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Éric Raoult
Question N° 646 au Ministère de la Défense


Question soumise le 17 juillet 2007

M. Éric Raoult attire l'attention de M. le ministre de la défense sur les craintes d'un certain éparpillement des interventions de l'OTAN. En effet, comme l'ont démontré les débats de la session de l'assemblée parlementaire de l'OTAN, en mai 2006, cette instance semble s'orienter vers un certain éparpillement dans ses missions et ses domaines d'intervention extérieure. Cet éparpillement pourrait, selon son prédécesseur, affaiblir sa capacité opérationnelle. Il lui demande donc de lui préciser la position du nouveau gouvernement français sur cette question.

Réponse émise le 13 novembre 2007

Les différents sommets des chefs d'État et de gouvernement des pays membres de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) ont eu pour objectif de transformer l'Alliance Atlantique en une organisation de sécurité capable de répondre aux défis du xxie siècle. Ainsi, lors du sommet de Prague de 2002, les chefs d'État et de gouvernement ont décidé d'accélérer le processus d'adaptation de l'OTAN au contexte de sécurité internationale avec de nouveaux membres, de nouvelles capacités et de nouvelles relations avec les partenaires. Il s'agissait, pour l'essentiel, d'engager un nouveau processus capacitaire (Prague Capability Commitment), de lancer une capacité de réponse aux crises avec la NRF (NATO Response Force) et de réorganiser la structure militaire de commandement. Le sommet d'Istanbul de juin 2004 a engagé une démarche plus politique de reconnaissance de la valeur des partenaires, de changement du dialogue méditerranéen de l'OTAN en un partenariat et de lancement d'une nouvelle initiative de coopération avec certains pays du Golfe (Koweït, Bahreïn, Émirats arabes unis). Les chefs d'État ont marqué leur intérêt pour des pays hors du champ euratlantique qui participent aux opérations de l'OTAN (Australie, Nouvelle-Zélande, Corée du Sud et Japon). Le sommet a également acté, à travers le prisme de la lutte contre le terrorisme, une dimension civilo-militaire pour l'Alliance, cherchant à étendre son champ de compétence aux domaines civils de la sécurité, notamment la lutte contre les trafics illégaux et le contrôle des frontières. Cette triple approche (capacitaire, partenariale et civilo-militaire) a confirmé le changement de nature de l'Alliance en l'éloignant de sa fonction initiale de défense collective de ses membres. Ces actions visent, sous l'impulsion des États-Unis, à transformer l'OTAN en une organisation de sécurité à vocation globale, tant géographique que fonctionnelle. Cette tendance s'est confirmée lors du sommet de Riga de novembre 2006, qui a redonné un élan à la rénovation de l'Alliance et au lien transatlantique, développant une approche flexible des partenariats en vue de faciliter la prise en compte d'intérêts partout dans le monde à travers le soutien opérationnel apporté par ces pays partenaires. En dirigeant la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) en Afghanistan, l'OTAN a donné une visibilité accrue à sa capacité de se projeter sur des théâtres complexes et à marquer sa présence à l'est de la zone euratlantique. Opérant également en mer Méditerranée avec pour objectif de lutter contre le terrorisme (opération Active Endeavour) et arrivant en soutien de la mission internationale d'assistance au Soudan pour le Darfour, l'intervention hors de la zone euratlantique et la polyvalence d'activités sont devenues réalité. Le sommet de Riga s'est aussi caractérisé par une tentative de développer des thématiques transverses avec une forte dimension civilo-militaire, voire civile, comme la planification civilo-militaire, dite planification globale, la stabilisation et la reconstruction, la sécurité énergétique et des systèmes d'information. Ce nouvel axe d'effort peut conduire à engager des actions largement au-delà du champ militaire et empiète sur les activités civiles conduites par d'autres organisations internationales. Une telle ambition peut avoir pour conséquence de susciter des attentes auxquelles l'OTAN ne pourra répondre, dans la mesure où elle ne dispose pas de moyens civils en propre et ne peut s'appuyer que sur ceux des nations. Au regard de cette diversité des missions et compte tenu du déficit récurrent et avéré de moyens, y compris pour les opérations en cours, la France s'est employée à recentrer l'approche sur les besoins réels et la valeur ajoutée militaire de l'Alliance. La France défend une vision pragmatique de l'Alliance, tant sur le plan des missions, des capacités que de la faisabilité opérationnelle, afin que l'OTAN demeure une organisation efficace, concentrée sur son savoir-faire et adaptée aux moyens que l'ensemble des nations lui accorde. Estimant que l'OTAN ne doit pas devenir une organisation englobant des compétences disparates qui n'auraient plus aucun lien avec son coeur de métier, la France souhaite ne pas voir diluer la spécificité de l'Alliance dans la mise en place de capacités civilo-militaires, voire civiles, qui viendraient concurrencer l'expertise d'autres organisations internationales. La France considère en effet que chaque organisation internationale doit pouvoir avoir un rôle à jouer dans la gestion des crises, du premier déploiement militaire sur le théâtre d'opération jusqu'à la mise en oeuvre d'actions de stabilisation et de reconstruction. Le rôle central de coordinateur des organisations internationales ne peut être dévolu à l'OTAN dans la mesure où, contrairement à l'Organisation des Nations unies (ONU), elle ne peut s'appuyer sur une légitimité universelle. La position française se caractérise donc par une approche réaliste face aux contraintes politiques, institutionnelles, opérationnelles et financières. Elle appelle à une certaine modération face à des ambitions dont le dimensionnement ne pourrait être compatible avec les capacités et les potentialités de la défense européenne. Le contexte transatlantique actuel semble s'infléchir dans le sens de la position française, sous l'effet conjugué des difficultés rencontrées sur le théâtre afghan, des déficits capacitaires et opérationnels récurrents pour les opérations en cours, du coût des opérations, et parallèlement de la volonté américaine de se mettre davantage à l'écoute de ses alliés. La rénovation du lien transatlantique se manifeste aussi par un retour progressif vers la reconnaissance par les États-Unis du rôle des différentes organisations internationales et du primat de l'ONU, repositionnant de facto l'OTAN dans un rôle mieux adapté aux missions que les alliés lui confient.

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