Coopération France-Mexique contre les stupéfiants et accord France-Mexique sur des opérations financières illicites
La commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Paul Dupré, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis du Mexique en vue de lutter contre l'usage et le trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes (n° 16) et le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord de coopération mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis du Mexique pour l'échange d'informations relatives à des opérations financières effectuées par l'entremise d'institutions financières pour prévenir et combattre les opérations provenant d'activités illicites ou de blanchiment d'argent (n° 19).
, a indiqué que les deux projets de loi examinés visaient à renforcer la coopération entre la France et le Mexique en matière de lutte contre l'usage illicite de stupéfiants et le blanchiment de capitaux. Il a rappelé que le Mexique se situait au carrefour d'une des trois grandes « routes » de la drogue qui alimentait plus particulièrement le marché américain, du fait de sa position géographique et d'une frontière terrestre longue de 3.500 kilomètres avec les Etats-Unis. Pays de transit pour près de 90% de la cocaïne consommée aux Etats-Unis, le Mexique est aujourd'hui le principal lieu de production des métamphétamines destinées à ce marché. Depuis 2006, il s'est également hissé au rang de premier producteur mondial de marijuana. Les organisations de trafiquants de drogues et les groupes criminels mexicains contrôlent aujourd'hui la majorité de la vente en gros de drogues aux Etats-Unis, en particulier le trafic de cocaïne, de cannabis et d'héroïne. Dans son rapport annuel pour l'année 2007, l'Organe international de contrôle des stupéfiants, l'OICS, relève que ces organisations mexicaines tentent désormais d'étendre leur mainmise sur le trafic de drogues à des zones qui se trouvaient auparavant sous l'influence de groupes criminels colombiens, dominicains ou autres.
Le Rapporteur a précisé que, face à l'influence croissante de ces groupes criminels, les autorités mexicaines s'étaient mobilisées pour lutter contre le trafic de drogues dans le pays. Ainsi, des campagnes d'éradication des cultures ont été conduites, qui ont permis de supprimer environ 30.000 hectares de plantes de cannabis en 2005. En ce qui concerne le pavot, les opérations d'éradication de l'armée mexicaine et des services du Procureur général du Mexique aboutissent généralement à la destruction d'au moins 80 % du pavot à opium cultivé dans le pays. En 2005, la superficie totale des cultures détruites a représenté 20.464 hectares, soit une hausse de 28 % par rapport à l'année précédente. Au-delà de ces efforts d'éradication des cultures, le Gouvernement mexicain a lancé l'opération « Mexico Seguro ». Cette opération vise à réprimer les violences déclenchées, en 2005, entre organisations criminelles qui se battent pour contrôler les filières de trafics, dans les villes situées le long de la frontière du Mexique avec les Etats-Unis. En outre, une coopération régionale s'est instaurée qui implique de nombreux services américains et mexicains en vue de réprimer la violence des deux côtés de la frontière, dans la zone de Laredo et Nuevo Laredo. A l'heure actuelle, le nouveau Gouvernement mexicain, issu des élections de décembre 2006, compte sur une force d'intervention spéciale, composée de près de 30.000 militaires déployés dans des régions de production ou de transit de stupéfiants. L'objectif est d'enrayer la spirale des violences, à l'origine de près de 1.300 assassinats liés au crime organisé au cours du premier semestre 2007, ce qui représente une augmentation de 30 % par rapport à l'année dernière.
Le Rapporteur a indiqué que, dans ce contexte, le premier accord examiné posait les principes d'une coopération relativement large entre la France et le Mexique, en matière de lutte contre le trafic de drogues. En réalité, l'idée de cette coopération est relativement ancienne. Dès 1984, une convention d'assistance mutuelle visant la prévention, la recherche et la répression des fraudes douanières était, en effet, signée. En 1991, cette convention a été complétée par un avenant visant à renforcer la coopération entre les administrations douanières des deux pays en matière de lutte contre les stupéfiants. Quelques années plus tard, en 1995, une déclaration d'intention, relative à un accord spécifique de coopération en matière de lutte contre le trafic illicite de stupéfiants, était approuvée par les ministres des affaires étrangères français et mexicain. C'est de cette déclaration qu'a découlé l'accord que nous examinons aujourd'hui, qui a été signé à Paris, le 6 octobre 1997. Cet accord instaure une coopération entre nos deux pays dans le domaine de la police scientifique et technique, en prévoyant différents types d'échanges d'informations entre les services nationaux compétents. Ces échanges peuvent concerner des informations relatives à la production et au commerce illégal de stupéfiants ainsi qu'au recyclage et au transfert de capitaux provenant d'un trafic illicite. En outre, ils peuvent porter non seulement sur des trafics effectifs mais aussi sur des trafics projetés, afin de prévenir leur mise en oeuvre. S'ajoute à ces échanges d'informations, la possibilité d'échanges d'échantillons de produits stupéfiants. Enfin, sont également rendus possibles des échanges temporaires de personnel entre les services français et mexicains dans le but d'examiner les techniques spécialisées utilisées dans l'autre Etat et améliorer ainsi les actions menées en matière de prévention. Par ailleurs, si l'échange de données personnelles est encouragé, il est, dans le même temps, strictement encadré. Avant de soumettre cet accord au Parlement, le Gouvernement a, en effet, attendu que le Mexique se dote d'une législation en la matière aussi protectrice que la nôtre. Enfin, l'accord comprend un volet opérationnel en encourageant le recours aux « livraisons surveillées ». Afin d'identifier les acteurs et les filières des différents trafics, les parties à l'accord pourront ainsi procéder à la surveillance de l'acheminement de stupéfiants entre les deux pays. Ce mode de surveillance doit permettre de démanteler des filières, d'appréhender tous les suspects, et cela, au stade de l'acheminement.
