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Commission des affaires étrangères

Séance du 20 janvier 2010 à 9h15

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

Environnement : adhésion à la convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute – n° 1792

La séance est ouverte à dix heures.

La commission examine, sur le rapport de M. Jean-Pierre Dufau, le projet de loi autorisant l'adhésion à la convention internationale de 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute – n° 1792.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Dufau

Monsieur le Président, mes chers collègues, si la pollution des mers est essentiellement due à la pollution tellurique, celle imputable aux déchets évacués en mer à partir des navires représente, selon les experts des Nations Unies, 10% du total des polluants introduits en mer.

Le 23 mars 2001, une convention sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute dite « convention Bunker » a été adoptée à Londres par une conférence diplomatique réunie sous l'égide de l'Organisation maritime internationale : l'OMI. C'est en effet l'OMI qui a reçu mandat d'élaborer le droit international relatif à la sécurité en mer et à la prévention de la pollution du milieu marin, en traitant les questions administratives et juridiques qui y sont liées.

La convention de 2001 comble une lacune importante du dispositif existant en matière de pollution par les hydrocarbures, dispositif qui ne couvre pas les hydrocarbures destinés à la propulsion des navires. A titre d'exemple, deux très graves pollutions par les hydrocarbures de soute ont eu lieu, l'une en mars 2009, aux large des côtes australiennes, avec le naufrage du Pacific Adventurer, transportant du nitrate d'ammonium, ce qui a provoqué une marée noire à la suite de la fuite du réservoir du navire ; l'autre un an plus tôt presque jour pour jour, en mars 2008, lorsqu'un un incident survenu dans le détroit d'Akashi au Japon à la suite de l'abordage de trois navires, a occasionné une pollution grave due au naufrage de l'un d'entre eux. On estime à 15 millions de tonnes d'hydrocarbures de soute les quantités circulant sur les mers, soit 10% des quantités d'hydrocarbures transportés en vrac. La quantité d'hydrocarbures de soute transportée peut atteindre, pour des unités importantes, plusieurs milliers de tonnes de combustible et plusieurs tonnes d'huile.

La convention Bunker est entrée en vigueur le 21 novembre 2008. Elle a déjà été ratifiée par 41 pays dont un nombre important d'États communautaires. Sa ratification par la France permettra de délivrer aux navires français le certificat d'assurance rendu obligatoire par la convention et de faciliter ainsi leur circulation.

Je ne reprendrai pas en détail les conventions internationales en matière de pollution par les hydrocarbures, vous en trouverez la présentation dans mon rapport.

Je voudrai simplement rappeler que la convention OILPOL de 1954 relative aux « pollutions opérationnelles » liées à l'exploitation du navire, montra ses limites lors du naufrage du Torrey Canyon. Elle fut reprise dans une convention que nous connaissons tous, la convention MARPOL 7378, ainsi dénommée parce qu'il fallut un protocole en 1978 pour permettre à la convention adoptée en 1973 d'entrer plus rapidement en vigueur. Notez les délais entre les décisions et les mises en application. La convention Marpol 7378 est intégrée dans notre droit national, notamment depuis la loi du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement qui a permis de prendre en compte la directive 200535CE du Parlement européen introduisant dans le droit communautaire les dispositions de la convention MARPOL 7378.

La responsabilité civile des propriétaires de navires en matière de pollution par les hydrocarbures ne concerne actuellement que les hydrocarbures en vrac en tant que cargaison. C'est l'objet d'une convention datant de 1969, dite convention CLC - Civil Liability Convention, entrée en vigueur le 19 juin 1975. La définition des hydrocarbures est restrictive et exclut les hydrocarbures non persistants (essence ou kérosène).

Cette convention CLC de 1969, complétée par la convention internationale du 18 décembre 1971 portant création d'un Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (FIPOL), a été modifiée en 1992. C'est le régime de 1992 qui s'applique désormais, les deux conventions modifiées étant entrées en vigueur le 30 mai 1996. Les plafonds d'indemnisation CLC ont été relevés. Des mécanismes de révision des plafonds ont été mis en place.

Il s'agit de garantir aux victimes d'une pollution par les hydrocarbures venant des navires une indemnisation équitable et d'uniformiser les règles de procédure et de responsabilité. La responsabilité pèse sur le propriétaire. Elle est objective. Elle est limitée dans le temps et dans son montant. Le propriétaire inscrit du navire a une obligation d'assurance du risque plafonnée. Plusieurs cas d'exonération de responsabilité sont prévus. La limitation de la responsabilité ne peut être invoquée en cas de faute personnelle du propriétaire du navire même si ce déplafonnement de responsabilité du propriétaire est difficile en pratique puisqu'il faut prouver que « le dommage par pollution résulte de son fait ou de son omission personnels, commis avec l'intention de provoquer un tel dommage, ou commis témérairement et avec conscience qu'un tel dommage en résulterait probablement ». Le régime CLCFIPOL a été largement critiqué parce qu'il ne permettait pas de dédommager intégralement toutes les victimes de marée noire (comme dans le cas de l'Erika en 1999). Les mécanismes de révision des plafonds ont permis d'augmenter de moitié les plafonds. Cependant, en 2002, la marée noire du Prestige, bien que bénéficiant des nouveaux plafonds, montra, une fois de plus, que le plafond FIPOL ne permettait pas de répondre aux dommages subis.

