi d'aborder est en perpétuelle évolution, comme en témoigne le changement de périmètre du ministère. Si certaines de nos questions ont pu vous sembler déborder du sujet, c'est que nous relayons les préoccupations qu'expriment nos concitoyens sur le terrain.
Par ailleurs, la composante Aménagement du territoire, aujourd'hui intégrée à votre ministère, nécessitera sans doute une nouvelle journée d'auditions.
Tout comme un ministre peut porter un jugement sur des parlementaires, ces derniers peuvent juger de l'action d'un ministère. Nous essaierons d'auditionner un préfet, un représentant d'une DDE, d'une DRIRE, un président de conseil général, un maire, sur l'ensemble des thématiques aujourd'hui suivies par le MEEDDAT, afin de visualiser ce que représente votre ministère au niveau local. Pendant toute la campagne des dernières législatives, j'ai évoqué localement la disparition de votre ministère – je parle du ministère de l'Équipement. À 800 kilomètres, c'était peut-être un effet d'optique. Nous verrons si d'autres ont eu le même sentiment. Au-delà des ressources humaines, nous devons mesurer l'efficacité de cette réorganisation des services au regard de l'action publique, c'est-à-dire du service rendu aux collectivités comme aux citoyens.
Merci, Madame, de votre intervention.