Nous accueillons aujourd'hui M. Paul Rivault, président du pôle Mobilité et transports avancés (MTA) ; M. Jacques Lacambre, président du pôle Mov'eo ; Mme Sylvie Faucheux, présidente de l'Université Versailles-Saint-Quentin et vice-présidente du pôle Mov'eo ; M. Gérard Yahiaoui, vice-président du pôle Mov'eo chargé des PME ; M. Serge Gregory, délégué à la direction des relations extérieures de PSA-Peugeot- Citroën, secrétaire du bureau de Mov'eo et membre de son conseil d'administration.
Je leur souhaite la bienvenue et les prie d'excuser le retard, dû à un vote par scrutin public, avec lequel nous engageons cette audition relative aux perspectives des pôles de compétitivité.
La Mission d'évaluation et de contrôle s'attache à établir le rapport le plus objectif possible. Trois rapporteurs animent ses travaux : M. Jean-Pierre Gorges, pour la majorité, et M. Alain Claeys, pour l'opposition, tous deux rapporteurs spéciaux de la commission des Finances sur la recherche, auxquels se joint M. Pierre Lasbordes, désigné par la commission des Affaires économiques.
Nous bénéficions traditionnellement du concours de la Cour des comptes, que M. Jean-Yves Marquet, conseiller référendaire à la deuxième chambre, représente aujourd'hui. Toutefois, la Cour ayant en cours un contrôle des pôles de compétitivité dont la procédure contradictoire n'est pas achevée, la présence de M. Marquet sera silencieuse.
Il nous a paru intéressant de vous entendre ensemble après que, dans ses conclusions, une mission d'audit a recommandé le regroupement des pôles Mobilité et transports avancés (MTA) et Mov'eo. Vous nous direz où en est ce rapprochement et la forme qu'il prend mais, au préalable, j'aimerais savoir ce qui, selon vous, a bien fonctionné et ce qui a moins bien fonctionné au sein du pôle MTA, à quelles difficultés vous vous êtes heurtés – en bref, ce qui a conduit la mission d'audit à formuler cette recommandation. Pourquoi le pôle MTA n'a-t-il pu atteindre seul les objectifs qu'il s'était assignés ? Que peut apporter à Mov'eo une collaboration renforcée avec MTA ?
Je ne sais si l'on peut parler de mauvais fonctionnement car le pôle MTA a démarré normalement et il a fait son travail. Cela étant, notre secteur d'intervention était très strictement limité sur le plan technique mais très vaste en volume. Pour résumer l'audit, notre grand point faible est de ne pas avoir disposé, autour de nous, d'un tissu industriel suffisant pour développer nos travaux, qui portaient sur la motorisation électrique pour les véhicules électriques et hybrides. Outre cela, les laboratoires de recherche avec lesquels nous travaillions ont des centres d'intérêt beaucoup plus larges que les seuls secteurs de pointe de notre compétence. En réalité, il y avait un problème d'échelle entre le sujet que nous devions traiter et l'industrie automobile, dont le volume est considérable.
Si je vous ai bien compris, les laboratoires de recherche n'étaient pas concentrés sur les seules thématiques de votre compétence et les PME n'étaient pas au rendez-vous. En revanche, les grands groupes automobiles étaient, eux, très présents.
Ils étaient en effet très actifs et ils continuent de l'être.
Au point que, par le biais des dossiers destinés à l'Agence nationale de la recherche, certains grands groupes passaient par le comité d'éligibilité sans forcément tenir compte de l'implantation territoriale…
Pour Mov'eo, les choses ont été à la fois semblables et différentes. Semblables car il s'agit d'un pôle d'action locale thématique, et différentes en ce que Mov'eo a pour avantage d'être issu d'une fusion et implanté dans trois régions – les deux Normandies et l'Île-de-France – qui concentrent à elles seules les deux tiers des capacités de recherche dans son domaine de compétence. Nous avions donc une bien plus grande facilité que le pôle MTA à mobiliser sur notre territoire les compétences nécessaires à nos projets. Nous avions par ailleurs avec MTA une sorte de gentlemen's agreement tel que les thèmes de recherche étaient répartis entre nous mais, notre base de recherche et développement étant supérieure à la leur, notre taille était supérieure. De plus, la présence au sein de notre pôle de deux grands constructeurs automobiles – PSA et Renault – et de grands équipementiers – dont Valeo – nous a fait ressentir la nécessité de préparer l'électrification de la propulsion des véhicules.
Quel nouveau schéma d'organisation proposez-vous pour répondre à la demande de fusion qui vous a été faite ?