Un troisième niveau d'indemnisation fut donc mis en place, sous la forme d'un fonds complémentaire. Il s'applique aux sinistres survenus à partir de sa date d'entrée en vigueur, soit à compter du 3 mars 2005. L'adhésion à ce fonds est facultative et ouverte aux États membres du Fonds de 1992.

Signalons également l'existence de la convention HNS (Hazardous and Nocious Substancies) de 1996, convention qui établit la liste des produits nocifs ou dangereux Elle fonctionne selon les mêmes principes de responsabilité objective du propriétaire du navire, d'assurance obligatoire et de plafonnement de l'indemnisation. Comme pour la convention CLC, une indemnisation complémentaire, plafonnée également, est mise en place. Cette convention n'est pas entrée en vigueur car jugée d'une mise en oeuvre trop difficile. Elle est donc en cours de révision.

Sur le plan européen, il faut mentionner la directive 200920 du 23 avril 2009 portant sur la responsabilité des propriétaires des navires. Cette directive établit une obligation d'assurance des propriétaires de navires d'une jauge brute supérieure ou égale à 300. Elle devrait être transposée avant le 1er janvier 2012, sans doute dans le cadre de la transposition du troisième paquet Erika III sur la sécurité maritime.

Il restait donc à répondre à la prise en charge des victimes de pollution provoquée non pas par les hydrocarbures de vrac ou les produits chimiques mais par les hydrocarbures de soute. La convention Bunker de 2001 traite de ces sinistres. Elle est construite selon les mêmes principes que les conventions qui l'ont précédées, à savoir la responsabilité objective ou responsabilité sans faute, l'assurance obligatoire et la limitation de l'indemnisation. La responsabilité ne relève plus du seul propriétaire du navire, elle est étendue à l'affréteur coque nue, l'armateur gérant et l'exploitant du navire. Un certificat d'assurance, établi en anglais, français ou espagnol selon un modèle déterminé figurant en annexe de la convention est délivré par l'autorité compétente. Il doit se trouver à bord du navire. Une copie est déposée auprès de l'autorité qui tient le registre d'immatriculation ou qui a délivré le certificat. L'exploitation d'un navire ne peut être autorisée en l'absence de ce certificat. De même, tout navire faisant escale, quel que soit son lieu d'immatriculation, dans un Etat adhérant à la convention doit être couvert par une assurance ou une garantie financière Bunker. La demande en réparation peut être formée directement contre l'assureur ou le garant qui peut se prévaloir des moyens de défense qu'aurait pu invoquer le propriétaire à l'exception de la faillite. Il peut également se prévaloir de la faute intentionnelle du propriétaire. D'autre part, aucune action en justice n'est possible après un délai de six ans à compter de l'événement. A défaut d'action en justice intentée dans les trois ans, les droits à indemnisation sont prescrits. Il faut donc que les victimes soient vigilantes à ces délais dans la gestion de leur demande en réparation, même si elles ont fait une demande directement auprès de l'assureur. L'action en justice ne peut être présentée que devant les tribunaux de l'Etat dans le territoire duquel le dommage a eu lieu.

Concernant les montants d'indemnisation, ils sont plafonnés selon le régime de la convention sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, dite convention LLMC de 1976, modifiée en 1996. Cette convention pose le droit du propriétaire à limiter sa responsabilité sauf en cas de faute inexcusable ou intentionnelle. L'assureur qui couvre la responsabilité est en droit de se prévaloir de la limitation dans la même mesure que l'assuré lui-même. Un protocole de 1996 a permis de relever les plafonds de la convention LLMC en en relevant les limites de manière conséquente. Il a aussi permis de définir une procédure simplifiée de révision des montants ne nécessitant pas la convocation d'une conférence internationale. Cette révision reste très encadrée et doit être approuvée par une majorité requise de deux tiers des Etats parties.

C'est là le principal reproche que l'on peut faire à cette nouvelle convention qui, au contraire des deux autres conventions internationales CLC et HNS, ne prévoit pas la création d'un fonds complémentaire alors même que les plafonds d'indemnisation risquent d'être rapidement dépassés dans les cas de pollution majeure. C'est ce qui est ressorti de la pollution causée par le Pacific Adventurer avec des coûts de nettoyage des côtes australiennes de 25 millions de dollars US pour seulement 270 tonnes d'hydrocarbures de soute déversés. C'est aussi le cas pour le naufrage survenu dans le détroit d'Akashi en mars 2008. Dans ce cas, le coût des dommages subis par les pêcheries, estimé à près de 49 millions de dollars US, dépassait largement le montant de 7 millions de dollars couvert par l'assurance. Même si cette question doit être débattue lors du prochain Comité juridique de l'OMI en octobre 2010, on comprend bien qu'entre ce débat dans un an et l'adoption d'une révision des plafonds LLMC, il peut s'écouler de nombreuses années au cours desquelles des catastrophes maritimes peuvent survenir. Ajoutons à cette réserve celle concernant la mis en oeuvre pratique des effets de cette convention dans le cas de pollution due à la fois à des hydrocarbures de soute qu'à des hydrocarbures de cargaison. Comment dans ce cas départager les dommages et, partant, construire sa demande en indemnisation ?

