M. Éric Raoult attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur le caractère choquant de certaines biographies de personnes disparues. En effet, une mode très peu digne dans ce genre littéraire s'est peu à peu mise en place depuis quelques années, par l'édition de livres posthumes sur des personnalités à forte notoriété. Ainsi, après la disparition du jeune Grégory Marchal, plusieurs livres sont sortis ou sont en préparation, sans que les familles aient été associées ni même seulement consultées sur l'exposé de la vie de leur parent disparu. Cette situation peut donner lieu à des polémiques, voire à des contentieux regrettables, qui ternissent souvent la mémoire de ces personnalités. Il conviendrait donc d'étudier une éventuelle autorisation préalable pour la publication de telles biographies posthumes. Il lui demande donc de lui préciser sa position sur cette suggestion.
La question de l'autorisation préalable des biographies met en jeu deux principes à valeur constitutionnelle, par ailleurs reconnus par la Convention européenne des droits de l'homme, que sont, d'une part, la liberté d'expression et, d'autre part, la protection de la vie privée. Afin de ne pas déroger à la liberté de publication, la loi n'impose pas à l'auteur ou à l'éditeur de requérir l'autorisation préalable de la personne concernée par la biographie avant d'en envisager la diffusion au public, mais fixe néanmoins le cadre général dans lequel peut s'exercer le droit à l'information. Ainsi, la responsabilité de l'auteur ou de l'éditeur peut être engagée devant les tribunaux, en application d'un dispositif juridique issu pour partie de l'article 9 du code civil qui affirme le droit au respect de la vie privée. S'agissant du cas spécifique des biographies posthumes, il est de jurisprudence constante que le droit d'agir pour défendre le respect de la vie privée s'éteint au décès de la personne concernée, seule titulaire de ce droit. Mais cela n'exclut pas la possibilité, pour les ayants cause, d'agir en justice s'il est porté atteinte au respect du défunt ou à leur propre vie privée. Il s'avère dans les faits que les éditeurs intègrent dans la définition de leur politique éditoriale les risques contentieux encourus et s'assurent, dans leur grande majorité, du consentement préalable de la personne concernée ou de ses proches en cas de décès, avant d'envisager la publication de documents de nature biographique. Le principe de la liberté d'expression demeure une valeur essentielle à laquelle il ne doit être dérogé que dans des circonstances exceptionnelles. L'intervention du juge permet aujourd'hui d'assurer, au cas par cas, la protection des droits de la vie privée dans le cadre fixé par la loi.
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