Protocole relatif à la gestion intégrée des zones côtières (GIZC) de la Méditerranée (n° 1854 rectifié)
La séance est ouverte à seize heures quinze.
La commission examine, sur le rapport de M. Michel Vauzelle, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du protocole relatif à la gestion intégrée des zones côtières (GIZC) de la Méditerranée (n° 1854 rectifié).
Monsieur le Président, mes chers collègues, le rapport que je vous présente aujourd'hui concerne ce que l'on désigne globalement comme étant le développement durable. Dans ce domaine très sensible, notre attention doit être attirée par la situation des zones côtières, notamment en Méditerranée, qui subissent de manière amplifiée la plupart des dégradations que notre économie et notre mode de vie causent à l'environnement – concentration des activités touristiques et industrielles, fortes densités humaines, circulation intense des hommes et des marchandises –. Cet ensemble de facteurs menacent les équilibres sur nos côtes particulièrement fragiles au point de détruire des richesses naturelles et culturelles inestimables reconnues par l'Unesco et d'autres instances internationales comme appartenant au patrimoine de l'humanité.
Figurant parmi les principales victimes du « capitalisme sauvage », ces lieux où se côtoient fréquemment la pire des misères et le luxe le plus provocateur, ces zones de rencontres voire de confrontations si nous n'y veillons pas, des cultures, des catégories sociales et des hommes, ces alternances de paysages et de biotopes multiples méritent une protection à la hauteur de leur richesse et de leur complexité.
Cette exigence réclame une prise de conscience qui fut à peu près aussi tardive que notre prise en compte des menaces qui pèsent sur notre environnement. La conférence de Stockholm, en 1972, avait défini les principes d'une protection globale du littoral mais il a fallu attendre le sommet de Rio en 1992 et le processus dit de l'Agenda 21 pour que la gestion intégrée des zones côtières fasse son entrée dans le vocabulaire international.
Ces principes d'une gestion multidisciplinaire et internationale sont, depuis 1995, une partie intégrante de la convention de Barcelone qui vise à réduire les pollutions sur l'ensemble du bassin méditerranéen. Cet espace qui réunit l'un des plus extraordinaires rassemblements de traces des civilisations passées et, je l'espère, de civilisations à venir, est en effet extrêmement fragile.
Les activités humaines y sont intenses, les milieux naturels menacés et les ressources vitales de plus en plus rares. Comme souvent dans pareil contexte, de nouvelles formes d'inégalités sociales et de développement apparaissent au travers de l'écologie. La Méditerranée, mer des civilisations, est également plus sensible aux pollutions du fait de son cloisonnement.
Le protocole que nous examinons aujourd'hui tente en partie de remédier à cet état de fait. Il se situe dans la lignée de la convention de Barcelone telle qu'amendée en 1995.
Les principes et les buts de la gestion intégrée des zones côtières (GIZC), à savoir le développement durable, la protection des ressources et des écosystèmes et la prévention des aléas climatiques, sont rappelés. Je sais, en tant que Président de cette fort belle région de Provence-Alpes-Côte-d'Azur, qu'il est difficile d'associer son image à une situation d'enclavement, aux incendies des forêts méditerranéennes, aux tremblements de terre ou aux inondations, autant de périls qui pèsent pourtant sur cette magnifique région. Ce sont là des sujets qui peuvent faire l'objet – c'est le projet du Président Nicolas Sarkozy avec la création de l'UPM – d'une entente et d'une coopération entre tous les pays méditerranéens à travers un dialogue interrégional qui laisse de côté la question des frontières ou de la résolution du conflit israélo-palestinien.
En vue d'atteindre ces objectifs, une bande côtière d'au moins 100 mètres de large est théoriquement protégée contre les risques de nouvelles « bétonisations », phénomène dont les Espagnols et les Italiens se plaignent aujourd'hui en ce qui concerne la Costa del Sol pour les uns et la région de Rimini pour les autres, nous-mêmes n'étant pas non plus indemnes de cela sur la Côte d'Azur et en d'autres lieux. Il s'agit là de la mesure la plus emblématique de ce protocole qui ne devra pas être vidée de son sens par la multiplication des exceptions.
Les États signataires sont également tenus d'accorder une attention particulière aux impacts environnementaux d'une industrie qui doit demeurer présente dans nos régions méridionales, de l'agriculture, de la pêche, de l'aquaculture, du tourisme et des activités sportives et de loisirs. Ils sont également invités à adopter des mesures d'ordre foncier, financier et fiscal afin de protéger les zones côtières.