Puis, le Rapporteur a présenté le deuxième accord qui, dans le prolongement de ce premier texte, instaurait une coopération franco-mexicaine en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux. Il vient utilement compléter la démarche engagée en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants en prenant logiquement en compte les implications financières de ce trafic. Il participe, en outre, aux efforts de la communauté internationale face à un phénomène largement transnational, que des démarches isolées ne peuvent permettre d'appréhender efficacement.
Il a rappelé que de nombreuses initiatives internationales avaient été prises, au cours de ces dernières années, pour lutter contre le blanchiment de capitaux. Il a insisté sur le rôle du Groupe d'action financière sur le blanchiment des capitaux – le GAFI –créé en 1989, pour établir des normes destinées à combattre les activités de recyclage de l'argent sale. En 2003, le GAFI a procédé à la deuxième évaluation mutuelle du système mexicain de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Au terme de cette évaluation, il apparaît que le Mexique a consenti de réels efforts pour lutter contre les activités de blanchiment des capitaux et enregistré des résultats non négligeables grâce à la mise en place d'une Unité de renseignement financier. Les institutions financières mexicaines sont, en effet, soumises à une obligation de déclaration à cette Unité de renseignement financier, lorsqu'elles sont confrontées à certaines transactions financières inhabituelles ou douteuses. Cette obligation de déclaration illustre les efforts réalisés pour mettre en place des mécanismes de surveillance similaires à ceux qui existent dans d'autres pays ayant adopté une législation rigoureuse en matière de lutte contre les activités de blanchiment. En France, un dispositif similaire existe. Il repose sur l'obligation, faite aux professionnels, de porter à la connaissance de la cellule « Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins » de TRACFIN les opérations susceptibles d'être liées au recyclage de fonds d'origine illicite ou au financement du terrorisme. TRACFIN, créé en 1990, recueille, analyse et transmet aux autorités judiciaires les déclarations d'opérations suspectes ainsi que d'autres informations concernant les actes susceptibles d'être constitutifs de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Au-delà de ce rôle au plan national, TRACFIN collabore aux projets mis en place par les organismes internationaux compétents en matière de lutte contre le blanchiment. Sur le plan bilatéral, cette cellule dispose, sous réserve de réciprocité, d'un droit de communication et d'échange de renseignements avec les unités étrangères exerçant des compétences analogues et soumises aux mêmes obligations.
Le Rapporteur a précisé que c'était sur le fondement de cette compétence que reposait le deuxième accord. Cet accord instaure, en effet, une coopération fondée sur l'échange d'informations permettant de détecter et de bloquer les opérations financières susceptibles d'avoir été réalisées avec des fonds provenant d'activités illicites ou de blanchiment. De tels échanges d'informations doivent permettre l'utilisation des données recueillies dans des enquêtes, des procédures ou des activités judiciaires ou administratives relatives à ces activités illicites. Ils sont instaurés au niveau d' « autorités compétentes » dans le domaine, à savoir TRACFIN pour la France et le Procureur fiscal de la fédération pour le Mexique. Au-delà des précisions apportées sur les modalités de présentation des demandes d'assistance, l'accord définit les conditions dans lesquelles l'assistance est octroyée. Il dispose notamment que les informations transmises ont un caractère confidentiel et sont soumises à la législation interne sur la protection des fichiers. En outre, l'Etat requis peut refuser de répondre à une demande d'information « si une procédure judiciaire a été engagée sur les mêmes faits ou si cette assistance est susceptible de porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou aux intérêts essentiels de l'Etat ». Enfin, cet accord établit des procédures de concertation entre les parties, tout en prévoyant la possibilité d'un élargissement des objectifs de la coopération ainsi instaurée, à des recherches conjointes et à l'échange de connaissances techniques. En définitive, cet accord bilatéral permettra de faciliter l'échange d'informations entre la France et le Mexique pour prévenir et combattre les opérations provenant d'activités illicites ou de blanchiment d'argent.
Compte tenu de l'ensemble de ces considérations, M. Jean-Paul Dupré a recommandé à la commission des Affaires étrangères l'adoption des projets de loi n°16 et n°19 qui permettront renforcer la coopération franco-mexicaine en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants et le blanchiment d'argent.
Evoquant le rôle de plateforme joué par le Mexique dans le trafic de stupéfiants, le Président Axel Poniatowski a souligné la nécessité d'actions de coopération, similaires à celles qui étaient facilitées par ces deux accords. A cet égard, il a souhaité savoir si des actions de même nature avaient été engagées entre le Mexique et les Etats-Unis. Il s'est, par ailleurs, interrogé sur la portée exacte de la coopération franco-américaine, estimant qu'elle pouvait être utilement étendue à d'autres régions du monde.
, a précisé que les présents accords ne concernaient que les trafics illicites en direction de l'Europe et, plus particulièrement de la France. Toutefois, cette démarche n'est pas isolée et de nombreux accords de coopération entre Etats existent dans ce domaine, notamment au niveau régional. A cet égard, le Mexique et les Etats-Unis ont mis en place des actions communes en matière douanière et collaborent relativement efficacement dans la lutte contre le trafic de stupéfiants.
Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a adopté les projets de loi (n° 16 et 19).
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