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Délégation à l’aménagement et au développement durable du territoire

Séance du 5 mai 2009 à 16h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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PermalienPhoto de Christian Jacob

Nous procéderons très prochainement à l'examen en seconde lecture du projet de loi de programmation relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement. Outre les aspects relatifs à la baisse de la consommation d'énergie, à la limitation des gaz à effet de serre et à la mobilisation d'énergies renouvelables, notre délégation a abordé la problématique des transports sous l'angle de l'aménagement du territoire. À cet égard, l'éclairage des participants à cette table ronde nous sera précieux : M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports, Mme Mireille Faugère, directrice générale déléguée de Voyages-SNCF, M. Hubert du Mesnil, président de Réseau ferré de France (RFF), Mme Bernadette Laclais, maire de Chambéry et représentante de l'Association des maires de France (AMF), M. François Goulard, député maire de Vannes et représentant de la Fédération des maires des villes moyennes, et M. Vanik Berberian, président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF).

Tout d'abord, mesdames et messieurs, qu'entendez-vous par « accessibilité des territoires » ? Cela signifie-t-il l'accès à une ligne SNCF, cela signifie-t-il un fréquencement de trains ? Cela concerne-t-il les voyageurs, le fret ?

Le Gouvernement a annoncé récemment un plan de désenclavement de la Normandie. Sans doute peut-on imaginer d'autres plans de cette nature.

La question du financement est latente, comme on le voit pour les 2 000 kilomètres de nouvelles lignes à grande vitesse inscrites dans le Grenelle. Il faudra bien, un jour ou l'autre, se tourner vers des systèmes plus imaginatifs. On a évoqué un plan de capitalisation, qui aurait permis à l'État de mettre sur le marché une partie de ses actifs dans des sociétés cotées, de façon à apporter des financements nouveaux. Sans doute la période actuelle n'est-elle pas la plus appropriée pour réaliser ce type d'opération. Quant au système des péages, son intérêt est indéniable, mais il présente l'inconvénient de renchérir le coût du transport.

Autre élément de réflexion : le rapport que deux de nos collègues sénateurs ont consacré aux « indicateurs d'accessibilité » et où ils étudient comment se fait l'accès, dans un bassin de population, aux voies les plus rapides – première bretelle d'autoroute, premier TGV, premier aéroport –, en combien de temps et par quels moyens de locomotion.

Notre délégation sera heureuse de vous entendre sur ces sujets.

PermalienDominique Bussereau, secrétaire d'état chargé des transports

En plus du Grenelle de l'environnement, que l'Assemblée examinera bientôt en seconde lecture, un important projet de loi relatif à « l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports » a été adopté par le Sénat.

Le réseau à grande vitesse est au coeur de la « dynamique d'accessibilité », pour reprendre une notion essentielle de la politique d'aménagement du territoire. Nous disposons à ce jour de 1 850 kilomètres de lignes à grande vitesse. C'est le double du réseau allemand, mais les Espagnols tendent à nous rattraper.

Bien que la construction du tunnel pyrénéen entre Perpignan et Figueras soit achevée, les difficultés que rencontrent nos partenaires espagnols du côté de Gérone et de Barcelone font que cet ouvrage, qui permettra une liaison Lyon-Barcelone, ne sera mis en service qu'en 2012 – l'accord a été signé au sommet de Madrid la semaine dernière –, même si l'on peut envisager des services partiels entre-temps.

L'ouverture des 140 premiers kilomètres de la ligne ferroviaire à grande vitesse (LGV) Rhin-Rhône est prévue pour décembre 2011. C'est une ligne particulièrement intéressante en termes d'aménagement du territoire puisqu'elle est à la fois nord-sud et est-ouest.

Le Grenelle prévoit en outre 2 000 kilomètres supplémentaires d'ici à 2020, ce qui portera le total à 4 000.

Le chantier le plus compliqué à financer en partenariat public-privé est celui de la ligne Sud-Europe-Atlantique, qui part au sud de Tours et se divise en trois branches au niveau de Bordeaux : la première vers Toulouse, la deuxième vers l'Espagne, la troisième vers Poitiers et Limoges. Le coût est estimé à 7,5 ou 8 milliards d'euros, la partie publique du financement étant un mixte entre les collectivités et l'État. Nous sommes en train de boucler, non sans difficultés, la partie collectivités locales. Il est à noter que celles-ci jouent très bien le jeu, à quelques exceptions près.

Sont également prévus la ligne Bretagne-Pays de Loire et les contournements de Nîmes et de Montpellier. Il faut y ajouter le travail de réflexion que le Gouvernement a confié à M. Yves Cousquer pour déterminer le meilleur tracé de la ligne Provence-Côte d'Azur. Comment relier Marseille à Toulon et à Nice en préservant au mieux l'environnement ?

Le Président de la République a pris une autre décision importante : l'achèvement de la ligne Paris-Strasbourg, sur le segment Baudricourt-Strasbourg. Les choses devraient se faire rapidement.

Quant à la ligne Rhin-Rhône, elle se divisera en trois branches une fois les 140 premiers kilomètres achevés. Le Président de la République a annoncé lors d'un voyage en Franche-Comté un prolongement vers Dijon et un autre vers Mulhouse, ainsi que le shunt de Mulhouse. On procédera ensuite au raccordement à la ligne TGV sud-est près de Dijon, au raccordement à la plaine alsacienne jusqu'à Strasbourg, et au contournement de l'agglomération lyonnaise, dont on a arrêté le tracé au nord et au sud de l'aéroport Saint-Exupéry.

Du point de vue ferroviaire, Lyon va devenir le lieu de tous les problèmes après Paris. Le trafic à la gare de la Part-Dieu va rapidement s'accroître au point de devenir ingérable. Nous devrons traiter ce problème.

Par ailleurs, le projet lancé par le Président de la République pour l'Île-de-France comprend bien l'achèvement de l'interconnexion des lignes à grande vitesse au sud de la région. C'est un élément d'aménagement important : actuellement, Massy-Palaiseau et Valenton sont reliés par une ligne dont deux segments sont à voie unique.

Il faut enfin mentionner les accès français au tunnel international de la liaison ferroviaire Lyon-Turin, dans le cadre du traité que nous avons conclu avec l'Italie.

Pour ce qui est des programmes dont l'échéance se situe au-delà de 2020, nous avons notamment demandé à RFF de travailler à un doublement de la ligne TGV sud-est : celle-ci est en effet parfois proche de la saturation. On envisage une ligne nouvelle partant de Paris - vraisemblablement de la gare d'Austerlitz – vers l'agglomération orléanaise, puis bifurquant vers l'est pour tangenter Clermont-Ferrand et Lyon. Ce deuxième axe Paris-Lyon permettrait ainsi, moyennant une ligne d'aménagement du territoire, la connexion avec la ligne TGV sud-ouest vers Bordeaux, Toulouse et Narbonne.

