COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mardi 6 octobre 2009
La séance est ouverte à dix-huit heures vingt-cinq.
(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission)
La Commission des affaires sociales entend M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, président de la cellule interministérielle de crise, sur le dispositif de lutte contre la pandémie grippale.
Le président Jean-Marc Ayrault ayant demandé que nous auditionnions le ministre de l'intérieur sur le dossier de la pandémie grippale, nous le faisons avec plaisir, étant ici rappelé que nous avons déjà auditionné sur le sujet la ministre de la santé voilà deux semaines. Nous avons en effet décidé de faire avec elle, toutes les deux à trois semaines, un point d'étape sur l'évolution de la pandémie, ce que nous jugeons préférable à la constitution d'une mission d'information, qu'avaient demandée certains collègues.
Vous avez souhaité m'auditionner sur les actions que le Gouvernement mène, sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre, pour préparer le pays à la crise sanitaire que va très certainement constituer la pandémie de grippe A (H1N1).
Je laisse aux scientifiques et aux experts sanitaires l'expertise médicale et l'analyse épidémiologique. Le 16 septembre dernier, la ministre de la santé a évoqué devant vous les aspects sanitaires de cette crise. Mon intervention aujourd'hui, tant en qualité de président de la cellule interministérielle de crise que de ministre de l'intérieur, complétera la sienne.
Le 24 avril 2009, l'Organisation mondiale de la santé lançait une alerte sur l'émergence d'un nouveau virus de la grippe ayant acquis une capacité de transmission interhumaine, avant d'activer, le 11 juin, la phase 6 de son plan de préparation à une pandémie, confirmant que le monde était confronté à la première pandémie grippale du XXIe siècle. Le 9 septembre dernier, alors que nos départements et territoires d'outre-mer étaient en phase épidémique depuis plusieurs semaines, l'Institut de veille sanitaire annonçait que nous avions franchi, en métropole, le seuil épidémique de la grippe, lequel est de 90 cas pour 100 000 habitants – nous en sommes actuellement à plus de 260 pour 100 000 habitants.
Cette annonce ne nous a pas pour autant pris au dépourvu. Tout d'abord, parce que, dans la perspective d'une pandémie A (H5N1), nous avions quelques mois auparavant finalisé un plan national de prévention et de lutte « Pandémie grippale ». Je tiens ici à saluer le travail mené à cette occasion par la mission d'information parlementaire, présidée par MM. Jean-Pierre Door et Jean-Marie Le Guen. Un établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) avait par ailleurs été créé.
Le plan Pandémie grippale du 20 février 2009, conçu à l'origine pour faire face à une pandémie grippale du virus A (H5N1) d'origine aviaire, est également opérationnel face à la grippe A (H1N1). Il est intersectoriel et pas uniquement médical ou sanitaire. Au-delà des enjeux sanitaires, il s'attache à préserver la continuité de l'ensemble de la vie sociale et économique afin de réduire les dommages potentiels causés par la pandémie.
Des décisions stratégiques ont été prises, en temps et en heure, au plus haut niveau de l'État. Dès les premiers jours de juillet, le Président de la République m'a demandé, en tant que ministre de l'intérieur, d'accélérer la coordination interministérielle sur la crise de la grippe A. Dès ma prise de fonction, j'ai réuni le 3 juillet la cellule interministérielle de crise. Je vous signale qu'une salle est en cours d'aménagement place Beauvau, qui sera dédiée aux cellules de crise.
En tant que président de cette cellule, j'ai la tâche d'anticiper la possibilité d'un ou plusieurs épisodes de transmission rapide du virus au sein de la population, de préparer les décisions politiques devant trouver, par voie d'instruction, une application immédiate sur le terrain, et d'assurer la coordination de la mise en oeuvre opérationnelle des mesures prises.
En outre, comme ministre de l'intérieur, je dois veiller à la protection des personnels des forces de sécurité – des initiatives ont déjà été prises en ce domaine -, garantir l'ordre public en cas de troubles éventuels – à l'exemple du déploiement immédiat des compagnies de sécurité à Sainte-Maxime lors des récentes inondations dans le Var afin de déjouer toute tentative de pillage toujours possible dans ces cas-là –, sécuriser l'acheminement des vaccins, des masques de protection et des antiviraux, assurer la protection du seul site national de production du vaccin, enfin animer, informer et conseiller le réseau des collectivités territoriales qui ont un rôle majeur à jouer en cas de pandémie.
