M. Michel Sainte-Marie attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, sur la question essentielle de l'érosion des puits de carbone océanique. Le lien entre la concentration atmosphérique de dioxyde de carbone et le réchauffement climatique est de moins en moins contesté. Les puits de carbone - réservoir naturel de carbone qui absorbe le CO2 de l'atmosphère - contribuent à diminuer la quantité de CO2 atmosphérique et donc à endiguer le changement climatique. Océans et biosphère terrestre absorbent 50 % de l'ensemble du CO2 émis dans l'atmosphère. Cependant, l'équipe du laboratoire d'océanographie et du climat de l'institut Pierre-Simon Laplace, grâce aux mesures du service d'observation de l'Océan indien (OISO), montre que l'océan austral perd son potentiel d'absorption : 0,05 GtC/an contre 0,5 GtC/an estimé précédemment. Celui-ci capturait jusqu'à maintenant 15 % du CO2 anthropique émis annuellement. Les phytoplanctons se nourrissent du CO2 en surface puis sédimentent dans les eaux profondes en mourant, permettant ainsi aux eaux de surface d'avoir une concentration en dioxyde de carbone moindre. Or, selon des mesures observées de 1998 à 2008, la concentration des eaux de surface augmente moins vite que celle de l'atmosphère, réduisant ainsi le potentiel des océans à absorber les gaz anthropiques. Les chercheurs voient dans ce phénomène une rétroaction du cycle naturel du carbone au changement climatique : des variations sur les échanges de chaleur et sur la température induisent des vents plus forts, brassant violemment les eaux profondes, riches en CO2, avec les eaux de surface. On observe également que le puits océanique de l'Atlantique nord a diminué de moitié en une dizaine d'années, non pas à cause du réchauffement climatique, mais plutôt en raison des oscillations des conditions météorologiques. Certains chercheurs sont inquiets, car non seulement cette diminution des puits de carbone va dans le sens du réchauffement climatique, mais elle pourrait également fortement l'accélérer si les océans, saturés, commençaient à rejeter le gaz dans l'atmosphère. Il lui demande quelles mesures le Gouvernement entend proposer lors des prochains grands sommets auxquels la France participera.
Les spécialistes français estiment que le potentiel des océans à absorber du gaz carbonique pourrait diminuer, accentuant la concentration des gaz à effet de serre (GES) dans l'atmosphère, ce qui aggraverait encore les perspectives de changement climatique. De plus, certains travaux scientifiques expliquent comment certaines variations des conditions météorologiques peuvent, elles aussi, influer négativement sur la capacité des puits de carbone océaniques. Ce point est extrêmement important, et il est d'ailleurs représentatif des questions qui se posent aujourd'hui dans la connaissance du climat et de sa modification d'origine anthropique. En effet, certains effets de l'accroissement de la teneur de l'atmosphère en GES sont connus, mais seulement une partie de ces effets. La complexité des équilibres et des échanges entre les milieux est découverte de façon progressive. En plus de l'extrême difficulté à représenter ces systèmes il existe des seuils, des phénomènes de saturation qui ne peuvent recevoir des mesures ou des valeurs précises. Les modifications extrêmement rapides de ces équilibres, du fait de la variation rapide des concentrations de GES, créent des conditions comportant une grande part d'inconnu. Il convient ici de souligner que, de surcroît, les années récentes ont apporté de nouveaux résultats scientifiques au sujet des effets néfastes de l'acidification des océans, associée à l'accroissement de la fonction de l'océan comme puits de carbone. La recherche française et européenne est, là aussi, active comme le montre le projet européen European Project on Ocean Acidification (EPOCA), qui vise à mieux comprendre l'acidification des océans, à étudier ses conséquences sur la biologie marine, les prédire pour le siècle à venir et émettre des recommandations. Nous devons être attentifs aux messages de mise en garde qu'émettent les scientifiques sur ces points précis, qui s'ajoutent aux connaissances générales sur le changement climatique d'origine anthropique. Malgré les incertitudes qui affectent et affecteront toujours la connaissance du système terre-océan-atmosphère, les Gouvernements du monde ont compris dès 1992 que la science leur donnait suffisamment d'informations pour pouvoir décider d'agir contre l'effet de serre d'origine anthropique. Les connaissances scientifiques, s'accumulant depuis vingt ans convergent dans ce sens. Les connaissances nouvelles ne font que renforcer notre détermination à atteindre les objectifs de réduction des émissions de GES : nos objectifs nationaux, les objectifs européens, et les objectifs que nous souhaiterions voir fixés et atteints au niveau mondial. La France joue un rôle actif dans les négociations climatiques mondiales. C'est pendant la présidence française de l'Union européenne qu'a été adopté le « paquet énergie-climat » (- 20 % d'émission de GES, - 20 % de consommation énergétique, + 20 % d'énergies renouvelables en 2020). Un autre exemple récent et très concret est l'initiative française de l'organisation de la conférence internationale sur les bassins forestiers, qui s'est tenue à Paris en mars 2010. L'Europe, par les objectifs qu'elle s'est donnée de manière parfois unilatérale, est à la pointe de la lutte contre le changement climatique. La diplomatie française et européenne pour la négociation climatique s'efforce de créer de multiples échanges bilatéraux et multilatéraux, d'une part pour des engagements de réduction d'émissions des GES dans le prolongement des engagements de Kyoto, et d'autre part pour la construction d'accords plus larges englobant les éléments du plan d'actions de Bali et de l'accord de Copenhague. Un autre niveau de l'action politique est celui de la recherche scientifique. Dire que la science a produit suffisamment d'information pour que les Gouvernements puissent décider d'agir en faveur de la réduction des émissions de GES n'est pas contradictoire avec la nécessité de maintenir des efforts constants et pérennes pour une meilleure connaissance du système climatique, dans toutes ses composantes. C'est pourquoi le Gouvernement soutient la recherche sur l'océan et le climat. Le Gouvernement attache la plus grande importance aux messages des scientifiques. Tandis que les émissions mondiales de GES continuent à croître, les constats et la recherche scientifiques confirment le changement rapide du système climatique et les risques encourus. La politique climatique porte sur des enjeux très élevés et relatifs au très long terme, concernant notre pays et l'ensemble du monde. Au regard de ces enjeux, il n'y a pas d'autre objectif possible que celui d'un développement plus respectueux des équilibres naturels indispensables à la vie humaine. La France fait de sa politique climatique et de sa participation à la négociation climatique mondiale l'une de ses priorités stratégiques.
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