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Délégation pour l’union européenne

Séance du 23 janvier 2008 à 16h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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Le Président Pierre Lequiller s'est déclaré très heureux d'accueillir pour la première fois le ministre devant la Délégation. Il a rappelé que l'immigration était l'une des priorités de la présidence française de l'Union européenne et souhaité savoir comment le Gouvernement préparait cette priorité. D'après les sondages, les citoyens considèrent que la politique européenne d'immigration est très importante. Cependant, celle-ci a jusqu'à présent avancé avec difficulté car de nombreux aspects relèvent de l'unanimité au Conseil des ministres. Le Traité de Lisbonne constitue un progrès car il prévoit le passage à la majorité qualifiée.

Le Président Pierre Lequiller a demandé au ministre s'il pensait qu'il y avait une volonté politique au sein de l'Union pour faire progresser ces questions.

PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement

, s'est félicité du fait que l'Europe allait devenir un sujet incontournable à l'occasion de la présidence française. La relance de l'Europe est enfin en marche. Le nouveau Traité, obtenu par la France avec ses partenaires, sera examiné par le Parlement les 6 et 7 février prochains. La présidence française interviendra à la fin d'un cycle politique, puisque la législature du Parlement européen et le mandat de la Commission arrivent à leur terme.

Lors de la conférence des ambassadeurs, le Président de la République a annoncé que la question des flux migratoires sera un sujet prioritaire de la présidence française. Le ministre a indiqué que dans la lettre de mission que le Président de la République lui avait adressée le 9 juillet 2007, il lui a été demandé d'oeuvrer à « l'élaboration d'un pacte européen de l'immigration comportant, pour les Etats membres de l'Union européenne, des engagements, notamment en termes d'éloignement de leurs clandestins et d'interdiction des régularisations massives qui créent des appels d'air pour tous les pays européens ».

Dans cette perspective, le ministre a indiqué qu'il avait multiplié les rencontres au niveau européen, notamment avec M. Franco Frattini, vice-président de la Commission européenne et commissaire chargé des questions d'immigration, M. Wolfgang Schäuble, ministre allemand de l'intérieur, M. Giuliano Amato, ministre italien de l'intérieur, M. Alfredo Rubalcaba, ministre espagnol de l'intérieur, M. Jesus Caldera, ministre espagnol du travail et des affaires sociales et Mme Maria Teresa de la Vega, vice-présidente du gouvernement espagnol, ainsi qu'avec M. Liam Byrne, ministre britannique délégué aux frontières et à l'immigration. A propos de l'Espagne, le ministre a souligné qu'avant chaque conseil des ministres, la vice-présidente réunissait l'ensemble des ministres concernés par l'immigration, y compris le ministre de la défense.

M. Brice Hortefeux a indiqué qu'il devait rencontrer le 24 janvier le ministre slovène en charge de l'immigration, afin de préparer le pacte européen.

Tous les interlocuteurs, quelle que soit leur appartenance politique, partagent la même vision que la France. Ainsi, M. José Luis Zapatero, Premier ministre espagnol, a déclaré la semaine dernière qu'il comprenait les principes et partageait les objectifs de la politique française d'immigration.

Cinq pays - la France, l'Espagne, l'Italie, la Grande-Bretagne et l'Allemagne - concentrent 80 % des flux migratoires, les 20 % restants étant répartis entre le Portugal, la Pologne et l'Autriche, puis des Etats moins concernés. Les Etats adoptent peu à peu des mesures convergentes mais il n'existe pas de véritable cohérence.

Tous les Etats ne connaissent pas la même situation en matière de démographie. Alors qu'en France, le taux de fécondité s'élève à presque 2 enfants par femme, en Espagne il est seulement de 1,3. L'origine des flux migratoires et les problématiques d'intégration ne sont pas les mêmes. En France, deux immigrés sur trois sont originaires des pays d'Afrique subsaharienne et du Maghreb. En Espagne, c'est l'immigration latino-américaine qui est prépondérante, puisqu'elle représente 31 % du total des étrangers. De l'aveu même des autorités espagnoles, ces étrangers posent peu de problèmes d'intégration. En Italie, le tiers des immigrés légaux proviennent de trois pays : la Roumanie, l'Albanie et le Maroc. Le Président du Conseil, M. Romano Prodi, a adressé au Président José Manuel Barroso une lettre sur les conditions de libre circulation dans l'Union européenne.

