La Commission a examiné le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) sur l'allocation des moyens des universités, présenté par MM. Alain Claeys et Laurent Hénart.
Le président Didier Migaud a rappelé que la politique universitaire est un domaine dans lequel la MEC a fait preuve de persévérance. Après son rapport de mai 2000 et celui de juin 2006 présenté avec M. Michel Bouvard, c'est la troisième fois que M. Alain Claeys présente un rapport relatif à la modernisation de la gestion des établissements d'enseignement supérieur.
Le rapport de la MEC de 2006 avait contribué à faire mûrir la réflexion d'où est issue la loi, dite LRU, du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités. Parmi les préconisations de ce rapport, certaines n'avaient pas vocation à recevoir une application dans la loi LRU : tel est le cas de celle tendant à remettre à plat le système d'allocations des moyens des universités.
C'est un constat unanime : le système analytique de répartition des moyens dénommé « San Remo » n'a pas survécu à la réforme licencemasterdoctorat. Trop complexe, injuste, inefficace, il doit être remplacé. Chacun en est conscient, le Sénat en créant un groupe de travail, le bureau de la commission des Finances en saisissant la MEC.
En dépit d'un ordre du jour chargé, la mission a montré sa capacité de réaction rapide : du 28 mai au 18 juin, elle a mené quatre matinées d'auditions et en point d'orgue une stimulante audition de la ministre, Mme Valérie Pécresse.
Ce travail a été un travail d'équipe : à M. Alain Claeys et au Rapporteur spécial de la commission des Finances, M. Laurent Hénart, se sont associés deux membres de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, M. Régis Juanico et le Rapporteur de la loi LRU, M. Benoist Apparu. La parité entre majorité et opposition est un élément important de la MEC, ainsi que la participation fidèle et attentive de la Cour des comptes.
À l'issue de leurs travaux, les rapporteurs présentent 15 propositions destinées à guider le Gouvernement dans la recherche d'un système transparent, juste et efficace d'allocation des moyens aux établissements d'enseignement supérieur.
, a rappelé que la loi du 10 août 2007 n'avait pas traité le sujet du système San Remo qui est inéquitable et opaque. Le précédent rapport de la MEC avait soulevé le problème, sans le résoudre.
Toutes les personnes auditionnées par la MEC s'accordent pour considérer que San Remo doit être réformé en profondeur. De surcroît, la loi LRU a instauré un budget global pour les universités, qui rend San Remo obsolète.
Il est peu question du rôle de l'État dans la loi LRU. Il doit avoir une fonction double : l'une de stratège, et l'autre d'évaluateur, ce qui est la contrepartie de l'autonomie des universités. Le rapport fait des propositions sur l'évaluation, notamment les propositions 14 et 15 : il faut une répartition simple des rôles entre l'Agence d'évaluation de l'enseignement supérieur et de la recherche (AERES) et la direction générale de l'enseignement supérieur (DGES). Ces dernières années, la DGES a eu du mal à se situer, en exerçant un contrôle tatillon sans aller à l'essentiel.
Le principe de la réforme proposée par le rapport est le suivant : une répartition des moyens qui assure le financement du service public d'une part, et reconnaisse la performance des universités d'autre part. C'est la proposition n° 1.
Certains s'inquiètent de la nature de la dotation à l'activité : il ne s'agit pas d'une tarification à l'activité comme dans les hôpitaux ! Il s'agit ici de financer des missions de service public qui auront été définies au préalable.
, a expliqué que le rapport a posé comme principe, dans les nouvelles règles d'allocation, que le financement à l'activité, destiné à garantir le service public, doit être nettement majoritaire. Les critères doivent être différents pour la formation et la recherche.
En ce qui concerne la formation, la part à l'activité pourrait représenter 90 %, ce qui laisse 10 % à la performance. Cet équilibre peut être modulé entre licence et master : la part déterminée en fonction de la performance peut être de 5 % pour la licence, et 15 % pour les formations de master. Le critère de calcul de la dotation à l'activité serait le nombre d'étudiants, mesuré en fonction des inscriptions pédagogiques, en attendant qu'une mesure du nombre d'étudiants présents aux examens soit disponible, tenant compte du développement du contrôle continu dans le cadre du LMD.
