M. Éric Raoult attire l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur le traitement pénal du phénomène de bandes violentes dans les pays développés et démocratiques. En effet, il pourrait s'avérer utile, face notamment aux polémiques développées par l'opposition, que grâce au fond documentaire des organismes internationaux spécialisés en matière de police et de justice, la législation comparée des vingt plus grandes démocraties mondiales puisse être connue. Cette information permettrait ainsi d'éclairer et d'enrichir le débat qui ne va pas manquer d'intervenir lors du débat parlementaire sur ce dossier qui est devenu préoccupant pour une large part de l'opinion. L'expérience est acquise en ce domaine par plusieurs pays, comme les États-unis ou la Grande-Bretagne ayant eu à affronter ce délicat dossier dans leur propre pays. Il lui demande donc de lui en communiquer les éléments de réponse, si possible assez rapidement.
Une étude comparée du phénomène de bande a été réalisée par le service des affaires européennes et internationales du secrétariat général du ministère de la justice en mai 2009. Elle porte sur sept pays développés et démocratiques (États-Unis, Canada, Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni, Pays-Bas). Centrée sur le phénomène de bandes violentes en tant qu'expression d'une criminalité urbaine ou suburbaine et « de proximité » qui exclut la criminalité organisée ou à dimension internationale (mafias, cartels...), cette étude met en lumière les différents traitements adoptés par les États pour lutter contre la délinquance de bande. 1. S'agissant du traitement judiciaire et policier des phénomènes de bande, l'étude relève que dans la majorité des pays étudiés, priorité est donnée à une approche policière locale et à la prévention. Les mesures judiciaires consistent à prévenir les infractions par la mise en oeuvre de mesures restrictives de liberté avant leur commission. Il s'agit de dispositifs qui tendent à obtenir un « engagement de ne pas troubler l'ordre public ». Elles existent au Canada et au Royaume-Uni. Elles sont également prévues dans un projet de loi actuellement soumis au Parlement néerlandais contre les atteintes graves aux biens et le vandalisme dans les stades. Au Canada, ce mécanisme permet à un policier de déposer une dénonciation préventive devant le juge dès qu'il existe des motifs de craindre qu'une des infractions énumérées par le code pénal ne soit commise. Le juge peut alors imposer un certain nombre d'obligations restrictives de liberté telles que le port d'un dispositif de surveillance à distance ou le respect d'un couvre-feu. Dans le même esprit, en Grande-Bretagne, la pratique des civil orders (ou ordonnances civiles) constitue une approche novatrice dans la lutte contre les gangs. Demandées par les autorités locales, les forces de police, la police des transports, les propriétaires de logements sociaux, ces ordonnances peuvent, par exemple, interdire à une personne de passer du temps avec un groupe d'amis particulier ou de se rendre dans certaines zones. Ces ordonnances, prononcées par l'autorité judiciaire, n'apparaissent pas sur le casier judiciaire de l'individu mais leur non-respect est constitutif d'une infraction pénale punissable d'une amende et/ou d'une peine d'emprisonnement. 2. L'approche administrative et policière met l'accent sur une intervention préventive et locale des services de police. Aux États-Unis, les autorités fédérales ont dégagé deux axes de travail : en premier lieu, des programmes de prévention en direction de la jeunesse afin d'assurer une réinsertion durable aux jeunes membres de gangs et d'éviter leur retour vers ces structures criminelles ; en second lieu, la nécessité d'un travail en étroite collaboration avec les autorités locales. Des programmes d'information ont été financés en direction des écoliers. Les intervenants sont des membres des forces de l'ordre. Au Royaume-Uni, les politiques publiques mises en oeuvre par le ministère de l'intérieur britannique allient actions de prévention et mesures répressives (Tackling Gangs Action Programme et Tackling Knives Action Programme). C'est la police locale qui est en charge de la lutte contre les gangs et il n'existe pas de brigades spécialisées consacrées à cette lutte, sauf dans certaines grandes agglomérations. Des visites sont régulièrement effectuées par des officiers de police et les autorités locales au sein des foyers de personnes identifiées comme appartenant à un gang. Aux Pays-Bas, l'approche policière du phénomène de bande est également avant tout locale. Il existe une « concertation tripartite » régulière entre maire, procureur et chef de la police. Les maires disposent de pouvoirs de police particulièrement étendus et peuvent prendre des mesures restrictives de liberté à l'égard des