Audition de M. Hervé Morin, ministre de la défense, sur les événements de Carcassonne
La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. Hervé Morin, ministre de la défense, sur les événements de Carcassonne.
Mise en oeuvre et suivi de la réorganisation du ministère de la défense (MM. Bernard Cazeneuve et François Cornut-Gentille, rapporteurs) (point d'étape de la mission d'information)
La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné le point d'étape de la mission d'information de MM. Bernard Cazeneuve etFrançois Cornut-Gentille sur la mise en oeuvre et le suivi de la réorganisation du ministère de la défense.
a présenté le périmètre et la méthode de travail de la mission d'information confiée à deux rapporteurs, l'un appartenant à la majorité, l'autre à l'opposition. Il a souligné qu'elle concerne un domaine très régalien, les décisions en matière de défense relevant au final des seuls arbitrages du Président de la République. La mission intervient en même temps que la réforme et non a posteriori. Elle vise à la suivre pas à pas, de façon à ce que les rapporteurs puissent faire état de leurs interrogations ou de leurs propositions à chaque étape.
Son périmètre est volontairement large, intégrant les questions liées à la réorganisation des implantations territoriales mais aussi les enjeux budgétaires, sociaux et territoriaux.
Il a indiqué que les rapporteurs ont d'ores et déjà procédé à de nombreuses auditions permettant de déterminer le cadrage général de la réforme, que ce soit des responsables des ministères de la défense, du budget, de l'aménagement du territoire, des conseillers du Président de la République et du Premier ministre, du co-responsable de la mission d'audit sur la défense menée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques ou des représentants des syndicats des personnels civils. Ces rencontres se poursuivront et se développeront tout au long de la mission qui a vocation à s'inscrire dans la durée.
À l'issue de ces premiers rendez-vous, six enjeux principaux ont été mis en lumière. Il convient en premier lieu de préciser les modalités de conduite de la réforme, ne serait-ce que pour mettre un terme à la pratique budgétaire qui veut que les crédits de la défense votés en loi de finances initiale soient la variable d'ajustement du budget général en cours d'exécution. À cette fin, de nouvelles relations doivent être tissées entre le ministère de la défense et celui du budget. Le ministère de la défense doit, dans cette perspective, renforcer sa capacité d'expertise, la direction des affaires financières du ministère apparaissant sous-dimensionnée et les fonctions financières éparpillées dans de multiples structures. De même, en ce qui concerne les personnels, le ministère de la défense doit se doter d'un service des ressources humaines capable de suivre finement la mise en place de la réforme pour s'assurer notamment que l'effort porte bien sur le soutien et non sur l'opérationnel.
La réforme souffre par ailleurs d'un chiffrage insuffisant pour évaluer précisément sa cohérence d'ensemble qui ne repose aujourd'hui sur aucune étude financière exhaustive. Les surcoûts n'ont pas encore été précisés, que ce soit pour les personnels ou les territoires.
L'accompagnement social et l'accompagnement territorial sont deux facteurs déterminants. S'agissant des personnels, M. François Cornut-Gentille a indiqué que les départs naturels, liés à la limite d'âge, ne permettront pas d'absorber l'ensemble des réductions d'effectifs programmées, rendant nécessaires des dispositifs d'incitation au départ volontaire. Des indicateurs spécifiques devront être créés pour suivre la baisse réelle des effectifs et veiller à ce qu'ils concernent bien le soutien. Pour l'accompagnement des territoires, les montants globaux évoqués ne permettent pas d'en cerner le contenu exact et ne donnent aucun élément sur leur mise en oeuvre.
Il a ensuite souligné que la mission sera très attentive à l'éventuel impact sur les industries et sur le coût des programmes de tout report ou de toute modification de calendrier des programmes d'armement. Pareils effets n'interviendront vraisemblablement que dans un second temps, mais il convient de les intégrer dès maintenant dans l'évaluation d'ensemble de la réforme.
Le Président de la République ayant souhaité développer la politique européenne de défense, il importe enfin de veiller à la cohérence entre les efforts communautaires et la mise en oeuvre de la réforme nationale.
a observé que le choix opéré par le Président de la République consistant à adosser l'Europe de la défense au retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN pouvait générer des différences d'approche entre les rapporteurs de la mission d'information.
Il a précisé que celle-ci ne vise nullement à accompagner la réforme : elle a pour but de l'évaluer, d'en contrôler la mise en oeuvre au vu des objectifs qu'elle s'est elle-même assignés et se veut force de proposition.