Pour la recherche, la dotation à l'activité pourrait être de 75 %, et la part performance de 25 %. Le critère de la première dotation serait le nombre de chercheurs publiants. Les auditions de la mission ont montré la nécessité que les comités de lecture soient bien suivis par le ministère et par l'AERES, afin de s'assurer de la qualité des publications.
S'agissant de la détermination de la dotation en fonction de la performance de chaque formation, l'évaluation devrait prendre en compte 4 éléments :
– la réussite aux diplômes ;
– l'insertion professionnelle ;
– le contexte social de l'établissement, révélé notamment par le nombre de boursiers ;
– les caractéristiques socio-économiques de la région d'implantation.
S'agissant de la détermination de la dotation en fonction de la performance de la recherche, il reviendra à l'AERES de fixer les critères d'évaluation, sachant que la mission recommande de prendre en compte le nombre de doctorants et la qualité des écoles doctorales, ainsi que la valorisation de la recherche.
Dans sa proposition n° 9, la MEC recommande de mesurer la performance des universités non pas en niveau, mais en variation par rapport à l'année précédente ou le contrat précédent. Enfin, une part de la dotation à la performance devra tenir compte du projet de l'établissement, en l'accompagnant financièrement, et en tenant compte de ses résultats. Cela devra se faire dans la plus grande transparence.
Le système proposé par la mission doit permettre de rétablir l'équité entre universités. En effet, les dotations par étudiant sont très inégales, les écarts allant aujourd'hui de 1 à 3. La mission souhaite un alignement vers le haut, c'est-à-dire que les dotations par étudiant de toutes les universités devront rejoindre celle de l'université actuellement la mieux – ou la « moins mal » – dotée. Cette remise à niveau ne concerne que la part à l'activité, ce qui permettra à toutes les universités de bénéficier de l'évaluation de leur performance.
Enfin, la MEC souhaite que cette réforme soit mise en oeuvre dès 2009, en tout cas au moins pour les établissements qui signent un nouveau contrat cette année ou qui optent pour les compétences prévues à l'article 18 de la loi LRU : cela représente environ un tiers des universités.
a salué la qualité du travail mené par les deux Rapporteurs, qui dans un temps limité, ont eu le souci de conduire de nombreuses auditions. Dans leurs propositions opérationnelles et précises, les Rapporteurs n'ont pas hésité à prendre des risques en suggérant des critères sur lesquels l'État a longtemps refusé de se prononcer. Ces propositions ont vocation à être mises en oeuvre rapidement, et les réponses qui vont leur être données pourraient être transposées à d'autres services publics que l'université. À noter enfin que l'audition de la ministre a constitué un apport très utile aux travaux : il conviendrait de systématiser ce type d'audition à la fin des MEC.
Le Président Didier Migaud a rappelé qu'il est conforme à l'esprit des institutions que les ministres rendent compte au Parlement, dont l'une des principales fonctions est de contrôler l'action du Gouvernement.
a fait part de son intérêt pour le rapport, dont il partage l'essentiel des conclusions. Une remarque de forme doit néanmoins être faite : il n'apparaît guère pertinent de distinguer la mission de service public de l'université de sa performance. Par définition, tout ce que fait l'université est d'intérêt public. Une deuxième remarque, plus fondamentale, concerne l'offre universitaire en France. Le système proposé par les Rapporteurs est adapté à une offre universitaire à peu près convenable. Or, il ne faut pas perdre de vue que cette offre est massivement inadaptée, à la fois aux attentes des étudiants et aux besoins de notre économie. Il manque ainsi une offre spécifique aux 300 000 à 400 000 bacheliers professionnels ou technologiques, qui fournissent in fine les gros bataillons de l'échec universitaire. Il est extrêmement important pour l'enseignement supérieur et pour la société française que les dotations financières du système de formation permettent d'orienter l'offre universitaire. Or, les réformes de gouvernance adoptées l'été dernier ne sont pas de nature à modifier en profondeur l'offre universitaire.
