M. Éric Raoult attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur la dangerosité pour les populations d'Afrique, de la récupération des déchets informatiques. En effet, dans un pays comme le Ghana, les pays occidentaux rejettent des centaines de tonnes, depuis plus de 7 ans, dans un gigantesque bidonville près d'Accra. Des adultes, mais aussi des enfants qui sont à la recherche de différents métaux (phosphore, mercure, cadmium...). Ces métaux sont recherchés dans les ordinateurs déposés puis revendus ; le reste étant brûlé à l'air libre ce qui peut occasionner de graves lésions pulmonaires chez ces récupérateurs. Ces rejets de déchets semblent pourtant contraires aux dispositions de la convention de Bâle sur les déchets. Il lui demande donc de lui indiquer la position du Gouvernement français sur ce dossier.
Longtemps acheminés vers l'Asie, notamment l'Inde et la Chine, les déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE), en provenance d'Europe et des États-Unis, ont trouvé au Ghana une nouvelle terre d'accueil depuis une dizaine d'années. Le développement de ces flux d'importation a fait l'objet de plusieurs publications, dont un rapport-documentaire de l'ONG Greenpeace en 2008, relayé par plusieurs articles de presse. Les autorités nationales ghanéennes contrôlent difficilement les flux accrus de DEEE en provenance des pays développés. En effet, le Ghana dispose de capacités humaines et techniques insuffisantes pour contrôler systématiquement ces arrivages aux frontières. D'une part, l'identification de ces déchets, souvent déclarés aux douanes comme des « effets personnels » ou du « matériel électrique ou électronique d'occasion », est complexe. D'autre part, le flux d'arrivée est élevé, en particulier dans les ports, les autorités portuaires étant dans l'incapacité de procéder à des vérifications suffisantes (le nombre de containers contenant des DEEE arrivant dans le port de Téma est estimé à environ 300 par mois en 2009). Le contrôle des mouvements transfrontières des déchets dangereux et leur élimination est assuré au plan international par la Convention de Bâle, ratifiée par la France dès 1991 et par le Ghana en 2003. L'objectif est notamment de protéger les pays émergents et en voie de développement, qui n'ont pas les moyens humains et législatifs d'éviter l'importation de produits et substances ayant un impact sur l'environnement et la santé humaine. Ainsi, un pays partie a la possibilité de refuser l'importation sur son territoire de déchets dangereux via une procédure de notification et de consentement préalables, qui nécessite l'accord des autorités concernées pour un transfert de déchets (pays d'importation, de transit, d'exportation). En outre, pour faire face au problème des flux croissants de déchets dangereux exportés des pays développés vers les pays en développement, un amendement à la Convention (1995) interdit les exportations de ces déchets depuis des pays de l'OCDE vers les pays non membres. Cet amendement n'est toutefois pas entré en vigueur en raison d'un nombre insuffisant de ratifications (seulement soixante-cinq parties sur 172), mais l'Union européenne, particulièrement active sur ce dossier, a transposé cette interdiction dans sa législation communautaire : le règlement (CE) du 14 juin 2006 va plus loin, en interdisant également toute exportation de déchets, dangereux ou non, depuis l'UE vers des pays hors de l'UE et de l'Association européenne de libre échange (AELE), dès lors que ces déchets sont destinés à être éliminés. Dans le cas de déchets destinés à être recyclés, l'exportation de déchets non dangereux est possible si le pays destinataire en autorise l'importation (procédure de notification et de consentement préalables). Les pays non OCDE ont été ainsi appelés à faire connaître leur position à la Commission européenne sur la possibilité d'exporter des déchets non dangereux sur leur territoire, et selon quelles procédures (règlement CE n° 1418-2007). Le Ghana n'ayant pas fait connaître sa position, il devra donc donner son accord préalablement à tout transfert de déchets non dangereux destinés à être recyclés. Il convient de souligner que tous les DEEE ne sont pas des déchets dangereux, cette qualification étant fonction de la présence ou non de composants considérés comme « dangereux » (CFC et autres gaz à effet de serre, plastiques contenant des retardateurs de flammes halogénés, accumulateurs, tubes cathodiques, écrans à cristaux liquides, commutateurs au mercure, condensateurs aux PCB, etc.). Dans la mesure où certains DEEE peuvent être qualifiés de déchets non dangereux quand ils ne contiennent pas de composants dangereux, leur exportation vers le Ghana pour recyclage est possible mais reste conditionnée à l'accord préalable des autorités locales. L'implication politique du gouvernement ghanéen sur ce dossier semble encore fragile (création du ministère de l'environnement il y a quelques mois seulement suite au changement de majorité) mais bien ancrée au niveau institutionnel avec l'agence de protection de l'environnement du Ghana (EPA), responsable du contrôle des importations de produits dangereux pour l'environnement et disposant d'un pouvoir de sanction à l'égard des contrevenants depuis 1994. Le gouvernement français est mobilisé sur ce dossier : au niveau bilatéral, le service de coopération et d'action culturelle (SCAC) de l'ambassade de France à Accra suit attentivement cette problématique des DEEE et des risques que ceux-ci peuvent faire courir à la population. Depuis mai 2009, en collaboration avec l'EPA, le SCAC a d'ailleurs entrepris une étude détaillée de cette filière et travaille avec la délégation de l'Union européenne à la préparation d'un film documentaire sur les DEEE à des fins de sensibilisation ; au niveau multilatéral, la France soutient les travaux de la convention de Bâle et notamment deux programmes portés par le secrétariat : l'initiative sur les téléphones portables et leur gestion écologiquement rationnelle, et le partenariat pour une action sur les équipements informatiques. Le gouvernement français soutient également activement le processus d'amélioration des « synergies » entre les conventions de Bâle, Stockholm (polluants organiques persistants - POP) et Rotterdam (procédure de consentement préalable en connaissance de cause - PIC). Une meilleure coopération entre les secrétariats dans leurs actions aux niveaux politique et opérationnel devrait permettre un traitement plus intégré de cette question. Enfin, la mise en place au niveau européen d'une législation spécifique (directive n° 200/96/CE du 27 janvier 2003, transposée en droit français par le décret n° 2005-829 du 20 juillet 2005) participe à l'amélioration de la maîtrise et du contrôle des circuits de traitement de ce type de déchets. La mise en place d'éco-organismes structurant la filière vise ainsi à responsabiliser les fabricants et les distributeurs d'équipements électriques et électroniques dans la gestion des déchets qui seront générés par leurs équipements en fin de vie. De fait, ces éco-organismes, qui doivent être agréés par les autorités françaises, s'engagent à recourir à des acteurs du traitement de déchets dans le respect des réglementations applicables.
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