Depuis que l'on a parlé de rapprochement, nous avons essayé de fonctionner comme un ensemble cohérent. Depuis le 1er janvier 2009, nous avons donc joint nos thèmes de recherche et nos équipes, nous travaillons ensemble et nous avons commencé à prendre en compte les besoins et les compétences de la Région Poitou-Charentes.
Un accord d'intention a été signé entre les deux présidents, qui tend à l'intégration des équipes et à la redéfinition du périmètre d'activité. S'agit-il d'une fusion, d'un élargissement ou d'une intégration ? Je ne sais, mais le nouvel ensemble fonctionne bien.
J'ajoute que MTA avait été créé dans la continuité du Centre d'études et de recherches sur les véhicules électriques et hybrides – le CEREVEH –, qui existait depuis 1999.
La composante « aménagement du territoire » a eu une forte incidence dans la constitution des pôles de compétitivité. C'est ainsi que, au départ, les mêmes activités ont pu être implantées dans des territoires distincts au nom de l'aménagement du territoire. Pourtant, il apparaît donc maintenant qu'un même pôle peut fonctionner harmonieusement sur des territoires distincts, que les domaines de recherche soient identiques ou non.
Pourriez-vous nous dire en quoi consiste le travail quotidien d'un responsable de pôle ?
Les pôles de compétitivité ont tous un volet « recherche et développement » destiné à préparer l'évolution de l'activité économique. C'est l'une des activités des responsables de pôles, pôles dont les adhérents sont pour l'essentiel des entreprises et des laboratoires publics et privés ; l'utilité de ces structures est de faire travailler tous ces gens ensemble et de permettre la continuité de l'action.
Tout responsable de pôle doit aussi chercher à ancrer des activités de recherche favorables à l'émergence de pôles locaux d'excellence. À cet égard, Mov'eo a eu la chance que préexiste le technopôle du Madrillet, près de Rouen ; nous avons par ailleurs une implantation assez forte à Vélizy-Saint-Quentin, où sont situés les pôles de recherche des constructeurs. Tout cela nous permet d'avoir des projets de développement territorial. Enfin, le responsable d'un pôle de compétitivité est aussi chargé de définir des « plans de progrès » pour l'ensemble des activités.
La mission d'audit a porté sur Mov'eo une appréciation globalement positive, relevant cependant une faiblesse, s'agissant des PME. Il nous revient donc de progresser en ce domaine pour que les PME tirent le plus grand bénéfice possible de leur adhésion au pôle. Nous avons aussi pour ambition de développer les compétences, en coopération étroite avec l'Université de Versailles-Saint-Quentin, dont la présidente, Mme Sylvie Faucheux, est vice-présidente de Mov'eo. Enfin, Mov'eo est impliqué dans des plans transversaux qui portent sur le développement international, les PME et l'intelligence économique.
Madame la présidente, quels rapports se sont instaurés avec l'Université de Versailles-Saint-Quentin quand il s'est agi de déterminer les thèmes de recherche utiles au pôle ?
Au cours des auditions auxquelles nous avons procédé, il est apparu que les PME ont parfois du mal à s'insérer entre les grands groupes et les laboratoires de recherche. Qu'en pensez-vous ? La nécessité de partager la propriété intellectuelle constitue-t-elle un élément de blocage ?
L'Université de Versailles-Saint-Quentin participant à cinq pôles de compétitivité, il m'est facile d'observer des différences de fonctionnement. Au contraire de ce que j'ai pu constater lors de la création de très grands pôles dont les adhérents venaient en quelque sorte « faire leur marché » à l'Université, il y a eu au sein de Mov'eo, dès l'origine, une collaboration entre recherche publique et recherche privée, et le rapprochement s'est fait en tenant compte des compétences respectives, en fonction des travaux menés par les chercheurs.
Oui, mais la constitution du pôle a créé un cadre propice à la recherche en permettant l'intervention de chercheurs d'autres spécialités lorsqu'elle paraît utile à certaines phases des travaux. De même, le pôle a cela d'intéressant qu'il permet de développer des formations en adéquation avec les activités de recherche, et c'est ce qui nous a poussés à mettre en place la labellisation des formations. L'intérêt particulier du pôle Mov'eo est d'avoir permis, à partir de la relation initialement instaurée avec l'Université, de développer bien plus d'activités de recherche et de formation que celles qui avaient été imaginées au départ. Au surplus, la participation à Mov'eo, qui suscite une très forte adhésion au sein de l'Université de Versailles-Saint-Quentin, nous a permis de développer et renforcer nos partenariats avec d'autres acteurs de la recherche publique, permettant de facto la constitution d'un cluster.