Deux régions, la Normandie et la Picardie, s'estiment à juste titre mal servies par ces projets.

Pour ce qui est de la Normandie, le Président de la République a annoncé la semaine dernière le projet de construction d'un barreau de lignes nouvelles en vallée de Seine de Paris à Mantes, la réalisation de deux shunts sur la ligne de Basse-Normandie, ainsi que l'amélioration de la liaison vers Rouen et Le Havre. L'objectif est de mettre Rouen à une heure de Paris, ce qui implique, dans les prochaines années, la construction d'une nouvelle gare dans la ville normande.

En Picardie, il faudra réaliser un jour une nouvelle ligne Paris-Amiens-Calais car le barreau LGV nord commun à l'Angleterre, à Lille, Bruxelles, Cologne et Amsterdam, arrivera certainement à saturation. Nous sommes prêts à le programmer dans l'après-2020.

J'en viens aux connexions européennes. Outre les lignes vers l'Espagne et la ligne Lyon-Turin, une opération de réaménagement d'une ligne ancienne, dite « des Carpates », dans l'Ain est en cours. Cela permettra de gagner du temps vers des destinations comme Genève, Lausanne ou Zurich.

Il est également important de bien relier Strasbourg, notamment pour préserver l'implantation du Parlement européen. D'où les travaux actuels de modernisation du pont de Kehl et l'objectif d'une liaison entre les aéroports de Francfort et de Strasbourg en une heure ou une heure et quart.

Toutes ces opérations ne profitent pas qu'aux voyageurs des TGV : elles permettent de dégager des capacités sur le réseau existant et de développer ainsi les services régionaux ou interrégionaux. La ligne nouvelle Tours-Bordeaux permettrait par exemple de réaliser une autoroute ferroviaire. Les LGV ne sont pas un « réseau de privilégiés », elles forment un vrai réseau d'aménagement du territoire.

Toutes ces actions ont cependant conduit à négliger pendant de nombreuses années les réseaux dits secondaires. On n'a pas anticipé, notamment, l'importance du développement du réseau TER et des lignes classiques interrégionales. Aussi avons-nous défini avec RFF un programme d'investissement de 13 milliards d'euros entre 2008 et 2015 pour remettre à niveau les lignes anciennes. Je souligne à cet égard que les régions, dont ce n'est pourtant pas l'attribution, nous aident dans cette démarche. Les conseils généraux participent également au financement.

Est également en cours un grand programme de rénovation des passages à niveau et des caténaires.

Enfin, nous travaillons à l'amélioration d'une autre forme d'accessibilité, celle qui est offerte aux personnes à mobilité réduite.

Lors de la discussion du projet de loi relatif à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés, nous aborderons l'ouverture à la concurrence des transports régionaux de voyageurs. Je rappelle que le réseau ferroviaire français est ouvert à la concurrence en ce qui concerne le fret ; il le sera pour le transport voyageurs sur les axes internationaux à partir du 13 décembre. S'agissant des réseaux régionaux, le sénateur Haenel a proposé la mise en place d'une commission réunissant toutes les parties prenantes pour réfléchir aux questions – sociales, statutaires, matérielles, etc. – que peut poser l'ouverture. J'ai donné comme objectif à cette commission de fixer les règles du jeu avant les élections régionales du printemps prochain, afin que les candidats disposent de l'information brute. Il s'agit aussi d'examiner la possibilité d'ouvrir, de manière expérimentale, un réseau délimité à d'autres entreprises que l'entreprise historique. En la matière, nous procédons avec pragmatisme.

Le président Louis Armand disait que, si le chemin de fer franchissait le XXe siècle, il serait le mode d'avenir du XXIe siècle. Or, dans notre siècle, on investit beaucoup dans le ferroviaire, et pas seulement en France – même si notre pays, dans le mouvement mondial de construction et de modernisation des réseaux, est plutôt en bonne position.

PermalienHubert du Mesnil, président de Réseau ferré de France, RFF

Dans la continuité de la charte passée avec le Gouvernement, RFF a poursuivi sa réflexion sur sa stratégie de développement durable et a arrêté cinq choix. Le premier, presque « par définition », est de contribuer à l'accessibilité du territoire. Notre rôle est de transformer progressivement le réseau ferroviaire en étoile hérité de l'histoire, qui est l'image d'un mode de développement centralisé réservant une place très forte à Paris, à un autre réseau qui sera largement structuré par les lignes à grande vitesse. Le Grenelle a fait l'inventaire de ces lignes et le réseau s'inscrira dans le schéma national qui est en préparation.

La contribution du gestionnaire de réseau sera de s'efforcer, pour chaque projet, de combiner intelligemment le nouveau et l'ancien afin que chacun tire profit de l'autre. La force de notre système est que les trains à grande vitesse peuvent passer d'un réseau à un autre. La combinaison du neuf et de l'ancien permettra donc de se mettre au service des territoires : c'est ainsi que nous entendons l'accessibilité.

Le réseau complexe qui doit progressivement se substituer au réseau en étoile s'inscrira dans les grands axes européens – Paris-Berlin, Paris-Amsterdam, Madrid-Lyon… - mais il intégrera aussi les réseaux régionaux, qui sont tous différents et qui réclament tous un traitement spécifique pour répondre aux besoins de mobilité de la population. C'est le défi qui se présente à nous : tout en restant diversifiée dans sa nature – de l'international au local –, l'infrastructure devra proposer également des services diversifiés. Il faudra donc combiner les différents réseaux pour répondre aux besoins, aussi bien aujourd'hui que dans trente ou cinquante ans.

Comment répondre à ce défi ?

D'abord par l'étude approfondie de chaque projet retenu par l'État pour déterminer comment chacun d'entre eux peut répondre au mieux aux besoins des territoires traversés. Le cofinancement de ces projets et l'implication des responsables locaux nous y aident fortement : s'il s'agit d'entendre seulement le bruit des trains qui passent sans pouvoir y accéder, il est peu probable que les élus concernés contribuent au projet ! Du débat public jusqu'au tour de table concernant le financement, nous sommes obligés de répondre à chacun des partenaires financiers.

Ensuite par le cadencement, c'est-à-dire la mise en ordre du passage des trains sur le réseau. c'est ce qui, par exemple, permet aux voyageurs de savoir qu'un train part tous les quarts d'heure pour la capitale régionale, mais c'est également pour nous une manière de combiner avec souplesse les différents trains qui circulent et de densifier ainsi le réseau.