Les différences concernent aussi l'intégration par le travail. Alors qu'en France, le taux de chômage moyen des étrangers est de 22 %, en Espagne, l'immigration est reconnue comme contribuant à la croissance du pays.

La politique d'asile n'est pas et ne sera jamais une politique d'immigration. La France a été le premier pays d'accueil de demandeurs d'asile en Europe ; elle est aujourd'hui le deuxième. Là aussi, les disparités sont importantes : en 2007, la France a accordé le bénéfice du statut de réfugié à 7 279 personnes, alors qu'en Espagne, 337 personnes seulement l'ont obtenu.

L'Europe est nécessaire pour élaborer une nouvelle politique de l'immigration. Le pacte européen de l'immigration s'articulera autour de cinq grands principes.

Le premier principe est de mieux protéger l'Europe en contrôlant ses frontières extérieures. La France souhaite l'avènement d'une véritable police européenne aux frontières. Cela passe par l'achèvement du chantier de la biométrie dans les visas. Dans ce domaine, la France est le pays le plus avancé de l'Union. Ensuite, il convient de renforcer l'agence Frontex, qui ne dispose pas de véritables moyens car la plupart des Etats n'ont pas rempli leurs engagements.

Le deuxième principe du pacte est l'organisation de l'immigration légale. Certains Etats, par exemple l'Italie, fixent des quotas. Chaque Etat doit pouvoir déterminer ses besoins et ses capacités d'accueil.

Il faut refuser les régularisations massives et générales de sans-papiers. A cet égard, il convient de noter que certains Etats, comme l'Allemagne, ont des titres intermédiaires, qui valent autorisation de séjour mais pas de travail.

Il faut également organiser l'immigration professionnelle. Dans ce domaine, la proposition de directive du 23 octobre 2007 sur les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants des pays tiers pour occuper un emploi hautement qualifié, la « carte bleue européenne », traduit la volonté de faire de l'Europe un espace attractif pour cette catégorie d'emploi. Elle constitue en quelque sorte le prolongement européen de la carte « compétences et talents » mise en oeuvre en France. Le Gouvernement souhaite que les immigrés concernés puissent repartir ensuite dans leur pays avec leurs compétences acquises.

Troisièmement, il convient d'organiser l'éloignement effectif hors de l'Union européenne des étrangers qui y séjournent irrégulièrement. Les vols groupés avaient déjà été annoncés par Mme Edith Cresson, lors de son discours de politique générale en 1991. Tous les Etats membres sont confrontés aux vols de retour et il est préférable d'organiser des vols conjoints, notamment sous l'égide de Frontex. Il faut également progresser dans la signature avec les pays d'origine d'accords de réadmission des clandestins. Nos partenaires ont conscience de la nécessité de règles en la matière, il convient d'en définir les modalités.

Les Etats membres devront s'engager à lutter contre les employeurs et les logeurs de clandestins et à combattre sans relâche les filières de passeurs. Les employeurs de clandestins ne respectent pas les droits syndicaux, la durée du travail ou les salaires minimaux, ce qui fausse la concurrence. Ce problème se pose aussi chez nos partenaires, par exemple en Espagne. La Slovénie souhaite faire avancer l'adoption de la proposition de directive prévoyant des sanctions contre les employeurs de ressortissants de pays tiers en situation irrégulière.

La quatrième priorité est l'Europe de l'asile. En septembre prochain aura lieu à Paris une Conférence ministérielle sur le régime commun d'asile. Il existe de fortes disparités entre Etats membres dans la définition du droit d'asile. L'harmonisation sera sûrement une tâche difficile en raison des différences de traditions.