Les entités territoriales sont explicitement associées à la gestion de ces espaces mais aussi aux échanges d'informations qui sont fortement encouragés. L'expérience et la connaissance intime des territoires qui sont le propre des collectivités locales sont ainsi reconnues.
Enfin, le protocole prend acte du fait que commerce et culture font rarement bon ménage en réaffirmant le caractère non-commercialisable du patrimoine culturel subaquatique.
Cet ensemble d'intentions louables ne doit pas masquer le fait que ce texte est en partie vidé de sa substance par l'absence quasiment totale de sanctions et de financement. Il s'agit là de la principale limite du protocole qui nous est soumis aujourd'hui. Sans une volonté réelle des États méditerranéens, ce dernier pourrait bien rejoindre les rangs déjà fournis des déclarations de principe sans lendemain.
Ce texte est toutefois une avancée même si ce n'est pas sans réserves que je vous invite à approuver sa ratification par notre Assemblée, tout en souhaitant que notre commission soit régulièrement informée de l'avancée réelle de la gestion intégrée des zones côtières dans le bassin méditerranéen.
Je vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues par l'article 128 de notre règlement, le présent projet de loi.
Le Président Axel Poniatowski. En application des nouvelles dispositions du règlement de l'Assemblée nationale, je vous indique mes chers collègues que les projets de rapport vous sont désormais adressés, par voie électronique, le vendredi précédant la réunion de la commission à l'occasion de laquelle les projets de loi concernés doivent être examinés.
Comme le Rapporteur l'a souligné, le protocole comporte essentiellement des déclarations d'intention et n'impose pas véritablement d'obligations. Il prévoit notamment un grand nombre de cas de dérogations en matière de règles d'urbanisme dans la bande des 100 mètres. Il me semble que le protocole n'a d'intérêt que s'il conduit à l'adoption de dispositions nationales. La France a-t-elle l'intention de prendre ce type de mesures ?
Le Président Poniatowski a raison de souligner que, malgré le caractère très positif des intentions proclamées par le protocole, sa mise en oeuvre dépend exclusivement de la volonté des Etats. En France, la législation adoptée depuis la « loi littoral » correspond incontestablement aux principes affirmés par le protocole.
En France, la « loi littoral » a déjà plus de vingt ans. D'autres pays européens se sont-ils dotés d'une législation équivalente ?
Sans connaître en détail la législation en vigueur dans les autres pays, je sais que certains Etats fortement dépendants du tourisme, à l'exemple de l'Egypte, n'ont pas signé le protocole afin de ne pas se trouver en contradiction avec ses stipulations, dont la portée morale est indéniable. Il me semble que l'Union pour la Méditerranée (UPM) pourrait faire de la protection du littoral méditerranéen l'une de ses priorités. Des actions sont déjà conduites dans le cadre du Plan bleu, du Programme des Nations unies pour le développement et du PNUE et des programmes de coopération technique conduits par les régions méditerranéennes avec le Maroc par exemple. Ce sont des lieux de discussion pouvant permettre d'inciter les autres pays à aller dans le bon sens.
L'Italie a signé ce protocole. Il est évident que la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a tout intérêt à coopérer dans ce domaine avec les régions côtières italiennes, si l'on songe notamment au fait que les courants méditerranéens semblent avoir pour effet de ramener vers nos côtes les ordures provenant de grandes villes italiennes comme Rome et Naples.
Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (no 1854 rectifié).
Centre opérationnel d'analyse du renseignement maritime pour les stupéfiants (n° 1852 rectifié)
La commission examine, sur le rapport de M. François Loncle, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord entre l'Irlande, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume d'Espagne, la République italienne, la République portugaise, la République française et le Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord, établissant un centre opérationnel d'analyse du renseignement maritime pour les stupéfiants (n° 1852 rectifié).
Une fois encore, nous sommes amenés à examiner une convention deux ans après sa signature, problème récurrent sur lequel je ne m'attarderai pas.
Les routes de la drogue sont multiples, aussi nombreuses que le permet l'imagination des trafiquants. Toutefois, pour les convois les plus importants, ces derniers accordent presque systématiquement leur préférence au transport par voie maritime.
