Le Président Pierre Lequiller s'est déclaré très heureux de recevoir la ministre sur le thème de la politique industrielle. Il a rappelé qu'au cours des derniers mois, les dossiers de politique industrielle ont occupé une place très importante en France et en Europe, avec la réforme de la gouvernance d'EADS et la fusion de Suez et GDF.
Dans le domaine de l'énergie, les sujets de débat sont actuellement nombreux : volonté de la Commission de renforcer la libéralisation du marché énergétique européen avec la séparation entre les producteurs et leur réseau de transport, à laquelle l'Allemagne et la France, ainsi que sept autres Etats membres, sont opposés ; avenir du nucléaire en Europe avec les difficultés d'un certain nombre de pays comme l'Allemagne, dont la coalition est divisée sur ce sujet ; réflexion sur la recomposition du groupe Areva et son éventuel rapprochement avec Alstom, principal concurrent de l'allemand Siemens, qui détient actuellement 34 % de participation à Areva.
Concernant la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l'emploi (qui depuis sa révision en 2005 inclut l'objectif de renforcement de la base industrielle), l'enjeu actuel est la définition d'un nouveau cycle pour la période 2008-2010. La Chancelière allemande et le Président de la République ont adressé récemment une lettre au Président du Conseil européen, dans laquelle ils demandaient un renforcement de la stratégie de Lisbonne grâce à des mesures économiques externes, permettant de garantir une concurrence loyale au plan mondial.
Après avoir demandé à la ministre quelle valeur ajoutée apportait l'Europe en matière industrielle, le Président Pierre Lequiller l'a interrogée sur les actions que la France et l'Allemagne entendent mener pour s'opposer aux récentes propositions de la Commission sur la séparation de la production et de la distribution du transport dans le domaine de l'énergie ; sur le financement de Galileo, avec l'opposition de l'Allemagne à un financement par des crédits communautaires ; sur les espoirs d'obtenir de la Commission européenne qu'elle demande une dérogation à l'OMC concernant l'accès des PME aux marchés publics, similaire à celle dont bénéficient déjà plusieurs de nos concurrents mondiaux ; sur la portée de la requalification de la concurrence libre et non faussée non plus en objectif de l'Union, mais en instrument dans le futur traité modificatif et enfin sur les priorités que le Gouvernement souhaite mettre en avant lors du prochain cycle de la stratégie de Lisbonne pour la période 2008-2010.
, a exprimé sa satisfaction d'intervenir devant la Délégation pour l'Union européenne sur la politique industrielle dans le cadre de l'Europe, d'autant plus que, jusqu'à une date récente, on parlait plus au plan communautaire de politique de concurrence que de politique industrielle. Dans le contexte de la mondialisation, on assiste à un retour en force du concept de politique industrielle.
La ministre a salué le rapport d'information présenté en février dernier par MM. Jacques Myard et Jérôme Lambert sur la politique industrielle européenne. Le Gouvernement s'en est inspiré.
Elle a souligné que la politique industrielle se bâtit avec le temps.
Les années soixante-dix furent marquées par les grands programmes, les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix par la concurrence et la libéralisation et la politique industrielle n'était pas au coeur du projet de la Commission européenne.
Il convient tout d'abord d'inventer l'avenir, par la promotion de la recherche et de l'innovation. L'engagement fixé à Lisbonne de parvenir d'ici 2010 à 3 % du PIB consacrés à la recherche et développement est loin d'être atteint. La France y a consacré en 2005 2,1 % de son PIB, ce qui la situe au-dessus de la moyenne européenne (1,77 %), mais en deçà de l'Allemagne (2,5 %), des Etats-Unis (2,68 %) et du Japon (3,18 %). Ceci est insuffisant par rapport à l'objectif. Si les sommes investies par le secteur public sont importantes, l'investissement privé est en retard.