Enfin, la dernière priorité concerne le codéveloppement et l'aide au développement. La deuxième conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement se déroulera les 20 et 21 octobre 2008 à Paris. Il faut une approche commune européenne. Cette idée a été proposée par le commissaire Frattini. Le ministre a estimé qu'il serait positif que l'aide publique au développement soit qualifiée d'aide locale au travail, comme le lui a proposé M. Valéry Giscard d'Estaing.

En conclusion, le ministre a indiqué qu'au plan stratégique, la France ne devait pas seulement s'appuyer sur les quatre Etats membres qui concentrent avec elle 80 % des flux migratoires. Il convient de rechercher également le soutien de pays « moyens » comme l'Autriche, le Portugal et la Grèce, et de « petits » pays, comme Malte, directement concerné par l'immigration illégale.

PermalienPhoto de Jacques Myard

a indiqué avoir écouté le ministre avec beaucoup d'intérêt et a estimé que les flux migratoires étaient un défi qui se trouvait devant nous, citant les chiffres de l'O.C.D.E. selon lesquels 100 millions de personnes devraient changer de pays pour des raisons économiques dans les trente ans à venir.

Reconnaissant qu'il faut des normes communes européennes en la matière, il a souhaité avoir des précisions sur la nature du « pacte » préconisé par le ministre. Il a rappelé avec force que lorsque des pouvoirs sont transférés au niveau communautaire dans un domaine, les pays en perdent la compétence interne et externe. Il s'est déclaré en accord avec un pacte qui laisserait la liberté aux pays sur cette question.

PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement

a précisé qu'il n'y aurait pas de transfert de souveraineté, chaque Etat conservant la responsabilité de fixer les conditions d'entrée des immigrés sur son territoire. Il s'est déclaré cependant favorable à une politique commune de contrôle de l'entrée aux frontières extérieures de l'Union, soumise à un prochain Conseil européen. Il a souligné que le pacte européen de l'immigration serait un pacte politique.

PermalienPhoto de Marietta Karamanli

évoquant les objectifs du ministre en matière de codéveloppement et d'organisation de l'immigration légale a rappelé que depuis quinze ans les organisations internationales s'inquiétaient de la fuite des cerveaux en provenance des pays en voie de développement.

Elle a demandé quelles initiatives seraient prises pour que la politique d'immigration ne soit pas défavorable aux pays en voie de développement, quelles possibilités auront les personnes accueillies de faire des allers et retours dans leur pays d'origine, quels moyens permettront d'atteindre un taux de 50 % pour l'immigration économique selon les termes de la lettre de mission du Président de la République, et si les familles seraient comptabilisées au titre de ce pourcentage.

PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement

a insisté sur le fait qu'il menait une politique d'immigration choisie et concertée ainsi qu'il l'avait déjà expliqué à certains pays comme le Sénégal et le Mali. Il a poursuivi en notant que M. Malek Boutih avait reconnu récemment que c'était la première fois depuis 1971 qu'une réflexion était réellement menée en la matière.

Le concept d'immigration choisie et concertée implique que les accords passés soient bilatéraux. Ceux-ci sont devenus une réalité comme l'a montré la signature, depuis juillet dernier, des accords avec le Gabon, la République du Congo et le Bénin, celui avec le Mali étant actuellement en préparation. Ces pays comprennent ainsi les problèmes qui se posent à nous, ce qui permet d'avancer. Les cartes « compétences et talents » donnent droit au regroupement familial automatique et sont valables pour trois ans renouvelables une fois.

Il a souhaité que cette politique soit utile aux pays d'émigration et leur permette d'enclencher un mouvement de codéveloppement, tout en insistant sur son attachement à la circulation des compétences et sur son opposition au pillage des cerveaux.