La cellule interministérielle est opérationnelle depuis le 30 avril dernier. J'ai personnellement présidé plusieurs de ses réunions qui se tiennent tous les mercredis, place Beauvau, dont une le 27 août dernier, en présence de sept ministres et secrétaires d'État concernés. Lorsque les ministres sont empêchés, ce sont leurs directeurs de cabinet ou les secrétaires généraux des ministères qui y participent.
C'est dans le cadre de cette cellule que nous avons élaboré l'architecture générale de la gestion de crise, en évaluant les conséquences de l'intégration de la médecine ambulatoire dans la prise en charge des malades ; la stratégie relative à la campagne de vaccination, notamment en matière de logistique et de sécurisation ; la gestion de l'apparition de cas groupés de grippe, en particulier dans des lieux de vie collective, tels que crèches, établissements scolaires, établissements d'accueil de personnes âgées ou handicapées ou encore centres de loisirs et de vacances pour mineurs – c'est ainsi que, le 15 juillet, nous avons donné, avec Mme Roselyne Bachelot, des consignes aux préfets concernant les colonies de vacances, sans nous douter un seul instant que dès la semaine suivante, le premier cas se déclarerait dans une colonie à Megève ; la gestion des grands rassemblements, culturels ou sportifs notamment ; la prise en compte des spécificités de l'outre-mer. Enfin, nous avons veillé à ce que chaque administration déploie un plan de continuité de l'activité, adapté à ses missions. Nous avons également sollicité les collectivités locales et les entreprises pour qu'elles fassent de même.
Une circulaire interministérielle a été adressée le 2 octobre dernier aux collectivités territoriales, rappelant leurs compétences et leurs responsabilités dans la gestion d'une crise pandémique. Dès le 20 juillet, j'avais d'ailleurs écrit à l'ensemble des maires de France et aux présidents des conseils généraux, ainsi d'ailleurs que des conseils régionaux, même si ceux-ci sont moins concernés. Je souhaite en effet que les collectivités, conformément au code de la santé publique, soient pleinement associées, notamment par l'intermédiaire des préfets, à la gestion de cette crise.
Quelles mesures concrètes ont été prises depuis l'apparition de cette pandémie ?
Première mesure capitale : protéger notre jeunesse au moyen de mesures-barrières avec la fermeture, en plein accord avec mon collègue Luc Chatel, de classes ou d'établissements scolaires. Cette mesure, instituée par la circulaire du 21 août dernier, est particulièrement efficace, comme nous l'avons constaté cet été avec les centres de vacances. Depuis la rentrée, sur les 66 000 établissements implantés sur le territoire national et allant de la maternelle au lycée, 44 ont été fermés intégralement et 69 ont vu certaines de leurs classes fermer – soit un pour mille seulement. Ces fermetures n'ont pas entraîné de conséquences dommageables sur le service public de l'éducation, tout en prévenant une dissémination du virus. À ce jour, seuls trois établissements et trois classes demeurent totalement fermés. Il n'y a aucun établissement dont la fermeture n'aurait pas rempli son office de mesure-barrière : aucun nouveau cas groupé n'est apparu depuis leur réouverture.
Deuxième mesure : la mise en place des plans de continuité d'activité. Tous les ministères en disposent. Les grandes entreprises, notamment celles responsables de la gestion de réseaux, ont fait de même, ainsi que les collectivités territoriales de taille importante, les difficultés étant plus grandes dans les collectivités petites ou moyennes et dans les PME. Il était indispensable que ce travail soit mené à bien : si les conséquences sanitaires du virus demeurent imprévisibles, les retombées sur notre vie collective, économique et sociale ne font pas l'ombre d'un doute. Pendant plusieurs semaines, le niveau de notre activité pourrait être fortement ralenti. Il est donc de notre devoir de préparer les Français à cette éventualité.
Dernière mesure, et non des moindres : l'organisation de la campagne de vaccination. C'est le chantier le plus urgent et le plus complexe dans la période actuelle. La vaccination constitue la meilleure prévention, parce qu'elle est le moyen le plus efficace de se protéger soi-même et de protéger son entourage. Il est certain que pratiquée largement, elle permettra de casser la dynamique de l'épidémie.
