La Commission examine la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les mécanismes de spéculation affectant le fonctionnement des économies (n° 2577), sur le rapport de M. Henri Emmanuelli, Rapporteur.
Je donne la parole à M. Pierre-Alain Muet, qui supplée le Rapporteur, empêché.
Depuis la réforme du Règlement de l'Assemblée nationale du 27 mai 2009, chaque groupe d'opposition ou minoritaire peut demander une fois par session ordinaire, à l'exception de celle précédant le renouvellement de l'Assemblée, qu'un débat sur une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête soit inscrit d'office à l'ordre du jour de la séance publique au cours d'une séance de la première semaine réservée par priorité au contrôle.
Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et apparentés a demandé l'inscription à l'ordre du jour de la proposition de résolution n° 2577 de M. Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe SRC tendant à la création d'une commission d'enquête sur les mécanismes de spéculation affectant le fonctionnement des économies.
Cette proposition de résolution est aujourd'hui soumise à notre examen. Elle est inscrite à l'ordre du jour de la séance publique de l'Assemblée nationale le 24 juin 2010, dans une semaine.
Le rôle de la Commission saisie de toute demande de commission d'enquête est défini par l'article 140 du Règlement de l'Assemblée nationale. Conformément à ses dispositions, j'évoquerai l'opportunité de créer une commission d'enquête sur le sujet qu'elle vise avant d'examiner la recevabilité de la proposition au regard du droit parlementaire.
La crise grecque a mis en évidence des pratiques sur lesquelles il convient d'enquêter. En pariant sur l'insolvabilité de l'État, de nombreux acteurs des marchés financiers ont réalisé de juteuses opérations spéculatives en vendant massivement des bons du Trésor grecs, souvent à terme et à découvert. Réalisée sur des marchés peu transparents grâce à des produits sophistiqués détournés de leur usage premier, cette spéculation est déstabilisante pour les économies européennes et mondiales. Elle a contribué à la chute des cours de l'euro.
Devant l'insuffisance de l'action conduite à l'échelle européenne et de notre pays, c'est au Parlement qu'il appartient d'agir en examinant les mécanismes spéculatifs qui ont conduit aux événements évoqués et en prenant les mesures législatives appropriées pour mettre fin à des pratiques qui mettent en péril les équilibres économiques internationaux.
Plus largement, il est du devoir du Parlement de s'interroger sur la légitimité de laisser certains acteurs financiers récemment sauvés in extremis de la faillite par des interventions s'appuyant sur des injections massives de fonds publics, spéculer sans aucune entrave sur la fragilisation d'États ayant participé à leur sauvetage.
Pour qu'une commission d'enquête puisse être créée, trois conditions doivent être réunies :
– d'abord, la proposition doit déterminer avec précision les faits qui donnent lieu à enquête ;
– ensuite, elle ne doit pas succéder à une autre commission d'enquête ayant eu le même objet dans un délai de moins de douze mois ;
– enfin, il ne doit pas y avoir d'instruction judiciaire sur les faits qui donnent lieu à l'enquête.
Pour ce qui est de la précision des faits qui donneraient lieu à enquête, le dispositif de la proposition de résolution ne pose pas de problème particulier.
Il s'agit de « connaître les conditions exactes dans lesquelles se sont développés les mécanismes de spéculation affectant le fonctionnement des économies, notamment ceux qui déstabilisent la monnaie et les titres souverains européens. »
Si l'objet de la commission d'enquête ne fait pas explicitement référence à la crise spéculative qui a frappé en premier lieu la Grèce, nul doute que ces faits seront à l'esprit des membres de la commission d'enquête. Mais en ne mentionnant pas explicitement la crise en question, les auteurs de la proposition de résolution préservent la possibilité d'enquêter sur toute autre attaque spéculative déstabilisant « la monnaie et les titres souverains ». Chacun sait que la spéculation est à l'affût et que d'autres pays, demain, peuvent en être les victimes.
Deuxième condition : l'absence de travaux similaires au cours des douze mois écoulés. Sur les faits visés par la proposition de résolution, malgré l'actualité du sujet, l'Assemblée nationale n'a constitué ni commission d'enquête ni mission d'information. La deuxième condition est donc remplie.
Troisième condition : l'absence d'instruction judiciaire. Par une lettre en date du 16 juin 2010, la Garde des sceaux, ministre de la justice, a fait savoir au Président de l'Assemblée nationale qu'à sa connaissance, « aucune poursuite judiciaire n'a été engagée sur les faits ayant motivé le dépôt de cette proposition ».
Aucun élément de droit ne s'oppose donc à la création de la commission d'enquête.
La Commission adopte la proposition de résolution.
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