Présidence de M. Bernard Accoyer, Président de l'Assemblée nationale,
Président du Comité
Hôtel de Lassay
Informations relatives au Comité
– Composition du Comité
Le Comité prend acte de la démission de M. Jean-Louis Bianco et de la désignation par le groupe SRC de M. Daniel Goldberg.
– Proposition de loi, adoptée par le Sénat
Le Comité évoque les modifications introduites par le Sénat lors de son adoption, le 27 avril 2010, en première lecture, de la proposition de loi déposée par son président M. Bernard Accoyer, Président de l'Assemblée nationale, tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques, et adoptée par l'Assemblée nationale, en première lecture, le 27 janvier 2010.
Le président rappelle qu'il appartiendra à la commission des Lois d'examiner prochainement les modifications introduites par le Sénat dans le texte déposé à l'Assemblée nationale (n° 2456) le 28 avril 2010.
– Procédures de passation des marchés
Sur proposition de son président, le Comité complète son règlement intérieur par un article (cf. annexe) précisant, en cas d'appel d'offres pour la réalisation d'études, les procédures internes au comité pour la validation des cahiers des charges et l'examen des candidatures reçues, avant transmission au collège des Questeurs pour la décision formelle de notification du marché.
– Évaluation d'amendements parlementaires
Le président rappelle au Comité que la Conférence des présidents du 6 avril 2010 a retenu les règles suivantes, relatives aux demandes d'évaluation d'amendements parlementaires prévues par l'article 98-1 du Règlement :
– la demande doit émaner, par écrit, du premier signataire de l'amendement, conformément au texte de la loi organique ;
– pour que l'évaluation puisse raisonnablement être communiquée à l'Assemblée avant la discussion de l'amendement, la demande doit être présentée au plus tard au début de l'examen du texte en séance.
Après avoir évoqué tout l'intérêt qu'il y aurait pour le Parlement à pouvoir disposer également de l'évaluation de certains amendements gouvernementaux, le Comité, sur proposition de son président, désigne son vice-président premier suppléant –– M. Claude Goasguen – pour la majorité, et son vice-président deuxième suppléant – M. Jean Mallot – pour l'opposition, pour délivrer conjointement les évaluations d'amendements parlementaires, prévues par l'article 7 du règlement intérieur du Comité. Dans le cas où l'un d'eux est le demandeur de l'évaluation, cette délivrance est déléguée à un autre membre du bureau, issu, selon le cas, de la majorité ou de l'opposition.
– Nomination d'un rapporteur
Le Comité désigne M. Jean Gaubert, membre de la commission des Affaires économiques, co-rapporteur sur le bilan de la mise en oeuvre des recommandations formulées en janvier 2008 par la Commission pour la libération de la croissance française.
Bilan de la mise en oeuvre des recommandations formulées en janvier 2008 par la Commission pour la libération de la croissance française, présidée par M. Jacques Attali : examen du projet de rapport
Sur l'initiative de son président, M. Bernard Accoyer, le Comité a décidé, lors de sa réunion du 25 février, de procéder à l'analyse globale de la mise en oeuvre des mesures préconisées par la Commission pour la libération de la croissance française, présidée par M. Jacques Attali, deux ans après leur présentation en janvier 2008.
Cette commission avait pour mission de « rechercher les moyens d'améliorer la compétitivité et la productivité de l'économie française , d'analyser les obstacles auxquels se heurtent les projets d'investissement et de développement des entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises et les très petites entreprises, d'examiner les simplifications de procédures et les leviers permettant d'améliorer l'impact des politiques économiques et réglementaires sur les comportements des ménages et des entrepreneurs et sur la croissance ». Dans cette perspective, il lui était demandé de faire « des propositions en vue d'augmenter le pouvoir d'achat et d'améliorer le fonctionnement du marché des biens et des services, de renforcer le dynamisme et la mobilité de l'emploi, ainsi que le taux d'activité ».
Une nouvelle mission a été confiée le 23 février 2010 par le Président de la République et le Premier ministre à la même commission. Présentée en trois points, elle consiste, d'ici au 30 juin 2010, à formuler « des propositions sur les réformes nouvelles qui lui paraissent nécessaires pour permettre une croissance forte et durable » et à proposer « des mesures pour réduire la dépense publique et améliorer l'efficacité des services publics », après avoir établi « un bilan de la mise en oeuvre des propositions formulées » en 2008.