Pour cette organisation de la vaccination, j'agis en priorité dans quatre domaines.
Tout d'abord, l'organisation opérationnelle des centres de vaccination. Le premier million de doses de vaccin devrait nous être livré vers le 15 octobre, ce qui nous permet d'envisager de lancer la campagne vaccinale, dans les centres prévus, fin octobre. Les préfets ont reçu, le 21 août dernier, une première circulaire indiquant le cadre général de l'exercice. 1 080 centres de vaccination sont recensés sur l'ensemble du territoire. L'ouverture des centres s'adaptera au flux de livraison des vaccins, qui montera progressivement en puissance. Les plages horaires seront limitées et les soirées et le samedi privilégiés pour faciliter l'accès du plus grand nombre. De même, 196 équipes mobiles ont été prévues pour porter assistance aux personnes dans l'incapacité de se déplacer.
Ensuite, le recrutement des personnels. Alors que les professionnels de santé relèvent du champ de la ministre de la santé, les personnels administratifs, participent, eux, à la mise en oeuvre d'un service public qui relève de la coordination interministérielle. Les préfets se sont logiquement tournés vers le tissu associatif local. Je mobiliserai également les agents de l'État mais aussi de la fonction publique territoriale qui pourront être réquisitionnés, comme le prévoit, dans de telles circonstances, le code de la santé publique.
Certains d'entre vous ont déjà appelé mon attention sur la question cruciale du financement de ces opérations. Nous avons, en effet, besoin que les collectivités locales mettent à notre disposition des locaux leurs appartenant – gymnases, salles polyvalentes... Le Premier ministre rendra très prochainement un arbitrage sur ce point, mais je peux d'ores et déjà vous indiquer que le principe de l'indemnisation par l'État est acquis, conformément aux règles en matière de réquisition. Toutefois, il ne serait pas anormal, en de telles circonstances, que la solidarité nationale joue et que des collectivités puissent mettre gracieusement des locaux à disposition. En tant que président de la cellule interministérielle de crise, je souhaite que la loi du 6 mars 2007 relative aux crises sanitaires soit pleinement appliquée. Cela implique la création du fonds ad hoc prévu pour rembourser les frais engagés. Une fois l'arbitrage de Matignon rendu, nous indiquerons immédiatement aux préfets de département les crédits disponibles pour dédommager les collectivités, qu'il s'agisse de la rémunération des agents territoriaux ou de l'occupation de salles municipales. Une circulaire complémentaire, détaillant les mécanismes de mobilisation des professionnels, vient de leur être adressée. Une autre instruction sur l'organisation générale de la vaccination sera validée dès cet arbitrage rendu. Elle permettra aux préfets d'apporter toutes précisions aux élus.
Dernier domaine d'action : la sécurisation de la fabrication et de l'acheminement des vaccins. En tant que ministre de l'intérieur, j'ai décidé le 22 juillet de sécuriser par une compagnie de CRS le seul site de production français de vaccins, celui de Sanofi-Aventis dans l'Eure. Rien ne peut en effet être exclu en cas de panique, d'autant que tous les pays ne se trouveront pas sur un pied d'égalité pour l'accès au vaccin. Se pose d'ailleurs la question de la solidarité avec les pays avec lesquels nous entretenons des liens historiques et affectifs, comme ceux d'Afrique subsaharienne et, dans une moindre mesure, du Maghreb, qui nécessairement se tourneront vers nous. Si GSK et Novartis, principaux fournisseurs de notre pays, ne possèdent pas de site de production en France, nous avons toutefois examiné avec ces sociétés les moyens de sécuriser l'acheminement de leur production sur le territoire national.
Où en sommes-nous donc aujourd'hui ? À l'exception de quelques textes encore en préparation, tout le dispositif normatif de préparation à la pandémie est désormais défini et stabilisé. Reste à le mettre en place sur l'ensemble du territoire national et à s'assurer de son bon fonctionnement. Pour éprouver sa solidité opérationnelle, trois exercices de vaccination ont été organisés : à Paris dans la semaine du 7 septembre sous l'égide du ministère de la santé, à Amiens le 17 septembre et à Lyon le 2 octobre.