Ces réserves faites, il reste souhaitable de faciliter la circulation de nos navires en étant en mesure de leur délivrer le certificat Bunker, tout comme il est toujours souhaitable de rappeler aux propriétaires, affréteurs et exploitants qu'ils ont une responsabilité qui peut être mise en jeu. L'obligation d'assurance ou de garantie financière jouera également un effet positif sur le niveau d'entretien des navires.

Je vous invite donc, à ces réserves près, à vous prononcer en faveur de la ratification de cette convention.

PermalienPhoto de Dominique Souchet

Dans le rapport, la longueur du délai de ratification de cette convention est imputée au temps nécessaire à la concertation interministérielle. Monsieur le rapporteur, pourriez-vous nous préciser quels points ont posé problème ? Les autres pays européens ont, pour la plupart, ratifié la convention depuis longtemps. Il n'est pas normal que le processus prenne autant de temps en France alors que l'entrée en vigueur de la convention aurait des effets positifs et que le retard dans sa ratification pose des problèmes aux armateurs des navires concernés.

L'instrument du FIPOL est-il exclusivement utilisable en cas de dommages causés par des hydrocarbures de cargaison ou est-il mobilisable dans le cas de dommages dus à des hydrocarbures de soute ?

PermalienPhoto de Jean-Pierre Dufau

La question de la longueur des délais est relative. Depuis que cette convention a été signée, la communauté internationale a surtout mis l'accent sur les risques liés à la pollution causée par des hydrocarbures de cargaison, qui a reçu un traitement prioritaire, ce qui s'est traduit notamment par l'adoption des « paquets Erika ». Dans ces conditions, la ratification de la présente convention est apparue moins urgente.

Elle est redevenue d'actualité une fois réglée la question du traitement des risques liés aux hydrocarbures de cargaison.

Le FIPOL intervient exclusivement dans les cas de dommages causés par des hydrocarbures de cargaison. Il ne dispose pas de fonds propres destinés à couvrir les dommages causés par les hydrocarbures de soute, C'est la raison pour laquelle dans mon rapport, je regrette que pour les pollutions par hydrocarbures de soute, il n'y a ait pas eu en place un fonds propre d'indemnisation type FIPOL.

PermalienPhoto de Michel Terrot

Bien que cela ne soit pas directement lié à l'objet de la convention, pourriez-vous, Monsieur le rapporteur, nous présenter la situation actuelle du pavillon français, quelle est notre part de marché et quelle est l'évolution du nombre des immatriculations ?

PermalienPhoto de Jean-Pierre Dufau

Cette convention a un objet très précis et je ne suis pas en mesure de répondre à votre question sur le pavillon français. Je soulignerai néanmoins que, au cours des dernières années, sont intervenues un grand nombre de remises en ordre portant sur d'autres sujets que les pollutions. Les compétences sont de plus en plus européennes et internationales, avec l'OMI, malgré les difficultés auxquelles se heurtent toutes prises de décisions en son sein.

PermalienPhoto de Jean Grenet

Dans la mesure où je suis élu d'une circonscription littorale qui a été victime de la catastrophe du Prestige et où j'ai été membre de la commission d'enquête sur le sujet, je suis très sensible aux questions des pollutions maritimes. Le dégazage est-il considéré comme une pollution de soute ?

Je m'interroge aussi sur le champ d'application de cette convention qui exclut les navires appartenant aux Etats, et en particulier les navires de guerre. Qu'est-ce qui justifie ce traitement particulier ?

PermalienPhoto de Jean-Pierre Dufau

Les dommages causés par les dégazages sont en général nettement moins dangereux que ceux qui résultent de pertes de cargaison, même s'ils peuvent dans certains cas être importants, comme se fut le cas au Japon, où les principales victimes ont été les pêcheurs. Dans le cas des pêcheurs qui sont victimes et ne peuvent plus vivre du produit de leur pêche, ils ne savent malheureusement souvent pas comment faire pour être indemnisés. Parmi les cas de dégazages, il faut distinguer les dégazages de produits de soute et les dégazages de citernes de cargaison. Une enquête doit déterminer dans laquelle de ces situations on se trouve afin que le FIPOL indemnise s'il s'agit d'un dégazage de citerne de cargaison et que le mécanisme de la convention «Bunker » intervienne s'il est avéré que c'était un dégazage de produits de soute.

En ce qui concerne les navires de guerre, ils sont, pour des raisons de souveraineté nationale, systématiquement exclus du champ d'application des conventions internationales, qui se limitent aux navires de commerce.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission adopte sans modification le projet de loi (no 1792).

La séance est levée à dix heures.