Le projet de loi de finances pour 2008 prévoit donc un effort considérable pour la recherche, par le biais d'une amélioration substantielle du crédit d'impôt recherche. Celui-ci existe mais il est trop complexe et trop court compte tenu des objectifs de long terme des entreprises. Il est donc proposé de porter à 30 % le taux du crédit d'impôt sur la part en volume jusqu'à 100 millions d'euros de dépenses de recherche, puis à 5 % au delà de ce seuil.
Par ailleurs, afin d'étendre l'assiette du crédit d'impôt à 100 % des dépenses de recherche, le plafond sera supprimé.
Il s'agit d'un effort massif en faveur de la recherche des entreprises privées, qui représentera un coût budgétaire de 800 millions d'euros en 2009 et de 1,3 milliard d'euros en année pleine. La ministre a indiqué que des modifications visaient aussi à simplifier le mécanisme du crédit d'impôt recherche et à apporter plus de sécurité aux entreprises.
Les pôles de compétitivité sont le deuxième instrument que le Gouvernement souhaite améliorer. Il existe aujourd'hui 71 pôles de compétitivité, dont 7 pôles mondiaux et 9 à vocation mondiale. Il faut maintenant leur donner le temps de faire la preuve de leur capacité à rassembler les différents acteurs, chercheurs, entreprises et pouvoirs publics. En 2008, une évaluation de l'efficacité de ces pôles sera mise en oeuvre.
La Commission européenne a souligné l'avance de la France dans son évaluation des programmes nationaux de réforme en 2006. C'est clairement la France qui a inspiré l'initiative européennes des « clusters ».
Les agences au service de la recherche et du développement sont un troisième instrument que le Gouvernement souhaite rendre plus opérationnel. Il est souhaitable qu'OSEO et l'Agence de l'innovation industrielle se recentrent sur un effort en faveur des PME. Le Gouvernement va aussi continuer à soutenir les efforts de l'Agence nationale de la recherche, qui rapproche le monde académique et l'entreprise en mode projet.
Enfin, certaines politiques contribuent en parallèle à améliorer l'innovation. La France s'attache ainsi à créer un environnement réglementaire approprié pour que les technologies nouvelles de l'information et de la communication soient rapidement accessibles. C'est notamment le cas de la télévision mobile personnelle, qui permet aux détenteurs d'un téléphone mobile de recevoir la télévision.
Il est nécessaire de disposer de mécanismes juridiques pour la protection de la propriété industrielle. C'est pourquoi le Gouvernement a engagé des démarches pour la ratification de l'accord de Londres et du protocole de Munich sur les brevets européens. Concernant la lutte contre la contrefaçon, il convient de mieux protéger la recherche et l'invention des entreprises françaises au plan international. La France défend également la création d'un brevet communautaire avec un contentieux de la validité et de la contrefaçon confié à une juridiction unique, la Cour de Justice européenne. La France a à ce sujet un débat fructueux mais pas toujours facile avec l'Allemagne.
La politique industrielle doit aussi viser à améliorer le présent et la situation au quotidien. A ce titre, le Gouvernement souhaite favoriser le développement des PME. La lettre de mission adressée par le Président de la République fixe un objectif de création de 2000 entreprises de taille moyenne, pour conquérir les marchés étrangers, créer des emplois et participer à la recherche et à l'innovation.
La France souhaite que l'Union européenne obtienne à l'OMC une dérogation permettant un accès préférentiel des PME aux marchés publics, qui placerait les PME européennes sur un pied d'égalité avec les PME américaines, japonaises, canadiennes et sud-coréennes.
La France va poursuivre cette démarche ; le Président de la République a confié sur ce sujet une mission à M. Lionel Stoleru. Les résultats seront connus à la fin de l'année.
La politique industrielle doit enfin permettre de gérer l'héritage et le passé, en anticipant puis en accompagnant les mutations industrielles. Il s'agit de dossiers parfois douloureux, qui comportent des restructurations, des suppressions de postes, la revitalisation de bassins d'emplois. Pour ce faire nous disposons d'une palette d'outils, comme la gestion prévisionnelle des emplois et la revitalisation des territoires touchés par des restructurations. Ces outils font souvent appel à la négociation collective, car il faut associer les chefs d'entreprises, les salariés, les pouvoirs publics locaux.