Face à un « adversaire » par nature invisible, évolutif et très mobile, notre stratégie repose sur trois piliers : anticipation, endiguement – sur ce point, nous sommes plutôt plus opérationnels que nos voisins -, adaptation. En faisons-nous trop ? Le propriétaire du quotidien Le Parisien a changé toute la rédaction du journal, au motif que celle-ci en aurait trop fait sur le sujet. À mon avis, on n'en fait jamais trop dans ces domaines-là. Ainsi, début juillet, nous ignorions totalement si l'épidémie n'allait pas démarrer immédiatement en flèche. La pression qui a été mise, les signaux très utiles qui ont été donnés, nous ont incités à accélérer notre préparation.
Je ne prétends pas que tout est réglé, mais nous avons accompli des pas de géant. Tant mieux si la pandémie est moindre qu'on peut le craindre et si le virus ne mute pas – nul n'en sait rien, des informations totalement contradictoires circulant sur ce point à la suite notamment des expériences menées en laboratoire. Mais nous avons eu, selon moi, raison de prendre toutes les précautions, comme ce fut le cas aux États-Unis – même si cela n'a finalement servi à rien – avec la vaccination de 46 millions de personnes en 1976 contre la grippe porcine. Les investissements effectués en la matière ne sont pas perdus.
D'autant que la durée de vie des vaccins est de cinq ans.
Pour notre part, nous estimons, ainsi que nous l'avons rappelé lors de l'audition de Mme Bachelot, que mieux valait en faire trop que trop peu. Il est toujours facile de porter des appréciations a posteriori.
Pour autant, tous les messages sont utiles. Celui, rassurant, du professeur Bernard Debré a pu ainsi contrebalancer de façon salutaire certaines inquiétudes.
Je partage votre point de vue concernant la nécessaire solidarité en matière de mise à disposition de locaux par les collectivités locales. Mais qu'en est-il de la responsabilité juridique des intervenants dans les lieux de vaccination ? Dans le cadre d'une réquisition, est-ce bien l'État qui l'assume ?
Je le confirme.
Certains élus locaux ont du mal à discerner dans les documents que leur adressent les préfectures ce qu'il sera obligatoire de mettre en place et ce qui sera facultatif. Quelle sera leur responsabilité exacte et dans quelles circonstances pourraient-ils être accusés de négligence ?
Le passé, avec la funeste affaire du sang contaminé ou, plus récemment, avec la canicule de l'été 2003, doit nous servir de leçon. C'est d'ailleurs après cette canicule qu'il a été décidé de créer une cellule interministérielle de crise, placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur.
Nous avons adressé vingt-six circulaires aux préfets à propos de la pandémie grippale, ce qui peut paraître beaucoup. Mais les intéressés ont parfaitement compris que cela visait à les protéger, en même temps que c'était un gage d'efficacité. Une circulaire récapitulative leur sera également envoyée dès que le Premier ministre aura rendu son arbitrage.
Pour ce qui est des collectivités locales, elles sont bien entendu protégées par le régime de la réquisition.
Un million de doses de vaccin seront disponibles prochainement. Sachant que c'est le ministère de la santé qui va décider des publics à vacciner en priorité, comment gérer dans ces conditions la communication vis-à-vis de l'ensemble de la population ?
Un arrêté, pris après l'avis rendu le 24 septembre par le Haut comité de la santé publique, classe les catégories de population à vacciner par ordre de priorité : personnels de santé et de réanimation néonatale et pédiatrique ; personnel hospitalier médical, paramédical et aide-soignant, personnel médical et paramédical de ville recevant des patients porteurs de facteurs de risques – ces catégories représentent à elles seules quelque quatre millions de personnes – ; femmes enceintes ; entourage des nourrissons de moins de six mois ; professionnels d'accueil de la petite enfance jusqu'à trois ans ; bébés âgés de six à vingt-trois mois révolus présentant des facteurs de risque ou atteints de pathologies chroniques sévères ; sujets âgés de deux à soixante-quatre ans présentant des facteurs de risque ; autres professionnels de santé, personnels de secours et transporteurs sanitaires ; nourrissons de 6-23 mois sans facteurs de risque ; personnels d'accueil des pharmacies ; personnels des établissements médico-sociaux ; sujets de plus de soixante-cinq ans avec facteurs de risque ; sujets de deux à dix-huit ans sans facteur de risque ; sujets de plus de dix-huit ans sans facteur de risque. En qualité de ministre de l'intérieur, j'ai insisté pour que les personnels des forces de sécurité soient vaccinés, car il faut envisager toutes les hypothèses.