Notre rapport s'inscrit dans cette perspective et répond au souhait commun du président Accoyer et de M. Attali que l'Assemblée nationale contribue à la réalisation de ce bilan, notamment pour ce qui concerne la traduction en mesures législatives des recommandations formulées par la commission en janvier 2008.
L'étude qui nous a été confiée ne visait pas à identifier la bonne mise en oeuvre de la totalité des mesures proposées, au sens des rapports d'application des lois promulguées prévus par l'article 145-7 du règlement de l'Assemblée nationale. En effet, si toutes ces propositions avaient vocation à être examinées, leur adoption demeurait subordonnée au résultat de la discussion parlementaire, du moins pour celles nécessitant une disposition de nature législative.
Il s'agit donc plutôt de dresser un bilan identifiant les mesures déjà mises en oeuvre, celles restant à engager et celles qui auraient été écartées, en en précisant, le cas échéant, les résultats et les évaluations disponibles ou en cours.
Le rapport présenté en janvier 2008 par la commission Attali comprenait 316 « décisions » – pour reprendre le terme de ce rapport – c'est-à-dire de propositions de décision pour les pouvoirs publics – Gouvernement et Parlement, voire, dans certains cas, Union européenne.
Ces 316 mesures, de nature très variable, étaient réparties en trois parties équilibrées. La première s'intitulait « Participer pleinement à la croissance mondiale », en portant l'effort sur l'éducation (y compris l'enseignement supérieur et la recherche), le soutien aux TPE et aux PME, les révolutions à ne pas manquer (numérique, santé, opportunités du développement durable, services à la personne) – il s'agissait des « décisions » 1 à 114.
La deuxième, qui avait pour titre « Des acteurs mobiles et sécurisés », incluait des préoccupations liées à la modernisation du dialogue social, à la mobilité sociale, géographique, économique – au sens d'une extension et d'une meilleure organisation de la concurrence – et internationale des Français et des travailleurs étrangers. Elle regroupait les « décisions » 115 à 223.
La troisième partie était intitulée : « Une nouvelle gouvernance au service de la croissance », recherchant l'amélioration de l'efficacité des collectivités publiques par la maîtrise des dépenses, l'encouragement à un État stratège et efficient, la clarification de la décentralisation pour accroître son efficacité, la responsabilisation des administrations sociales et une meilleure maîtrise des dépenses de santé, en plaçant le secteur parapublic sous contrat d'efficacité, ou encore en adoptant d'une stratégie financière et fiscale de croissance. Elle était constituée des « décisions » 224 à 316.
Une quatrième partie synthétisait l'ensemble dans un calendrier de lancement des réformes étalé sur un an et demi.
Ces « décisions » étaient, dans quelques cas, complétées par des objectifs plus généraux, comme la révision du principe de précaution.
Tous ces objectifs répondaient à huit « ambitions », déclinées elles-mêmes en vingt « décisions fondamentales » rappelées dans le rapport.
Pour ce qui est de la mise en oeuvre, le rapport précisait que « certaines de ces 316 mesures avaient déjà été prises par le Gouvernement, avant même la publication de ce rapport. D'autres se retrouvent dans les propositions émises par l'opposition. Toutes ces décisions forment un ensemble cohérent et doivent être prises rapidement ».
En ce qui concerne le calendrier, le rapport indiquait également que, si « l'essentiel de ces réformes devaient donc être engagées entre avril 2008 et juin 2009 », « elles devr[aie]nt ensuite être poursuivies avec ténacité, pendant plusieurs mandats, quelles que soient les majorités ».
Que l'on soit ou non d'accord sur les mesures préconisées, le point que nous vous présentons aujourd'hui ne constitue qu'un premier bilan d'étape, deux ans seulement après leur formulation.
Nos travaux se sont pour l'essentiel appuyés sur les analyses effectuées par l'ensemble des commissions permanentes et par la commission des Affaires européennes. Le tableau joint à notre rapport fait d'ailleurs clairement apparaître l'origine de chacune des contributions des commissions, et nous remercions celles-ci de leurs efforts.