Cette dimension d'anticipation et de participation fait son chemin au plan européen. En 2006, sous l'impulsion de M. Michel Barnier et de M. Pascal Lamy, puis du Président José Manuel Barroso, a été créé un Fonds européen d'ajustement à la mondialisation, dont la vocation est d'intervenir dans les grandes restructurations industrielles. Ce fonds est doté de 500 millions d'euros et cette dotation va augmenter. PSA et Renault ont été les premiers à en bénéficier.
La ministre a ensuite souligné l'intérêt d'une approche par filière, citant la mission confiée à M. de Calan, Délégué général adjoint de l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), sur la gestion de l'emploi dans la filière automobile. Dans une économie mondialisée et caractérisée par une forte concurrence, il convient d'avoir une réflexion globale, incluant les donneurs d'ordre et tous les sous-traitants. Cette approche par filière doit aussi concerner l'aéronautique, l'industrie chimique, l'agro-alimentaire. Il faut également l'appliquer aux secteurs d'avenir, par exemple les jeux informatiques, les biotechnologies, les nanotechnologies.
S'agissant de Galileo, Mme Christine Lagarde a rappelé que, lors du Conseil des ministres des transports du 2 octobre 2007, aucun compromis n'avait pu être trouvé quant aux modalités de financement de ce programme. Elle a jugé nécessaire de convaincre l'Allemagne d'accepter, conformément aux propositions du Commissaire Jacques Barrot, le principe d'un financement communautaire de Galileo qui est un enjeu déterminant pour l'Europe et dans lequel l'Allemagne doit trouver naturellement sa place.
Pour ce qui est de la filière nucléaire, la ministre a indiqué que la recapitalisation d'Areva – en dépit de sa pertinence – n'était pas à l'ordre du jour, Areva disposant d'une capacité technologique importante qui lui permet d'être très compétitive que ce soit par rapport à Westinghouse ou par rapport à d'autres concurrents – japonais ou General Electric – qui se profilent sur le marché.
En ce qui concerne la séparation patrimoniale des activités de production et de transport d'énergie, la ministre a indiqué que la France, avec ses autres partenaires – dont l'Allemagne – était hostile à une telle proposition qui n'apparaît pas nécessaire pour améliorer le service, ni pour assurer une concurrence libre et non faussée en faveur des tiers.
Un débat a suivi l'exposé de la ministre.
, se référant au rapport d'information qu'il a établi avec M. Jacques Myard, a rappelé qu'en dix ans la part de l'emploi industriel dans l'Union européenne avait été ramenée de 21 % à 17,7 % et en France de 19,5 % en 1990 à 14,8 % en 2001. Par ailleurs, la France a perdu 1,4 million d'emplois au cours des 15 dernières années et l'Allemagne 3,5 millions d'emplois. Or, jusqu'à maintenant, l'Union s'est employée davantage à lutter contre les freins à la concurrence qu'à mener une véritable politique industrielle. Face à cette situation préoccupante dont on mesure aujourd'hui les conséquences, une volonté semble se faire jour pour adopter d'autres orientations lesquelles, malgré tout, manquent de clarté. Se référant à un article publié dans Le Figaro « le grand retour de la politique industrielle », signé par MM. Jean-Pierre Jouyet, Secrétaire d'Etat aux affaires européennes, et le commissaire Günter Verheugen, M. Jérôme Lambert a toutefois fait observer que le programme Galileo se heurtait à des difficultés. En matière énergétique, les rapports entre Areva et ses partenaires se détériorent. Quant au principe de la séparation patrimoniale entre les activités de production et de transport d'énergie proposé par la Commission, il suscite l'hostilité de plusieurs Etats membres, comme l'a rappelé la ministre.
