M. Éric Raoult attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, sur les conséquences du procès de l'Erika, quant à la reconnaissance de l'atteinte au patrimoine naturel. Les collectivités locales concernées ont témoigné dans ce procès pour faire valoir leur droit à une réparation du préjudice environnemental. Plusieurs régions (Bretagne, Poitou-Charentes, Pays-de-Loire) réclament chacune plus de 30 millions d'euros, pour les dédommager de l'atteinte à leur intégrité et à leur patrimoine collectif. Il serait donc nécessaire, pour de telles affaires, que l'État puisse initier une reconnaissance de l'atteinte au patrimoine naturel. Il lui demande donc de lui indiquer ses intentions en ce domaine.
Le naufrage de l'Erika, le 12 décembre 1999, constitue l'une des plus grandes catastrophes écologiques de ces dernières années en France. Le littoral français a été pollué sur plus de 400 kilomètres, plus de 70 000 oiseaux souillés, vivants ou morts, ont été ramassés. Aux conséquences sur les secteurs de la pêche et du tourisme qui ont été lourdement affectés à la suite de cette catastrophe, il faut ajouter le traumatisme subi par les populations locales touchées. Le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, (MEEDDM) reste vigilant et suit avec une grande attention les suites judiciaires du procès de l'« affaire Erika ». Les atteintes à l'environnement font l'objet d'une indemnisation au travers de la réparation du préjudice moral et matériel des personnes morales victimes d'une pollution. La jurisprudence a évolué avec le jugement du tribunal correctionnel de Paris du 16 janvier 2008 de « l'affaire Erika ». En effet, le tribunal a accordé en première instance, dans le cadre de l'action civile du département du Morbihan et de la ligue pour la protection des oiseaux (LPO), un préjudice résultant de l'atteinte à l'environnement. Ces atteintes ont été reconnues, antérieurement, dans plusieurs textes. La charte de l'environnement et plus précisément son article 5, dispose que « toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement ». La directive 2004/35/CE relative à la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation du dommage environnemental, du 21 avril 2004, consacre la notion de réparation des dommages à l'environnement et a été traduite par la loi sur la responsabilité environnementale du 1er août 2008. Cependant, la reconnaissance d'un « préjudice écologique » dans ce premier jugement n'était pas expressément établie. En effet, le juge reconnaissait seulement un préjudice résultant d'« une atteinte à l'environnement » devant être distingué du préjudice matériel et moral admis dans la décision. De plus, cette reconnaissance était très strictement encadrée. En effet, pour les collectivités territoriales, le tribunal avait établi comme critère de recevabilité des demandes de réparation, l'attribution par la loi d'« une compétence spéciale en matière d'environnement, leur conférant une responsabilité particulière pour la protection, la gestion ou la conservation d'un territoire ». Ainsi les départements, sur la base de l'article L. 142-1 du code de l'urbanisme qui leur confère la mission de protection, de gestion et de sauvegarde des espaces naturels sensibles, ont été déclarés recevables sur ce critère. Cependant, le tribunal avait estimé que les régions n'exerçaient que des « compétences générales » en matière d'environnement, par conséquent leurs demandes de réparation avaient été rejetées. Au critère de la « compétence spéciale » en matière d'environnement, le tribunal avait également ajouté celui de la « démonstration d'une atteinte effective des espaces naturels sensibles ». Pour l'attribution d'une réparation sur ce préjudice aux associations protectrices de l'environnement, le tribunal n'avait retenu que celles qui pouvaient justifier d'un agrément au titre de l'article L. 142-2 du code de l'environnement mais aussi d'une atteinte aux intérêts collectifs qu'elles sont en charge de défendre et d'une violation aux dispositions législatives de l'article L. 142-2. Des parties civiles ont fait appel de la décision de première instance en formulant expressément dans leurs demandes une réparation d'un « préjudice écologique ». La cour d'appel de Paris a rendu son arrêt le 30 mars 2010. Dans cet arrêt, la Cour consacre la reconnaissance judiciaire d'un « préjudice écologique pur ». Sur la base de l'article L. 114-4 du code de l'environnement qui dispose que « les communes, les départements, et les régions concourent avec l'État à l'administration et à l'aménagement du territoire, au développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique, ainsi qu'à la protection de l'environnement, à la lutte contre l'effet de serre par la maîtrise et l'utilisation rationnelle de l'énergie, et à l'amélioration du cadre de vie », la Cour a jugé que toute atteinte à l'environnement préjudicie les efforts menés en ce sens par les collectivités. De plus, en s'appuyant sur l'article L. 142-4 du code de l'environnement qui découle de la loi du 1er août 2008 sur la responsabilité environnementale, la Cour a précisé que toutes les collectivités dont le territoire a été touché pouvaient prétendre à une réparation du préjudice écologique. De son côté, le MEEDDM a entamé des réflexions sur la reconnaissance d'un « préjudice écologique » dans le cadre des groupes de travail constitués pour le Grenelle de la mer. En effet, le livre bleu du Grenelle de la mer vise, dans l'engagement n° 49, à « établir un cadre juridique clair au niveau national pour la reconnaissance du préjudice écologique qui complétera les mécanismes internationaux et européens comme l'ont fait d'autres États européens et qui pourrait reposer sur une agence indépendante associant l'ensemble des acteurs (État, collectivités, industriels, ONG, syndicats) ». Cet engagement ajoute que « cette approche devra être portée au niveau international ».
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