La majorité du grand public, notamment les personnes âgées sans facteur de risque particulier, ne sera donc pas vaccinée avant longtemps ?
Les personnes âgées ne devraient pas être particulièrement touchées par la pandémie.
Il en existe un au niveau national. De toute façon fin décembre, tous ceux qui le souhaitent devraient pouvoir avoir été vaccinés.
Nous en avons discuté au Bureau et avons jugé préférable de faire un point régulièrement, devant l'ensemble des membres de la commission. Je vous rappelle par ailleurs qu'il existe déjà une mission commune entre l'Assemblée nationale et le Sénat sur la mutation des virus.
En période de crise, une mission parlementaire éviterait que ne se répandent tant de bruits, vrais ou faux. Il y a de quoi s'inquiéter quand 64 % de nos concitoyens et 52 % des médecins disent aujourd'hui qu'ils ne se feront pas vacciner !
« Les conséquences sanitaires du virus sont imprévisibles », avez-vous dit, monsieur le ministre. Ce n'est pas tout à fait vrai. D'une part, ce virus n'est pas totalement inconnu. D'autre part, ce qui s'est passé dans l'hémisphère Sud a confirmé qu'il était très contagieux, mais pas dangereux, du moins sur le plan statistique.
Pouvez-vous nous indiquer les parts de marché attribuées respectivement à GSK, Novartis et Sanofi ? L'Agence européenne du médicament a délivré leur autorisation de mise sur le marché aux vaccins fabriqués par les trois laboratoires étrangers. Celui de Sanofi, a priori sans adjuvant, qui sera, à juste titre, conseillé aux femmes enceintes, obtiendra-t-il son autorisation de l'Agence européenne, ce qui permettrait d'ailleurs de le commercialiser dans les autres pays de l'Union européenne ?
Autant je comprends que l'on puisse, pour les adultes, extrapoler les effets des stratégies de vaccination contre la grippe saisonnière, autant je ne le comprends pas pour les moins de seize ans, aucune vaccination n'ayant jamais été menée à grande échelle pour la grippe saisonnière chez les jeunes. Des effets indésirables seront statistiquement inévitables et au premier syndrome de Guillain-Barré, quelle ne sera pas la réaction de la population !
Par ailleurs, comment être sûr que les personnes ayant présenté un syndrome grippal ces derniers temps ont bien eu la grippe A (H1N1) si elles n'ont pas fait l'objet d'un test sérologique, d'autant que les épidémiologistes s'accordent sur le fait que 30 % à 40 % des personnes développant cette grippe n'ont qu'une poussée de fièvre de quelques heures et sont sur pied dès le lendemain ? Dans ces conditions, comment être certain des chiffres avancés ?
Combien de médecins sont-ils aujourd'hui volontaires pour pratiquer la vaccination ? En Haute-Garonne, il n'y aurait que dix-huit médecins libéraux et treize médecins retraités depuis moins de trois ans. J'ai bien entendu que l'on réquisitionnerait les internes et autres étudiants en médecine, mais est-on sûr que l'on disposera de tous les moyens humains nécessaires ? Faute de quoi, à quoi serviront les 94 millions de doses fabriquées, car il n'est pas certain qu'elles pourront servir ultérieurement si le virus mute ? Il serait logique d'envoyer sans retard les doses en surplus dans les pays de l'hémisphère Sud.
Enfin, faudra-t-il une ou deux injections ? Si une seule suffit, les quantités fabriquées sont considérables.
Le site de production français du vaccin a été sécurisé, et il est prévu de le faire pour l'acheminement des doses. Avez-vous prévu de sécuriser la vaccination des publics prioritaires, un vent de panique étant toujours possible en cas d'explosion de l'épidémie ? Est-il prévu de vacciner les forces de l'ordre ?