Dans ce contexte, M. Jérôme Lambert a souhaité savoir quels étaient aujourd'hui les grands projets industriels portés par l'Union européenne, compte tenu du fait qu'aucune volonté concrète ne semble se dessiner.
a remercié la ministre pour son exposé qu'il a jugé très clair et lui a fait part de son appui enthousiaste aux propos qu'elle a tenus concernant le crédit d'impôt recherche, les pôles de compétitivité, le small business act, les priorités en faveur des PME, de la recherche et de l'innovation, l'approche industrielle par filières, observant à cet égard que tous ces problèmes ont été déjà évoqués au sein de la Délégation.
Puis il a demandé à la ministre quel était le jugement qu'elle portait sur la situation de la gouvernance économique de l'Union européenne.
Evoquant la Présidence française, il a estimé qu'elle devrait être l'occasion pour la France de fixer certaines priorités et a demandé des précisions sur ces dernières, en particulier en ce qui concerne la stratégie de Lisbonne. Il a regretté que celle-ci ait accusé beaucoup de retard et qu'elle demeure peu lisible, ce qui exige davantage de pédagogie, effort que, d'après lui, la Présidence française pourrait accomplir utilement et que la Délégation pourrait, de son côté, relayer.
Il a souhaité connaître quels étaient les points fondamentaux d'accord ou de divergence existant avec les autres partenaires sur la politique industrielle.
Enfin, s'agissant d'OSEO, il s'est enquis de la pertinence des allégations selon lesquelles les activités d'OSEO seraient axées sur le soutien bancaire aux PME au détriment de la recherche, rappelant que ce groupe avait été créé à l'initiative de l'Etat et des gouvernements successifs pour être le fer de lance des PME, de la recherche et de l'innovation. Il a par ailleurs demandé à Mme Christine Lagarde dans quel délai le nouveau président d'OSEO serait désigné.
En réponse, la ministre a fait part des éléments suivants.
Le rapport précité établi par MM. Jacques Myard et Jérôme Lambert étaye son important travail d'analyse, de diagnostic et de proposition sur des chiffres extrêmement évocateurs dont il faut tenir compte. Il convient néanmoins de prendre acte des évolutions économiques. Les emplois perdus dans certains secteurs ne seront pas retrouvés dans ces mêmes secteurs. D'autres activités se sont développées, entre autres dans les services et plus particulièrement dans les services à l'industrie. La montée en puissance de la technologie exige un fort investissement en matière de recherche-développement. Celui-ci s'accompagne d'une amélioration du contenu des emplois. Par ailleurs, certains secteurs comme le textile peuvent rester présents en France grâce à des innovations.
Pour ce qui concerne les grands projets industriels au niveau européen, EADS est le premier d'entre eux. Il faut, en effet, s'appuyer sur les projets anciens et ne pas les négliger. Le producteur d'avions a certes pâti des retards de l'A380, mais Boeing souffre également de problèmes de nature comparable pour son dreamliner, même si ceux-ci sont moins connus. Galileo est un autre de ces grands projets. Il avance notamment grâce à l'action du commissaire européen aux transports, M. Jacques Barrot. Il représente un enjeu essentiel pour l'indépendance de l'Europe vis-à-vis du GPS américain. Pour l'avenir, il convient de rester ouvert sur la nature des projets industriels de demain.
S'agissant de la gouvernance économique de l'Europe, ce même projet Galileo doit servir de champ d'expérimentation, avec obligation de résultats. Sur des projets avec de tels enjeux d'investissement, de technique et d'indépendance, il convient d'éviter tout esprit de repli des Etats membres qui veilleraient essentiellement à soutenir l'activité de leurs industries.
Pour la future Présidence française, l'énergie et la défense ont déjà été identifiées comme des secteurs industriels sur lesquels des projets pourraient voir le jour. Ils sont des garants de l'indépendance nationale et régionale. Par ailleurs, il convient de développer les outils en faveur des PME. Il s'agit, d'une part, de l'équivalent du small business act pour l'Europe et, d'autre part, d'une réflexion sur le statut et les critères d'identification des PME. Les seuils actuels d'effectifs et de chiffre d'affaires sont-ils pertinents ?