Au départ, cela n'a pas été facile, et notre première tâche a consisté à nous assurer que les PME étaient représentées dans toutes les instances de décision du pôle – au bureau, dont deux membres sur sept représentent les PME, au comité de labellisation, ainsi que dans les domaines d'activités stratégiques (DAS). C'est fait, et de manière exemplaire : il n'existe rien d'aussi formalisé dans les autres pôles de compétitivité. Ainsi, les PME, qui auraient pu être oubliées, ne le sont nullement ; d'ailleurs, la proportion des subventions qui leur est allouée a dépassé 18 % de l'ensemble des subventions.
Au départ, les PME adhérentes à Mov'eo avaient un lourd handicap, car l'industrie automobile est, comme on le sait, structurée en très grands groupes. D'autres pôles de compétitivité sont quant à eux constitués autour de PME.
C'est effectivement le cas de quelques-unes, mais il s'agit en majorité d'entreprises d'innovation : par exemple une société qui exploite le plus petit accélérateur de particules du monde pour changer les propriétés des matériaux. Les PME sont bien adaptées, face aux grands groupes, pour utiliser de telles innovations. Cela nous a conduits à créer Mov'eo Make or buy – la Lettre des PME du pôle de compétitivité Mov'eo –, un outil de communication qui vise à faire connaître, tous les trois mois, aux grands industriels, français notamment, les innovations prêtes à l'emploi. Il est en effet regrettable qu'ils ignorent souvent les productions, pourtant vendues à l'étranger, des PME françaises innovantes.
Les brevets sont un de nos points faibles, car nous n'avons pas, pour l'instant, de retours systématiques. J'espère que nous aurons corrigé le tir d'ici à quelques mois.
Les pôles de compétitivité ont été créés pour labelliser des projets. Il y faut un semestre environ, puis un peu moins d'un an entre la labellisation et le moment où tous les contrats sont signés, et c'est alors que le projet démarre. Les projets labellisés il y a trois ans ont donc démarré il y a deux ans, et sur ceux-là nous n'avions pas de retours systématiques. Les nouveaux contrats signés avec les porteurs de projets établissent désormais clairement que le pôle est associé à toutes les phases de développement.
Le pôle ne gère pas cette question, mais chaque projet fait l'objet d'un contrat, dans lequel la propriété intellectuelle est un volet important.
Pas encore. J'ai suggéré à la Caisse des dépôts et consignations la création d'un fonds destiné à aider les PME innovantes françaises à déposer des brevets dans les mêmes conditions que leurs homologues américaines.
Le fait que le pôle Mov'eo compte en son sein les deux mastodontes que sont les principaux constructeurs automobiles français facilite-t-il les choses ? Sont-ils partageurs ?
Au cas par cas, nous ne rencontrons guère de difficultés en matière de propriété intellectuelle.
Nous sommes en train de réfléchir à une nouvelle charte, contenant une trame d'accord de consortium, qui sera systématiquement proposée aux partenaires désireux de monter un projet.
Les deux grands groupes automobiles français étant en compétition, ils n'ont évidemment pas envie d'ouvrir leur portefeuille de R & D stratégique à leur concurrent.
En pratique, non, car il est assez rare que les deux groupes participent à un même projet.
Pour certains projets, portant sur des activités qu'ils jugent « pré-compétitives », PSA et Renault s'investissent ensemble ou se tiennent au courant. Dans un souci de confidentialité, il arrive cependant qu'un industriel demande à ce que ses concurrents ne lisent pas son projet à des fins d'expertise.
Quels avantages les grands groupes retirent-ils des pôles de compétitivité et des possibilités de financement ?
Franchement, à leur échelle, les possibilités de financement sont modestes.
Au total, 70 millions d'euros.
Pour les grands groupes, l'intérêt est double : s'appuyer sur un réseau de laboratoires et de PME ; concentrer des compétences sur des plates-formes afin de créer de l'excellence sur un sujet particulier.
Quand une innovation est susceptible d'être mise sur le marché et de générer un chiffre d'affaires rentable, il peut être opportun de mobiliser du capital privé sur les recherches. À cet égard, nous réfléchissons au développement des contacts avec des investisseurs.
En tout cas à être à l'interface entre la fin de projet et la mise sur le marché.
La France accuse un vrai retard en matière de capital-risque et de business angels. PME, laboratoires publics et grands groupes, nous partageons tous cette préoccupation, dans la perspective de créations de start-up mais aussi dans une optique de formation.
