La Commission examine une proposition d'avis, présentée par M. Gilles Carrez, Rapporteur général, sur un projet de décret portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance, en application de l'article 13 de la loi organique n° 2001-692 relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF).
Ce projet de décret d'avance est le deuxième de l'année 2008, le décret d'avance du 27 juin 2008 ayant déjà ouvert 327 millions d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et 308 millions d'euros de crédits de paiement (CP) destinés à financer des aides aux pêcheurs, l'hébergement d'urgence et le « Grand Paris ». Ce projet de décret tend à ouvrir et à annuler 233 millions d'euros d'AE et 223,4 millions d'euros de CP.
En premier lieu, les aides à l'agriculture et à l'élevage mobilisent 145 millions d'euros d'AE et 135 millions d'euros de CP. Il s'agit de faire face à l'épidémie de fièvre catarrhale ovine, mais aussi à des « crises » aussi diverses que le gel du printemps 2008, la surmortalité des huîtres et les effets de la hausse des prix de l'énergie sur les serristes. Pour l'avenir, il conviendrait de mieux prendre en compte ce type d'aléas dès le stade de la loi de finances initiale. D'une part, la récurrence des crises sanitaires et agricoles devrait conduire à développer les pratiques d'auto-assurance et de mise en réserve de crédits propres au ministère de l'Agriculture, a fortiori dans le cadre d'un budget désormais triennal. En particulier, est à nouveau posée la question de l'absence de dotation en crédits du Fonds national de garantie des calamités agricoles. D'autre part, dans la mesure où la mutualisation de certains risques ne peut reposer sur le seul ministère de l'Agriculture, il conviendrait de constituer une Provision pour dépenses accidentelles et imprévisibles digne de ce nom (alors que les crédits prévus pour 2009 sont limités à 75 millions d'euros).
En deuxième lieu, 36 millions d'euros d'AE et de CP sont ouverts au titre de l'hébergement des demandeurs d'asile et de l'allocation temporaire d'attente dont bénéficient certains d'entre eux. Le surcoût constaté en exécution tient moins à l'accroissement du nombre de demandeurs d'asile qu'à l'allongement des délais de traitement des dossiers par la Commission des recours des réfugiés (CNDA), instance d'appel des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) : alors que la loi de finances initiale pour 2008 a été construite sur une hypothèse de réduction des délais d'instruction et de décision sur les demandes d'asile à dix mois en moyenne, les délais constatés en pratique dépassent les dix-sept mois.
En troisième lieu, l'indemnisation de certains rapatriés d'outre-mer nécessite une ouverture de crédits supplémentaires de 30 millions d'euros d'AE et de CP. Alors que le dispositif de remboursement prévu par l'article 46 de la loi n° 70-632 du 15 juillet 1970 devait à l'origine n'être ouvert que pour deux ans, soit jusqu'au 27 mai 2007, un amendement du Gouvernement au projet de loi de finances rectificative pour 2007 l'a prorogé jusqu'au 31 décembre 2008. À l'époque, le Gouvernement chiffrait le coût de ce report à 5 millions d'euros. Ce sont aujourd'hui 30 millions d'euros, soit six fois plus, qui s'avèrent nécessaires pour couvrir le surcoût sur le programme Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances. Il s'agit là d'un exemple malheureusement assez commun de dérapage d'une dépense « de guichet », causé par une insuffisante évaluation préalable.
En dernier lieu, la mise en oeuvre de la réforme de l'audiovisuel extérieur nécessite l'ouverture de 22 millions d'euros d'AE et de CP en faveur de la chaîne France 24.
D'un montant égal aux ouvertures, les annulations concernent 25 missions sur 34 et 62 programmes sur 133 et sont supportées à hauteur d'environ 30 % par les ministères bénéficiaires des ouvertures et, pour le solde, par le reste du budget général via la réserve de précaution. Après intervention de ce décret, ce sont 5,7 millions d'euros d'AE et 5,6 millions d'euros de CP qui demeureront mis en réserve.
Je souhaite souligner à quel point il y avait urgence à ouvrir des crédits pour financer les mesures sanitaires consécutives à l'épidémie de fièvre catarrhale ovine. Dans de nombreux départements, la vaccination a pris du retard. Le fait qu'il y ait deux sérotypes complexifie la tâche : organiser deux campagnes de vaccination accroît les charges et s'avère difficile dans des zones qui manquent de vétérinaires. Ces crédits n'étaient pas ouverts en loi de finances initiale pour 2008, d'où la nécessité d'utiliser la réserve de précaution mais aussi d'ouvrir des crédits nouveaux. Qu'en est-il dans le projet de loi de finances pour 2009 ?