La dimension externe de la compétitivité constitue, en liaison avec les réflexions du commissaire chargé du commerce extérieur, M. Peter Mandelson, un sujet à évoquer. Il s'agit d'examiner les moyens avec lesquels, hors d'Europe, les Etats soutiennent leurs entreprises pour définir des conditions de réciprocité. La gamme d'intervention est large et va des aides d'Etat à la politique sociale en passant, le cas échéant, par des politiques monétaires appropriées. La France a demandé une étude sur ce point.
S'agissant d'OSEO, qui résulte de la fusion entre la BDPME et l'ANVAR et dont le nouveau directeur sera nommé prochainement, sa vocation est de se concentrer sur les services bancaires aux PME tout en soutenant également l'innovation.
En ce qui concerne les points d'accord ou de désaccord avec nos principaux partenaires européens, l'expérience montre que les accords interviennent plus aisément lorsqu'il y a un adversaire ou un compétiteur commun. Sur le niveau du change de l'euro avec le dollar, le yen et le yuan, on constate progressivement une convergence sur la position exprimée très tôt par la France avec des ralliements tels que ceux de M. Jean-Claude Junker, le Président de l'Eurogroupe, et de M. Joaquin Almunia, commissaire européen aux affaires économiques et monétaires.
En revanche, lorsque tel n'est pas le cas, il est plus difficile d'obtenir des accords. Il existe ainsi une divergence sur le rôle de la concurrence entre les pays du Nord et ceux du Sud.
s'est félicité des mesures annoncées notamment le développement du crédit d'impôt recherche, qui permet d'envisager le développement des entreprises, ainsi que du Protocole de Londres et de l'équivalent du small business act. L'examen des moyens et méthodes de la politique industrielle des autres grandes puissances à l'échelle mondiale montre l'importance des outils, qu'il s'agisse des instituts d'analyse comme au Japon, des grandes agences de recherche aux Etats-Unis, du budget de la défense ou encore des fonds souverains permettant de procéder à des investissements essentiels par-delà les frontières. Par comparaison, l'Europe est très faible car elle n'a pas de véritable stratégie. A part l'objectif d'atteindre le niveau de 3 % du PIB pour les dépenses de recherche et de développement, la stratégie de Lisbonne ne relève pas de la même catégorie car elle est largement déléguée aux Etats et les modalités en sont très incertaines. Il convient également de protéger et de ne pas remettre en cause les différents outils en vigueur, notamment les établissements financiers spécialisés qui peuvent jouer un rôle semblable à ceux des fonds souverains.
Il faut aussi réfléchir sur les difficultés de l'articulation entre les instruments nationaux et européens de recherche, dont Galileo est un exemple. La construction d'une véritable défense européenne serait également un outil appréciable.
S'agissant des enjeux, il y a des oppositions entre Etats membres sur la question énergétique, notamment sur le nucléaire.
a souhaité évoquer les pôles de compétitivité et leurs liens avec le développement de la coopération industrielle en Europe. Le groupe socialiste n'est pas, a priori, hostile à la démarche de mise en place de pôles de compétitivité , mais il semblerait que certains acteurs critiquent aujourd'hui une trop forte centralisation des décisions, une mobilisation et des moyens financiers insuffisants, ainsi qu'une gouvernance parfois aléatoire. Par ailleurs, on peut se demander si certains pôles n'ont pas un champ d'activité trop étroit pour pouvoir prétendre atteindre l'échelon européen, tandis qu'à l'inverse l'Etat ne devrait pas renoncer à soutenir d'autres pôles essentiels sur le plan régional. D'une façon plus sectorielle, à l'occasion du débat en séance publique sur le Grenelle de l'environnement, il paraît nécessaire de ne pas ignorer le secteur de captage et de séquestration du CO², dans la mesure où les centrales thermiques sont nombreuses en Europe et dans le monde, qu'Alstom est un intervenant majeur et que l'Allemagne est particulièrement concernée par cette question.