Il manque vraiment un fonds d'investissement. Le mal français est le saupoudrage, qui s'explique par la difficulté à évaluer un projet technologique. Les fonds français sont peu nombreux, ils investissent peu et, quand ils investissent, c'est de petites sommes. Pour sécuriser les investissements, il faudrait créer un collège d'experts, regroupant tous les scientifiques d'un domaine, les grands industriels et de nombreuses PME.
Comment le rapprochement envisagé permettra-t-il à MTA de réaliser, sur son territoire, la même chose que Mov'eo ? L'opération a-t-elle un sens si les activités restent localisées sur deux territoires ?
Comment vous organiserez-vous pour que les territoires bénéficient d'un « retour » tout en garantissant la compétitivité du pôle ?
La question est importante car il est possible que notre fusion, ou notre rapprochement, serve d'exemple pour d'autres pôles.
MTA est situé dans une petite région, pourvue d'un tissu industriel faible. Nos DAS étant extrêmement précis, très liés aux véhicules propres électriques et hybrides, une partie significative du potentiel de recherche de Poitou-Charentes était laissée de côté.
Le premier effet positif du rapprochement est que MTA devient l'ambassadeur des compétences du Poitou-Charentes en matière de recherche-développement vis-à-vis de PME industrielles extérieures à la région. Les possibilités de travail offertes aux laboratoires de Poitou-Charentes seront bien meilleures, notamment en matière de détonique, de motorisation et de combustion interne. Des actions concrètes ont d'ailleurs déjà débuté.
Des laboratoires de l'université de Poitiers travaillent sur des thématiques très concordantes avec les domaines d'activité de Mov'eo.
Les laboratoires, qui étaient demandeurs, se montrent satisfaits de l'ouverture en cours.
Sur les sites de La Rochelle et du Futuroscope, il est envisageable de travailler à la validation de nouveaux modèles de véhicules.
Globalement, oui. Il est notamment intéressant que nous ayons été conçus à l'échelle de trois régions. Au départ, les laboratoires normands craignaient que l'Île-de-France n'accapare tout ; deux ans et demi plus tard, ils constatent que leurs compétences sont reconnues, que leur place dans le dispositif est claire et qu'ils en ont tiré des bénéfices importants. Le même phénomène aura lieu en Poitou-Charentes, je suis à cet égard extrêmement confiant.
Pour obtenir des retombées sur un territoire, il faut donc adopter une démarche dépassant ce territoire ?
Dans les domaines de l'automobile et des transports, les industries sont globales. Une organisation n'a donc un avenir que si elle se montre excellente. En conséquence, l'existence d'un pôle appuyé sur un tissu territorial constitue un atout dans les deux sens : nous puisons dans les compétences locales et nous facilitons leur accès à un réseau global.
La constitution d'un pôle unique devrait protéger les implantations locales. La situation précédente était peut-être dangereuse.
Sur les thématiques, il aurait pu y avoir un problème.
Le fait est que les deux pôles n'avaient ni la même maturité ni les mêmes dimensions.
Estimez-vous que la France, entre la recherche fondamentale et les applications technologiques, souffre d'une faiblesse en matière de financement de la modélisation ?
Oui, mais les torts sont partagés et les pôles de compétitivité peuvent contrecarrer le problème. Ils créent une culture de mise en relation : les laboratoires publics, qui se sont longtemps intéressés à la recherche fondamentale sans se préoccuper de ses retombées, raisonnent désormais aussi en termes d'utilité technique et sociale de leurs recherches. Simultanément, alors que les grands groupes industriels, et plus encore les PME, éprouvaient des difficultés à entrer dans les grands laboratoires de recherche fondamentale publique, les pôles de compétitivité fluidifient le système.
Oui. Mais l'un des problèmes français est l'insuffisance de docteurs dans l'industrie.
C'est une évidence. J'avais d'ailleurs présenté un amendement sur le sujet, mais sans parvenir à le faire adopter.
Les chiffres montrent que les grandes écoles fournissent davantage de docteurs à l'industrie que les universités.
La délivrance de doctorats par les grandes écoles est très récente ! Les docteurs de l'université sont formés pour rester dans le secteur public. Aux États-Unis, où n'existe pas cette dichotomie entre universités et grandes écoles, le passage entre l'entreprise et le secteur public, entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée, est beaucoup plus aisé. Les pôles de compétitivité peuvent aider à résoudre le problème français.
Deux problèmes doivent être résolus : la place des grandes écoles dans l'enseignement supérieur et la valorisation de la fonction de docteur.
Mov'eo mis à part, quelles relations entretenez-vous avec les pôles de compétitivité ?
