M. Michel Sainte-Marie attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration sur les effets négatifs d'une politique de criminalisation et de punition des personnes consommant des drogues. La Commission mondiale sur la politique des drogues (Global commission on drug policy), présidée par l'ancien président brésilien Fernando Henrique Cardoso, constate dans un rapport publiée en juin 2011 que "la lutte mondiale contre les drogues a échoué". En effet, entre 1998 et 2008, la consommation mondiale d'opiacés tel que l'héroïne a augmenté de 34,5 %, celle de cocaïne de 27 % et celle du cannabis de 8,5 %. La France n'échappe pas à cette tendance. Quant à elle, elle a connu une hausse des consommations d'héroïne de 6,6 points de pourcentage entre 2000 et 2008. Dans la même période, la consommation de cocaïne a augmenté de 4,6 points de pourcentage. Le cannabis est, selon la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), "le produit illicite le plus largement consommé en France, surtout par les jeunes". Le plan gouvernemental 2008-2011 de la MILDT, adopté le 8 juillet 2008, prévoyait d'ailleurs de "faire reculer les consommations de drogues illicites". La commission, qui compte parmi ses membres l'ancien secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, des anciens présidents de l'Amérique latine, l'ancien haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, Javier Solana, ainsi que deux écrivains et un entrepreneur, préconise de "cesser la criminalisation, marginalisation et stigmatisation des personnes consommant des drogues sans causant de dommage aux autres". Dans cette mesure, les personnes dépendantes doivent être considérées comme des "patients et non comme des criminels". Selon ce rapport, la dépénalisation de la consommation de drogue, notamment du cannabis, "ne conduit point à une augmentation significative de consommation de drogue". Il convient donc d'engager une politique axée sur la santé des concitoyens et la réduction du pouvoir de la criminalité organisée. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui préciser les intentions du Gouvernement en la matière, tout particulièrement dans le cadre de la MILDT.
La drogue constitue un problème économique, sanitaire et sécuritaire grave. Le cannabis en particulier est une drogue dont la consommation pose de très sérieux problèmes sanitaires, avec des conséquences sur la santé physique, sur la santé mentale et, pour les plus jeunes et les moins favorisés, en termes d'échec scolaire notamment. La lutte contre la drogue représente ainsi un enjeu majeur de cohésion sociale. Si le combat contre la drogue est difficile, il est nécessaire et porte ses fruits. Il doit être poursuivi avec détermination car il exprime un choix social et politique fondamental, qui ne saurait être caricaturé comme visant la seule « criminalisation » des consommateurs. Le Gouvernement n'a en particulier aucunement l'intention de dépénaliser l'usage du cannabis ni de quelque autre drogue. Il semble utile de rappeler que la politique française de lutte contre la toxicomanie s'inscrit dans le cadre de l'Union européenne, notamment du Plan d'action drogues 2009-2012 de l'UE, et dans un cadre fixxé par le législateur national, à savoir la loi du 31 décembre 1970. La France, comme la quasi-totalité des pays développés, met en oeuvre, sous l'égide de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), une action globale associant prévention, soins, réduction des risques et application ferme de la loi. Si l'aspect sanitaire de cette politique ne relève pas de sa compétence, le ministre de l'intérieur souligne cependant que la politique française pénalise la consommation de produits stupéfiants tout en privilégiant une approche sanitaire, sociale et psychologique pour l'usager de drogues. Aux côtés des sanctions traditionnelles, la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a par ailleurs mis l'accent sur les réponses pénales sanitaires ou pédagogiques (stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de stupéfiants, dispositif du médecin relais intervenant dans le cadre de l'injonction thérapeutique). Contrairement aux allégations fréquemment répétées, il est utile aussi de noter que le combat contre la drogue est efficace. Sur le plan de la répression, la mobilisation, en concertation avec les