a déclaré adhérer aux conclusions du rapport et au constat dressé par M. François Goulard. Trop de bacheliers professionnels et technologiques se retrouvent en échec dans les premiers cycles universitaires. Une réponse appropriée consisterait à faire figurer dans le cahier des charges des IUT et des BTS l'obligation de recruter un seuil minimum de ces bacheliers. Telle est l'orientation retenue par le plan Licence lancé par le ministère de la Recherche de l'enseignement supérieur.
a fait part de son plaisir d'avoir participé, en tant que membre de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, à une mission d'évaluation et de contrôle, dont les travaux sont conduits avec plus de souplesse et de réactivité que ceux de bien des missions d'information. Si la quasi-totalité des propositions du rapport sont intéressantes, il convient de formuler quelques remarques. Certaines universités sont sous-dotées financièrement ; il est nécessaire de consentir un effort de rattrapage en leur donnant le signe que le nivellement de l'enseignement supérieur se fera par le haut. Concernant la performance, il faudra prendre en compte l'environnement socio-économique et territorial des universités. Si l'amélioration du financement ne s'accompagne pas de créations d'emplois en nombre suffisant, de réels problèmes pourraient survenir. La loi LRU a offert aux universités la possibilité de bénéficier de ressources exceptionnelles, provenant notamment de fondations, mais les universités ne sont pas égales devant l'accès à ce type de ressources ; à l'avenir, il pourrait être utile de réfléchir à un mécanisme de péréquation ou de compensation.
a souligné que l'IUT est l'un des plus beaux enfants de l'université des 25 dernières années. Il ne faudrait pas qu'il pâtisse de la globalisation des crédits. Quelle est l'opinion des Rapporteurs, dans le cadre de l'application de la loi LRU, sur le devenir du « fléchage » des crédits pour les IUT et écoles d'ingénieurs, prévu par l'article 33 de la loi du 26 janvier 1984 ?
a indiqué que la présence d'étudiants étrangers au sein des universités françaises est un gage de rayonnement. Est-il envisageable de faire de cette présence un critère de performance des universités ?
a attiré l'attention de la Commission sur la question des visas : des étudiants libanais, iraniens ou syriens rencontrent des problèmes pour s'inscrire dans les universités françaises. Concernant les créations d'emplois, il est urgent que le statut des enseignants universitaires en médecine, actuellement examiné par le Conseil d'État, soit publié au plus vite.
, a rappelé que l'accueil des étudiants étrangers a fait l'objet d'un rapport de la commission des Finances, mais que les problèmes soulevés n'ont pas tous été résolus. La remarque de M. François Goulard sur la mission d'intérêt public de l'université est tout à fait pertinente. Concernant les IUT, il conviendrait, sans méconnaître leur autonomie, de rénover leur cahier des charges. En effet, la situation des filières courtes est scandaleuse : on y accueille d'anciens élèves des classes préparatoires, en laissant de côté les bacheliers technologiques. Parallèlement, des places sont vacantes dans ces filières ; ainsi 250 places de BTS seraient libres dans l'académie de Poitiers. En matière d'offre universitaire, la LRU n'a pas suffisamment précisé le rôle de l'État. Celui-ci doit conduire une véritable stratégie universitaire, qui doit se traduire dans les contrats qui le lient aux établissements.
a estimé qu'il ne faut pas casser la dynamique des IUT et des BTS, qui fonctionnent bien. Mais ces établissements ne sont pas en mesure de fournir aux 300 000 à 400 000 bacheliers technologiques et professionnels, d'un niveau moyen, la formation de base dont ils auraient besoin. Il faudrait, pour ce faire, un effort de financement de l'État, faute de quoi la situation ne pourrait s'améliorer avant une cinquantaine d'années…
a constaté que l'on se heurtait à une grande difficulté, car d'un côté chacun est attaché à préserver l'accès libre des bacheliers à l'université, mais d'un autre côté, on ne tire pas les conséquences de l'hétérogénéité des différents baccalauréats. Il faudrait en tenir compte davantage et en informer les futurs étudiants ; à défaut, on pratique une sélection par l'échec sans le dire.
a souligné que la sélection à l'entrée de l'université n'était pas une solution ; si elle était instaurée, on n'aurait pas d'offre alternative pour les étudiants refusés à l'inscription. Il a rappelé que certaines universités accueillent n'importe quels étudiants étrangers pour accroître le nombre de leurs inscrits, sans tenir compte de leurs chances de réussite, afin de bénéficier de crédits plus élevés.