En effet, l'utilisation de navires réduit l'efficacité de la lutte contre ce commerce illégal. En premier lieu, du fait des règles juridiques actuelles, les navires transportant de la drogue ne peuvent être arraisonnés, lorsqu'ils se trouvent dans les eaux territoriales d'un Etat, que par les forces de sécurité de ce pays. Les réseaux de narcotrafiquants ont alors beau jeu d'utiliser la façade atlantique du continent africain, bien moins contrôlée que les côtes européennes, comme relais entre l'Amérique et l'Europe.
En second lieu, le transport maritime, outre son coût inférieur à celui empruntant les voies aériennes, permet de mettre au point des systèmes difficiles à contrer par les forces de l'ordre. Les trafiquants installent ainsi un navire de fort tonnage dans les eaux internationales, auquel plusieurs embarcations beaucoup plus rapides et très agiles viennent régulièrement s'approvisionner pendant la nuit, permettant la livraison simultanée, à de multiples points, de grandes quantités de drogue.
L'importance ainsi constatée du contrôle des mers pour le trafic des stupéfiants est particulièrement vraie pour la cocaïne et la résine de cannabis. Les meilleures estimations disponibles sur ces sujets, évidemment difficiles à cerner, vont toutes dans le même sens.
Pour le trafic de cocaïne, dont les principaux centres de production se trouvent en Amérique du Sud, le recours aux voies maritimes est presque une nécessité, au vu de la distance nécessaire à parcourir. Les réseaux utilisent indifféremment une route directe, des Caraïbes vers l'Europe, ou une route indirecte, passant par l'Afrique pour rejoindre ensuite l'Europe en empruntant des chemins variés. Annuellement, entre 250 et 300 tonnes de cocaïne seraient ainsi produites, dont les douanes ne parviennent pas à saisir plus d'une centaine.
Le trafic de haschich, dont le Maroc reste le premier producteur au monde, bien que la production afghane soit malheureusement aujourd'hui en très forte expansion, utilise également en grande partie les routes maritimes reliant l'Espagne à l'Afrique du Nord. Environ 70 % des mille tonnes de résine de cannabis qui y est produite sont débarqués sur les côtes espagnoles en passant soit par la façade atlantique, soit par la façade méditerranéenne du royaume chérifien.
Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, les forces de police des Etats concernés par ce trafic font face à un double défi. Il s'agit, tout d'abord, de disposer des meilleures informations possibles sur les routes empruntées par les trafiquants, afin de mobiliser leurs moyens au bon endroit. Il s'agit, également, de mettre sur pied des actions de grande envergure pour empêcher les opérations de type « navires-mères » que j'ai déjà décrites. La coopération internationale est une nécessité pour faciliter le travail des forces de police.
Des discussions sont ainsi menées dans plusieurs grandes enceintes internationales, où la France joue un rôle de premier plan. A l'ONU, elle participe aux activités de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, ainsi qu'à la Commission des stupéfiants.
L'Union européenne mène également une action importante dans ce domaine, et la France joue là encore un rôle éminent. Nous participons ainsi au suivi du plan d'action « Drogue », qui vise à harmoniser les règles juridiques en vigueur dans les Etats membres et à coordonner les actions de coopération avec les Etats tiers.
Au-delà des discussions diplomatiques, une coopération plus opérationnelle a été lancée. Les premières initiatives ont été mises en oeuvre sur le continent américain. Les Etats-Unis ont ainsi ouvert leurs structures inter-agences de lutte contre la drogue à des officiers de liaison de tout le continent, et même des officiers européens. Un officier français est ainsi présent au sein de la « task force » du Sud, compétente pour la surveillance du narcotrafic.
Ce type de structures, qui permet un niveau de coordination très avancé, se développe depuis plusieurs années entre les Etats concernés par le trafic de drogue, qu'ils le soient en tant que producteurs, ou destinataires de ces produits. Récemment, la France a participé à la mise en place de projets en Afrique de l'Ouest, et dans la Méditerranée. Dans ce dernier cas, il s'agit de la création, à Toulon, d'un centre de coordination très similaire à celui faisant l'objet du présent projet de loi.
En effet, la convention que nous examinons aujourd'hui, signée le 30 septembre 2007 par sept pays, prévoit la création d'une structure internationale légère – seulement trois personnes en relèvent directement– et qui regroupe en son sein des officiers de liaison de chacun des Etats parties. Les Etats sont responsables du financement des officiers de liaison qu'ils détachent au sein du centre, dont le budget propre est, pour sa part, financé à plus de 70 % par l'Union européenne.