PermalienPhoto de Christophe Caresche

, évoquant la préparation du pacte, a fait observer que le renforcement des contrôles de police aux frontières avait été mis en place il y a longtemps déjà et s'est avéré peu efficace. Il ne faut cependant pas négliger cette politique, afin que les Etats n'en prennent prétexte pour échapper à leurs responsabilités.

S'agissant de la question des régularisations massives des sans-papiers, M. Christophe Caresche a rappelé que M. José Luis Zapatero en avait fait bénéficier plus de 700.000 personnes et que MM. Lionel Jospin et, en juillet 2006, M. Nicolas Sarkozy avaient pris la même mesure. Dans ce dernier cas, la régularisation avait concerné 15 à 20.000 personnes et, quoique plus réduite, pouvait cependant être considérée comme une régularisation massive, dès lors qu'on avait ouvert la possibilité de déposer des demandes et de régulariser dans un délai déterminé. En revanche, Mme Ségolène Royal s'est déclarée opposée aux régularisations massives mais favorable à des procédures de régularisation permanente qui permettent davantage de souplesse, ces dernières ayant continué d'exister sous l'autorité des ministres, MM. Sarkozy et Hortefeux.

Dans ce contexte, le débat n'est pas de savoir s'il faut être pour ou contre les régularisations massives mais il est plutôt entre ceux qui s'opposent à toute régularisation et ceux qui maintiennent une procédure de régularisation afin d'éviter des régularisations massives et l'immigration clandestine.

M. Christophe Caresche a considéré que le pacte proposé aura une portée limitée, car il ne tient pas compte des très fortes spécificités nationales existantes. A ses yeux, on ne peut imposer une même politique, alors que les contextes démographiques, géographiques et les situations du marché du travail sont différents selon les pays. Il a estimé que le réalisme l'emportera, ce qui évitera d'avoir à procéder à une politique intégrée au niveau de l'Union européenne.

Puis, il a abordé les initiatives de la Commission, qu'il a jugées plus inquiétantes, en ce qui concerne l'allongement de la durée de rétention. Il y a vu un effet pervers de la construction européenne, puisque n'est pas posée la question de l'adéquation d'une telle mesure aux objectifs poursuivis et à l'équilibre des libertés, la durée de la rétention étant calculée sur la moyenne de celle pratiquée dans les différents Etats, ce qui équivaut, selon lui, à une politique qu'il a qualifiée de « Gribouille ». En tout état de cause, il a jugé qu'une durée de rétention de 18 mois était insensée.

Enfin, il a évoqué la politique poursuivie en France et les objectifs fixés par le Président Nicolas Sarkozy à M. Brice Hortefeux dans lesquels il a vu une fuite en avant.

L'objectif de répartir par parts égales l'immigration en immigration économique et en immigration familiale lui apparaît contraire à nos engagements internationaux et à la Convention européenne des droits de l'homme. Cet objectif est d'autant plus difficile à atteindre que le contexte économique actuel n'est pas propice à une mise en oeuvre d'une politique des quotas. En définitive, M. Christophe Caresche a déclaré avoir l'impression que le Président de la République fixait à M. Brice Hortefeux beaucoup trop d'objectifs. Il a dès lors souhaité connaître la position du ministre sur les quotas.

Le ministre a apporté les réponses suivantes :

- sur les régularisations massives, les autorités espagnoles n'emploient pas cette expression mais plutôt celle de « normalisation » dont le nombre s'est élevé à 600.000. L'Espagne n'a jamais procédé à une régularisation générale mais plutôt à une régularisation conforme aux besoins de son économie à un moment donné. De fait, en 2007, l'Espagne n'a plus procédé ni à des régularisations, ni à des normalisations ;

- en ce qui concerne l'Italie, en juillet 2007, le ministre de l'intérieur, M. Giuliano Amato, a déclaré que l'Italie ne procèderait plus à des régularisations, ce que le Président Romano Prodi a confirmé lors du Sommet entre la France et l'Italie le 30 novembre 2007.