Les propositions formulées en janvier 2008 avaient vocation à être examinées par le Gouvernement et, pour celles requérant une disposition de nature législative, par le Parlement. De fait, certaines ont été écartées par le Gouvernement, d'autres lors de leur examen au Parlement.
Plusieurs préconisations relatives à l'ouverture des professions réglementées n'ont pas été retenues, après avoir soulevé beaucoup d'objections. Il en a été de même des propositions tendant à mettre en place une rémunération des auteurs sous la forme d'une contribution des fournisseurs d'accès à Internet, à conditionner les prestations familiales aux revenus des ménages ou à introduire la retenue à la source pour l'impôt sur le revenu.
D'autres cas sont plus ambigus. Ainsi, la suppression des départements n'a pas été retenue, le Gouvernement préférant proposer au Parlement la création d'un corps unique d'élus pour les conseils généraux et régionaux. On peut cependant imaginer que cette dernière mesure constitue la première étape d'un processus qui se conclurait dans quelques années par une nouvelle organisation des collectivités territoriales allant dans le sens préconisé.
Enfin, plusieurs recommandations ont donné lieu à des réflexions et missions complémentaires, pour certaines encore en cours. Ainsi, l'introduction des actions de groupe, proposée par des amendements parlementaires, a été renvoyée à une discussion ultérieure.
Par ailleurs, la crise financière et économique a rendu inopportunes certaines propositions ou repoussé leur mise en oeuvre à une période plus propice. D'une manière évidente, la décision fondamentale n° 20, consistant à réduire dès 2008 la part des dépenses publiques dans le PIB, à hauteur de 1 % en 2009, puis de 20 milliards d'euros par an pendant cinq ans, a dû être reportée du fait de la crise, le contexte économique exigeant au contraire des mesures de soutien de la demande. De même, le contexte économique ne se prêtait guère à certaines mesures fiscales favorables, comme le doublement du crédit d'impôt pour favoriser le maintien à domicile des personnes âgées.
À l'inverse, certaines des mesures préconisées ont bénéficié d'un effet d'accélération du fait de la crise financière, notamment celles ayant trait à l'amélioration de la régulation des marchés, des banques et des assurances, avec le regroupement des autorités prudentielles.
J'en viens maintenant aux réalisations.
Il ressort des travaux des commissions permanentes que nombre des propositions importantes formulées en 2008 ont été mises en place ou poursuivies sous forme de dispositions législatives. Le rapport de janvier 2008 a ainsi constitué l'une des sources d'inspiration importantes d'un grand nombre de textes de loi adoptés ou en cours de navette. On peut citer notamment la création de l'Autorité de la concurrence et d'une autorité unique de contrôle prudentiel des banques et des assurances, l'introduction du statut de l'auto-entrepreneur ou la révision des règles de l'urbanisme commercial dans la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008. On peut citer aussi la généralisation du revenu de solidarité active par la loi du 1er décembre 2008, qui a également réformé les politiques d'insertion, la rupture conventionnelle du contrat de travail introduite par la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail, la réforme des règles de représentativité syndicales par la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réformant le temps de travail, la mise en place d'une nouvelle gouvernance du secteur de la santé prévue par la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires du 21 juillet 2009. Ce ne sont là que quelques exemples.
D'autres mesures relevaient du Gouvernement seul, comme une partie importante de celles relatives à la gestion de la fonction publique ou aux marchés publics, voire d'une décision prise par une autorité administrative indépendante, comme les décisions de l'ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) relatives à la quatrième licence de téléphonie mobile.
Une approche quantitative du bilan global de la mise en oeuvre des recommandations du rapport Attali, par exemple sous la forme de ratios de réalisation, est délicate, pour diverses raisons. En premier lieu, si la traduction législative des propositions de cette commission est a priori connue de chaque commission permanente, les instances parlementaires ne peuvent prétendre à une connaissance exhaustive des autres formes de mise en oeuvre des mesures préconisées, notamment lorsqu'elles sont réglementaires ou liées à l'organisation administrative.