Compte tenu des décalages de programmes et du niveau élevé d'équipements commandés lors de la précédente loi de programmation militaire (LPM), un déficit financier conséquent apparaît pour les crédits d'équipement. Devant la commission, le ministre de la défense a souligné à plusieurs reprises qu'un effort supplémentaire de 6 milliards d'euros par an serait nécessaire pour réaliser tout ce que la précédente LPM prévoyait. Pour remédier à cette situation, le Président de la République a décidé d'un plan d'économies que doit réaliser le ministère de la défense sur les crédits de rémunération ou de fonctionnement (titres 2 et 3) qui devrait garantir le financement des crédits d'équipement.
Cette logique d'ensemble, présentée comme cohérente, ne s'appuie pas encore sur un chiffrage fin. Il importe par exemple de préciser le montant du coût des mesures sociales qui permettront d'atteindre l'objectif de 54 000 départs en six à sept ans. De même, les éventuelles réductions d'effectifs dans les industries de défense, contraintes de revoir leurs plans de charge à cause du décalage de certains programmes, doivent-elles être intégrées à la réflexion ? Il a indiqué avoir demandé à l'ensemble des interlocuteurs de la mission des éléments précis sur l'ensemble de ces aspects liés au budget et aux ressources humaines.
Par ailleurs, la réforme ne saurait s'engager sans que les mesures d'accompagnement social et territorial n'aient été totalement arbitrées et sans que leur mise en oeuvre ne soit précisément établie. À ce jour, aucun chiffre n'a encore été publié. L'enveloppe pour les territoires pourrait être de 320 millions d'euros, mais inclut-elle un éventuel doublement du fonds pour les restructurations de la défense (FRED) qui pourrait passer de 30 à 60 millions d'euros ? De même, aucune structure ne pilote actuellement l'ensemble des mesures territoriales. À ce titre, la disparition de la délégation interministérielle aux restructurations de défense (DIRD) peut apparaître inquiétante, la délégation aux restructurations (DAR) ne disposant pas du même réseau local et n'ayant aucune vocation interministérielle.
Les aspects industriels doivent enfin faire l'objet d'une forte attention, notamment en ce qui concerne les éventuelles conséquences de reports de programmes sur les plans de charge et sur les plans de développement des industriels. Les exportations pourront compenser, pour certains équipements et pour certaines entreprises, le recul de la commande domestique, mais ils ne sauraient constituer une réponse unique. Dans le même temps, une réflexion d'ensemble doit être menée sur le maintien de savoir-faire nationaux au moment où la France s'engage dans un processus de rapprochement et de coopération internationale en matière de défense, que ce soit dans le cadre de l'OTAN ou de l'Union européenne.
a souhaité savoir si les événements de Carcassonne étaient susceptibles d'avoir des conséquences sur la réorganisation en cours ou bien si les choix en la matière étaient définitivement tranchés. Il s'est ensuite interrogé sur la date finalement retenue pour l'annonce des décisions.
a estimé que le report des annonces témoigne de la volonté d'affiner les mesures d'accompagnement des territoires, ce qui signifie que le problème est bien pris en compte, même si ce retard inquiète les militaires qui souhaitent légitimement bénéficier d'éléments le plus rapidement possible. Les propositions en matière de défense ont quant à elles été arbitrées le 2 juillet dernier par le Président de la République, le fait de différer leur annonce ne devant pas conduire à rouvrir le débat sur leur montant ou leur contenu.
Le président Guy Teissier a précisé que si la réunion de la commission avait traité de la réorganisation du ministère de la défense, comme cela était initialement prévu, le secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire, M. Hubert Falco, aurait été entendu avec le ministre de la défense.
a estimé que le report des annonces témoigne du niveau d'impréparation de la réforme. Les dispositions de compensation sociale ne semblent pas arbitrées alors qu'elles occupent une place décisive dans ce dossier. Quant à l'impact sur l'aménagement du territoire, il a jugé très choquant d'entendre décréter subitement que la défense et les régiments ne sont plus liés aux territoires. Les mesures d'accompagnement doivent être prévues, évaluées et édictées avant l'annonce des réaménagements, ce qui n'est apparemment pas encore le cas.
s'est félicitée de l'organisation de cette mission qui permettra aux parlementaires de mieux comprendre les critères présidant aux réorganisations. Elle a ensuite regretté de ne pas avoir été reçue par le ministre de la défense, alors qu'il s'était engagé devant la commission à recevoir tous les parlementaires qui le solliciteraient, et d'avoir été dirigée vers le secrétaire d'État aux anciens combattants, pour finalement se voir proposer un rendez-vous avec un membre de son cabinet, ce qu'elle a refusé. Cette attitude témoigne d'un véritable mépris pour le Parlement et n'est pas acceptable, tout particulièrement pour un membre de la commission de la défense.