A l'instar de M. Christophe Caresche, il faut être hostile aux régularisations massives, à la différence de certains parlementaires socialistes ayant pris part à une récente manifestation de RESF (Réseau Education sans frontière), qui a demandé la régularisation de tous les sans-papiers.

PermalienPhoto de Serge Blisko

a fait observer qu'il n'avait pas repris ce slogan, ayant tenu des propos analogues à ceux de M. Christophe Caresche.

Le ministre a apporté les réponses complémentaires suivantes :

- il convient d'éviter de jeter la pierre aux mesures qu'avait prises le Gouvernement Jospin, et en particulier à l'idée de repartir de zéro, ce qui avait abouti à l'époque à la régularisation de 80.000 personnes. Mais cette mesure dont ont profité notamment des immigrés clandestins de plusieurs années a été regardée comme une « prime », ce qui a abouti à multiplier par quatre le nombre de demandes.

M. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, a procédé à 6.000 régularisations, lesquelles se pratiquent toujours parce que le ministre est sensible, comme n'importe quel responsable politique, aux conséquences d'une expulsion. Mais il importe de délivrer un message cohérent et audible aux Français et aux Etats concernés pour leur indiquer que l'immigration en France est soumise à des règles qui doivent être respectées.

Le ministre est saisi quotidiennement de situations humaines qui nécessitent un examen au cas par cas et qui débouchent, notamment lorsqu'il est saisi par un parlementaire, sur un réexamen attentif du dossier, dans le respect des textes en vigueur. Mais il se refuse à donner une prime à la clandestinité en France.

S'agissant de la durée de rétention prévue dans la « directive retour », les Etats membres ont actuellement des dispositifs très divers. Cette durée est illimitée dans sept d'entre eux. La durée de 18 mois actuellement envisagée serait acceptable si elle représente un plafond en deçà duquel un pays peut fixer une durée plus courte. Tel ne serait pas le cas si elle était imposée à tous les Etats membres.

PermalienPhoto de Marc Laffineur

a salué l'intelligence de la politique d'immigration telle que présentée, fondée sur des principes clairs. Le respect de la dignité humaine impose en effet d'être en mesure d'accueillir les étrangers, et d'examiner les possibilités en termes d'emploi et les perspectives de logement et de vie en famille. Certaines situations humaines conduisent également à faire des exceptions et des régularisations au cas par cas.

Le futur pacte européen est important. Il faut essayer de coopérer au niveau européen et de définir une politique commune de l'immigration. La situation du Canada n'est pas comparable à celle de l'Europe. Outre la différence de situation géographique, les critères exigés pour s'installer dans le pays sont très restrictifs.

S'agissant par ailleurs de l'aide du développement, notamment aux pays africains, peut-on envisager de renforcer son efficacité et ne pourrait-on pas également prévoir un pacte européen dans ce domaine ?

Le ministre a insisté sur le fait que le Canada se montrait très soucieux à s'attacher les élites des pays d'émigration et faire venir les seules personnes qualifiées. La France n'a pas la même approche. Etant donné la dimension affective de ses relations avec les pays concernés, elle s'attache à tenir compte des intérêts des pays d'émigration.

La contribution de la France représente par ailleurs près du quart du Fonds européen de développement (FED), ce que les pays bénéficiaires ne savent pas nécessairement.

PermalienPhoto de Didier Quentin

a demandé comment concilier le codéveloppement avec la présence importante, des élites des Etats concernés, sur le territoire national. L'exemple des médecins hospitaliers est caractéristique.

Lors de la précédente législature, la mission d'information sur la situation de l'immigration à Mayotte, présidée par M. René Dosière, et dont il était rapporteur, a ainsi suggéré de mettre en place une politique de codéveloppement avec les Comores, notamment pour soulager la maternité de Mayotte.

