M. Éric Raoult attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé de l'emploi sur l'encadrement des répercussions sanitaires des grèves d'éboueurs, bloquant le ramassage des ordures ménagères. En effet, ces grèves ont des conséquences particulièrement graves sur l'hygiène publique des collectivités locales concernées, quelque puissent être la validité des revendications de ces travailleurs chargés de l'enlèvement des ordures ménagères à travers le territoire. Cette question au regard de la situation italienne, qui a montré pendant plusieurs années que ce domaine de l'enlèvement des ordures ménagères pouvait devenir une véritable menace contre l'ordre public dans une société urbaine constituait un moyen de pression disproportionné contre la politique des collectivités locales ou celle de l'État, car il constitue un réel blocage d'une ville ou d'un groupe de villes, comme on peut le voir périodiquement dans de grandes villes comme Marseille ou Paris. Il serait donc nécessaire d'encadrer ces grèves par la mise en place d'un véritable service minimum de la propreté, pour éviter les situations sanitaires catastrophiques qui posent un réel problème d'ordre public inadmissible pour la population. L'État devait donc se pencher sur cette question par une initiative législative adéquate et rapide pour permettre la mise en place de ce service minimum de remplacement, face à une grève de l'enlèvement des ordures ménagères. Il lui demande donc de lui donner son avis sur cette suggestion.
En vertu de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, la police municipale a pour objet d'assurer « le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques », ce qui comprend notamment le nettoiement dans les rues, quais, places et voies publiques (art. L. 2212-2 [1°] du CGCT). Il incombe ainsi au maire de faire cesser un dépôt d'ordures, cause d'insalubrité, notamment lorsque son attention a été attirée à de nombreuses reprises sur les dangers résultant de cette situation. La carence du maire engage la responsabilité de la commune (CE, 28 octobre 1977, commune de Merfy). Lorsque l'interruption de la collecte des ordures ménagères résulte d'un mouvement de grève, il convient de veiller à concilier la valeur constitutionnelle du droit de grève, mentionné dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, et la « sauvegarde de l'intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte » (Conseil constitutionnel, 25 juillet 1979, 79-105 DC, considérant 1). Conformément aux dispositions de l'article L. 2212-2 (5°) du CGCT, le maire est chargé de prévenir et de faire cesser les pollutions de toute nature, les maladies épidémiques ou contagieuses, ou les épizooties en demandant, s'il y a lieu, « l'intervention de l'administration supérieure ». Confronté à une accumulation de déchets donnant lieu à un risque grave et avéré de trouble pour la salubrité publique, le maire doit informer le préfet de département de la situation. L'article L. 2215-1 (4°) du CGCT confère au préfet un pouvoir de réquisition en cas d'urgence visant à préserver « le bon ordre, la salubrité, la tranquillité et la sécurité publique ». Le préfet peut « réquisitionner tout bien ou service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l'usage de ce bien et prescrite toute mesure utile jusqu'à ce que l'atteinte à l'ordre public ait pris fin ou que les conditions de son maintien soient assurées ». Cette réquisition peut être effectuée à l'échelle de l'ensemble des communes du département, de plusieurs d'entre elles, ou même d'une seule commune. Le pouvoir de réquisition attribué au préfet n'a vocation à être mis en oeuvre qu'« en cas d'urgence, lorsque le rétablissement de l'ordre public exige des mesures de réquisition ». (Conseil Constitutionnel, 13 mars 2003, 2003-467 DC, considérant 4). Avant d'avoir recours à une mesure de réquisition, le préfet doit s'assurer et justifier qu'il n'y a pas d'autre moyen adapté de satisfaire aux besoins essentiels de la population (CE, 9 décembre 2003, Mme Aguillon et autres, n° 262186). La mesure de réquisition doit être proportionnée à ce qui est nécessaire pour faire cesser le trouble à l'ordre public. Le droit de grève étant un droit constitutionnellement protégé, il ne peut lui être porté atteinte qu'afin d'assurer un service minimum et non de réquisitionner l'ensemble des personnels d'un service (CE, 9 décembre 2003, précité). Le maire peut également procéder à la réquisition de personnels placés sous son autorité, dans les limites nécessaires pour mettre fin à l'atteinte à l'ordre public causée par l'interruption du service de collecte des déchets. Le Conseil d'État rappelle en effet que la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d'exclure « les limitations qui doivent être apportées à ce droit, en vue d'en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre et de la sécurité publics ». Il appartient ainsi au « maire responsable, en ce qui concerne l'administration communale du bon fonctionnement des services placés sous son autorité, de prévoir lui-même, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et l'étendue de ces limites » (CE, 9 juillet 1965, Pouzenc). L'ensemble des dispositions précitées et leur interprétation jurisprudentielle permettent ainsi de prendre les mesures nécessaires au maintien de l'ordre public tout en limitant l'atteinte portée au droit de grève.
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