Par ailleurs, certaines mesures ont une grande ampleur potentielle, comme la « décision » 284 recommandant que les organismes parapublics se voient confier des missions clairement établies, et les mesures déjà prises ou engagées peuvent ne constituer qu'un début de mise en oeuvre, ou le premier maillon d'une série de décisions encore à prendre. Tel est par exemple le cas de la « décision » n° 92, visant à orienter la fiscalité vers la protection de l'environnement. De nombreuses mesures législatives ont déjà été prises en ce sens et d'autres suivront certainement, comme celle dont l'examen débute en ce moment même dans l'Hémicycle.
D'une manière générale, l'entrée en vigueur d'une mesure législative demeure subordonnée à la prise des mesures réglementaires nécessaires à son application, voire à d'autres mesures législatives, comme dans le cas de la loi du 3 août 2009, dite « Grenelle I », qui traduisait notamment des recommandations concernant différentes formes d'énergie renouvelable.
Certaines suggestions n'ont pas été retenues dans leur formulation précise, mais l'esprit en a été conservé dans la mise en oeuvre effective. Ainsi, le choix du Gouvernement de ne pas retenir la suppression des départements au profit de la création d'un corps unique d'élus pour les conseils généraux et régionaux peut, selon l'analyse, être considéré comme un abandon de l'idée initiale ou comme une étape d'un éventuel processus de plus long terme.
Certaines décisions correspondaient à des mesures déjà engagées en janvier 2008, à la parution du rapport. Tel est notamment le cas des mesures relatives à l'autonomie des universités inscrites dans la loi relative aux libertés et aux responsabilités des universités ; de certaines mesures relatives au logement, comme l'engagement de vente de logements HLM signé en décembre 2007, qui s'inscrivait dans le sens de la « décision » n° 184 ; ou la réduction de deux à un mois de loyer du dépôt de garantie, prévue par une loi adoptée en février 2008 et recommandée également par la « décision » n° 182. Pour un peu, on pourrait penser que le rapport Attali s'est inspiré de nos propres travaux ! De même, le « verdissement » de la fiscalité française préconisé par la mesure n° 92, avait été engagé avant janvier 2008.
Le recensement des suites données au rapport Attali est très utile. Cependant, le rapport lui-même est un « attrape-tout », qui couvre un champ très large.
Qui plus est, les propositions formulées sont d'une importance très inégale : on y trouve aussi bien des questions de portée planétaire que des « mesurettes ». Il ne suffit donc pas de compter les recommandations mises en oeuvre, car il est possible que seules les plus faciles aient été appliquées.
En outre, on peut observer que, si la plupart des mesures préconisées ont été mises en oeuvre, la croissance n'a pas été libérée pour autant.
Il faut enfin préciser que, de quelque côté de l'Hémicycle que l'on se situe, le recensement des suites données au rapport Attali ne vaut pas approbation des mesures proposées, ni de leur impact sur la société française.
Ainsi, à la différence des rapports d'évaluation portant par exemple sur le principe de précaution ou sur les autorités administratives indépendantes, dont on peut tirer directement des applications, le rapport qui nous est proposé ici n'a qu'une valeur, pour ainsi dire, « notariale ». Notre rôle de parlementaires suppose que nous allions au-delà du simple recensement. Il serait souhaitable qu'un débat en séance publique nous permette d'exprimer notre appréciation politique des propositions du rapport Attali, de leur mise en oeuvre et de leurs conséquences.
Il serait en effet intéressant d'organiser, au terme des auditions prévues par les différentes commissions, une séance de débat dans l'Hémicycle durant une semaine de contrôle.
J'abonderai dans le sens de M. Mallot. Faut-il nous satisfaire du fait que les propositions aient été mises en oeuvre, comme si nous admettions que les 316 propositions étaient bonnes ? Nous manquons de recul pour procéder à une évaluation, et il semble en effet que ces mesures ne portent pas encore leurs fruits en termes de libération de la croissance.
Pour ce qui est de la responsabilité de la crise financière, M. Attali a déclaré le 24 mars 2010 lors de son audition par la Commission des affaires sociales : « Le rapport me semble toujours d'actualité, et ce à double titre. Tout d'abord, un grand nombre de ses propositions ont d'ores et déjà été mises en oeuvre. Par ailleurs, lors de sa publication en octobre 2007, nous évoquions déjà la possibilité d'une crise financière majeure comparable à celle de 1929 ». Au vu de la situation, faut-il vraiment poursuivre cette course folle à la mise en oeuvre des 316 propositions ?