Le ministre a indiqué qu'au Bénin, par exemple, quelques médecins hospitaliers se sont réinstallés après avoir exercé en France, avant d'ailleurs d'exercer des fonctions politiques une fois réimplantés. Au-delà de ces cas individuels, le problème est de surmonter le double handicap de l'écart des rémunérations et de la forte différence dans le niveau d'équipement et dans les conditions d'exercice de la profession médicale, pour s'en tenir au secteur de la santé. Certaines aides à l'équipement sont déjà prévues. Pour les salaires, on peut envisager l'hypothèse d'un paiement temporaire des rémunérations des personnes qui reviennent dans leur pays d'origine.

La politique de codéveloppement avec les Comores n'a pas donné les résultats escomptés, en raison du manque de stabilité de la situation politique.

PermalienPhoto de Serge Blisko

après avoir indiqué partager le point de vue antérieurement exprimé par M. Christophe Caresche, a estimé que la durée de rétention de 18 mois actuellement envisagée au niveau européen conduisait à une impasse, puisqu'il faudrait notamment multiplier les capacités actuelles des centres.

La politique des quotas suscite par ailleurs une certaine méfiance, pour des raisons de principe. Les relations avec les pays africains sont très différentes lorsqu'il y a un passé commun.

S'agissant des hôpitaux publics, le nombre élevé des médecins étrangers est aussi le résultat de la situation actuelle des carrières médicales, auxquelles on devrait accorder une plus grande attention. La question est celle de l'organisation du système de soins, lequel doit fonctionner sans difficulté.

En ce qui concerne le droit d'asile, il ne faut pas suivre les pays européens qui ont une politique restrictive, alors que la France est engagée depuis longtemps dans une voie plus mesurée. Ce sont aussi les événements politiques extérieurs qui sont à l'origine des demandes d'asile. Pour le futur, il faudra en outre tenir compte du cas des réfugiés climatiques.

Pour ce qui est de l'immigration de travail, les secteurs concernés sont très divers en termes de qualifications. A côté de l'informatique, il y a les activités agricoles.

En tout état de cause, le débat doit être dépassionné, car l'Europe continuera à être attractive.

Le ministre a indiqué veiller à ce que l'harmonisation européenne ne se fasse pas vers le bas, si le risque se présente. La France est favorable à une harmonisation vers le haut.

Pour ce qui est de l'asile, la démarche européenne vise à éviter que les demandes soient traitées d'une manière inégale par les Etats membres.

PermalienPhoto de Thierry Mariani

a rappelé qu'il avait été en tant que rapporteur très réservé sur la durée de rétention prévue par la « directive retour ». Un tel délai de 18 mois est inutile. S'agissant de la France, la loi de 2003, qui a porté ce délai à 32 jours, apparaît ainsi raisonnable et ne mérite pas les critiques dont elle a fait l'objet, à l'époque de son adoption, de la part du parti socialiste.

Il a ensuite demandé des précisions sur la perspective d'une ouverture totale des frontières pour les salariés originaires des nouveaux Etats membres, les moyens d'éviter que la future « carte bleue » européenne ne permette à ses bénéficiaires de faire du « shopping » en fonction des différences de niveau pour les droits sociaux des différents Etats membres, et la possibilité de revoir, sous présidence française, les conditions de délivrance des visas Schengen, pour tenir compte de l'évolution des risques migratoires de certains pays.

Le ministre a indiqué qu'il souscrivait à l'opinion de M. Thierry Mariani concernant la « directive retour ». Ensuite, s'agissant du réexamen pour certains pays des conditions de délivrance des visas Schengen, il convient de se montrer prudents, pour ne pas encourager des filières d'immigration clandestine. Les problèmes récents de la zone d'attente de Roissy sont significatifs, cette zone d'attente ayant dû accueillir jusqu'à 264 personnes alors que sa capacité est de 164 places. Enfin, s'agissant de l'ouverture du marché du travail aux salariés des nouveaux Etats membres, la France a choisi de mener cette ouverture de manière progressive, et a ouvert l'accès à 150 métiers, qui représentent 40 % du marché du travail. D'autres pays ont choisi de procéder différemment. Il n'est pas exclu d'ouvrir un peu plus largement le marché français du travail dans les mois à venir.