Enfin par la revalorisation du réseau existant : remise en état des voies quand les rails sont à bout de souffle, mais aussi modernisation et amélioration des performances afin que les systèmes soient au meilleur niveau. Nous devons faire des efforts en ce sens car notre mode de gestion du réseau est souvent très daté. À titre d'exemple, nous nous employons à développer la commande centralisée du réseau et les radiocommunications GSM : à terme, on ne verra plus les fils téléphoniques qui courent le long des voies.

J'en viens à un sujet qui n'est pas encore résolu : les conditions de gestion des réseaux en zone peu dense. Contrairement à ce que l'on dit parfois, la grande faiblesse de notre réseau, ce n'est pas qu'il est saturé, c'est qu'il n'est pas assez utilisé : 55 trains en moyenne par voie et par jour, contre 80 en Allemagne. C'est une des explications des difficultés de financement : l'activité ferroviaire ne contribue pas suffisamment à son équilibre économique, même s'il est évident que les contributions publiques restent nécessaires. Dans les zones peu denses, le renforcement de l'utilisation du réseau pose des questions compliquées. L'ouverture à la concurrence est un moyen parmi d'autres pour dynamiser l'activité ferroviaire. La réduction des coûts est également nécessaire, comme l'a souligné votre délégation : certaines de nos techniques ferroviaires ne sont pas adaptées à certains éléments du réseau. À chaque cas doit correspondre une solution différente : la réponse aux problèmes de l'Île-de-France ne sera pas la même que pour Midi-Pyrénées. L'ingénierie doit pouvoir nous offrir des solutions permettant de réduire les coûts, faute de quoi nous aurons peut-être encore à opérer des choix en matière de réduction du réseau.

Un mot sur le fret, qui est directement touché par la crise alors que la circulation des trains de voyageurs résiste assez bien. À long terme, trois grandes pistes se dessinent pour améliorer l'accessibilité des territoires.

Premièrement, différencier les réponses proposées. Il faut à mon sens mettre l'accent sur la desserte des ports et, comme l'a fait M. le secrétaire d'État, inviter fermement les grands opérateurs maritimes internationaux à rénover leur gestion, à charge pour nous d'offrir un accès privilégié aux réseaux et des services de qualité.

Deuxièmement, rendre les corridors de fret internationaux interopérables : quelles que soient les compagnies de transport, elles doivent pouvoir y rouler avec des instruments techniques harmonisés.

Troisièmement, permettre l'accessibilité de l'économie au réseau fret dans les zones peu denses. C'est dans cette perspective que nous avons imaginé les opérateurs de proximité, capables de faire de la desserte fine pour un silo ou une zone industrielle de la France profonde. Cela dit, nous n'avons pas de réponse actuellement, ni d'un point de vue économique – il est à noter que la concurrence ne se précipite pas sur cette activité – ni du point de vue des infrastructures, dont la gestion implique une participation beaucoup plus importante des opérateurs locaux.

PermalienMireille Faugère, directrice générale déléguée de SNCF-Voyages

L'accessibilité est au coeur des sujets relatifs à l'aménagement du territoire. Pour la SNCF, c'est une notion très large : accessibilité des territoires, qui s'entend maintenant à l'échelle européenne, accessibilité à la mobilité pour les personnes valides ou handicapées, sachant que cette mobilité, en définitive, donne la liberté.

Le plan extrêmement ambitieux de multiplication du réseau à grande vitesse en France et en Europe illustre bien la position déterminante que le ferroviaire peut occuper dans l'ensemble multimodal. Ses atouts environnementaux en font véritablement un mode d'avenir par rapport aux autres modes.

Cela dit, l'accessibilité doit être considérée comme plurielle : ce n'est pas la seule réponse aux questions d'aménagement du territoire. Ainsi, la LGV de l'est européen a créé pratiquement plus d'activité autour d'elle – développement des dessertes TER – que de trafic à grande vitesse proprement dit. En plus de la complémentarité avec les TER, il faut aussi veiller à l'articulation des LGV avec la route. En effet, le réseau est organisé à la fois autour de gares desservant les centres villes et de gares installées directement sur les lignes à grande vitesse. Cet équilibre et cette intermodalité constituent la vraie réponse, plurielle et moderne, aux besoins de mobilité d'aujourd'hui. Jamais on n'a été aussi inventif en matière d'accessibilité : TER, voitures électriques, vélos, et ce dans l'ensemble des territoires.

Le ferroviaire a pour caractéristique d'être « fabriqué » avec les collectivités territoriales et avec les clients. L'activité à grande vitesse de la SNCF ne bénéficie pas de subventions mais nous menons, comme le prévoit la charte relative à l'organisation de notre offre de services publics, des discussions très denses sur la nature des dessertes dans les territoires afin de trouver les bons équilibres. En matière de construction de lignes comme en matière de dessertes, la vision est aujourd'hui très « co-construite », tant à l'échelle nationale qu'à l'échelle européenne.

L'accessibilité et l'écomobilité doivent être durables, notamment au plan économique, donc finançables par les collectivités et les usagers. La question du prix est très structurante pour la politique de transports. Il faudra trouver le bon équilibre, pour le transport ferroviaire, entre ce que paieront respectivement le voyageur et le contribuable. Ces choix ne sont pas statiques. Le prix de l'usage des infrastructures et le prix de la grande vitesse font l'objet de débats, d'autant que l'ouverture du réseau en Europe donne lieu à une multiplication des études comparatives consacrées à l'efficacité des systèmes selon les pays, tant en matière de lignes à grande vitesse que de réseaux classiques, d'interconnexions, de prix et de services aux voyageurs. Selon ces études, le service français de grande vitesse a ceci de particulier qu'il est fondé sur une politique de volume et de grande accessibilité tarifaire. Il y a là une grande différence par rapport à l'Allemagne ou à l'Espagne. Comme l'Europe est désormais notre territoire de développement et comme 20 % de l'activité de grande vitesse de la SNCF est déjà européenne, je suis persuadée que le raisonnement va s'élargir et que l'on pensera de plus en plus « européen » pour ce qui est des interconnexions.

L'ouverture à la concurrence va beaucoup changer les choses. On observe généralement que la possibilité de choisir développe les mobilités, et donc augmente la demande. Cela suppose cependant que l'on révise le système de péréquation selon lequel les lignes rentables compensent naturellement celles qui ne le sont pas. Le TGV compense les pertes des corails inter-cités. M. le secrétaire d'État nous a d'ailleurs demandé de travailler à un nouvel équilibre.

L'accessibilité est « inter ». Il n'y a pas de réponse unique. Tous les moyens de transport sont concernés. Il faut raisonner en temps global, en prix global, en consommation du carbone globale, articuler infrastructuresgares, articuler les modes de transport entre eux, afin que le système français fasse toujours la différence en Europe.