personnes. En Espagne, l'approche est essentiellement préventive et n'est pas la même selon les communautés autonomes. En Catalogne, une politique d'encadrement et de contrôle est privilégiée avec la pratique de la « légalisation des bandes » qui permet d'octroyer un statut légal à des groupes afin de favoriser l'intégration culturelle et sociale de leurs membres et l'abandon progressif des rites violents. En revanche, la région de Madrid conduit une politique plus répressive qui s'est traduite notamment par une augmentation des effectifs de la police régionale de 3 000 agents et par la création d'unités sensibilisées au phénomène. En Allemagne, les services de police disposent de prérogatives particulières dans l'exercice de leur mission de police préventive (Gefahrenabwehr). Ils peuvent prendre des mesures privatives de liberté lorsqu'à l'occasion d'évènements particuliers (manifestations notamment), il est à craindre des troubles graves à l'ordre public. La « mesure de retenue » est soumise au contrôle d'un juge judiciaire au plus tard au terme de la journée suivant l'interpellation. Certains délinquants sont également classés sur une liste spéciale. Il s'agit de mineurs et de jeunes adultes de moins de vingt et un ans ayant commis un grand nombre de faits violents dans un laps de temps rapproché ou au moins dix actes de violence dans l'année. Le classement comme Intensivtâter (délinquant intensif) fait l'objet d'une mention dans les fichiers automatisés de la police, mais les informations personnalisées sont collectées dans un dossier papier et ne font pas l'objet de traitement automatisé. Chaque policier procède à un important travail de collecte d'informations individualisées qui repose sur une forme d'îlotage dans les quartiers sensibles fait par de très jeunes policiers en civil (moins de vingt-cinq ans). 3. Sur le plan législatif, plusieurs pays ont prévu des infractions spécifiques à la délinquance de bande. Au Canada, la loi C-24 de septembre 2000 a scindé la « participation à un gang » en deux infractions distinctes : d'une part, la participation aux activités d'une organisation criminelle, devenue punissable d'une peine d'emprisonnement maximale de cinq ans (art. 467-11 du code), et, d'autre part, la commission d'un acte criminel au profit d'une organisation criminelle, devenue punissable d'une peine d'emprisonnement maximale de 14 ans (art. 467-12 du code criminel). Trois autres infractions sont prévues dans le projet de loi anti-gang en cours d'élaboration. Une nouvelle infraction réprime le fait de « décharger une arme à feu avec insouciance ». La peine prévue est un emprisonnement minimal de quatre ans et maximal de 14 ans. La menace d'utiliser une arme ou une imitation d'arme contre un agent de la paix est punie d'un emprisonnement maximal de 10 ans et les violences infligeant des lésions corporelles graves ou mettant la vie en danger sont punies de 14 ans d'emprisonnement. En Allemagne, le droit pénal n'incrimine la participation à une bande que dans la mesure où il s'agit d'une bande criminelle structurée, incrimination qui, la plupart du temps, ne correspond pas aux phénomènes de délinquance commis par des groupes de mineurs ou de jeunes adultes. Deux infractions spécifiques sont susceptibles de s'appliquer au phénomène de bande. l'infraction punissant les faits d'intrusion violente dans les établissements scolaires (art. 123 du code pénal). Ces dispositions permettent de réprimer le fait de s'introduire dans des lieux clos destinés au service public et le fait de ne pas se soumettre à l'injonction de quitter les lieux, donnée par son occupant en titre. Cette infraction est punie d'une peine d'emprisonnement d'un an ou d'une peine d'amende. l'infraction de dissimulation du visage par un manifestant. Cette infraction est issue de la loi fédérale sur les manifestations (Versammlungsgesetz) qui regroupe l'ensemble des dispositions s'appliquant à l'exercice du droit constitutionnellement garanti de manifester. Or cette loi contient également des dispositions répressives sanctionnant les agissements incompatibles avec l'exercice pacifique de ce droit dont l'interdiction de paraître ou de se rendre à une manifestation publique dans une tenue destinées à dissimuler son visage et à empêcher toute identification (délit puni d'un an d'emprisonnement et d'une peine d'amende). Aux Pays-Bas, un projet de modification du code pénal, déposé début mars 2009, est en cours de discussion et vise à introduire dans le code pénal néerlandais un nouveau délit de « préparation à commettre des actes de violence publique » comme par exemple le fait pour des groupes de supporteurs de fixer des « rendez-vous » via des SMS ou sur Internet, en vue de se livrer à de véritables combats de rue. >
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