a remercié la ministre pour la clarté de son intervention et son volontarisme. Il a souhaité aborder la question de la tarification de l'énergie, qui est essentielle pour les industries électro-intensives. Or, le consortium Excelsium, qui réunit ces entreprises électro-intensives, fait état de difficultés, de menaces, qui pèseraient sur le dispositif dit de « l'énergie réservée » liant une usine hydroélectrique à des entreprises situées à proximité et, enfin, on connaît les problèmes touchant au « tarif de retour », permettant aux entreprises ayant choisi un autre opérateur qu'EDF de revenir à un tarif réglementé. Cette question d'apparence technique est, en réalité, très politique et le Président de la République a d'ailleurs résumé les enjeux en demandant pourquoi la France, après avoir supporté, dans le passé, des inconvénients liés à la mise en place de la filière nucléaire, ne pourrait pas bénéficier aujourd'hui des avantages d'une tarification au meilleur coût procurée par cette filière. Les réponses à cette question seront fondamentales pour le devenir de la compétitivité future des industries de l'aluminium implantées à Saint-Jean-de-Maurienne.
a constaté que la filière nautique était actuellement en plein développement et que des entreprises françaises se situaient au premier rang mondial. Toutefois, les directives communautaires sur la pêche mettent en difficulté des constructeurs de thoniers souhaitant se reconvertir dans le domaine de la plaisance. Il importe donc d'accompagner cette évolution.
a repris à son compte les propos de Mme Arlette Franco, puis il s'est interrogé sur le positionnement de l'Europe dans les domaines des nanotechnologies et de la robotique, où – semble-t-il – le Japon aurait pris quelques longueurs d'avance. Enfin, citant une constatation dressée dans le rapport d'information de MM. Jacques Myard et Jérôme Lambert, il a souhaité savoir si l'Europe sortait de sa « naïveté » en matière d'intelligence économique.
En réponse aux différents intervenants, Mme Christine Lagarde a fourni les précisions suivantes :
- le problème des fonds souverains est un exemple illustrant parfaitement les possibilités de trouver des accords en Europe. Le Président Nicolas Sarkozy et la Chancelière Angela Merkel ont déjà fait part de leur volonté commune de mieux connaître la composition, le champ d'action et la régulation de ces fonds. D'autres partenaires européens semblent prêts à nous suivre dans ce domaine ;
- la question de l'articulation du niveau national et du niveau européen mérite, effectivement, d'être développée pour autoriser un meilleur déploiement de nos forces ;
- sur l'énergie, pour des raisons de choix politiques tenant à la fois à l'histoire et à la culture, on ne peut que constater la diversité des situations nationales. Néanmoins, des évolutions exemplaires sont aujourd'hui en cours en matière nucléaire et certains Etats s'ouvrent à nouveau à cette filière en prenant en considération le principe de rareté ;
- la coopération en matière de défense, initiée par la déclaration de Saint-Malo entre la France et le Royaume-Uni, doit s'étendre à d'autres pays ;
- il est trop tôt pour établir un bilan précis des pôles de compétitivité après trois années de recul seulement. Une première évaluation est prévue en 2008, mais il convient de se laisser du temps pour dresser un bilan correct. On peut néanmoins estimer que, dans la plupart des cas, les pôles constituent une réussite, ayant facilité les contacts et la mise en cohérence. Des expériences similaires existent en Europe, en particulier en Italie, Allemagne et Finlande. Jusqu'à présent les convergences transfrontalières se réalisent plutôt à proximité des frontières, mettant en évidence la primauté du fait géographique, mais les efforts consentis dans la mise en place de plateformes technologiques pourraient faciliter des rapprochements d'unités plus éloignées. En tout état de cause, il conviendra de trouver des mécanismes autorisant une répartition équitable des fruits des recherches ainsi réalisées, sous peine de buter sur l'obstacle de la confidentialité ;