Je suis convaincue de l'avenir européen des trains de voyageurs. La grande vitesse coûte cher. Il faut donc avoir à coeur de tracer ces lignes de façon efficace à travers les territoires, et donc d'assurer une continuité de vision au niveau européen pour assurer une efficacité, non pas nationale, mais internationale, des services offerts aux voyageurs. C'est ce que l'on a su construire pour le fret en reprenant l'idée de corridor. Il est important de le faire pour les voyageurs, puisque des liaisons comme Amsterdam-Séville ou Toulon-Figueras sont imaginables.

PermalienBernadette Laclais, maire de Chambéry, représentante de l'Association des maires de France, AMF

Pour aborder la question des transports et de l'aménagement du territoire, il faut prendre en compte notre héritage, à savoir un étalement urbain très lourd à gérer. D'où la volonté de revenir à des villes beaucoup plus compactes, plus denses, sans céder pour autant sur la qualité de vie.

Nous souhaiterions à cet égard la confirmation d'une certaine jurisprudence de la SNCF et de RFF : la localisation des gares dans les villes et leur articulation avec des structures existantes, de manière à offrir aux voyageurs toutes les interconnexions avec les transports internationaux.

Je souscris à la distinction entre la desserte des grandes villes et des villes moyennes par les grandes lignes et les dessertes plus fines qui sont offertes dans les territoires moins habités et qui impliquent sans doute davantage de cofinancement avec les collectivités.

Aujourd'hui, une gare ne peut garantir à tout le monde le même niveau d'accessibilité. Il y a cependant moyen d'améliorer les choses.

C'est aussi le cas pour les villes moyennes et les grandes villes : la mise en place de plans de déplacements urbains très coûteux conditionne l'avenir des collectivités et de leurs finances. Nous avons besoin d'y voir clair sur les projets évoqués.

J'ai entendu avec satisfaction M. Bussereau évoquer la ligne Lyon-Turin. Ce projet est emblématique : de son phasage dépendent beaucoup de choix et de conséquences pour les villes moyennes. On peut décider de desservir rapidement Chambéry et Annecy ainsi que les stations de sports d'hiver, mais aussi d'alimenter le fret, ce qui allonge d'autant le délai pour l'offre de services aux voyageurs.

C'est pourquoi je plaide pour l'adoption de calendriers pertinents et calés sur certains projets. Le 18 mars dernier, nous avons appris une excellente nouvelle : plusieurs villes françaises sont retenues dans la sélection internationale pour l'organisation des Jeux olympiques d'hiver de 2018. Comment assurer notre compétitivité si nous ne pouvons nous prévaloir de décisions garantissant une bonne desserte ? Si notre dossier ne comporte pas ces éléments, nous ne serons pas retenus dans deux ans.

Je souhaite aussi aborder la question du foncier aux abords des gares. Les terrains sont souvent inclus dans des plans locaux d'urbanisme, mais les procédures sont très longues et coûteuses et les collectivités ne sont guère aidées pour les mener à bien. Il faut parfois racheter du foncier au prix fort aux entreprises, voire leur retrouver une localisation. Nous n'en avons pas forcément les moyens juridiques, urbanistiques et financiers.

En plus des « indicateurs d'accessibilité », il me paraîtrait utile de disposer d'« indicateurs de compétitivité ». Si, comme nous en sommes tous convaincus, le rail est le moyen de transport du XXIe siècle, nous devons pouvoir démontrer qu'il est compétitif par rapport à la route. Or tel n'est pas le cas aujourd'hui dans nombre de villes moyennes et de grandes villes. Quand on met moins de temps pour rejoindre une grande gare ou pour aller dans une autre ville avec sa voiture, le ferroviaire n'est pas compétitif et perd de sa crédibilité.

Pour ce qui est du fret, certaines villes sont traversées par des voies routières rapides où circulent beaucoup de camions transportant des matières dangereuses. Il est urgent d'agir, en interdisant par exemple à ces camions de passer des barrières physiques ou géographiques comme les lacs ou les zones très urbanisées.

PermalienVanik Berberian, président de l'Association des maires ruraux de France

Je m'exprimerai autant en qualité de voyageur qu'en tant que maire d'une commune rurale. S'il est assez facile, aujourd'hui, de se rendre d'un chef-lieu de département à l'autre, la jonction entre petites gares est moins évidente. Certaines villes sont tout simplement plus accessibles que d'autres. Or, comme le titrait un numéro de notre mensuel 36 000 communes, en matière de dialogue entre les élus et la SNCF, il y a « rupture de caténaire ». À cet égard, je suis très heureux d'entendre Mme Faugère évoquer la charte sur l'organisation des services publics, signée en 2006, car s'il est un document que la SNCF ne respecte pas, c'est bien celui-là. Il faut dire que l'ancienne présidente de la société nationale avait pour cette charte une considération toute relative, au prétexte qu'elle n'aurait aucune valeur juridique – ce qui est sans doute vrai, mais sa valeur symbolique est, elle, très importante. En voici quelques extraits :

« Faire précéder toute réorganisation ou création d'une véritable concertation, animée par le préfet, avec les élus, les opérateurs de service public et les usagers, à un échelon territorial pertinent, départemental ou infra-départemental, notamment les intercommunalités ;

« Intégrer dans tout projet de réorganisation, d'une part des propositions pour améliorer la qualité ou l'accessibilité du service, et d'autre part des garanties ou engagements de résultats fondés sur des indicateurs de suivi et la satisfaction des usagers ;

« Rechercher, après examen attentif de l'organisation territoriale des services mise en oeuvre par l'État et les collectivités, toutes les formules de mutualisation, de regroupement - notamment sous la forme de l'offre d'un bouquet de services et de relais de services publics - ou de dématérialisation des relations avec les gestionnaires de service public ou au public ;

« Mettre en oeuvre le projet retenu en définissant une durée précise… »

Une telle méthode n'a jamais été respectée. C'est au moment où les commissions départementales de modernisation du service public se réunissent – lorsqu'elles le font – que l'on apprend que des arrêts sont supprimés.

Vous avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État, que les régions Normandie et Picardie s'estimaient lésées en matière d'aménagement du territoire. On pourrait y ajouter le sud de la région Centre et le nord du Limousin. C'est d'ailleurs pourquoi, avec d'autres élus, je fais l'objet d'une plainte de la SNCF pour entrave à la circulation des trains. Comment éviter de recourir à un tel moyen quand on n'en a pas d'autre pour se faire entendre ? Je note au passage que ces poursuites sont fondées sur deux textes de loi, l'un datant de 1895 - c'est-à-dire d'une époque où les ruraux avaient encore peur du chemin de fer –, l'autre de 1942, adopté dans le contexte que l'on connaît.