Qui peut répondre à cette question, sinon le Gouvernement ou le Président de la République ?
Permettez-moi de rappeler deux évidences. Tout d'abord, le rapport Attali est passé par un filtre parlementaire. Le rapport que M. Gaubert et moi-même avons élaboré ne visait qu'à recenser les suites législatives données aux propositions. Certes, M. Attali avait déclaré, en rendant son rapport, que l'ensemble des propositions était à prendre ou à laisser, sur le mode du « tout ou rien », au nom de la cohérence d'ensemble. Depuis lors, nous avons heureusement fait la part des choses – à telle enseigne que le Président de la République a confié à M. Attali une nouvelle mission.
« Tout ou rien », c'était la meilleure manière de refuser l'évaluation. Se souvenant qu'un président de la République qui avait formulé 110 propositions et n'en avait mis en oeuvre que 109 avait été critiqué pour celle qui n'avait pas été concrétisée, sans doute M. Attali se doutait-il qu'on ne parviendrait pas à en réaliser 316. C'était réfuter par avance le travail de nos rapporteurs.
Je tiens à saluer le travail méthodique et exhaustif de nos co-rapporteurs. Le « bilan » qui leur était demandé pouvait être entendu aussi bien en termes quantitatifs – et ils se sont efforcés de répondre fidèlement à cette question – qu'en termes d'impact. Bien que je n'aie guère apprécié la manière dont M. Attali a présenté son travail et dont il en a usé envers le Parlement, il ne nous en faut pas moins nous demander ce qu'il serait advenu de l'économie française si ces mesures n'avaient pas été prises. Le scepticisme exprimé par certains ne repose pas sur des évaluations sérieuses car il est encore trop tôt. Un débat prématuré dans l'Hémicycle risquerait d'opposer de façon stérile ceux pour qui les mesures n'ont pas eu d'effet et ceux qui croient que la chute de l'économie aurait été plus violente sans elles. Mieux vaudrait donc approfondir l'évaluation qualitative et procéder à des études d'impact sur les mesures législatives prises en application des recommandations de M. Attali.
co-rapporteur. J'ai moi-même employé, pour désigner notre rapport, l'expression d'« oeuvre notariale » qu'a reprise M. Mallot. Faute de recul et de temps, il était en tout état de cause difficile de faire beaucoup plus.
Sans doute peut-on cependant aller plus loin sur certaines mesures. Ainsi, le rapport d'évaluation que j'ai rédigé, avec Jean-Paul Charié, puis Patrick Ollier, sur la loi de modernisation de l'économie – le seul rapport qui ait été fait jusqu'à présent dans ce cadre – montre que la réduction des délais de paiement a bien fonctionné dans l'ensemble : au lieu de financer les fournisseurs en attente de paiement, les banques financent désormais les distributeurs qui ont des stocks. En revanche, pour ce qui concerne la réduction des marges arrière et l'accroissement de la négociabilité, qui devait permettre de réduire les prix, les conclusions de l'INSEE et du Gouvernement diffèrent. On ne saurait dire si l'effet de la crise économique est le seul responsable de la stagnation des prix constatée. L'avenir tranchera. Quant à la simplification des règles d'urbanisme, la phase transitoire dans laquelle nous nous trouvons se traduit par un certain flou. D'autres mesures, enfin, n'ont pas été mises en oeuvre, comme la libéralisation des taxis.
N'oublions pas enfin que certaines propositions du rapport Attali étaient très imprécises : des mesures prises peuvent correspondre à l'intitulé de ces propositions tout en étant mises en oeuvre dans un esprit très différent.
Dans le contexte de la crise économique, la mesure de l'efficacité des dispositions prises supposerait que l'on puisse disposer d'une comparaison internationale.
Ce rapport « notarial » a l'intérêt de poser des bases qui permettront peut-être un jour un débat dans l'Hémicycle, mais aussi et surtout des évaluations menées par les commissions permanentes sur certaines mesures adoptées. Cela me semble d'autant plus souhaitable qu'un second rapport Attali est prévu et qu'il conviendrait que nous puissions indiquer à l'intéressé ce que nous attendons de lui et ne pas voir toutes nos idées récupérées dans un document synthétique dont il serait l'auteur.
