M. Alain Marc rappelle à M. le secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire que les concessions, afin de draguer le lit de certaines rivières, s'éteignent peu à peu. Or, pour certaines d'entre elles, il est constaté de nombreux atterrissements qui modifient les courants des cours d'eau, endommageant parfois les berges et pouvant causer des dégâts importants aux riverains ou aux voiries à proximité. Il lui demande donc si l'on peut envisager, de façon ponctuelle, une procédure administrative allégée qui permettrait de supprimer une partie des atterrissements, afin de retrouver le cours initial des rivières concernées.
Les eaux d'une rivière arrachent des matériaux solides de taille et de nature diverses aux berges, au fond du lit ou aux terres avoisinantes en période de crues. Elles les déposent et les entraînent plus à l'aval au gré des changements de débit et de vitesse. Ce mécanisme de transport sédimentaire façonne la morphologie des rivières et est indispensable à la formation et à la régénération des habitats et des lieux de reproduction qui garantissent la diversité biologique aquatique. Par ailleurs, ce mécanisme naturel d'érosion et de transport de matières solides contribue au ralentissement des vitesses de crues et constitue donc une fonctionnalité naturelle au service de la prévention des inondations, si elle est préservée et utilisée à bon escient dans le cadre d'un programme d'action. La technique d'entretien qui, après la Deuxième Guerre mondiale jusqu'aux années 1990, a constitué essentiellement en un dragage systématique du lit mineur afin d'en exploiter les sédiments extraits, a mis à mal l'équilibre sédimentaire des cours d'eau. Leur lit, pour certains, s'est enfoncé de plusieurs mètres provoquant des déstabilisations de berges et des effondrements de ponts. Le temps de réparation naturelle des dégâts produits en quelques années sur l'équilibre sédimentaire des cours d'eau est de l'ordre du siècle. En réponse à ces dangers, l'arrêté du 22 septembre 1994 relatif aux carrières a interdit les extractions à but commercial en lit mineur. Il a été complété en 2001, par une disposition les interdisant également dans l'espace de mobilité des cours d'eau. L'importance, au titre tant de la sécurité que de l'écologie, de ce mécanisme de transport de sédiments a été réaffirmée par la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, qui a fait de son bon déroulement naturel un des éléments majeurs d'évaluation du bon état des cours d'eau à atteindre en 2015. Des actions systématiques d'enlèvement des atterrissements sans réflexion à l'échelle du cours d'eau sur leur cause et sans analyse de leurs effets réels sur les crues seraient incompatibles avec la préservation de ce mécanisme indispensable de transport sédimentaire. Elles ne répondraient, en outre, que temporairement aux problèmes posés. Aussi, la loi n° 2006-1772 sur l'eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006 (LEMA) a-t-elle contribué à simplifier le cadre légal applicable aux opérations de curage lié à l'entretien de cours d'eau, en supprimant notamment la double application de la police de l'eau et de la police des installations classées pour la protection de l'environnement : la gestion des sédiments éventuellement retirés au cours d'eau dans le cadre d'une opération d'entretien ou de restauration ne relève plus désormais que de la seule police de l'eau. Par ailleurs, la LEMA a proposé un cadre permettant aux collectivités territoriales de prendre en charge cet entretien à une échelle hydrographique cohérente, sur la base d'un plan de gestion établi au préalable, pouvant s'étaler sur dix ans. Ce plan prévoit une opération de curage durant une première phase de restauration. Par la suite, des adaptations peuvent y être apportées sans procédure lourde pour prendre en compte des interventions ponctuelles non prévisibles et rendues nécessaires, consécutivement à une crue par exemple. L'autorisation éventuelle au titre de la police de l'eau concerne l'ensemble du plan de gestion, pour toute sa durée. La mise en place de ces plans de gestion par les collectivités leur assure donc pendant une dizaine d'années une grande souplesse d'intervention qui représente une nette amélioration par rapport à la situation précédant la loi de 2006. L'étude préalable à l'élaboration de ce plan de gestion, proportionnelle aux enjeux du cours d'eau, doit permettre de bien comprendre les mécanismes d'érosion et d'atterrissements et d'analyser leurs conséquences réelles. Un traitement régulier des atterrissements visant à conserver leur caractère mobile lors des crues, par scarification par exemple, constitue une méthode d'intervention préservant le transport sédimentaire, souvent moins coûteuse qu'un enlèvement systématique une fois que la végétation les a fixés et que l'érosion est amorcée. Afin de maintenir ou de restaurer l'équilibre sédimentaire global du cours d'eau, l'étude, à l'échelle appropriée, de la nécessité et des conséquences des protections ponctuelles contre l'érosion de berges, là où se trouvent de forts enjeux, permet d'envisager en parallèle des opérations de préservation ou de restauration de la mobilité du cours d'eau dans les zones où celle-ci est possible et pertinente. Il ne semble donc pas opportun de revenir sur cette législation qui vise à renforcer la gestion régulière des cours d'eau à une échelle pertinente et après une analyse globale de leur fonctionnement hydraulique et sédimentaire, seule méthode de gestion à même d'assurer la mise en place des réponses adéquates aux problèmes posés par les phénomènes d'érosion et d'atterrissements liés au mécanisme naturel du transport sédimentaire. L'engagement pérenne des collectivités territoriales dans une gestion globale des cours d'eau est indispensable à l'atteinte des objectifs de bon état en 2015 fixés par la directive cadre sur l'eau. La mise en place, proposée dans le cadre du Grenelle de l'environnement, d'une trame bleue associant étroitement les collectivités territoriales à la préservation des continuités écologiques sur les cours d'eau, d'aval en amont mais aussi latérales, est un élément majeur pour la mise en oeuvre de cette politique.
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