Tout cela est un peu dommage. Il faudrait que les règles du jeu définies dans cette charte – à commencer par la concertation – soient vraiment appliquées. Ainsi, c'est incidemment que l'on a appris la suppression du train qui joignait, le matin, Paris à Argenton-sur-Creuse. Cette suppression conduit les voyageurs à prendre le train à Châteauroux. Si vous saviez le nombre d'habitants de la Creuse ou de l'Indre contraints d'en faire autant, avec les incroyables difficultés de stationnement que cela implique ! J'ai l'impression que la SNCF consacre tous ses moyens au développement du TGV au détriment des TER.

Quant aux Corail intercités, ils sont un peu poussifs. Dans le bassin de population de Gargilesse, où j'habite – à quinze kilomètres d'Argenton-sur-Creuse –, il n'existe plus aucun train, à part le TER, qui s'arrête dans toutes les gares jusqu'à Vierzon. Et il n'y a pas plus grande punition que de devoir fréquenter la gare de Vierzon !

L'accessibilité est donc essentielle. M. le secrétaire d'État évoquait la desserte du Berry. Mais c'est une grande région : nous risquons de voir passer les TGV au loin.

PermalienDominique Bussereau, secrétaire d'état chargé des transports

À vous de faire un bon lobbying !

PermalienPhoto de François Goulard

Le transport ferroviaire a beaucoup évolué ces dernières années, et les villes moyennes ont bénéficié de deux de ses grands succès : le TGV, dont l'arrivée représente pour les villes concernées un bouleversement radical, et le TER.

En matière de transport, il convient d'adopter une vision non pas idéologique, mais pragmatique. Pour tout type de liaison, et en fonction de certaines caractéristiques – distances à parcourir, nombre d'arrêts, populations intéressées –, il existe un mode de transport qui apparaît le mieux adapté à un moment donné. Ainsi, quelle que soit la qualité de la desserte, le ferroviaire ne convient pas lorsque le trafic est trop faible. Il faut donc procéder régulièrement à une analyse des besoins. En ce qui concerne les liaisons à l'intérieur d'une région, le TER est véritablement devenu un transport du quotidien.

Le problème des villes moyennes est qu'elles doivent être dotées de modes de transport performants afin qu'en termes de bassin d'emploi, elles puissent fonctionner comme de grandes agglomérations. S'il n'est pas possible de se déplacer commodément dans un rayon de cent kilomètres autour d'une ville moyenne, la vie économique est limitée ; en particulier, les possibilités de trouver un emploi ou d'en changer sont réduites, ce qui peut poser des problèmes pour les couples – le fait que désormais les deux conjoints travaillent représente un changement majeur dont il faut tenir compte. Dans une ville moyenne, la qualité des transports est donc déterminante non seulement pour la vie économique, mais aussi pour la vie sociale. À cet égard, le TER apporte, grâce à l'investissement des régions, des réponses satisfaisantes.

À propos des gares, évoquées à l'instant par Mme Laclais, deux questions se posent. La première est celle de l'utilisation du foncier ferroviaire, qui est encore loin d'être optimale. Il s'agit pourtant de lieux stratégiques, que l'on pourrait utiliser pour créer des logements, de l'activité économique ou des commerces. Il faut absolument que RFF et la SNCF soient plus actives sur ce sujet.

La deuxième question concerne l'accès aux gares. Bien sûr, il faut développer l'intermodalité : quand il existe un réseau de vélos en libre-service, il est important qu'une station soit prévue dans chaque gare. Mais qu'on le veuille ou non, c'est majoritairement la voiture qui est utilisée. Le stationnement aux abords des gares est donc un sujet essentiel. Comme le disait un élu de ma région, la construction d'une ligne à grande vitesse en Bretagne est une bonne chose. Mais si les trente-cinq minutes gagnées sur le trajet en direction de Paris sont gaspillées à la recherche d'une place de stationnement, à quoi cela sert-il ?

Il ne suffit pas de faire des investissements considérables – et justifiés – pour améliorer la performance ferroviaire ; il faut également prendre en compte toute la chaîne de transport. Or, pour longtemps encore, il sera nécessaire de prévoir des capacités importantes de stationnement automobile dans les villes et à proximité des villes.

Quant à l'accessibilité, la loi a fixé un calendrier, et il faut absolument que nous progressions. Il est anormal que dans un grand nombre de gares, les personnes handicapées ne puissent accéder commodément aux quais. On comprend bien que les entreprises ferroviaires disposent de capacités d'investissement limitées, notamment au regard des attentes considérables de nos concitoyens. Mais avec l'aide des collectivités locales, il est possible de changer la donne – à condition de le vouloir.

PermalienPhoto de Philippe Vigier

Nous vivons une véritable révolution culturelle : de plus en plus, les déplacements vont s'effectuer par le train. D'abord, le Grenelle est passé par là ; nous savons bien que le réseau autoroutier se développera désormais de façon marginale. Nous voyons les parts de marché d'Air France chuter partout où le TGV s'installe. Enfin, l'emploi se concentrera de plus en plus dans les grandes métropoles et dans les villes moyennes. Dès lors, l'accès à des moyens de transport rapides va prendre, dans les années à venir, une valeur croissante.

Mais le sentiment d'injustice éprouvé par nos compatriotes risque également d'augmenter s'ils constatent que certaines parties du territoire sont moins bien desservies que dans le passé. Par exemple, ceux qui habitent à 150 kilomètres de Paris peuvent avoir l'impression d'être plus isolés que ceux qui vivent à 250 kilomètres – c'est le cas des habitants de Chambéry, compte tenu du développement considérable de la région lyonnaise.

En ce qui concerne les TER, la décision du Gouvernement d'investir 18 milliards pour rénover les voies ne peut que réjouir M. du Mesnil. Si l'on en juge par ce qui se passe dans nos régions, en effet, la tâche est considérable. Quel est le calendrier en ce domaine ? Va-t-on profiter de la clause de revoyure des contrats de projet État-région pour graver ces engagements dans le marbre ? Ces travaux pourraient s'inscrire dans le plan de relance, et permettraient une meilleure articulation entre les lignes à grande vitesse et le réseau TER.

On ne pourra pas, monsieur le secrétaire d'État, continuer à traiter le réseau de façon identique en tout point du territoire. Là où il est peu utilisé, il faudra faire en sorte que sa maintenance soit moins importante. C'est vrai pour le fret comme pour le transport des voyageurs. On ne peut pas apporter le même niveau de sécurisation et d'entretien sur une ligne où roulent 250 trains par jour et sur une autre qui n'en voit passer qu'une dizaine.