Les crédits prévus dans le projet de loi de finances pour 2009 au titre de la fièvre catarrhale ovine sont inférieurs à 15 millions d'euros, ce qui risque de se révéler insuffisant.
La Commission adopte la proposition d'avis sur le projet de décret d'avance, qui comporte notamment les trois observations suivantes :
1. Les ouvertures de crédits en faveur du ministère de l'Agriculture et de la pêche visent essentiellement à faire face à des crises climatiques et sanitaires, en particulier l'épidémie de fièvre catarrhale ovine. L'imprévisibilité de telles dépenses résultant d'aléas climatiques ou sanitaires ne saurait masquer le fait que les surcoûts constatés chaque année présentent une certaine régularité dans leur survenance et une certaine stabilité dans leurs montants. En conséquence, il conviendrait de provisionner dès la loi de finances initiale une partie des crédits nécessaires à la couverture de ces surcoûts au sein de la mission Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales. La dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles de la mission Provisions, jusqu'à présent sous-utilisée, devrait également être mise à profit – a fortiori dans la perspective de la mise en oeuvre de la pluriannualité budgétaire.
2. L'insuffisance de crédits constatée au titre de l'indemnisation des rapatriés d'outre-mer témoigne d'une mauvaise évaluation des conséquences d'un amendement déposé par le Gouvernement au projet de loi de finances rectificative pour 2007 à la fin de l'année dernière. Les dispositifs générateurs de dépenses d'intervention devraient faire l'objet d'études d'impact préalables rigoureuses, afin d'évaluer avec précision leur coût pour le budget de l'État, trop souvent sous-estimé.
3. Sous réserve qu'elles correspondent à de véritables économies, les annulations de crédits permettent de préserver l'équilibre budgétaire défini par les lois de finances pour 2008. Il est de bonne méthode de faire porter prioritairement les annulations de crédits sur les missions ou les ministères qui bénéficient par ailleurs des ouvertures et, pour le complément, de mettre à profit la réserve de précaution constituée en début de gestion. Le projet de décret satisfait à ces exigences.
Statuant en application de l'article 88 du Règlement, la commission examine ensuite, sur le rapport de M. Gilles Carrez, Rapporteur général, les amendements au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 (n° 1128).
Chapitre Ier
LES OBJECTIFS GÉNÉRAUX DE FINANCES PUBLIQUES
Article 2 : Évolution du solde des administrations publiques et de la dette publique :
Suivant l'avis défavorable du Rapporteur général, la Commission repousse l'amendement no 22 de M. Jean-Pierre Brard.
Article 3 : Approbation du rapport annexé :
Suivant l'avis défavorable du Rapporteur général, la Commission repousse les amendements nos 31 et 30 de M. Jean-Pierre Brard.
La Commission examine les amendements identiques n°s 28 de M. Charles de Courson et 32 de M. Jean-Pierre Brard, tendant à compléter le rapport annexé pour préciser que la progression des dépenses des collectivités locales prend en compte d'autres compétences nouvelles ou transférées ainsi que le coût des normes imposées par l'État aux collectivités.
Les transferts de compétences expliquent certaines hausses de la dépense locale. Le coût des normes imposées par l'État, dont s'est saisi le comité des finances locales, doit également être pris en compte.
Je suis défavorable à cet amendement. Il existe une règle générale de compensation à l'euro près par de la fiscalité. S'agissant des normes, une Commission consultative d'évaluation des normes a été mise en place au Comité des finances locales il y a trois semaines et elle a déjà rendu un premier avis.
La règle de la compensation à l'euro près n'a pas de sens si le transfert tend à optimiser la dépense.
Je rappelle que les compétences transférées augmentent deux fois plus rapidement que la croissance du PIB. Le rapport annexé précise en effet que les dépenses des collectivités locales ont à champ constant progressé de 3,1% par an en volume sur la période 2000-2007. Par exemple, la mise en oeuvre de la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (n° 2005-102 du 11 février 2005) représente un coût énorme pour les collectivités.
La commission repousse ces amendements.
Chapitre II
LA MAÎTRISE DES DÉPENSES DE L'ÉTAT ET DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Avant l'article 4 :
La Commission examine les amendements n°s 11 et 15 de M. Didier Migaud, le premier tendant à inscrire dans la loi de programmation les taux d'évolution de l'ensemble des administrations publiques, le second tendant à modifier en conséquence l'intitulé du chapitre II.
