M. Éric Raoult attire l'attention de M. le secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants sur la recherche des dépouilles et des restes des militaires français tués sur des théâtres d'opérations extérieures lors des précédents conflits, mondiaux ou coloniaux. En effet, à la différence notamment des États-unis et de la Grande-Bretagne, qui mènent sans interruption, une recherche systématique de ces soldats, « perdus en action » (MIA, missed in action en anglais), en liaison avec les pays concernés, ce qui permet des cérémonies de la mémoire en présence, souvent des familles et des autorités civiles et militaires, il semblerait que la France n'ait pas mis en place cette recherche systématique de retour de ces dépouilles de soldats français. D'autre part, les sépultures édifiées à l'extérieur, à la mémoire des soldats tués, ne bénéficieraient pas toujours, loin s'en faut, d'un quelconque entretien. Il paraîtrait donc nécessaire de donner une information sur les travaux de recherche et de localisation de ces dépouilles, et sur le suivi de l'entretien des cimetières militaires et monuments érigés à travers le monde. Il lui demande donc de bien vouloir lui en préciser le fonctionnement et les moyens.
S'agissant de la recherche et de la localisation des corps des soldats disparus sur les théâtres d'opération extérieurs lors des précédents conflits mondiaux ou coloniaux, il convient de préciser que l'expression « soldats portés disparus » recouvre deux réalités : les militaires dont les corps n'ont pas été retrouvés et ceux dont les corps, relevés sur le champ de bataille, n'ont pas pu être identifiés. Les militaires relevant de la seconde catégorie sont, de très loin, les plus nombreux. Ils ont été inhumés dans les cimetières nationaux, en sépulture individuelle ou collective. Concernant les disparus de la première catégorie, il convient de rappeler que - surtout durant la Première Guerre mondiale - les circonstances dans lesquelles ils ont péri, telles que les bombardements intensifs et itératifs ou la guerre de mines, ont empêché et empêchent à jamais la localisation de leurs restes mortels. C'est pourquoi, tous conflits confondus, les cas dans lesquels des recherches peuvent éventuellement être menées sont très peu nombreux. Une identification « administrative » de corps inhumés anonymement est parfois possible, lorsque les familles fournissent des éléments nouveaux à l'appui de leurs demandes. Pour ce qui est de la Première Guerre mondiale, on estime généralement le nombre de militaires français portés disparus durant ce conflit entre 320 000 et 500 000, tous fronts confondus. Ce chiffre inclut les deux catégories désignées précédemment : soldats inhumés anonymement dans les cimetières nationaux et soldats dont les corps n'ont pu être retrouvés. Les recherches des corps des soldats portés disparus durant ce conflit ont été définitivement interrompues à la fin de l'année 1935. On peut raisonnablement estimer aujourd'hui qu'elles ont permis de localiser, relever et identifier la quasi-totalité des corps qui pouvaient l'être. Les découvertes fortuites qui ont lieu, concernent à peine une dizaine de cas chaque année et n'aboutissent qu'exceptionnellement à des identifications (deux ou trois par an environ). Une reprise des recherches de corps n'est donc pas envisageable. S'agissant de la Seconde Guerre mondiale, les disparitions de militaires hors du territoire national ont été consécutives, principalement, aux évacuations forcées des camps de prisonniers et aux dommages collatéraux causés dans les camps de prisonniers par les bombardements alliés, en Allemagne et dans les pays annexés par elle. Ces disparitions ont également été consécutives à l'engagement par l'Allemagne, sur, le front de l'Est, de nombreux Alsaciens et Mosellans incorporés de force. Des missions de recherche et de rapatriement effectuées durant les trois décennies qui ont suivi ce conflit ont permis de restituer des corps aux familles ; ceux qui n'ont pas été réclamés ou n'ont pu être identifiés ont été transférés dans le cimetière national de Montauville (Meurthe-et-Moselle) ou, parfois, regroupés sur place à la demande des autorités de certains pays (cimetière militaire français de Gdansk en Pologne). II est en outre apparu que dans de nombreux cas, les corps, inhumés par les Allemands dans d'immenses fosses communes toutes nationalités confondues, ne pouvaient de ce fait être exhumés. Ils sont donc restés sur place et des monuments commémoratifs ont été élevés. Sur l'ancien « front de l'Est » de la Wehrmacht, de nombreux « Malgré-Nous » restent inhumés dans les cimetières militaires allemands dont le service allemand compétent, le Volksbund Deutsche Kriegsgràberfürsorge (VDK), association pour l'entretien des tombes de guerre allemandes, a entrepris le recensement et la rénovation depuis la disparition de l'URSS. Cet organisme tient la direction de la mémoire du patrimoine et des archives du ministère de la défense (DMPA) régulièrement informée de la présence éventuelle de « Malgré-Nous » parmi les corps identifiés. Concernant la guerre d'Indochine, le protocole d'accord franco-vietnamien signé en août 1986 prévoyait le rapatriement, en trois phases, des corps des soldats français morts au cours de la guerre d'Indochine. Les deux premières phases, réalisées en 1986 et 1987, ont permis le transfert d'environ 24 500 sépultures en provenance des cimetières du Sud-Vietnam (Vung Tau et Tan Son Nhut) et du grand cimetière de Ba Huyen, près de Hanoï. Toutefois, la troisième