Enfin, la carte de France du transport ferroviaire présente un grand oubli : la ligne Bordeaux-Clermont-Ferrand-Lyon. En dépit de la liaison Poitiers-Limoges, et du projet de doublement de la LGV sud-est, il manque un maillon. Comment faire pour irriguer le centre de la France, dès lors que le Grenelle conduit à abandonner la route Centre-Europe-Atlantique (RCEA) ? Il ne faut pas oublier ces territoires.

PermalienPhoto de Colette Langlade

Merci, monsieur le secrétaire d'État, de nous avoir donné des éclaircissements sur les zones concernées par le développement des lignes à grande vitesse à l'horizon 2020.

Mme Pérol-Dumont, présidente du conseil général de la Haute-Vienne, a dû s'absenter, mais elle voulait saluer le travail effectué en commun, ces derniers mois, par le département et les agents de RFF.

Ma première question concerne le calendrier prévu pour la construction de la ligne à grande vitesse entre Poitiers et Limoges et pour la liaison Sud-Europe-Atlantique.

Dans le département de la Dordogne, dont je suis l'élue, à Chamiers, une centaine de salariés travaille sur le site du technicentre SNCF de Périgueux. Une des activités principales de ce centre est la fabrication d'appareils de voies et de leurs constituants – aiguillages, traverses, contre-rails. Toute la production est destinée à l'ensemble du réseau ferré national. Sait-on aujourd'hui si la passation des marchés pour la réalisation des lignes à grande vitesse est en bonne voie, et si oui, à quelle échéance ?

Enfin, quitte à sortir du sujet, permettez-moi d'évoquer le réseau routier. J'entends parler d'indicateurs d'accessibilité, liés aux bassins d'emploi. On a également souligné la nécessité de développer des moyens de transport performants et commodes pour rayonner autour des villes moyennes. Or la seule route nationale qui traverse la Dordogne du nord au sud est la RN 21, qui relie Agen à Limoges en traversant trois départements, et n'est que partiellement aménagée en 2x2 voies. Pensez-vous, monsieur le secrétaire d'État, lancer des études de faisabilité en vue d'améliorer le confort et la sécurité de la population qui emprunte quotidiennement cette route ?

PermalienPhoto de Bernard Lesterlin

Mon collègue Philippe Vigier, qui a également dû s'absenter pour des raisons tenant à l'ordre du jour de l'Assemblée, sera heureux de lire votre réponse à sa question sur la RCEA, monsieur le secrétaire d'État, car en ce domaine, les parlementaires souffrent d'un déficit d'informations.

Nous tenons en effet à insister sur l'importance de faire avancer certains dossiers moins médiatiques que celui des nouvelles lignes à grande vitesse – d'autant que ce dernier bénéficie des débats du Grenelle et des décisions liées au plan de relance. La transversale est-ouest, c'est-à-dire l'axe Bordeaux-Lyon par le Nord du Massif Central, en fait partie. Nous aimerions savoir où en est la réflexion du Gouvernement sur ce sujet.

De même, l'opinion publique n'est pas suffisamment informée sur les projets du Gouvernement en matière de régénération du réseau existant. Il ne suffit pas, en effet, de construire des lignes à grande vitesse ou de doubler certaines lignes – même si nous en voyons clairement l'intérêt en termes d'aménagement du territoire. Si nous voulons qu'elles jouent leur rôle, ces infrastructures devront être accessibles – c'est notamment vrai dans la « patate » que vous évoquiez tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État, et que pour ma part je qualifierai plutôt de « poire ».

Enfin, pouvez-vous faire le point sur l'état d'avancement des deux contournements qui conditionnent le doublement de la ligne à grande vitesse Paris-Lyon, c'est-à-dire l'interconnexion du sud de l'Île-de-France et le contournement de Lyon ?

PermalienPhoto de Philippe Duron

Le Président de la République a fait, il y a quelques jours, des déclarations très importantes concernant l'Île-de-France, mais qui vont aussi au-delà. Il a notamment été question de la modernisation de la ligne entre Paris et Le Havre. Vous-même, monsieur le secrétaire d'État, êtes venu récemment à Caen où vous avez fait des annonces sur la modernisation du réseau normand. J'aimerais d'abord savoir comment celle-ci s'articule avec le projet Paris-Le Havre.

Ma deuxième question concerne la régénération du réseau. On voit bien qu'elle est indispensable, mais comment pourra-t-elle s'effectuer, compte tenu des contraintes économiques et budgétaires actuelles ?

Enfin, alors que le Gouvernement a confié à Mme Keller un rapport sur ce sujet, quel statut imaginez-vous pour les gares dans les années à venir ? Dans d'autres pays européens, elles sont gérées de façon très différente.

PermalienPhoto de Michel Piron

Depuis longtemps, des réflexions sont menées sur le lien entre urbanisme, habitat et transports en commun. Ne pourrait-on pas mettre en cohérence les différents documents qui régissent la planification dans ces trois domaines ?

PermalienDominique Bussereau, secrétaire d'état chargé des transports

Bien évidemment, madame Laclais, si, comme nous le souhaitons tous, Annecy est choisie comme site pour les Jeux olympiques d'hiver, nous serions conduits à revoir certaines programmations. Je pense en particulier à la modernisation de la ligne à voie unique Saint-André-le-Gaz – Chambery. Je rencontrerai prochainement le maire d'Annecy à ce sujet. Nous devons avoir une démarche prospective, car la qualité de la desserte sera un élément important du dossier de candidature de la ville.

En ce qui concerne la traversée des agglomérations, nous devons faire attention si nous développons le fret comme prévu par le Grenelle de l'environnement. Saturer la ligne classique de la vallée de la Maurienne ou faire passer, après le contournement ferroviaire de l'agglomération lyonnaise, un certain nombre de trains au sud de Lyon – dans une vallée du Rhône très étroite et déjà urbanisée – ne sera pas chose aisée. L'exemple de la rive droite du Rhin, en Allemagne, nous donne une idée de ce que pourrait être la réaction des populations riveraines en cas de passage intensif de trains de fret, en particulier la nuit. Il importe d'agir sur la qualité du matériel – traction, freinage, roulement – et sur l'insonorisation des ouvrages, sans quoi, après avoir réclamé moins de camions et plus de trains, nos concitoyens pourraient protester contre l'excès de trains.