- les énergies électro-intensives sont fondamentales et il est déterminant de conserver le bénéfice d'une tarification avantageuse par rapport à nos voisins allemands, dans la mesure où la France fait les investissements et doit légitimement en recevoir le retour. La position française sur l'échéance de 2012 n'est pas défensive, mais notre pays est déterminé à maintenir cet avantage le plus longtemps possible ;
- la filière nautique n'est pas dans une situation de domination de marché mais de très forte compétitivité grâce à la présence de grands acteurs et à une part importante du marché des bateaux à moteur ou à voile. La reconversion de fabricants de bateaux de pêche thonière vers la fabrication de bateaux de plaisance à voile ou à moteur est fondamentale dans une période de restructuration du secteur de la pêche au thon rouge en Méditerranée à la suite de l'application des quotas et de la réduction des périodes de pêche. Il faut se tourner vers le Fonds européen d'ajustement à la mondialisation et les possibilités de reconversion offertes par le secteur agricole et de la pêche pour maintenir les compétences et le savoir-faire de ce secteur en les déployant dans un autre secteur ;
- en ce qui concerne les secteurs des nanotechnologies et de la robotique, la France est en pointe dans certains domaines des nanotechnologies et dame le pion au Japon, en soutenant notamment le pôle technologique de Grenoble dans le cadre de sa politique industrielle.
, a indiqué que les « électro-intensifs » et le prix de l'électricité pour l'entreprise étaient un sujet difficile, dans la mesure où s'observent les effets négatifs d'un marché unique européen qui supprime par définition les phénomènes de rente. Il est cependant légitime de restituer le bénéfice d'un investissement collectif qui a assumé les inconvénients d'installations électriques, de type hydraulique ou nucléaire. Le montage du consortium Excelsium, conforme au marché européen de l'énergie, comporte un engagement à long terme des industriels d'acheter de l'électricité, un financement bancaire et un producteur d'électricité, Electricité de France, bénéficiant ainsi d'une garantie de financement et de placement de sa production. Il est donc naturel que le prix de transaction soit proche du prix de revient, moyennant la rémunération des investissements, et qu'il soit découplé des prix du marché. Les autorités françaises préparent leurs réponses aux questions posées par la Commission sur le dispositif. Celui-ci ne videra pas quantitativement le marché de sa substance et n'aura pas de par sa dimension d'effets négatifs sur le marché de gros de l'électricité, tout en comportant une optimisation des moyens de production.
Le captage du CO² est un sujet d'avenir auquel les entreprises doivent dès maintenant se préparer. Le groupe Total a un projet financé de manière autonome près de Lacq. D'autres acteurs travaillent sur un projet prédéposé à l'Agence pour l'innovation industrielle qui fera l'objet d'un examen ministériel dans le cadre des nouveaux financements de l'innovation. Ces projets représentent des enjeux sociétaux et industriels importants impliquant un travail en commun avec les partenaires de l'industrie et de la recherche, afin que l'élément clé de l'énergie reste un facteur de compétitivité pour la France quel que soit le mode de production et de transformation de l'énergie.
La robotique n'est pas un point fort de l'industrie française par rapport au Japon. L'option prise est d'appuyer sur le point fort, à savoir la partie « logiciel de la robotique », qui joue un rôle important dans la croissance de la valeur ajoutée. Il existe un pôle de compétitivité sur les logiciels embarqués en Ile-de-France et un pôle de compétitivité à Toulouse sur l'aéronautique et l'espace. Les industriels ont mutualisé leurs briques logicielles pour qu'elles deviennent des briques standard. Ils sont appuyés par la recherche publique dans le cadre d'un R.T.R.A. (réseau de technologie et de recherche avancée), intitulé « Digiteolabs » en Ile-de-France. Les pôles de compétitivité sont des ancrages territoriaux ouverts à des partenariats avec des entreprises à l'extérieur des pôles.