En tant que maire de Villefranche-sur-Saône, je tiens à saluer la réactivité de notre préfet de département, qui dispense toutes les informations utiles et organise régulièrement des réunions extrêmement appréciées des élus locaux. Le rôle des communes est déterminant, nos concitoyens se renseignant d'abord en mairie. Quel rôle précis sera dévolu aux maires et aux services municipaux en matière d'information ?
Certaines communes, soumises à des risques de catastrophes naturelles comme des inondations, ont mis en place des plans d'alerte téléphonique qui marchent très bien. L'État leur demandera-t-il de les utiliser pour transmettre des messages à l'ensemble de la population dans le cadre de cette pandémie ?
Quelles mesures spécifiques seront prises pour les transports en commun, notamment à Paris et dans les grandes métropoles, et pour les transports scolaires ?
Enfin, les contrôles aux frontières seront-ils renforcés, notamment dans les aéroports ? Comment faire à la fois pour nous protéger mais aussi éventuellement protéger d'autres pays si la pandémie devait y être moins forte ?
J'estime, pour ma part, que l'on ne prendra jamais assez de précautions, et je vous remercie en tout cas, monsieur le ministre, d'avoir répondu précisément sur la question du dédommagement des collectivités.
Il semble aujourd'hui que peu de gens souhaitent se faire vacciner. Mais sans doute en ira-t-il tout autrement si la pandémie explose. On risque alors de voir affluer massivement la population dans les centres de vaccination. Comment réguler les flux ?
S'agissant de la fermeture éventuelle de crèches et d'écoles, les préfets auront-ils une certaine latitude dans leurs décisions ou devront-ils appliquer des consignes très strictes ? La fermeture d'un grand nombre d'écoles pourrait avoir une incidence économique et sociale importante, difficilement évaluable.
Madame Lemorton, plusieurs de vos questions concernent exclusivement la ministre de la santé. Pour ce qui est des parts de marché des différents laboratoires, les chiffres dont je dispose sont les suivants : 50 millions de doses ont été commandés à GSK, 28 millions à Sanofi-Aventis et 16 millions à Novartis.
S'agissant des intentions de vaccination aujourd'hui exprimées, je partage le sentiment de Monsieur Heinrich : les comportements changeront lorsque la pandémie sera là. Je vous indique par ailleurs que l'Ordre des médecins a officiellement demandé aux praticiens de se faire vacciner. Pour autant, la vaccination ne s'effectuera que sur la base du volontariat.
Nous avons conscience que le nombre de médecins volontaires pour pratiquer la vaccination peut être insuffisant. Mais, il faut compter avec le vivier des 30 000 étudiants en médecine habilités à vacciner.
S'agissant de la solidarité nécessaire avec les pays de l'hémisphère Sud, le Président de la République a demandé que 10 % des vaccins y soient envoyés.
Monsieur Vercamer, les 144 000 personnels des forces de sécurité seront vaccinés – ils figurent, dans la liste établie par arrêté, à la rubrique « autres professionnels de santé, personnels de secours et transporteurs sanitaires. »
Monsieur Perrut, les mairies ne sont pas utilisées pour l'instant comme relais d'information, celle-ci demeurant l'apanage de la Caisse nationale d'assurance maladie. Mais elles pourraient en devenir un si nécessaire.
Pour ce qui concerne les transports collectifs, c'est le ministre des transports qui traite des mesures à prendre et une circulaire a d'ores et déjà été rédigée. C'est le préfet de zone, en liaison avec les préfets de région et de département, qui est compétent. Pour Paris et l'Ile-de-France, c'est le préfet de police, préfet de la zone de défense de Paris, qui prendra les décisions. Les usagers pourront s'informer sur les sites Internet des différents opérateurs. Les recommandations élémentaires d'hygiène ont par ailleurs fait l'objet d'une large publicité.
Enfin, concernant, monsieur Heinrich, la latitude qu'auront les préfets, nous préconisons une concertation systématique avec les élus, notamment les maires et les présidents de conseils généraux.