J'en viens à l'articulation entre le transport ferroviaire et la route. Par-delà le TER – qui, comme l'a rappelé François Goulard, est un succès –, nous aurons intérêt à bien rappeler aux conseils généraux leur rôle en matière de transport routier départemental. La desserte en autocar, un peu abandonnée depuis les années 1960-1970, gagnerait à être relancée. Même si nous voulons, à l'avenir, réduire le mitage, nous avons besoin de recréer des réseaux de transports suburbains, en complément des réseaux TER et des réseaux des autorités organisatrices des transports des agglomérations.

Je laisse à Hubert du Mesnil le soin d'aborder la question très complexe de la gestion du foncier ferroviaire dans les villes – je sais que les élus se plaignent des difficultés qu'ils rencontrent lorsqu'ils engagent de grandes opérations d'urbanisme –, et j'en viens aux gares. Nous sommes tous conscients du rôle essentiel qu'elles jouent dans les villes, et le rapport de Fabienne Keller n'a fait que le confirmer, en procédant à une comparaison entre pays européens. La gare doit non seulement remplir ses missions de transport ferroviaire mais aussi, le cas échéant, permettre aux concurrents de la SNCF de venir proposer leurs prestations. De même, elle doit être beaucoup plus tournée vers les activités commerciales – j'ai noté avec intérêt l'action menée en ce sens par Bernard Soulage, vice-président de la région Rhône-Alpes. Elle pourrait, comme en Allemagne, être un lieu où l'on trouve tout en permanence, y compris des prestations de service public : carte grise, timbres, documents d'état civil…

J'ai pu reprocher par le passé à la SNCF – depuis, elle a changé de vision – de construire des gares trop techniciennes, trop ferroviaires, qui ne vivent pas assez. Les exemples de la Gare du Nord ou de la Gare Saint Charles à Marseille donnent pourtant une idée de leur potentiel. En Allemagne, c'est le lieu où se retrouvent les étrangers, car il vit en permanence. Il en est de même aux États-Unis et au Japon. Les chemins de fer de l'est japonais font 47 % du chiffre d'affaires de leurs gares avec des activités non ferroviaires, comme les commerces ou les hôtels. La gare a donc un rôle beaucoup plus important à jouer dans l'avenir.

Un des enseignements du rapport de Mme Keller et de la mission confiée par Guillaume Pepy à Sophie Boissard est que le responsable de la gare doit être connu des élus. Si la SNCF a un excellent contact avec les élus régionaux, elle a perdu celui des élus locaux.

PermalienVanik Berberian

Pour connaître le responsable d'une gare, le mieux est encore de l'occuper !

PermalienDominique Bussereau, secrétaire d'état chargé des transports

Cela permet surtout de rencontrer les gendarmes !

Philippe Vigier a évoqué la clause de revoyure des contrats de plan État-région. L'échéance va arriver très vite : c'est donc en ce moment que les études doivent être financées et que les projets doivent être soumis à l'État. Les ministères chargés des transports et de l'aménagement du territoire s'apprêtent en effet à les étudier.

En dépit des difficultés, nous essayons, avec l'aide de Jacques Chauvineau et des élus, de développer des opérateurs ferroviaires de proximité. Mais il est vrai que la circulation de quelques wagons sur une ligne desservant une coopérative rurale n'appelle pas le même niveau de maintenance que pour une voie accueillant un TER. La réflexion de Philippe Vigier sur l'adaptation de la maintenance à l'utilisation est donc tout à fait juste. Dans les réseaux de proximité, la vitesse importe peu : c'est la continuité ferroviaire qui est utile.

J'en viens aux réflexions sur les transversales Bordeaux-Lyon, RCEA et autres. Nous retenons pour l'instant le projet Transline, c'est-à-dire l'idée d'une transversale venant de l'Atlantique et rejoignant la future ligne Paris – Clermont-Ferrand – Lyon préconisée par le Grenelle de l'environnement. L'intérêt de ce barreau est-ouest est manifeste, même si nous ne savons pas s'il doit partir de Nantes ou de La Rochelle.

Mme Langlade a posé la question du calendrier de réalisation des différents projets. En ce qui concerne Sud-Europe-Atlantique, RFF doit lancer le plus tôt possible la deuxième partie de son débat avec les entreprises concernées par l'appel d'offres, le début des travaux devant avoir lieu dès l'an prochain, et au plus tard en 2011, pour une mise en service en 2016. L'enquête publique sur la ligne Poitiers-Limoges va commencer. Des communes de la Vienne, dans l'arrondissement de Montmorillon, expriment déjà des protestations à propos du tracé, ce qui est la preuve que le projet prend de la consistance…

M. du Mesnil sera mieux à même de vous répondre en ce qui concerne les marchés de matériel.

Il est vrai que la desserte de la Dordogne est problématique. Compte tenu des projets à Limoges et à Bordeaux, une réflexion devra sans doute être conduite sur la desserte ferroviaire de Périgueux, même si la liaison aérienne est déjà maintenue à l'aide de crédits publics.

En ce qui concerne la RCEA, nous tenons le calendrier annoncé lors de ma rencontre avec des élus de l'Allier.

Hubert du Mesnil pourra vous apporter plus de précisions sur la régénération du réseau existant et sur le calendrier relatif à l'interconnexion sud en Île-de-France. Cette dernière est un élément important du projet présenté par le Président de la République, car elle offrirait, en plus d'une interconnexion entre les lignes à grande vitesse, l'opportunité d'une liaison spécifique entre les deux grands aéroports parisiens. En effet, la liaison entre Roissy et Orly pourrait être réalisée soit en prolongeant la ligne 14 au sud et au nord, soit, à l'instar de ce qui existe au sud de Londres, grâce à une automotrice rapide qui joindrait l'interconnexion.

M. Duron a posé la question de l'articulation entre les propos tenus par le Président de la République le 29 avril, ceux que j'ai tenus en Normandie et la mission confiée à Jean-Pierre Duport. Il s'agit du même projet : l'accélération promise par le Président de la République serait permise par la nouvelle ligne entre Paris et Mantes, par le desserrement de la liaison francilienne grâce à la prolongation de la ligne Éole, et par les shunts sur la liaison Paris-Caen-Cherbourg. Je me rendrai prochainement en Haute-Normandie pour étudier les améliorations souhaitées par les élus locaux.

Je me tourne d'ailleurs vers Mme Faugère pour lui demander comment la SNCF envisage l'après-Corail, car cette réflexion intéresse les deux Normandie. Quel type de matériel – wagons tractés ou rames blocs – pourrait remplacer ces trains rénovés à plusieurs reprises et qui ont maintenant trente-cinq ou quarante ans ?