Avec les autres gros pôles, les rapports sont inégalitaires. Je l'ai dit, ils viennent « faire leur marché » : les grands groupes industriels qui y adhèrent définissent seuls les thématiques de recherche et font appel à tel ou tel. Dans le cadre de Mov'eo, au contraire, les thématiques de recherche ont été construites de concert. En outre, Mov'eo est le seul pôle à s'être préoccupé d'emblée des questions de labellisation des formations. Enfin, je suis vice-présidente de Mov'eo, alors qu'aucun président d'université n'occupe cette fonction dans aucun autre pôle.
Je reviens sur les confrontations entre MTA et Mov'eo, qui auraient pu intervenir faute de rapprochement. L'industrie automobile s'intéresse à l'électrification de la propulsion ; or MTA avait pressenti cette évolution et Mov'eo n'aurait pu rester à l'écart. Il en va de même pour l'étude du système réunissant transport individuel et transports collectifs. Dans ces deux domaines, le regroupement des forces est de loin préférable.
Le fait que les pôles offrent aux entreprises un accès à des infrastructures, comme le laboratoire d'essai du pôle MTA, dans des conditions très favorables ne risque-t-il pas d'être considéré comme une entrave à la concurrence ?
Je ne le pense pas. Que les équipements soient publics ou privés ne change pas réellement les conditions de concurrence. Sur le site de Versailles-Satory, nous avons un projet de plateforme pour les véhicules électriques et hybrides. Les deux constructeurs français, qui étaient partis pour s'équiper chacun de son côté, se sont entendus : ils s'informeront respectivement un petit peu sur les moyens développés en propre, détermineront les moyens mis en oeuvre sur la plateforme et seront clients de celle-ci pour les activités qu'ils souhaiteront. Mais cette plate-forme ne fonctionnera pas uniquement à leur profit : elle servira aussi aux laboratoires et aux PME. Je ne crois donc pas que les intérêts des différents acteurs du pôle entreront en conflit.
Pour que la fusion entre les deux pôles soit homothétique, MTA a prévu de séparer les activités laboratoire d'essai et projet. Nous travaillons actuellement à une solution indépendante et rentable pour notre laboratoire d'essai, à l'instar de celui de Mov'eo.
Au vu du classement qui a été opéré par le rapport d'audit, serait-il envisageable de retirer le label à certains des treize pôles de compétitivité ?
Ma réponse ne pourra être que personnelle.
Quand un secteur atteint une masse critique suffisante sur un territoire, il est utile que les entreprises et les laboratoires puissent s'appuyer sur un pôle de compétitivité coordonnant les initiatives ; c'est une condition pour avoir une chance d'émerger parmi les vainqueurs dans la compétition mondiale. Il faut combiner les deux dimensions : mettre sur pied un dispositif de communication entre acteurs de la recherche et de l'entreprise sur un ensemble de thématiques correspondant à une masse critique d'activités économiques ; assurer une coordination, voire une concentration de moyens, thème par thème ou filière industrielle par filière industrielle.
C'est le cas pour les pôles automobiles.
Quels indicateurs avez-vous retenus pour évaluer les résultats de Mov'eo en matière de création d'emplois ?
Nous n'avons pas été suffisamment bons, jusqu'à présent, pour mettre en évidence la création d'activités économiques. Nous devrons faire mieux, à la fois pour aider nos adhérents et pour disposer d'indicateurs pertinents de notre valeur ajoutée.
J'espère qu'il en bénéficiera, notamment sur les plateformes. Cela dit, nous continuons à présenter de plus en plus de projets, mais je ne suis pas sûr que les crédits actuels permettront de les financer.
Les pôles de compétitivité sont également engagés dans l'action internationale, en particulier au niveau européen. Il est intéressant de confronter le concept de cluster aux réalités de terrain des différents pays.
Je ne saurais donner une définition précise du « cluster » ! Mais je sais ce qu'est un « pôle de compétitivité » : un ensemble d'acteurs travaillant ensemble pour générer des projets. Il ne s'agit donc pas d'un « cluster », si ce n'est au regard de la concentration géographique de compétences et de la synergie locale entre acteurs avec, notamment, l'instauration d'un climat de confiance et la mise en place de circuits de financement.
Les pôles de compétitivité peuvent et doivent contribuer à l'émergence de clusters. En Allemagne, les universités, les laboratoires de recherche et les entreprises travaillent depuis des décennies dans un esprit comparable à celui de nos pôles de compétitivité, avec lesquels nous essayons de rattraper notre retard. En retour, les Allemands songent à s'inspirer de certains aspects de nos pôles de compétitivité.
Les résultats s'apprécient sur la durée car les liens de confiance se construisent à partir des succès partagés.