phase, consistant à rapatrier les corps de 15 500 soldats français reposant dans des tombes éparses ou isolées, n'a jamais pu être entreprise. Cette situation s'explique par deux raisons. Tout d'abord, les relations avec le Gouvernement vietnamien de l'époque sur ce sujet étaient complexes et parfois ambigües. En second lieu, la recherche des sépultures dites « de la troisième phase » devenait elle-même problématique. En effet, il est vite apparu peu réaliste d'envisager de retrouver des corps identifiables, notamment sur le site de la bataille de Dien Bien Phu profondément modifié depuis et partiellement urbanisé. Il en est de même, dans la jungle, des sépultures des victimes des camps de prisonniers ou des combats du Tonkin, absorbées par la végétation. À la suite d'une réunion tenue le 8 octobre 1987 au secrétariat général du gouvernement, il a été décidé que la poursuite éventuelle des opérations de rapatriement dépendrait du résultat des travaux de la commission mixte franco vietnamienne ad hoc créée en 1986. Il fut alors envisagé de ne procéder, le cas échéant, qu'aux rapatriements présentant les meilleures garanties de fiabilité. Cet aspect concernait seulement environ 1 500 tombes situées dans le centre du pays (à Hue, à Da-Nang et à Qy Nhon). Cette solution ne fut pas retenue et la commission mixte n'a plus été réunie. Depuis, il a été jugé préférable de limiter les actions à la préservation des sites dûment identifiés, tels que le monument commémoratif érigé à Dien Bien Phu dont l'ambassade de France a pu obtenir la reconnaissance par les autorités vietnamiennes, ou encore le cimetière de Da Nang pour l'entretien duquel des crédits sont régulièrement délégués par le ministère de la défense. Pour la guerre d'Algérie, le nombre de soldats français capturés par l'Armée de libération nationale et portés depuis disparus est évalué selon les sources entre 500 et 1 000. En raison des événements particulièrement tragiques qui ont marqué ce conflit, y compris après son achèvement, les demandes de recherches de corps émanant des familles françaises, bien que fondées en droit, ne pouvaient aboutir sans l'accord et le soutien des autorités algériennes pour entreprendre des opérations de recherches sur le terrain. Durant ces dernières années, la question des disparus a été évoquée par le Président de la République lors de la visite d'État de décembre 2007, puis par le ministre en charge des anciens combattants lors de sa visite en Algérie, le 22 mars 2008. En avril 2008, le ministre délégué auprès du ministre de la défense nationale algérien a informé l'ambassade de France que « les autorités algériennes réservaient une suite favorable à cette demande et que le ministère de l'intérieur et des collectivités locales était compétent dans ce genre de cas ». À l'issue de cette annonce, deux cas ont été soumis aux autorités algériennes celui du capitaine Bouchemal et celui des 20 appelés du contingent disparus aux Abdellys. À ce jour, et même si elles ne sont pas abandonnées, toutes les recherches se sont révélées infructueuses et aucun corps n'a été retouvé dans les zones indiquées. Par ailleurs, s'agissant des cimetières militaires et monuments érigés dans le monde, chaque année le ministère de la défense recense les besoins des postes diplomatiques pour l'entretien des sépultures de guerre françaises situées dans leur ressort. Relevant du programme 169 « mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant », en 2009, ce sont plus de 1200 000 qui ont ainsi été consacrés à cette mission : 750 000 pour l'entretien des lieux de mémoire conformément aux dispositions des articles L. 498 et suivants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre qui prévoit que les sépultures perpétuelles des soldats « morts pour la France » sont entretenues par l'État et 450 000 pour l'entretien courant. Le contrôle de l'utilisation de ces crédits est double, d'une part sur le terrain par les postes diplomatiques et d'autre part, par la DMPA qui vérifie les justificatifs joints aux demandes, ainsi que les comptes rendus et les rapports transmis en fin d'année par les postes diplomatiques. Par ailleurs, en application d'une résolution de l'ONU, le cimetière des Nations unies de Pusan (Corée) a été créé en 1955 pour rassembler les restes mortels des 2 286 soldats appartenant aux 22 pays qui ont participé aux forces onusiennes lors de la guerre de Corée. Ce cimetière est administré par la commission du mémorial des Nations unies en Corée, composée des représentants des 11 pays dont des ressortissants demeurent inhumés à Pusan, qui en assure également l'entretien. Les corps de 44 soldats français y sont inhumés et la France participe à l'entretien de ce cimetière au prorata des sépultures qu'elle possède (soit 4,25 % du total des dépenses d'entretien). Sa quote-part s'est élevée en 2010 à 3 715 , également imputés sur les crédits du programme 169. Enfin, certains crédits relèvent du programme 167, « lien entre la Nation et son armée » et sont destinés à la valorisation des lieux de mémoire (cérémonies et rénovation). Ces crédits, gérés par la DMPA, se sont élevés à près de 1399 509 en 2009. Ils se décomposent tout d'abord en frais de cérémonies qui se déroulent sur les lieux de mémoire avec les postes diplomatiques, soit près de 60 000 en 2009, ainsi qu'en frais de remise en état des lieux de sépultures accompagnées d'études circonstanciées avec photographies, plans et devis, soit plus de 1 339 500 en 2009.
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