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Éric Raoult
Question N° 26931 au Ministère de l'Intérieur


Question soumise le 8 juillet 2008

M. Éric Raoult attire l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur la réglementation des pratiques religieuses dans les parcs publics. En effet, dans les actions de prosélytisme de certains mouvements intégristes, il apparaît que des petits groupes musulmans n'hésitent pas à tester les autorités locales en occupant des espaces publics, comme des parcs ou des squares publics, pour accomplir des prières, sur des tapis ou de larges draps. Cette pratique religieuse quelque peu provocatrice lui semble n'avoir pour but que de créer des incidents avec les autorités municipales pour poser le problème médiatique des lieux de culte. Ces parcs publics se doivent d'être des lieux neutres et laïcs d'autant plus que ces parcs sont souvent utilisés par de nombreuses villes pour effectuer des photos de mariage ou pratiquer des jeux sportifs. En respectant le caractère d'ouverture au public de ces lieux et de liberté d'accès de ces parcs, il serait nécessaire de permettre aux maires de ces lieux concernés de mieux réglementer la laïcité dans nos villages et nos villes. Il conviendrait donc que les préfets ne bloquent pas ces éventuels arrêtés. Il lui demande donc de préciser sa position en ce domaine.

Réponse émise le 16 septembre 2008

Le code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) définit précisément la notion de biens du domaine public. Un bien appartenant à une commune constitue soit une dépendance du domaine public communal s'il remplit la condition d'être affecté, soit à l'usage direct du public, soit à un service public. Il doit toutefois dans ce cas faire l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public (art. L. 2111-1 du CGPPP). Au regard de ces éléments, parcs, squares ou jardins publics entrent dans le champ du domaine public. Or, le domaine public bénéficie d'une législation protectrice. Ainsi, le premier alinéa de l'article L. 2121-1 du CGPPP précise que « les biens du domaine public sont utilisés conformément à leur affectation à l'utilité publique ». Le second alinéa du même article ajoute qu'« aucun droit d'aucune nature ne peut être consenti s'il fait obstacle au respect de cette affectation ». Seule peut donc être autorisée une occupation ou utilisation du domaine public compatible avec son affectation. L'occupation ou l'utilisation irrégulière du domaine public, ou un usage ne respectant pas l'affectation normale du domaine public pourraient donc constituer le fondement de mesures visant à faire cesser une entrave à la circulation ou à l'utilisation normale du domaine, si celle-ci était avérée. En tant que dépendance du domaine public, l'utilisation des parcs, squares et jardins est réglementée par le maire de la commune en vertu des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. Le Conseil d'État a rappelé à ce titre, dans une décision du 15 juin 1998 (Commune de Claix), que ces articles s'appliquent aux espaces relevant du domaine public mais aussi à ceux livrés au public. S'agissant de pratiques religieuses sur le domaine public, tels qu'en l'espèce dans les parcs publics, l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Églises et de l'État prévoit que la République assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes « sous les seules restrictions édictées par la loi dans l'intérêt de l'ordre public ». En outre, aux termes de l'article 27 de cette même loi, les cérémonies, processions et autres manifestations extérieures d'un culte sont réglées conformément aux dispositions relatives aux pouvoirs de police du maire. Ainsi, toute restriction apportée à la liberté religieuse doit-elle résulter des nécessités du maintien de l'ordre public et s'équilibrer entre le respect de ce principe et la libre expression d'une conviction religieuse. À cet égard, le Conseil d'État entend concilier la liberté de culte et la neutralité dans les lieux publics (Conseil d'État, 19 février 1909, Abbé Olivier). Les cérémonies traditionnelles sur la voie publique ne sont en principe pas soumises à déclaration préalable (Conseil d'État, 3 décembre 1954, Rastouil) sauf en cas de menace précise et sérieuse affectant l'ordre public (Conseil d'État, 2 mars 1934, Prothée). Néanmoins, il convient d'observer que de telles manifestations présentent la particularité de se dérouler chaque année à la même date ou de répondre à un usage local. En revanche, les cérémonies non traditionnelles peuvent être soumises à un régime moins libéral. Le décret-loi du 23 octobre 1935 portant réglementation des mesures relatives au renforcement du maintien de l'ordre public a ainsi soumis les processions et les manifestations non traditionnelles à l'obligation d'une déclaration préalable (Conseil d'État, le 1er décembre 1948, Jeunesse indépendante chrétienne féminine). En effet, il convient de rappeler qu'en dehors des lieux de culte, les cortèges, processions et autres manifestations susceptibles de se dérouler sur la voie publique, sont autorisés par le maire, sous réserve de déclaration préalable, en application de la loi du 30 juin 1881 sur les réunions publiques et du décret-loi du 23 octobre 1935 précité. En dehors de ces situations, si aucune disposition textuelle ni aucun principe n'interdit expressément la pratique individuelle d'un culte sur une dépendance du domaine public, il n'en reste pas moins que la manifestation de cette pratique ne doit pas être de nature à troubler l'ordre public.

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