M. Éric Raoult attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur l'âge de certains justiciables. En effet, dans certaines affaires judiciaires récentes, l'opinion française a pu être marquée voire choquée en voyant des personnalités âgées de 80 ans ou plus, assis sur le banc des accusés. Ce fut le cas récemment pour la traduction de Charles Pasqua devant la Haute cour de justice, qui a vu un homme dont la France doit tout sous plusieurs Républiques et qui est un véritable d'homme d'État. Le fait de le retrouver devant des juges est une image qui n'est pas glorieuse pour notre démocratie. Tout en respectant les bases de notre droit, une réflexion devrait être menée pour s'interroger sur la pertinence de voir devant la justice des personnalités âgées et prestigieuses et à laquelle notre pays est d'une certaine façon redevable. Ces personnes sont malheureusement souvent « traînées » en justice et jetées en pâture aux médias et à leurs adversaires. Cette question est certes sensible, mais mérite d'être soulevée car elle est mal interprétée par l'opinion, qui trouve dans ce genre de procès une impression d'acharnement regrettable. Il lui demande donc si elle compte mener à bien cette réflexion.
Le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs s'oppose à ce que le garde des sceaux formule une quelconque appréciation sur le contenu de décisions de justice en dehors des prérogatives qui lui sont dévolues en application des dispositions de l'article 30 du code de procédure pénale. Il peut néanmoins être indiqué que les tribunaux et notamment les cours d'assises sont de plus en plus fréquemment amenés à juger des personnes âgées. Cette situation est notamment la conséquence de l'adoption de règles de prescription permettant la poursuite de faits très anciens commis sur des victimes mineures qui n'auraient pas été en mesure de porter plainte si les règles habituelles de la prescription avaient été appliquées. Par ailleurs, force est de constater que l'instruction de certaines procédures dure parfois de nombreuses années de sorte que le jugement définitif intervient alors que l'auteur des faits est retiré de la vie publique. La lenteur du traitement de ces procédures par l'institution judiciaire peut correspondre à la grande complexité des faits mais aussi des stratégies de défense consistant à retarder le plus possible la comparution devant le tribunal en usant de tous les recours offerts par la procédure. Le garde des sceaux ne saurait porter la moindre appréciation sur ces pratiques. Par ailleurs, il convient de garder à l'esprit qu'une société démocratique se doit de traiter les citoyens selon un principe d'égalité. Les comportements constitutifs de délits et de crime doivent être poursuivis et sanctionnés, y compris lorsque leurs auteurs occupent ou ont occupé de hautes responsabilités. En effet, les services rendus à la France par telle ou telle personnalité n'effacent pas leur responsabilité pénale lorsqu'elle est engagée. Néanmoins, ces éléments peuvent être appréciés par les magistrats lors de l'examen de la personnalité du prévenu et influer sur le choix et le quantum de la peine.
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