M. Éric Raoult attire l'attention de Mme la ministre de la santé et des sports sur le nouveau dossier des effets de l'inhalation du bitume par les salariés, non protégés, d'une société spécialisée dans le revêtement routier. En effet, le dossier judiciaire d'un salarié de Bourg-en-Bresse, reprochant à son employeur de l'avoir laissé exposé, durant plus de vingt ans, aux émanations de bitume et de goudron, pendant son activité professionnelle, est examiné par le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS). Il vient d'être décrit comme un nouveau dossier de l'amiante quant à ses possibles répercussions jurisprudentielles, notamment pour ce secteur d'activité très utilisateur de main-d'oeuvre exposée. Cette exposition non protégée n'est pas rare et réclamerait donc une étude particulière des pouvoirs publics, au sein d'une commission spécialisée, qui traiterait de ce dossier durant plusieurs mois pour réaliser une sorte d'audit de ce sujet. Il lui demande donc de lui indiquer sa position sur cette suggestion.
Le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a pris connaissance avec intérêt de la question relative aux mesures à prendre afin de protéger des effets de l'inhalation du bitume, les salariés de sociétés spécialisées dans le revêtement routier. Les travaux de revêtement ou de construction de route nécessitent, dans de nombreux cas, l'utilisation de bitume. Le bitume est utilisé comme liant dans les produits routiers et provient généralement de la distillation du pétrole. Au niveau international, les « extraits de bitume » sont classés 2B par le centre international de recherche sur le cancer (CIRC), soit cancérogènes possibles. Au titre de la classification de l'Union européenne, qui sert de référence au niveau réglementaire, le benzo-a-pyrène, l'hydrocarbure aromatique polycyclique (HAP) principal de ces bitumes, est classé cancérogène de catégorie 2. Ce classement 2 s'applique à des substances et préparations pour lesquelles il existe une forte présomption que l'exposition de l'homme à de telles substances et préparations puisse provoquer un cancer ou en augmenter la fréquence. Par ailleurs, l'exposition aux fumées de bitume provoque des irritations de l'appareil respiratoire (bronchites, asthmes) et oculaires. Les mesures de prévention des risques professionnels liés aux agents chimiques dangereux (ACD) ou cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR) de catégorie 1 ou 2 figurent dans les décrets n° 2001-97 du 1er février 2001 et n° 2003-1254 du 23 décembre 2003 qui transposent en droit national les directives européennes 98/24/CE et 2004/37/CE. En raison de la faible teneur en benzo-a-pyrène du bitume, en principe, seule la réglementation ACD trouve à s'appliquer. Ces dispositions, codifiées aux articles R. 4412-1 à R. 4412-58 du code du travail, visent à systématiser, sous la responsabilité de chaque employeur, l'évaluation du risque chimique, en vue de permettre la mise en place de mesures de prévention adaptées à chaque situation de travail et au niveau des risques constatés. Elles prévoient une obligation de substitution des agents chimiques dangereux par des substances, préparations ou procédés non dangereux ou moins dangereux. Lorsque l'application du principe de substitution s'avère impossible, l'employeur doit mettre en oeuvre toutes les mesures permettant de réduire l'exposition par des moyens de prévention et de protection adaptés (système clos, mesures de protection collective, moyens de protection individuelle). Dans le cas des expositions aux fumées de bitume, l'employeur doit rechercher des procédés moins dangereux pour la santé, en utilisant par exemple, des techniques d'application de bitume à des températures moins élevées et par conséquent moins émissives en fumée. Des systèmes de captation à la source des fumées, notamment lors de la réalisation de travaux en milieu confiné, et l'utilisation d'engins ventilés peuvent aussi être mis en oeuvre. Enfin, si les mesures de protection collective sont insuffisantes, l'employeur doit mettre à disposition des travailleurs des équipements de protection individuelle (EPI) adaptés (combinaisons, gants, masques ventilés et lunettes). De plus, il s'assure de l'application des mesures d'hygiène telles que le port de vêtements de travail propres, le lavage des mains et la prise de douche après les travaux. Toutes ces mesures nécessitent, de la part de l'employeur, de former les travailleurs sur les risques qu'ils encourent pour leur santé et sur les moyens de protection mis à leur disposition. Par ailleurs, la réglementation prévoit qu'un travailleur ne peut être affecté à des travaux l'exposant à des agents chimiques dangereux pour la santé que s'il a fait l'objet d'un examen médical préalable et qu'il ne présente pas de contre-indication médicale à ces travaux. En outre, elle impose d'assurer la traçabilité des expositions, ce qui est essentiel pour garantir un suivi médical préventif efficace des travailleurs et faciliter, le cas échéant, la reconnaissance de leur droit à réparation. Cet ensemble de dispositions constitue un arsenal juridique complet et efficace, sous réserve de rester vigilant quant à l'effectivité de son application. À cet égard, la responsabilité revient à l'employeur, mais le développement de la culture de prévention en entreprise nécessite aussi une importante mobilisation de tous les acteurs impliqués (entreprises, services de l'État, médecins du travail, organismes de prévention, partenaires sociaux, etc.). Le ministère chargé du travail vient de s'engager dans une démarche visant à améliorer la prévention des risques professionnels liés à l'utilisation du bitume par l'élaboration d'une convention d'objectifs avec des syndicats professionnels des travaux publics et en particulier des travaux routiers. Enfin, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail procède actuellement à une évaluation des risques liés à l'usage des bitumes. Les résultats complets de cette expertise sont attendus pour fin 2011.
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