La coordination des procédures d'obtention de visa et d'inscriptions universitaires a fait des progrès. En revanche, l'accueil des étudiants étrangers n'est pas assuré de manière convenable. La France a beaucoup de progrès à accomplir car elle doit continuer à recevoir les étudiants étrangers, dont certains sont excellents. On ne réglera pas ce problème uniquement par des incitations budgétaires.
, a indiqué que les solutions ne peuvent être les mêmes pour tout le territoire français, de même que l'offre d'enseignement ne peut être identique sur tout le territoire.
L'État a conservé un outil de pilotage efficace ; il a été jugé souhaitable que les nouvelles règles favorisent l'évolution de l'offre de formation, mais c'est à l'État de définir quel type de formation doit être créé et quelle égalité des chances doit être préservée sur le territoire. L'évaluation a un grand rôle à jouer également. La méthode contractuelle paraît appropriée : elle permettra à l'établissement de formuler son projet et à l'État de fixer les priorités et de définir les moyens destinés à chaque établissement.
Le problème posé par l'article 33 de la loi du 26 janvier 1984 (codifié à l'article L. 713-9 du code de l'éducation) peut être résolu de deux manières. La loi sur l'autonomie des universités a prévu un système de budget global géré de façon autonome par les présidents d'université. S'il est évident que le fléchage des crédits vers les IUT et écoles d'ingénieurs n'est plus adapté, en revanche la voie proposée par la mission paraît appropriée : faire de la prise en compte des spécificités de ce type de formations et de leur place dans l'université un élément du contrat.
Parfois, la sélection insuffisamment diverse des étudiants d'IUT peut être la conséquence de l'application de l'article 33, qui offre à ces instituts un droit de tirage ouvert…
Des indicateurs de performance pourraient inclure des mesures relatives à l'accueil des étudiants étrangers ; on pourrait améliorer la situation en appliquant ces indicateurs à l'activité de recherche ou aux différents aspects de la vie étudiante.
a noté que les IUT disposaient d'une autonomie financière au sein de l'université qui les abrite. Avec la mise en oeuvre de la loi LRU et des préconisations de la mission, l'université disposera d'un budget global et répartira les dotations elle-même ; les crédits de l'IUT dépendront alors du lien que son directeur pourra créer avec l'équipe du président de l'université.
a salué la persévérance de M. Alain Claeys ainsi que le travail de Laurent Hénart sur cette question. Il a jugé souhaitable qu'une évolution de la répartition des dotations intervienne dès 2009. Il s'est interrogé sur la manière dont serait pris en compte le rôle des universités dans la formation continue. La création ou le maintien de formations continues à l'université doit être un critère de performance, ce qui peut en outre contribuer à une meilleure utilisation des locaux et à l'émergence d'un lien plus fort entre formation initiale et formation continue. L'université ne prend aujourd'hui en charge que 7 % de la formation continue, ce qui est trop peu.
Le Président Didier Migaud a demandé si le contexte était favorable à une évolution du système de répartition des dotations dès 2009. Ces décisions étant de nature réglementaire, l'évolution peut être rapide si la volonté politique est là.
a répondu que le nouveau système pouvait être mis en place rapidement s'il est confirmé qu'il s'accompagne d'une progression des moyens. La transition pourrait s'effectuer au moment de la renégociation des contrats quadriennaux des universités. En 2009, 35 ou 40 d'entre elles pourraient se voir appliquer le nouveau système. Néanmoins l'administration ne dispose pas encore du système de comptabilité analytique permettant de connaître le coût complet de la scolarité par étudiant.
a précisé que la formation continue pourrait être valorisée au sein des projets de l'université, ce qui peut avoir un effet dynamique. La mise en oeuvre du nouveau système doit être menée selon une règle claire : si elle est impossible dès 2009, il convient alors d'organiser le passage des universités au nouveau système au fur et à mesure de la renégociation des contrats, dans les trois prochaines années.
Le Président Didier Migaud a demandé aux Rapporteurs de suivre de manière précise la mise en oeuvre des propositions présentées par ce rapport.
La Commission a autorisé la publication du rapport.