M. Éric Raoult attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur les répercussions financières des grèves d'octobre 2010 contre la réforme des retraites. En effet, ce mouvement de grève, sous toutes ses formes, a eu des conséquences financières particulièrement importantes dans certains domaines économiques dans l'ensemble du pays. Ces répercussions ont déjà été évaluées, mais globalement sous forme d'estimations ou d'approximations, assez souvent imprécises. Il serait donc indispensable pour l'information du grand public qu'une étude plus précise puisse être menée à la fin de cette grève d'octobre 2010, pour mieux connaître le coût global de ce mouvement pour notre économie. Il lui demande donc si elle compte répondre à cette demande d'informations.
Plusieurs mouvements sociaux ont perturbé l'activité économique du pays en octobre 2010. D'une part, le blocage du port de Fos-Marseille dès la fin du mois de septembre 2010 et une grande partie du mois d'octobre dernier a entraîné l'immobilisation de pétroliers devant approvisionner en pétrole brut nos raffineries ou devant obtenir le chargement de produits pétroliers. D'autre part, la mobilisation contre le projet de réforme des retraites a donné lieu à de multiples perturbations dans l'activité publique et les transports notamment, ainsi que dans la quasi-totalité des raffineries de pétrole. Il est possible de préciser l'impact économique de ces mouvements sociaux à partir des indicateurs conjoncturels dont nous disposons aujourd'hui sur l'activité et la demande au cours des mois d'octobre et de novembre : indice de la production industrielle (Institut national de la statistique et des études économiques - INSEE - ), dépenses de consommation des ménages en produits manufacturés (INSEE), échanges extérieurs de biens en valeur (Direction générale des douanes et droits indirects - DGDDI - ), indices de chiffres d'affaires dans les services en octobre (INSEE), montants des travaux réalisés dans les travaux publics (Fédération nationale des travaux publics - FNTP - ). Au sein de l'industrie, les mouvements sociaux n'ont eu qu'un effet temporaire, observé uniquement dans les branches de l'énergie et de la chimie : dans la branche de la « cokéfaction et raffinage », la production publiée par l'Insee (corrigée des effets saisonniers et des jours ouvrés) a chuté de 56,6 % en octobre avant de rebondir en novembre (+ 108,3 %), retrouvant ainsi un niveau proche de celui de septembre ; dans l'industrie chimique, la production a reculé de 3,2 % avant de regagner 4,2 % en novembre, s'établissant à un niveau supérieur à celui de septembre ; hors énergie et chimie, la production manufacturière a progressé de 0,5 % en octobre et de 1,1 % en novembre ; sur un champ encore plus restreint excluant l'industrie automobile - particulièrement dynamique sur la période dans un contexte de fin de prime à la casse - la production manufacturière a également progressé en octobre et novembre (respectivement + 0,2 % et + 0,7 %). On peut donc considérer que l'effet des grèves a été négligeable sur l'activité dans l'industrie hors raffinage et chimie. Côté demande en biens industriels, les derniers chiffres sur le commerce extérieur fournis par la DGDDI font état d'une baisse des importations de produits énergétiques de 23,3 % en valeur en octobre, suivie d'un rebond de 52,5 % en novembre (soit un rattrapage quasi complet des pertes d'octobre), ce qui laisserait attendre une légère baisse des importations d'énergie au quatrième trimestre 2010 (- 2,3 % avec l'hypothèse d'un retour en décembre au niveau moyen des importations du troisième trimestre). Les exportations d'énergie ont quant à elles reculé de 19 % en valeur en octobre, puis progressé de 33,9 % en novembre, ce qui devrait se traduire par un recul marqué sur l'ensemble du quatrième trimestre (selon la même hypothèse, on s'attend à un recul de 5,9 %). Alors que la demande intérieure de produits énergétiques a été peu modifiée du fait des grèves, la baisse des importations du secteur de l'énergie a contraint les entreprises à recourir largement à leurs stocks. S'agissant des branches hors industrie, la branche commerce ne semble pas avoir souffert des perturbations du mois d'octobre. Au vu des chiffres fournis par l'INSEE sur la consommation des ménages, la consommation de produits textiles a certes légèrement reculé en octobre (- 0,4 %), mais les dépenses des ménages dans les autres postes de consommation, hors automobile, ont été dynamiques en octobre : + 1,1 % de consommation de produits électroménagers, + 1,4 % de consommation de biens d'ameublement. En outre, selon le Comité professionnel du pétrole, les livraisons de carburants n'auraient enregistré qu'une baisse modérée en octobre (- 0,8 % cvs-cjo - données corrigées des variations saisonnières et des jours ouvrables - ). Dans les services marchands hors commerce, l'indice mensuel de chiffre d'affaires en volume du secteur « hébergement-restauration » recule en octobre de 0,8% (cvs-cjo), mais il est difficile de déterminer s'il s'agit d'une conséquence des grèves ou d'un effet conjoncturel. Dans les autres services marchands, l'activité aurait été dynamique en octobre, ce qui paraît également confirmé par l'enquête de conjoncture menée par l'INSEE auprès des chefs d'entreprise du secteur des services (indicateur du climat des affaires en hausse en octobre et novembre). Dans le secteur des transports, les indices mensuels de chiffre d'affaires en volume sont en baisse pour les différentes catégories de transport en octobre, mais ce repli est relativement modéré (- 1,3 % pour le transport terrestre de voyageurs, - 0,1 % pour le transport aérien de voyageurs), sauf pour les transports urbains et suburbains de voyageurs (- 2,6 %) où la baisse est plus marquée. Enfin, dans le secteur de la construction et, plus précisément, celui des travaux publics pour lequel certains indicateurs sont, d'ores et déjà, disponibles, les grèves du mois d'octobre ont pu perturber l'activité car le blocage des raffineries a gêné la livraison de certains matériaux de bases (goudrons, etc.). Il est difficile de connaître l'impact exact de cette perturbation. Toutefois, à partir des montants de travaux réalisés (données fournies par la FNTP) et sous l'hypothèse que la baisse observée en octobre est entièrement le fait des grèves, celles-ci auraient eu un impact de - 2,3 % sur l'activité mensuelle dans les travaux publics. Les mauvaises conditions climatiques des mois de novembre et décembre ont a priori empêché les entreprises de rattraper cette activité perdue sur le reste du trimestre. Sous l'hypothèse pessimiste que cette activité perdue ne sera jamais rattrapée et en tenant compte du poids du secteur des travaux publics dans la valeur ajoutée de l'ensemble de l'économie, l'impact des grèves serait toutefois très modéré, de l'ordre de 0,01 point de PIB trimestriel sur le quatrième trimestre 2010.
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