parquets, des préfets et des forces de sécurité, ainsi que celle des douanes et du fisc, produit des résultats, avec la multiplication des saisies de drogue ou d'avoirs financiers, permettant en particulier de lutter contre l'économie souterraine. En 2011, 54 tonnes de cannabis et 10,9 tonnes de cocaïne ont par exemple été saisies. L'évolution constante des filières de trafic et l'adaptation des modes opératoires des trafiquants témoignent de l'impact positif de la lutte contre le trafic en France. Quant aux niveaux de consommation de drogue, ils ont pu connaître une évolution à la hausse au cours des dernières années mais demeurent très inférieurs aux niveaux constatés chez plusieurs de nos partenaires européens, notamment ceux de cocaïne. La consommation de cannabis connaît elle une tendance à la baisse. L'efficacité de l'interdiction s'illustre aussi dans le niveau relativement faible de consommation des drogues illicites au regard d'autres substances psychoactives. La réduction du pouvoir de la criminalité organisée passe par une lutte sans merci contre les trafics de stupéfiants. La répression vise aussi bien les « deals de proximité » que les grands trafics. Les opérations « coup de poing » se multiplient dans les zones les plus touchées par le phénomène. Un plan global antidrogue a été adopté en décembre 2009 et un comité de pilotage se réunit régulièrement au plus haut niveau pour en assurer le suivi. Le plan anti-drogue de Paris a été étendu à la « petite couronne » et des plans d'action de lutte contre le trafic de stupéfiants ont été mis en place dans tous les départements, permettant une action ciblée au plus près des réalités du terrain. L'office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS) de la direction centrale de la police judiciaire est au coeur de ce combat. La coordination de l'action opérationnelle des différents services de l'Etat, aux plans international et national, essentielle pour veiller à l'unité d'action et à la mobilisation de tous les services concernés, a été renforcée avec la désignation d'un délégué à la lutte contre le trafic de drogue auprès du ministre de l'intérieur, dorénavant officiellement chargé de coordonner les actions de lutte contre les trafics de stupéfiants. Cette mobilisation s'accompagne d'une intense action partenariale, notamment avec l'éducation nationale, pour protéger le milieu scolaire des « dealers », et avec le ministère du budget pour combattre la rentabilité des trafics et faciliter la saisie et la confiscation du patrimoine des trafiquants. Permettant une approche patrimoniale des enquêtes et une lutte efficace contre « l'argent facile », l'action des groupes d'intervention régionaux (GIR), au sein desquels travaillent des fonctionnaires des services fiscaux, a été recentrée sur cette délinquance. Des mesures ont été prises pour que les avoirs criminels saisis soient toujours davantage réutilisés pour financer les moyens des forces de l'ordre dans la lutte contre la drogue. La loi du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure a permis d'importantes avancées en la matière. Ce combat est aussi mené au niveau international. Sur proposition française, un pacte européen pour la lutte contre le trafic international de drogue a été adopté par le Conseil « justice et affaires intérieures » au mois de juin 2010. Ce pacte vise à entraver les routes de la cocaïne en Afrique de l'Ouest et les routes de l'héroïne dans les Balkans et comporte des mesures spécifiques sur l'identification et la saisie des avoirs criminels. Par ailleurs, à l'initiative du ministre de l'intérieur, une conférence ministérielle sur la lutte contre le trafic de drogue s'est tenue à Paris le 10 mai 2011 entre les ministres de l'intérieur du G8 et de nombreux ministres de pays africains et latino-américains concernés par le trafic transatlantique de cocaïne. S'agissant de la MILDT, il n'appartient pas au ministre de l'intérieur de déterminer l'action d'une instance par définition interministérielle et partenariale, placée sous l'autorité du Premier ministre. Le ministre de l'intérieur souligne toutefois le rôle essentiel joué par la MILDT et s'investit pleinement dans l'élaboration du « Plan gouvernemental de lutte contre les drogues et toxicomanies 2012-2015 ».
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