Si l'Ordre des médecins a demandé aux praticiens, après avoir d'ailleurs hésité, de se faire vacciner contre la grippe A (H1N1), les syndicats de médecins auraient, eux, tendance à laisser leurs adhérents faire ce qu'ils veulent. En tout cas, plutôt que d'entrer dans la logique du « On n'en fera jamais trop », ne devrait-on pas se poser la question de la proportionnalité entre la réalité du risque et la manière de le traiter ? Sinon, l'année prochaine, c'est à la grippe saisonnière que l'on finira par généraliser le dispositif aujourd'hui mis en place ! Quant à la cellule interministérielle de crise, qui chapeaute en la matière les ministres responsables, pourquoi n'a-t-elle pas été tout simplement confiée au Premier ministre ? Il est vrai qu'il est de mode de faire passer celui-ci au second rang.
Tout conduit, dans ces conditions, à constituer une mission d'information. Au-delà des auditions périodiques et ouvertes à la presse des ministres concernés, et du travail réalisé par l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques sur des points précis tels que la mutation des virus, les parlementaires ont besoin, s'agissant de cette crise particulière de la grippe A (H1N1), de disposer d'une mission d'information qui leur permette d'avoir une vision d'ensemble et de pouvoir, le moment venu, tirer des enseignements qu'ils pourront extrapoler à d'autres situations de crise.
En qualité de pédiatre, je serai la première à me faire vacciner si on le demande à ma profession. Je n'ai jamais eu, en effet, qu'à me féliciter de la vaccination en général, et toute rumeur tendant à d'abîmer ce grand progrès de civilisation doit être combattue. Quant au caractère prétendument bénin du virus, encore faut-il savoir que le diagnostic d'une grippe A (H1N1) dépend non pas d'une sérologie, mais par l'analyse d'un prélèvement de mucus dans le nez par la technique PCR, ce qui exige des laborantins très spécialisés. Enfin, n'oublions pas que l'été indien exceptionnel que nous connaissons a retardé l'apparition des bronchiolites et autres virus respiratoires : qu'en sera-t-il de ces virus et de la grippe A (H1N1) lorsque la vague de froid arrivera ? En tout état de cause, même si les circonstances météorologiques vous ont été favorables avant l'arrivée des vaccins, vous avez bien fait, monsieur le ministre, d'engager la politique suivie.
J'estime pour ma part que nous sommes plutôt surinformés, au prix d'ailleurs d'une certaine confusion puisque l'intervention de spécialistes, comme le professeur Debré, se révèle parfois en contradiction avec celle des pouvoirs publics. C'est certainement pourquoi peu de Français envisagent une vaccination. Pour autant, aucune réunion, rassemblant ne serait-ce que les maires, n'a été organisée dans mon département sur ce sujet avec l'administration, en particulier celle des affaires sociales. Je souhaite donc que les maires au moins soient réunis sous l'égide des sous-préfets en présence des administrations concernées. Plutôt que d'adresser des informations écrites en surabondance, mieux vaudrait tenir des réunions d'information au cours desquelles les élus pourraient échanger avec les autorités administratives et sanitaires.
Je suis très étonné de ce que vous me dîtes, monsieur Liebgott.
Si les moyens mis en oeuvre semblent démesurés par rapport à la réalité actuelle, il ne faut pas pour autant baisser les bras. Tel a été le cas en Corse, que ce soit avec le préfet de la Corse du Sud, la Direction de la solidarité et de la santé ou avec les collectivités locales. On pourra toujours dire que l'on en a trop fait, que l'on a dépensé des sommes inconsidérées et que le souvenir du sang contaminé ou de la canicule a plutôt fait écouter les Cassandre, mais la vraie stratégie en la matière repose bien sur la vaccination.
En tout cas, sans tomber dans le traumatisme qu'a été le sang contaminé ou la canicule, il me semble nécessaire de mettre au moins en place une mission d'évaluation afin de pouvoir observer cette pandémie si elle existe à l'échelle prévue.
Le Gouvernement a fait beaucoup face à la menace, mais alors que les média ont beaucoup parlé du risque à un moment où il fallait bien combler le vide de l'actualité, les choses ne se passent pas si mal aujourd'hui puisque, bien que l'on soit en pleine épidémie, la campagne de vaccination n'a pas démarré. Pour autant, si l'on a affaire à un risque faible sur le plan médical – encore que quelques cas dramatiques nous interpellent chez des sujets jeunes – la vaccination reste la seule possibilité de faire face au virus, même si elle ne réglera pas le problème, si celui-ci mute puisque la souche sera alors probablement différente.