PermalienMireille Faugère, directrice générale déléguée de SNCF-Voyages

Il est vrai que la réalisation de certains projets – par exemple la liaison Rhin-Rhône, ou l'aménagement de nouveaux tronçons sur la ligne Bordeaux-Nice – conduit naturellement à faire basculer des lignes Corail ou Téoz en TGV. La force du matériel TGV est en effet d'être entièrement interopérable entre lignes à grande vitesse et lignes classiques.

Il est certain qu'il y aura encore des rénovations du matériel Corail. Nous réfléchissons déjà à la façon d'améliorer les Téoz. Ce matériel peut en effet perdurer encore assez longtemps. Mais quand il s'agit d'imaginer l'étape suivante, c'est à l'automoteur que l'on pense. Je ne crois pas que la traction de wagons par une locomotive soit un modèle durable en matière de transport ferroviaire. Les TER sont de type automoteur : c'est le matériel le plus efficace pour les manoeuvres et l'entretien, et le plus économe.

PermalienHubert du Mesnil, président de Réseau ferré de France, RFF

Avant de préciser le calendrier des différents projets, permettez-moi de rappeler les trois grandes étapes de la construction d'une ligne : il y a d'abord le temps du débat public, puis celui de l'enquête publique, et enfin celui de la réalisation. Ainsi, s'agissant de l'interconnexion sud en Île-de-France, l'État a proposé à la commission nationale de lancer le débat public juste après les élections régionales, soit fin 2010-début 2011. En concertation avec les communes concernées, nous préparons ce débat en déterminant les différents tracés possibles.

En ce qui concerne le contournement ferroviaire de l'agglomération de Lyon (CFAL), le débat public a eu lieu, et il appartenait au secrétaire d'État de choisir le fuseau qui déterminera les fonctionnalités devant être remplies par la ligne. Dans la partie nord, l'enquête publique est en préparation, mais dans la partie sud, qui posait des problèmes très différents, le Gouvernement vient de choisir, après avoir demandé des études complémentaires, un fuseau parmi les sept proposés.

Quant aux projets destinés à être réalisés dans les cinq ou six années à venir, la déclaration d'utilité publique a déjà été obtenue ou est sur le point de l'être. C'est le cas, par exemple, pour la partie sud de la ligne Bordeaux-Tours.

Au sujet de la régénération et de son financement, il faut comprendre que nous ne pouvons pas faire plus que ce que nous faisons aujourd'hui. Cela répond d'ailleurs à la question des échéances des marchés ou de l'activité des différentes industries concernées - qu'il s'agisse des ateliers de la SNCF ou d'entreprises privées – : elles tournent à plein régime. N'oublions pas que les travaux de rénovation entraînent des perturbations dans le service. Dès lors, les transporteurs, à commencer par la SNCF, mais aussi les conseils régionaux sont les premiers à nous demander de limiter les chantiers, faute de dépasser la capacité du réseau à absorber ces perturbations.

En deux ou trois ans, nous faisons plus que doubler le rythme de rénovation du réseau : alors que l'on remplaçait entre 400 et 450 kilomètres par an, nous en sommes aujourd'hui à 800, avant d'atteindre environ 1 000 kilomètres dans deux ans. Le résultat est que le nombre de kilomètres de ralentissement, qui augmentait d'année en année – signe que le réseau continuait à se dégrader – est désormais stabilisé. Si le problème est donc loin d'être résolu, nous espérons finir le processus à l'horizon 2015. Le contrat de rénovation que nous avons signé avec l'État prévoit un investissement de 13 milliards d'euros, qui pourrait être porté à 15 d'ici à 2015. Cette somme correspond grosso modo à la dépense engagée pour réaliser les quatre grands projets de lignes à grande vitesse prévus pour la même échéance : Bordeaux-Tours, Le Mans-Rennes, Nîmes-Montpellier et l'achèvement de Paris-Strasbourg.

Comment assurer le financement de ces travaux ? Lorsqu'il s'agit de construire des lignes à grande vitesse, le tour de table associe toutes les collectivités concernées, ainsi que l'État, l'Europe et RFF. Le financement tient compte des recettes nouvelles générées par les nouvelles lignes. La rénovation du réseau existant, quant à elle, peut permettre de créer des trains supplémentaires, mais elle peut aussi ne servir qu'à sauver la ligne. Son financement est assuré par des subventions de l'État, par des péages, par le produit de ventes foncières et par les contributions des régions.

Les subventions de l'État tendent à diminuer depuis quelques années. Dans ces conditions, l'augmentation des péages n'apporte pas un euro de plus : elle ne fait que compenser le manque à gagner. Il conviendrait donc de veiller à ce que ces subventions soient stabilisées – je ne songe même pas à une augmentation.

Les péages sont une ressource nouvelle : ils rapportent, tous les ans, près de 100 millions d'euros, qui servent à rénover les lignes existantes. Ces péages sont l'expression de la mutualisation dont nous parlions tout à l'heure ; ils sont le résultat d'un choix effectué au niveau national.

On a évoqué l'importance, pour les villes, de pouvoir rénover et valoriser les quartiers entourant les gares. Dans le domaine du patrimoine foncier de la SNCF et de RFF, nous avons connu de nombreuses années d'hésitations et de tâtonnements. À un certain moment, il a été question de rendre à l'État le produit de la vente de ces terrains. J'avoue que, dans ces conditions, nous n'étions pas très motivés. Désormais, l'argent provenant de ces cessions est intégralement consacré au financement des rénovations. Cela pose peut-être des problèmes aux villes concernées, qui peuvent parfois juger excessif le prix demandé, mais au moins, on sait à quoi sert l'argent. Ces cessions représentent 200 à 300 millions d'euros par an, soit une somme non négligeable.

Enfin, une partie des ressources provient des régions. Les contrats de projets État-région représentent 1 milliard d'euros par an. S'y ajoutent, dans certaines régions, des contrats complémentaires destinés à la rénovation du réseau.

Au total, nous allons investir 3,4 milliards d'euros en 2009, dont 300 millions au titre du plan de relance. Je le répète, il est difficile d'aller plus loin.

Le financement est donc prévu : si tous les partenaires impliqués maintiennent leurs engagements, nous parviendrons à atteindre l'objectif d'une rénovation de 5 000 à 6 000 kilomètres de voies d'ici à 2015. À cette date, il restera des efforts à consentir, mais nous aurons, pour l'essentiel, remis le réseau d'aplomb.

PermalienPhoto de Christian Jacob

Je remercie tous les intervenants. L'examen du projet de loi « Grenelle 2 » et celui du projet de loi sur les transports nous donneront d'autres occasions de procéder à des auditions portant sur le transport ferroviaire. Il me semblait toutefois nécessaire d'aborder ce sujet sous l'angle de l'aménagement du territoire, même si une telle approche n'est pas concurrentielle avec les questions d'environnement ou de rentabilité économique.