Le centre opérationnel d'analyse du renseignement maritime, objet du présent projet de loi, est situé à Lisbonne. Il ne vise pas à intégrer les différents services de police et de gendarmerie au sein d'une structure unique. Il n'est pas habilité à conduire lui-même les opérations. Il sert uniquement de plateforme pour échanger les informations que les Etats détiennent et qu'ils souhaitent partager.
Concrètement, le centre permet de recueillir, par l'intermédiaire des officiers de liaison, des renseignements sur les navires suspectés de transporter de la drogue, y compris dans les eaux internationales. Au cas où un risque d'opération illicite serait identifié, les officiers de liaison sont sollicités pour demander aux autorités nationales de quelles forces elles disposent à proximité du navire en question. Ces informations sont ensuite mises en commun, pour connaître les moyens réellement disponibles pour procéder à une interception. Le choix final de lancer une telle opération est laissé à l'appréciation des autorités étatiques.
Sans attendre l'entrée en vigueur formelle de la présente convention, le centre a commencé à fonctionner depuis 2007. Il a fourni des informations permettant de mener plusieurs dizaines d'opérations. Au total, celles-ci ont permis de saisir plus de 40 tonnes de cocaïne, et 20 tonnes de haschich. En juin 2007, la marine nationale a ainsi saisi près d'une tonne de cocaïne sur un navire brésilien, identifié grâce à des renseignements fournis par l'officier de liaison britannique.
Le centre de Lisbonne pourrait voir son champ de compétences se développer plus avant. Déjà observateur, comme plusieurs autres Etats et institutions, le Maroc a ainsi manifesté le souhait de pouvoir participer pleinement aux échanges d'information organisés par le centre.
Le projet de loi soumis aujourd'hui à notre examen est sans incidence sur les prérogatives souveraines de la France sur ses eaux territoriales. Il permet néanmoins des progrès en matière d'échange d'informations et de coordination des moyens de police, faisant ainsi avancer la coopération internationale sur un sujet important, la lutte contre le trafic des stupéfiants. Pour ces raisons, j'invite la commission à adopter le projet de loi qui nous est soumis.
La cocaïne exportée vers l'Europe est souvent conditionnée pour le transport depuis la mer Caraïbe. Elle longe ensuite le 10e parallèle pour arriver en Afrique d'où elle remontre vers l'Europe. Deux pays sont notamment cités comme zones de stockage, la Guinée Conakry et la Guinée Bissau. Quelle est la réalité de la coopération entre l'UE et ces deux pays en matière de lutte contre le trafic ?
Comme je l'ai précisé, la France a déjà lancé plusieurs projets dans la région, baptisés « plateformes Afrique de l'Ouest », qui vise à coordonner les efforts de plusieurs Etats, dont des pays européens, dans la lutte contre la drogue. L'Union européenne intervient également dans la région, mais privilégie une approche régionale plutôt que bilatérale. Vous avez raison de souligner le rôle de ces deux pays dont on remarque qu'ils ont connu ces derniers mois des soubresauts politiques graves. Une aide spécifique pourrait leur être apportée
Je remarque aussi que le Maroc souhaite adhérer à cette structure, alors que cela ne lui avait pas été proposé au début.
Quels sont les moyens mis en oeuvre par les Etats pour arraisonner les bateaux trafiquants, et comment sont exploités les renseignements obtenus ?
Les autorités politiques nationales ont toute latitude pour employer les moyens qu'elles jugent nécessaires. En France, les ministères de l'intérieur et de la défense, responsables des ressources humaines et matérielles de la lutte contre le trafic de drogue, coordonnent la mise en oeuvre des moyens mis à la disposition de la structure. On peut sans doute réclamer plus de moyens, y compris budgétaires, mais il convient de remarquer que la France, au sein du groupe de sept pays, est clairement à la pointe.
Hormis le Maroc, quels sont les autres pays intéressés ? Je pense notamment à la Grèce ou à Malte.
On peut s'étonner effectivement qu'ils soient absents de ce programme, et votre remarque est tout à fait pertinente. Cela étant, l'idée initiale a été surtout de s'intéresser à la façade atlantique. Je partage votre sentiment et l'intérêt du dispositif est qu'il y ait un élargissement à d'autres pays, y compris à la Russie par exemple, dans la mesure où un trafic important provient de l'Est. La Russie a d'ailleurs manifesté son intérêt pour l'initiative. Il faut donc souhaiter que d'autres Etats rejoignent le premier groupe, ne serait-ce que pour augmenter les moyens humains et financiers de ce centre.
Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (no 1852 rectifié).
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