Enfin, les mesures proposées par la commission Attali expriment des visions de la société différentes selon les membres de cette commission. Sur le salariat et la sécurité de l'emploi, par exemple, M. Attali déclarait lors de son audition par la Commission des affaires sociales : « mon pronostic est que nous serons tous, d'ici dix à vingt ans, salariés de nous-mêmes. Dans la mesure où nous allons de plus en plus vers une fragilisation des statuts, chacun deviendra auto-entrepreneur » – pronostic qui rejoint la formule selon laquelle chacun est propriétaire de son employabilité, mais locataire de son emploi. Cette vision de la société ne fait pas l'unanimité, même chez ceux qui ont voté le statut d'auto-entrepreneur. Derrière des mesures techniques censées débloquer la croissance se trouvent donc des questions dont nous devrions débattre avant la rédaction du second rapport.
président. Le débat ne doit pas porter sur l'application du rapport Attali, car ce serait donner trop d'importance aux rapports techniques d'experts, qui pullulent – à ce compte, pourquoi ne confierions-nous pas un rapport à chaque cabinet d'audit pour en faire la matrice du travail parlementaire ? Ce dont nous devons débattre, ce sont les mesures retenues pour devenir des dispositions législatives.
Les groupes devraient accepter d'imputer sur le temps qui leur est imparti en séance publique des débats sur des évaluations de politique publique, qui se fonderaient sur le travail du CEC et des commissions. Nous passons trop de temps à examiner des propositions de loi, parfois des projets de lois, qui accroissent l'enfer réglementaire français.
Quant au rapport Attali, je suis d'avis que nous aurions pu appliquer un plus grand nombre de ses propositions.
Toutes ces propositions ne nécessitent pas cependant que l'on légifère. Ne nous enfermons pas dans les mesures qui n'ont pas été adoptées : ce serait donner au rapport Attali une valeur gouvernementale qu'il n'a pas. Nous n'avons à nous expliquer que sur les mesures qui ont été mises en place, faute de quoi nous légiférerons par expertise technocratique. Le Parlement et la démocratie n'ont rien à y gagner.
co-rapporteur. Notre rapport rappelle que le Parlement ne s'est pas senti obligé par le rapport de la commission Attali.
Puisque nous parlons des travaux de notre Assemblée, permettez-moi de dire que l'organisation de ces travaux devient folle. Aujourd'hui avaient lieu en même temps des votes solennels en séance publique, l'audition du ministre de l'intérieur, du ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire et du secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales, sur les collectivités territoriales – dossier important s'il en est – et la réunion du CEC, sans parler de l'examen du projet de loi « Grenelle II ». Nous sommes en train de nous tuer nous-mêmes.
Conformément à l'article 146-3 du Règlement, le Comité autorise le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication.
Séance suivante
La prochaine réunion aura lieu le mardi 18 mai 2010 à 18 heures avec deux points à son ordre du jour :
– l'examen d'éventuelles propositions de thèmes par les commissions, délégations et office pour la semaine de contrôle du 21 juin prochain, qui sera la dernière de la session ordinaire en cours ;
– l'examen du projet de rapport de MM. Alain Gest et Philippe Tourtelier sur l'évaluation de la mise en oeuvre du principe de précaution inscrit dans la charte de l'environnement de 2004.
Le président a indiqué que ce projet de rapport sera transmis avant la réunion du 18 mai ; il ne s'agira d'un rapport conclusif, mais d'un constat d'évaluation, débouchant sur un ensemble de questions sans fixer a priori de conclusions définitives. Ce rapport d'étape sera ensuite soumis à un séminaire parlementaire, prévu le 1erjuin en salle Lamartine. Ce séminaire, auquel seront conviés un petit nombre d'experts et de représentants de la société civile, sera ouvert à tous les députés et sénateurs, ainsi qu'à la presse.
Ces conclusions pourront ensuite faire l'objet d'un débat public en semaine de contrôle, accompagné, le cas échéant, d'une initiative parlementaire.
La réunion suivante est prévue le jeudi 3 juin, avec l'audition du Premier président de la Cour des comptes, M. Didier MIGAUD.
La séance est levée à dix-huit heures trente.