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Éric Raoult
Question N° 64101 au Ministère de l'Écologie


Question soumise le 24 novembre 2009

M. Éric Raoult attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, sur l'attitude de l'État, lors du procès du naufrage de l'Erika. En effet, lors de ce procès, la ligue de protection des oiseaux avait obtenu, au-delà de l'indemnisation de ses préjudices matériels et moraux, celle du préjudice résultant d'une atteinte à l'environnement. Cette notion est apparue salutaire et nouvelle en droit français. Par contre, l'État n'a pas jugé utile de demander réparation pour le préjudice écologique provoqué par le pétrolier affrété par Total SA. Cette attitude a suscité une polémique et réclamerait quelques explications. Il lui demande donc quelle est sa position sur ce dossier.

Réponse émise le 21 septembre 2010

Le naufrage de l'Erika constitue l'une des plus grandes catastrophes écologiques de ces dernières années en France. Le littoral français a été pollué sur plus de 400 kilomètres, plus de 70 000 oiseaux souillés, vivants ou morts, ont été ramassés. Aux conséquences sur les secteurs de la pêche et du tourisme, lourdement affectés à la suite de cette catastrophe, il faut ajouter le traumatisme subi par les populations locales touchées. À cette occasion, l'État a mobilisé l'ensemble de ses moyens disponibles aux côtés des collectivités locales pour faire face à cette pollution de grande ampleur. Dans le cadre de l'action civile qui a opposé l'État aux personnes physiques et morales mises en cause dans « l'affaire de l'Erika », l'agent judiciaire du Trésor avait exprimé, en première instance, une demande de réparation d'un préjudice matériel correspondant, pour l'État et par administration, aux dépenses de personnel et de matériel engagées du fait de la pollution des côtes françaises, consécutive au naufrage de l'Erika. Le montant global de cette demande, qui a été calculé en déduction de l'indemnisation accordée à l'État français par les fonds internationaux d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (FIPOL), s'élevait à 153 808 690,17 EUR. Les atteintes à l'environnement font, depuis longtemps, l'objet d'une indemnisation au travers de la réparation du préjudice moral et matériel des personnes morales victimes d'une pollution. Toutefois il n'existe pas, en France, de base juridique précise qui permette une réparation sur la base d'un « préjudice écologique », même si une évolution tend à se préciser dans les textes, notamment depuis l'adoption de la loi du 1er août 2008 sur la responsabilité environnementale qui consacre la notion de réparation des dommages à l'environnement. Dans son jugement en première instance dans « l'affaire de l'Erika », en date du 16 janvier 2008, le tribunal de grande instance de Paris inaugurait une évolution jurisprudentielle notable en identifiant un préjudice d'« atteinte à l'environnement » distinct du préjudice moral et matériel. Pour autant, il se gardait de parler d'un « préjudice écologique ». De plus, cette reconnaissance d'un préjudice d'« atteinte à l'environnement » était strictement encadrée dans cette décision. En effet, pour les collectivités territoriales, le tribunal avait établi comme critère de recevabilité des demandes de réparation, l'attribution par la loi d'« une compétence spéciale en matière d'environnement, leur conférant une responsabilité particulière pour la protection, la gestion ou la conservation d'un territoire ». Ainsi, les départements, sur la base de l'article L. 142-1 du code de l'urbanisme qui leur confère la mission de protection, de gestion et de sauvegarde des espaces naturels sensibles, avaient été déclarés recevables sur ce critère. Cependant, le tribunal avait estimé que les régions n'exerçaient que des « compétences générales » en matière d'environnement, par conséquent, leurs demandes de réparation avaient été rejetées. Au critère de la « compétence spéciale » en matière d'environnement, le tribunal avait également ajouté celui de la « démonstration d'une atteinte effective des espaces naturels sensibles ». L'article 142-4 du code de l'environnement ne reconnaît pas à l'État « les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect au territoire sur lequel ils exercent leurs compétences et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement ». L'État a donc fondé sa demande de réparation sur la conception « traditionnelle » du préjudice matériel. La décision rendue en première instance a répondu aux demandes de l'État puisque les personnes physiques et morales mises en cause dans l'affaire ont été condamnées à payer la somme demandée par l'État, au nom des frais de personnel et de matériel engagés dans la lutte contre cette pollution. L'État n'a donc pas fait appel de cette décision. des parties civiles ont fait appel de la décision de première instance en formulant expressément dans leurs demandes une réparation d'un « préjudice écologique ». La cour d'appel de Paris a rendu son arrêt le 30 mars 2010. Dans cet arrêt, la cour consacre la reconnaissance judiciaire d'un « préjudice écologique pur ». Sur la base de l'article L. 114-4 du code de l'environnement qui dispose que « les communes, les départements, et les régions concourent avec l'État à l'administration et à l'aménagement du territoire, au développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique, ainsi qu'à la protection de l'environnement, à la lutte contre l'effet de serre par la maîtrise et l'utilisation rationnelle de l'énergie, et à l'amélioration du cadre de vie », la cour a jugé que toute atteinte à l'environnement préjudicie les efforts menés en ce sens par les collectivités. De plus, en s'appuyant sur l'article L. 142-4 du code de l'environnement qui découle de la loi du 1er août 2008 sur la responsabilité environnementale, la cour a précisé que toutes les collectivités dont le territoire a été touché pouvaient prétendre à une réparation du préjudice écologique. Au-delà de cet aspect judiciaire, le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, promeut la reconnaissance d'un « préjudice écologique ». En effet, une réflexion s'est installée dans le cadre des groupes de travail constitués pour le Grenelle de la mer. Le Livre bleu du Grenelle de la mer vise, notamment dans l'engagement n 49, à « établir un cadre juridique clair au niveau national pour la reconnaissance du préjudice écologique qui complétera les mécanismes internationaux et européens comme l'ont fait d'autres États européens et qui pourrait reposer sur une agence indépendante associant l'ensemble des acteurs (État, collectivités, industriels, ONG, syndicats) ». Cet engagement rajoute que « cette approche devra être portée au niveau international ».

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