S'il est bénin – je n'irai pas toutefois jusqu'à dire comme mon collègue le professeur Debré que c'est une « grippette » –, le risque médical n'en demeure pas moins, de même que le risque économique, qui viendrait casser une dynamique retrouvée, sans oublier le risque de panique qui peut engendrer des réactions très diverses. Toutefois, en ayant crié au loup peut-être un peu tôt, je crains que l'on ait démotivé les populations – on le constate avec le milieu médical. Il est vrai que trop en faire est une attitude que l'on est obligé d'avoir quand on a des responsabilités, le syndrome canicule y étant certainement pour quelque chose.
Le territoire semi-rural que je représente sera certainement concerné par les équipes mobiles prévues pour aller porter assistance aux personnes dans l'incapacité de se déplacer. Pourrais-je disposer d'informations précises concernant, en particulier, leur répartition géographique ?
Pour revenir sur une remarque de Michel Liebgott, je n'ai pas eu écho, en effet, d'une réunion organisée en Moselle par le préfet, mais je ne suis pas maire. Pour autant, si des réunions sur des sujets aussi sensibles sont organisées pour les maires, il conviendrait à tout le moins que les députés y soient conviés, ne serait-ce que pour pouvoir répondre aux interrogations de leurs concitoyens en la matière.
Je précise d'abord à monsieur Mallot – c'est une information dont il ne pouvait disposer puisqu'elle ne date que d'hier – que les syndicats d'étudiants médecins et infirmiers ont appelé à la vaccination.
Concernant la gestion de la crise de la grippe A, c'est la loi de programmation militaire qui – sans que j'en connaisse la raison profonde – m'en a confié la responsabilité, par délégation du Premier ministre. Les réunions que je tiens aussi bien avec le Président de la République qu'avec le Premier ministre, qui est très attentif à ce sujet, ont lieu sinon chaque semaine, du moins tous les quinze jours.
À plusieurs reprises, la question a été posée de savoir si l'État n'en faisait pas trop. Depuis le début de la crise, le Gouvernement a eu le souci d'ajuster en permanence son dispositif de réponse à la situation en rendant compatible les deux préoccupations exprimées : la proportionnalité et le principe de précaution. Dans ce contexte, il a fait le choix non pas de l'alarmisme, mais d'une préparation résolue, vigoureuse, précise pour faire face à toutes les hypothèses. Comme j'ai eu l'occasion de le souligner dès le mois de juillet, s'il n'y a pas de raison de s'inquiéter, tous les motifs existent de se préparer. En tout état de cause, le Gouvernement ne pouvait rester passif, en se contentant de regarder benoîtement l'évolution de la courbe des malades atteints par le virus. C'est pourquoi il a agi dans la transparence et le dialogue, en associant toutes les parties prenantes.
À cet égard, si les maires ont globalement été associés, même si des insuffisances ont pu être relevées ici ou là, un effort d'association des parlementaires sera demandé à l'ensemble des préfets.
Pour ce qui est, selon monsieur Domergue, du caractère bénin du risque médical encouru, les estimations actuelles laissent penser que le virus pourrait concerner 30 % de la population, soit un spectre de population tout de même large. Nous nous sommes à cet égard préparés au risque économique et social également encouru.
L'objectif de la vaccination, je le rappelle, est de briser l'épidémie. Il ne s'agit pas simplement de lutter contre des cas spécifiques graves.
S'agissant des équipes mobiles de vaccination, leur répartition se fera par les préfets au niveau des zones de défense. Elles sont, comme je l'ai indiqué, destinées aux personnes qui se trouvent dans l'incapacité de se déplacer – non seulement les handicapés et les vieillards, mais également les détenus.
Je suis surpris par le nombre de professionnels médicaux qui annoncent ne pas vouloir se faire vacciner, la conséquence étant d'induire dans l'esprit des familles le sentiment que la vaccination est secondaire.
C'est bien pourquoi l'appel de l'Ordre des médecins est utile.
Les parlementaires de profession médicale ont à cet égard un rôle pédagogique à jouer.
Il me reste, monsieur le ministre, à vous remercier.
La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.