M. Éric Raoult attire l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur la nécessité de mener une réflexion générale sur la concomitance des élections locales. En effet, au regard de la désaffection observée pour la participation électorale des scrutins municipaux et cantonaux, il conviendrait de réexaminer complètement la motivation qui avait présidé au regroupement de ces élections. L'utilité de ces regroupements d'élections ne semble plus aussi apparente ou probante, devant l'abstentionnisme massif des récentes municipales et cantonales des 9 et 16 mars 2008. Une réflexion d'ensemble mériterait donc d'être lancée sur ce problème de la concomitance. Il pourrait s'avérer également utile de faire étudier le planning électoral allemand qui éparpille les scrutins locaux sur toute l'année en en relocalisant l'enjeu. Il lui demande donc de lui indiquer sa position sur ce dossier.
La concomitance des élections locales a été instaurée par la loi n° 90-1103 du 11 décembre 1990 qui prévoyait d'élire le même jour les conseillers régionaux et les conseillers généraux et de renouveler intégralement les assemblées départementales à compter de 1998. La loi visait ainsi à alléger le calendrier électoral pour favoriser la participation électorale qui avait atteint un niveau historiquement bas avec 49,1 % des inscrits lors des élections cantonales de 1988 organisées après l'élection présidentielle et les élections législatives de la même année. Le souhait de rétablir la tradition républicaine du renouvellement triennal par moitié des conseils généraux a abouti à l'adoption de la loi n° 94-44 du 18 janvier 1994 tout en conservant la concomitance des élections cantonales avec les élections régionales (scrutins de 1998 et 2004) ou les élections municipales (scrutins de 2001 et 2008). La loi n° 2005-1563 du 15 décembre 2005, qui a modifié le calendrier électoral de l'année 2007, a maintenu la concomitance des élections municipales avec le renouvellement d'une série de conseillers généraux. En revanche, l'autre série désignée en 2004 sera renouvelée en 2011 sans être regroupée avec les élections régionales prévues en 2010. La concomitance n'a pas fondamentalement modifié l'évolution de la participation aux élections locales. La tendance à la hausse des abstentions aux élections municipales s'est poursuivie. En revanche, ce mouvement est plus complexe à cerner aux élections cantonales. Elles bénéficient au premier tour de la mobilisation pour les deux scrutins mais la participation chute souvent fortement au second tour puisque de nombreux conseils municipaux et, en 1992 et 1998, tous les conseils régionaux, sont pourvus au premier tour. S'agissant des élections régionales, la participation considérée comme relativement élevée en 1992 et 2004 s'explique plus par la conjoncture politique que par la mise en oeuvre de la concomitance. Les scrutins locaux, quelle que soit la périodicité retenue, ont lieu à une date valant pour l'ensemble du territoire français depuis l'instauration du suffrage universel masculin direct en 1848. La solution qui consisterait à fractionner géographiquement les élections locales, inspirée de ce qui est en vigueur dans les États pratiquant le fédéralisme comme l'Allemagne ou ayant une décentralisation très poussée comme l'Italie et l'Espagne, romprait avec la pratique qui découle de la structure unitaire de la France et qui est incompatible avec tout mode de scrutin pouvant porter atteinte à son indivisibilité. Enfin, le fait de renouveler à des dates différentes leurs assemblées territoriales n'empêche pas que, dans les pays précités, les considérations locales soient en forte concurrence avec une lecture plus politique du scrutin, pour autant que l'on puisse en juger à partir des campagnes électorales et des analyses des résultats. On ne peut non plus considérer que le renouvellement partiel des conseils généraux et du Sénat constitue une analogie pouvant justifier un fractionnement géographique des élections locales. En effet, le renouvellement par moitié des cantons s'applique dans tous les départements et à la même date. S'agissant de la seconde chambre où la répartition des séries est départementale, il convient de rappeler que l'élection se déroule au suffrage universel indirect et que le vote est obligatoire. En tout état de cause, si la question de l'impact de la concomitance sur la participation peut être posée, la multiplication des scrutins locaux inspirée par ce qui est en vigueur dans d'autres États ne constitue pas une solution véritablement satisfaisante pour favoriser la participation. Pourcentage des abstentions au premier tour des élections locales en France métropolitaine (IVe et Ve Républiques)
1er TOUR ou tour unique | ÉLECTIONS municipales | ÉLECTIONS cantonales | ÉLECTIONS régionales |
---|---|---|---|
19 octobre 1947 | 23,2 | ||
29 mars 1949 | 31,4 | ||
7 octobre 1951 | 40,1 | ||
26 avril 1953 | 20,4 | ||
17 avril 1955 | 39,9 | ||
20 avril 1958 | 32,6 | ||
8 mars 1959 | 25,3 | ||
4 juin 1961 | 43,5 | ||
8 mars 1964 | 43,4 | ||
14 mars 1965 | 21,8 | ||
24 septembre 1967 | 42,6 | ||
8 mars 1970 | 38,2 | ||
14 mars 1971 | 24,8 | ||
24 septembre 1973 | 46,6 | ||
7 mars 1976 | 34,6 | ||
13 mars 1977 | 21,2 | ||
18 mars 1979 | 34,5 | ||
14 mars 1982 | 31,6 | ||
6 mars 1983 | 21,6 | ||
10 mars 1985 | 33,3 | ||
16 mars 1986 | 21,8 | ||
25 septembre 1988 | 50,9 | ||
12 mars 1989 | 27,2 | ||
22 mars 1992 | 29,8 | 31,3 | |
20 mars 1994 | 39,6 | ||
11 juin 1995 | 30,6 | ||
15 mars 1998 | 39,6 | 42,2 | |
11 mars 2001 | 32,6 | 34,5 | |
21 mars 2004 | 35,9 | 37,7 | |
9 mars 2008 | 33,4 | 35 | |
En gras : élections concomitantes, les régionales de 1986 étant jumelées avec les élections législatives. |
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