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Éric Raoult
Question N° 69030 au Ministère des Affaires étrangères


Question soumise le 19 janvier 2010

M. Éric Raoult attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur le filtrage de l'information venant d'Iran. En effet, depuis l'issue controversée des dernières élections présidentielles en Iran, il semblerait que le pouvoir établi y applique des méthodes très controversées pour se couper du monde en cas de manifestations publiques d'opposition. Ainsi, durant les jours de manifestation, l'habilitation des journalistes étrangers est retirée pour éviter qu'ils ne puissent couvrir les manifestations de rues. D'autre part, il semblerait que ces mêmes jours, le réseau Internet soit fermé dans les villes concernées pour bloquer toute émission et transfert de photos ou de films numériques. Ces graves atteintes à la liberté d'information semblent assez nouvelles, sont intolérables et ne peuvent être acceptées, alors même que les autorités iraniennes prétendent améliorer la situation des droits de l'Homme dans leur pays. Il lui demande donc de lui préciser la position de la France sur cette situation.

Réponse émise le 7 juin 2011

La France est très préoccupée par la dégradation de la situation des droits de l'Homme en Iran et par les atteintes répétées à la liberté d'information dans ce pays. Depuis la contestation qui a suivi la réélection de M. Ahmadinejad à la présidence de la République en 2009, les autorités iraniennes ont mis en place une répression massive et systématique qui touche l'ensemble de la population et porte très gravement atteinte à la liberté d'information et d'expression. Ce dispositif répressif a été encore renforcé récemment à la suite de la reprise des manifestations le 14 février dernier. Classé 122e en matière de liberté de la presse par Reporters sans frontières en 2002, l'Iran est désormais 175e, juste avant la Birmanie, la Corée du Nord et l'Érythrée. Selon les sources, entre 39 et 60 journalistes et blogueurs sont actuellement en prison et 72 sont en attente de jugement. Beaucoup ont fui l'Iran pour échapper à la répression. Le harcèlement systématique et coordonné de tous les organes du régime contre les journalistes iraniens a plongé la profession dans une situation de crise profonde. Au total, on estime entre 150 et 200 le nombre de journalistes ayant eu affaire au pouvoir judiciaire depuis juin 2009. La situation des journalistes étrangers est également en dégradation constante. La dizaine de correspondants occidentaux encore présents en Iran ont des conditions de travail particulièrement difficiles. Aucun contact direct ni entretien avec les officiels du régime n'est autorisé. Les journalistes étrangers doivent demander une autorisation pour tout reportage et ne peuvent filmer ni photographier. Ils vivent en outre, sous la menace permanente du retrait de leur carte de presse, ou de leur expulsion. Au cours des six derniers mois, l'Iran a expulsé la correspondante d'El Pais (octobre 2010), probablement en représailles à l'importante couverture par ce journal de l'affaire Sakineh, puis le chef adjoint du bureau de l'Agence France Presse, pour avoir couvert les manifestations de février et mars 2011. En outre, deux journalistes allemands, venus enquêter sur l'affaire Sakineh, ont été arrêtés et détenus plusieurs mois avant d'être libérés. L'Iran est aussi l'un des pays les plus répressifs en matière d'Internet, alors que le pays compte 28 millions d'utilisateurs et 60 000 blogs actifs. Les autorités iraniennes, qui ont mis en place une cyber-police en janvier dernier et disposent d'une cyber-armée au sein des Pasdaran, ont fait du contrôle d'Internet une de leurs priorités. Les sites de réseaux sociaux et de partage (Facebook, Twitter, ainsi que Youtube, Dailymotion...) et tous les sites de l'opposition sont filtrés, ainsi que ceux de plusieurs grandes agences et quotidiens internationaux (Wall Street Journal, The Guardian, The Independent, BBC, Voice of America...). Plusieurs sites français, dont RFI et la Règle du Jeu sont filtrés. Les méthodes de contrôle passent aussi par le ralentissement du réseau et le blocage des streams vidéo et audio. En amont des manifestations de février-mars dernier l'interne à Téhéran a été considérablement ralenti, voire arrêté. Enfin, la télévision, qui demeure le principal moyen d'accès à l'information en Iran, est mise sous contrôle par les autorités iraniennes. La télévision et la radio nationales reflètent fidèlement la ligne gouvernementale. Les chaînes occidentales (en particulier BBC Farsi et Voice of America) font en outre régulièrement l'objet de brouillages. La France condamne régulièrement et avec la plus grande fermeté cette situation inacceptable. Elle appelle l'Iran à respecter les engagements internationaux auxquels il a librement souscrit en particulier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques dont l'article 19 garantit la liberté d'expression et d'information. Elle dénonce régulièrement au plus haut niveau les atteintes à la liberté d'expression comme ce fut le cas, par exemple, lors de la condamnation du blogueur franco-canadien Hossein Derakhsan à dix-neuf années et demie de prison. Celui-ci a été depuis libéré sous caution. Elle a également répondu avec fermeté à l'expulsion du chef adjoint de l'AFP à Téhéran. Elle apporte, en outre, son soutien aux médias libres iraniens. La France agit également au niveau européen. À notre initiative, le Conseil des affaires étrangères du 22 mars 2010 a appelé fermement l'Iran à mettre fin aux brouillages de la diffusion par satellite, à la censure de l'Internet, et aux interférences pesant sur les communications mobiles. Une réflexion a également été engagée sur une action européenne renforcée en faveur des droits de l'Homme et de la liberté d'information en Iran. La France a transmis, avec ses partenaires allemand, néerlandais et britannique, des propositions en ce sens. Sur cette base, des mesures ont d'ores et déjà été mises en oeuvre. Le conseil des affaires étrangères du 12 avril dernier a permis l'adoption de sanctions (gels d'avoirs, interdiction de visa) à l'encontre de trente-deux responsables de la répression interne et des atteintes aux droits fondamentaux, y compris à la liberté d'expression. La France souhaite également que l'Union européenne apporte plus activement un soutien à la société civile, en particulier aux journalistes et médias libres iraniens.

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