Le rapporteur général a indiqué la semaine dernière qu'il existe l'articulation suivante entre le projet de loi et le rapport annexé : le premier se contente d'énoncer les moyens de gouvernance et le second entre dans le détail. Je note que dans le projet figurent les plafonds triennaux des missions, ce qui va bien au-delà de règles de gouvernance. L'évolution du solde des administrations publiques et de la dette publique est également inscrite dans le projet. Dès lors, je propose de « remonter » dans le projet l'évolution de l'ensemble des dépenses publiques.
Je suis défavorable à cette proposition. Dans cette loi de programmation, il faut distinguer les objectifs généraux fixés à l'ensemble des administrations publiques et les leviers d'action permettant d'atteindre ces objectifs. Il est donc préférable d'inscrire dans la loi elle-même les seuls éléments directement maîtrisables, c'est-à-dire l'évolution des dépenses de l'État (article 4), l'évolution des concours de l'État aux collectivités locales (article 6) et l'évolution des dépenses d'assurance maladie (article 7). En revanche, d'autres dépenses sont plus difficilement maîtrisables et sont, à ce titre, traitées dans le rapport annexé : dépenses des collectivités locales, dépenses des organismes divers d'administration centrale (ODAC) et autres dépenses des administrations de sécurité sociale. L'article 72 de la Constitution ne permettrait d'ailleurs pas d'imposer une norme d'évolution de la dépense locale.
Je partage le raisonnement du rapporteur général quant au respect de l'autonomie financière des collectivités territoriales. Toutefois, une loi de programmation fixe des objectifs et non des règles intangibles. De plus, le projet de loi prévoit des normes d'évolution pour les collectivités territoriales au travers de la fixation du solde des administrations publiques. Enfin, je m'interroge sur la maîtrise que l'on a concernant l'ONDAM.
La maîtrise des dépenses ne doit pas uniquement être appliquée aux collectivités locales, mais également à d'autres administrations publiques, par exemple l'Unédic. Il conviendrait d'isoler les régimes obligatoires de base de sécurité sociale, d'une part, et toute la partie de la sécurité sociale qui n'est pas maîtrisée par l'État, d'autre part.
Je précise que, justement, la seule norme de dépense que l'État prescrit en matière sociale concerne l'ONDAM, et non pas l'UNEDIC ou les régimes de retraite complémentaire.
Dans ce cas, le raisonnement du rapporteur général conduit à considérer que la programmation du solde des administrations publiques, qui inclut également celui des collectivités territoriales, serait tout aussi contraire à l'article 72 de la Constitution.
Non. Le projet de loi de programmation repose sur un équilibre entre des objectifs, déclinés sous forme de soldes à caractère programmatique, et des prescriptions plus strictes qui sont réservées aux dépenses sur lesquelles les pouvoirs publics disposent d'une certaine maîtrise.
Ce débat montre l'ambiguïté de la loi de programmation. Par son truchement, la représentation nationale fixe des objectifs de dépense publique au-delà de l'État, qui pourraient valoir incitation à légiférer, notamment sur les collectivités territoriales.
Cet aspect ne concerne pas que les collectivités locales, mais pourrait également toucher, par exemple, les dépenses que l'État assume au titre de sa fonction de réassurance dans le champ social.
La Commission repousse ces amendements.
Article 6 : Norme annuelle d'évolution des concours de l'État au profit des collectivités territoriales :
La Commission examine les amendements identiques n° 26 de M. Jean-Pierre Brard et n° 29 de M. Charles de Courson.
Le Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) devrait être exclu du périmètre normé des concours de l'État aux collectivités locales, quitte à fixer l'évolution de ce périmètre à 0,8 % par an.
Je suis défavorable à cet amendement. L'objectif du Gouvernement est bel et bien que l'ensemble des concours de l'État, y compris le FCTVA, progresse comme l'inflation prévisionnelle, la croissance très dynamique du Fonds devant être compensée au sein de cette enveloppe.
La Commission repousse ces amendements.
Chapitre III
LA MAÎTRISE DES RECETTES
Avant l'article 8 :
Suivant l'avis défavorable du Rapporteur général, la Commission repousse les amendements n°s 16 et 14 de M. Didier Migaud.
Article 8 : Affectation des surplus des impositions de toute nature à la réduction du déficit du budget de l'État :
Suivant l'avis défavorable du rapporteur général, la Commission repousse l'amendement n° 21 de M. Jérôme Cahuzac.
Après l'article 10 :
Suivant l'avis défavorable du Rapporteur général, la Commission repousse les amendements n°s 12 et 13 de M. Didier Migaud.