Après la présentation de M. Jean-Marc Jancovici (cf. le document ci-joint), le président Patrick Ollier a demandé quelle mesure il préconiserait s'il ne devait y en avoir qu'une ?
L'augmentation du prix des énergies fossiles serait le plus efficace à court terme. Il ne s'agit pas de se passer de tout. Mais le monde est désormais sous contrainte. L'argent étant, selon Marcel Boiteux, le seul instrument permettant de comparer ce qui n'est pas comparable, c'est par ce biais que l'on peut conduire chacun à réduire sa consommation d'énergies fossiles.
L'augmentation du prix des énergies fossiles ne suffira pas à faire changer les choses. Il y a le caractère social de la question, et l'on va vers des difficultés très importantes. Quel est l'avis de l'intervenant sur la question du nucléaire ?
Le nucléaire est une option possible mais ne suffira pas à traiter l'ensemble du problème. Il ne faut pas se limiter à augmenter les prix des énergies fossiles mais commencer par cela.
Dans les modélisations présentées, est-ce que les ruptures technologiques ont été envisagées ? Par exemple, l'utilisation de l'hydrogène ?
J'ai participé à deux rapports parlementaires sur le coût des émissions de gaz à effet de serre, avec une évaluation de 5 000 milliards d'euros. Ce coût entraînera inévitablement d'importants correctifs sociaux.
Ne faut-il pas penser globalement l'investissement et le fonctionnement ? Par ailleurs, le véhicule hybride émet 104 g de CO² par km, une performance qui mérite d'être étendue.
S'agissant de la corrélation entre consommation d'énergie et croissance, est-ce que cela signifie que l'augmentation du prix de l'énergie condamne certaines populations au sous-développement ?
L'augmentation du prix des énergies fossiles arrivera de toute façon, on peut l'accompagner par un lissage mais elle arrivera de toute façon.
La corrélation entre mobilité, l'énergie et la croissance est très forte. Il faut aujourd'hui ni plus ni moins que gérer la décroissance mondiale.
Que deviennent les classes sociales les moins favorisées avec l'augmentation de prix évoquée ? Si on augmente les prix, on tue des milliers d'emplois. Quel rôle pour la puissance publique face à cette perspective ?
Le même problème s'est posé avec le prix de l'eau. L'augmentation de son prix a permis, rapidement, de baisser sa consommation.
Si le retour à des stocks 0 est inéluctable, quelle est la destinée de l'humanité ?
En réponse aux différentes questions, M. Jean-Marc Jancovici a apporté les réponses suivantes :
– on n'ira pas jusqu'à consommer le dernier m3 des énergies fossiles, c'est une tendance de très long terme (tendance vers 0 à l'infini) ;
– les nouvelles technologies ont aussi leurs limites physiques. En attendant, on a recours à des énergies fossiles plus difficiles à extraire (viscosité du pétrole, présence de sable). Ces nouvelles technologies ne semblent pas changer la tendance de long terme ;
– il faut distinguer les énergies primaires (pétrole, charbon) des énergies finales dont fait partie l'hydrogène. Le passage par l'hydrogène n'est pas non plus une solution de long terme. Le rendement de la filière est bon mais les problèmes du stockage de l'hydrogène le rendent ensuite très mauvais, puisqu'ils entraînent une consommation d'énergie très importante ;
– s'agissant des coûts sociaux, il faut garder à l'esprit que l'on ne peut pas refuser de baisser l'utilisation des énergies fossiles. Il faut gérer la transition qui est importante. Ce n'est pas aux élus de communiquer sur l'effet de serre et les choix qui s'imposent. Il faut nous laisser, à nous spécialistes, le soin de le faire, mais les politiques peuvent à la fois nous ouvrir l'espace médiatique et après en chercher la logique politique. Il faut donc tout de suite préparer de la prospective intelligente en réfléchissant au développement sous contrainte, ce que ne fait pas la Commission Attali ;
– si le donneur d'ordre, quel qu'il soit, ne raisonne pas en coût complet, intégrant l'environnement, son choix ne sera pas complètement rationnel. À cet effet, il faut aussi réformer les agrégats économiques ;
– pour les correctifs sociaux, il faut préparer le terrain au mieux ;
– que fait-on des pays sous-développés ? Pour répondre à cette question, il faut se demander par rapport à qui ils sont sous-développés. Ils sont nettement plus développés que les humains d'il y a deux siècles ;
– il arrive un moment où, face au risque de cette catastrophe écologique, l'emploi n'est plus un argument suprême.