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Éric Raoult
Question N° 22896 au Ministère des Affaires étrangères


Question soumise le 13 mai 2008

M. Éric Raoult attire l'attention de Mme la secrétaire d'État chargée de la solidarité sur la perspective des départs vers les pays méditerranéens des futurs retraités français. En effet, il semblerait que des experts sociologues aient été amenés à prévoir que le bassin méditerranéen allait devenir, à l'image de la Floride pour les États-unis, un lieu de destination pour de nombreux retraités européens, notamment français, qui quitteraient notre pays pour passer leur retraite dans des pays chauds où le niveau de vie assuré par leur retraite peut être maintenu. Cette vague de départ de nos retraités peut déjà être observée au Maroc ou en Tunisie, et au sud de l'Espagne. Il semblerait ainsi que ces études de « nouvelles migrations aux cheveux gris » aient conduit des fonds souverains des pays du Golfe à investir puissamment dans plusieurs régions du Maroc et de la Tunisie. Ces informations, si elles étaient confirmées, réclameraient un accompagnement des pouvoirs publics français avec ces nouveaux pays d'accueil. Il lui demande donc de lui indiquer si ses services ont d'ores et déjà travaillé sur ce sujet.

Réponse émise le 30 décembre 2008

Le vieillissement de la population des Français à l'étranger pourrait en effet prendre, dans les années qui viennent, une dimension nouvelle, en raison de l'accroissement du nombre de nos compatriotes qui choisissent de prendre leur retraite à l'étranger, pour des raisons climatiques ou liées au niveau de vie de pays présentant une meilleure qualité de vie. L'Espagne fait figure de destination favorite pour plusieurs raisons : outre son caractère frontalier, le réseau hospitalier et médical est dense et efficace, la proximité d'un aéroport est un atout supplémentaire (l'année est souvent partagée de la façon suivante : onze mois dans le pays d'accueil et un mois dans le pays d'origine afin de ne pas couper tout lien avec les proches). De surcroît la monnaie unique a joué un rôle d'accélérateur des flux migratoires en facilitant les transactions immobilières. La Costa del Sol (où 60 % des acheteurs sont étrangers), la Costa Blanca, la Costa Valenciana sont ainsi les régions les plus prisées par les retraités européens. Il est cependant assez difficile de se procurer des données précises sur la part française dans cette « immigration aux cheveux gris » : d'abord parce que le phénomène est relativement récent, ensuite parce que les Français ne représentent qu'une petite fraction de ces nouveaux résidents eu égard au nombre d'Allemands et de Britanniques. Ainsi, selon une enquête datant de 2006, seuls 12,6 % des touristes retraités étaient des nationaux français. S'agissant des fonds souverains du Golfe il faut relever que l'un des grand groupes immobiliers hispaniques, Colonial, vient d'être racheté par Investment Corporation of Dubaï (ICD) en mars dernier. Il est également à noter qu'en 2006, l'entreprise immobilière texane Hines a investi en commun avec le fond de pension californien Calpers 720 millions d'euros en Andalousie et Catalogne pour bâtir des résidences principales destinées aux personnes du troisième âge. Le Maroc est d'ores et déjà un lieu d'installation privilégié pour nos compatriotes en quête d'une retraite ensoleillée. Des campagnes publicitaires sont régulièrement menées en France pour persuader les seniors de s'y installer. Cela est dû en partie à la situation de l'immobilier local : des milliers d'appartements sont libres et restent vides. Il est également vrai que des capitaux du Golfe s'investissent au Maroc pour la construction de complexes de vacances il s'agit de vastes domaines en bord de mer avec résidences, hôtels, restaurants, golf, piscine, centre équestre, mais ces réalisations visent une autre clientèle que nos retraités. On ne peut cependant pas encore parler de mouvement de masse et le phénomène des retraités nouveaux-résidents n'est mesurable sur une grande échelle qu'à Casablanca. Le phénomène touche de manière beaucoup plus modeste le Maroc de l'Intérieur (Fès où la première maison de retraite médicalisée spécialement créée pour des Français va ouvrir à la fin de cette année). Le temps de séjour de nos compatriotes est variable. Certains repartent en France après un ou deux ans à la suite d'ennuis de santé ou de problèmes avec les infrastructures médicales locales. La comparaison avec la Floride ne se justifie pas aujourd'hui. Le Maroc offre cependant un exemple intéressant : si les retraités qui décident de s'installer à l'étranger sont en pleine possession de leurs moyens lors de leur expatriation, il faut anticiper le moment où ils entreront dans un cycle de dépendance. Or le Maroc est un pays où la solidarité intergénérationnelle très forte n'a pas rendu nécessaire la création de structures locales de soutien aux personnes âgées en difficulté, structures dont nos compatriotes pourront avoir besoin dans l'avenir. Le ministère des affaires étrangères et européennes mène une réflexion sur ce qu'il est possible de faire pour la protection de nos ressortissants en situation de dépendance tout en gardant à l'esprit que toute action devra être menée en plein accord avec les autorités compétentes du pays d'accueil. Les réalités de chaque pays, notamment juridiques, imposent une approche au cas par cas, rendant le sujet complexe et la recherche de solutions adaptées au contexte. La réflexion en cours a permis de dessiner un cadre général et d'esquisser les voies à suivre : recours à la justice et de préférence à un juge local ; désignation d'une personne physique ou morale en charge d'assurer la tutelle (famille, administration ou association). L'étude des différentes hypothèses, qui posent toutes un grand nombre de problèmes organisationnels, fonctionnels et financiers, sans écarter toutefois toute solution franco-française, incite à rechercher des solutions internationales bilatérales par le biais du juge étranger territorialement compétent. Dans le cas du Maroc, par exemple, le juge marocain est compétent pour prendre des mesures de tutelle au bénéfice de Français ; il appliquera, conformément à sa réglementation locale relative au conflit de loi, la loi personnelle de la personne à protéger, en l'occurrence la loi française. Cependant, cette compétence des tribunaux étrangers ne doit pas occulter l'existence de difficultés réelles relatives à la désignation de la personne, à la procédure adéquate envisagée et surtout à la prise en charge financière, tant du gérant de la tutelle que du versement des prestations. En tout état de cause, il apparaît souhaitable que la mise en oeuvre de tels dispositifs envisagés fasse l'objet d'accords bilatéraux, selon une forme qui reste à déterminer, afin que les autorités marocaines connaissent les moyens que la France se propose de mettre en oeuvre pour la protection de ses ressortissants vulnérables, mais aussi les limites strictes à la cogestion des situations qu'elle entend faire valoir, la responsabilité finale de ces procédures restant l'affaire des autorités locales et relevant de l'appréciation souveraine de leurs juridictions.

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